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Actualité de la vaccination anti-Covid-19 et rhumatismes inflammatoires

17 octobre 2022

Par Anne-Claire Nonnotte

Actualité de la vaccination anti-Covid-19 et rhumatismes inflammatoires

Actualité de la vaccination anti-Covid-19 et rhumatismes inflammatoires

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage L'actualité rhumatologique 2022-2023S’ouvre dans une nouvelle fenêtre

L'actualité rhumatologique 2022-2023

L'actualité rhumatologique 2022-2023

Actualité de la vaccination anti-Covid-19 et rhumatismes inflammatoires

Pierre-Antoine Juge, Philippe Dieudé

Résumé

Le développement rapide de la vaccination anti-SARSCoV-2 a permis de protéger les individus à risque, conférant non seulement une immunité individuelle mais également collective et permettant une diminution des cas incidents. Cette revue fait état des connaissances actuelles sur l'efficacité et la tolérance de la vaccination anti-SARS-CoV-2 chez les patients atteints de rhumatisme inflammatoire chronique (RIC). Brièvement, quatre principales problématiques concernent les patients atteints de RIC au cours en période de pandémie Covid-19 : la qualité de la réponse vaccinale, l'influence de la vaccination sur l'activité voire l'initiation d'un rhumatisme et enfin la sévérité potentielle de la Covid-19. Après deux doses de vaccin anti-SARS-CoV-2, une réponse vaccinale humorale mesurée par la présence d'IgG spécifiques est observée chez la grande majorité des patients atteints de RIC. Toutefois, le pourcentage de réponse vaccinale est moins important que celui observé en population générale (62–100  % contre 96–100  %). Cette moins bonne réponse qualitative s'accompagne d'un taux plus faible d'IgG. Les facteurs associés à une moins bonne séroconversion postvaccinale sont l'âge élevé, un traitement par rituximab (RTX), mycophénolate mofétil (MMF), inhibiteurs de JAK (notamment avec l'upadacitinib), corticoïdes quelle que soit la dose ou encore par méthotrexate. Chez les patients traités par RTX ou MMF, le schéma vaccinal recommandé est de trois doses de vaccin à un mois d'intervalle avant une dose de rappel après au moins trois mois. En cas de réponse vaccinale insuffisante (taux d'anticorps <  264  BAU/mL), l'administration préventive d'anticorps monoclonaux dirigés contre la Covid-19 doit être envisagée. La prédominance actuelle du variant Omicron fait choisir l'association tixagévimab-cilgavimab « en prophylaxie préexposition de la Covid-19 chez les patients adultes de 18 ans et plus » (deux injections intramusculaires le même jour de tixagévimab 300 mg/cilgavimab 300 mg en structure hospitalière, consultation ou hôpital de jour, avec surveillance de 30 minutes).

Concernant la tolérance de la vaccination, des poussées du RIC sous-jacent ont été rapportées chez 0,6 à 15,0 % des patients, le plus souvent atteints de lupus. La plupart de ces poussées sont modérées, se résolvent rapidement et ne modifient pas la prise en charge thérapeutique du RIC. Une augmentation de l'incidence de la pseudopolyarthrite rhizomélique et de l'artérite à cellules géantes après la vaccination anti-SARS-CoV-2 a aussi été signalée. Enfin, on notera que, dans un contexte de RIC, certaines comorbidités (cardiovasculaires ou pulmonaires) et/ou l'utilisation de certains traitements immunosuppresseurs (RTX, MMF, corticoïdes notamment pour une dose ≥ 10 mg/j d'équivalent prednisone et possiblement certains inhibiteurs de JAK) sont associés à une augmentation du risque de forme sévère de la Covid-19. La vaccination anti-SARS-CoV-2 est donc efficace et relativement bien tolérée chez les patients atteints de RIC. La mauvaise réponse vaccinale humorale et l'augmentation du risque de forme sévère de la Covid-19 chez les patients traités par certains immunosuppresseurs doivent faire modifier nos stratégies thérapeutiques en période de pandémie.

Introduction

La vaccination consiste à protéger un individu contre une maladie infectieuse par l'injection d'un antigène vaccinal déclenchant une réponse immunitaire spécifique du pathogène ciblé (figure  2.1) [1]. On distingue l'immunité vaccinale humorale et l'immunité vaccinale cellulaire. La première correspond à l'activation des lymphocytes  B par les lymphocytes  T CD4+ avec différenciation en lymphocytes B mémoires et en plasmocytes, ces derniers sécrétant des immunoglobulines spécifiques de l'antigène vaccinal injecté. La seconde correspond à l'activation des lymphocytes  T CD8+; elle aussi médiée par les lymphocytes  T CD4+, et leur différenciation en lymphocytes  T CD8+ effecteurs et lymphocytes  T CD8+ mémoires également spécifiques de l'antigène vaccinal injecté. La vaccination anti-Covid-19 a probablement largement participé à la maîtrise de la pandémie liée au SARS-CoV-2. Actuellement, il existe cinq vaccins anti-Covid-19 reconnus et utilisés en France  : deux vaccins à ARN (BNT 162b2 et mRNA-1273), deux vaccins à vecteur viral non réplicatif (JNJ-78436735 et AZD1222) et un vaccin protéique sous-unitaire (NVX-CoV2373). Trois autres vaccins sont aussi disponibles dans certains pays : un vaccin à vecteur viral non réplicatif russe (Sputnik V) et deux vaccins chinois inactivés (CoronaVac et AZBBIBP-CorV). Il est important d'encourager nos patients à se faire vacciner contre la Covid-19. Plusieurs études ont rapporté un risque majoré de forme sévère de Covid-19 chez les patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC), notamment en cas de RIC actif ou de traitement par certains immunomodulateurs (rituximab [RTX], inhibiteurs de Janus Kinase [JAKi] et corticoïdes) [2, 3]. Compte tenu des mécanismes immunologiques impliqués dans la réaction vaccinale, il semble pertinent de questionner l'efficacité de la vaccination anti-Covid-19 chez nos patients traités par immunomodulateurs (figure 2.1) [4]. La littérature concernant la vaccination antiCovid-19 est riche. Le dynamisme de la recherche à ce sujet et l'évolution rapide de l'épidémie (nouvelles vagues, nouveaux variants, nouvelles recommandations, etc.) compliquent l'homogénéisation des données. Dans cette revue, nous ferons le point sur l'efficacité mais aussi sur la tolérance de la vaccination anti-Covid-19 chez les patients atteints de RIC.

Fig2.1

Fig2.1

Efficacité de la vaccination anti-Covid-19

Efficacité clinique

Plusieurs études ont démontré l'efficacité clinique de la vaccination anti-Covid-19 chez nos patients atteints de RIC [5, 6]. Dans une étude issue d'un registre grec incluant 195 patients, 10,3 % d'hospitalisation et 0 % de mortalité étaient observées chez ceux ayant reçu un schéma vaccinal complet contre 29,3  % et 4,1  %, respectivement chez les patients non vaccinés [5]. Une revue de la littérature estimait un taux de Covid-19 postvaccination de 0,6 % chez les patients atteints de RIC contre 0,1 % chez les individus sains [7–10].

Réponse humorale

La réponse vaccinale humorale est facilement objectivable par la réalisation d'une sérologie postvaccinale. On parle de séroconversion. Dans le cadre de la Covid-19, le dosage des immunoglobulines G (IgG) anti-protéine spike, généralement effectué deux à trois semaines après l'injection du vaccin anti-Covid-19, est réalisable en routine. De nombreuses études se sont intéressées à la séroconversion postvaccinale anti-Covid-19 chez les patients atteints RIC. Rapidement, une moins bonne séroconversion a été objectivée chez les patients atteints de RIC [7, 8, 10–14]. Dans une première étude allemande incluant 42 individus sains et 26 patients atteints de RIC, après deux doses de vaccin anti-Covid-19, le taux d'IgG anti-SARS-CoV-2 était significativement plus bas chez les patients atteints de RIC (taux moyen à 2 053 ± 1 218 BAU/mL contre 2 685  BAU/mL  ±  1 102, p = 0,037) [14]. Par la suite, plusieurs études ont observé des résultats similaires comme l'étude prospective américaine COVaRiPAD qui observait une séroconversion chez 88,7 % des 133 patients atteints de RIC contre 100 % chez les 53 individus sains [13]. Dans les RIC, cette moins bonne séroconversion semble surtout liée au traitement immunomodulateur [7, 8, 15, 16]. Les deux molécules les plus fortement associées à une moins bonne réponse humorale sont les anticorps (Ac) anti-CD20 et le mycophénolate mofétil (MMF) [7, 8, 11–13, 16]. Dans une étude israélienne incluant 264 patients atteints de RIC, la réponse humorale après deux vaccins BNT 162b2 était négativement influencée par la prise de RTX (odds ratio [OR] multivarié = 0,033; IC 95 % [0,012–0,092], P = 0,0001) et le MMF (OR multivarié = 0,064; IC 95 % [0,017–0,239], P = 0,0001) [12]. Dans une étude néerlandaise, incluant 632 patients atteints de RIC, après deux vaccinations antiCovid-19, seuls les Ac anti-CD20 étaient significativement associés à une moins bonne séroconversion comparativement aux Ac anti-TNF, au méthotrexate (MTX) ou aux corticoïdes [15]. Concernant le RTX, la réponse au vaccin anti-Covid-19 est d'autant plus mauvaise que le délai entre la perfusion de RTX et la vaccination est court [17, 18]. Une étude danoise incluant 201  patients traités par RTX observait 17,3  % de séroconversion si le délai était inférieur à 6 mois et 66,7 % s'il était entre 9 et 12 mois [17]. Une étude norvégienne incluant 87 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde traités par RTX identifiait un délai médian entre la dernière perfusion de RTX et le vaccin de 267  jours (interquartile range [IQR] 222–324) chez ceux ayant une séroconversion contre 107  jours (IQR 80–152) chez les ceux sans séroconversion, P < 0,0001 [18]. Enfin, le nombre de lymphocytes B circulants (≥ 10 lymphocytes B/μL) semble déterminer la réponse humorale [19]. Il semble que d'autres traitements immunomodulateurs impactent moins fortement la séroconversion. Plusieurs études ont observé une moins bonne réponse humorale chez les patients traités par abatacept ou JAKi [8, 12, 13]. Une étude issue de la cohorte française MAJIK incluant prospectivement des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, de spondyloarthrite et rhumatisme psoriasique traités par JAKi mettait en évidence une séroconversion de 88  % après schéma vaccinal complet. Le taux d'anticorps était plus bas chez les patients traités par upadacitinib comparativement au tofacitinib (P = 0,0029) et au baricitinib (P = 0,012) [20]. Quelques études ont aussi observé une moins bonne séroconversion chez les patients traités par MTX [8, 21–24]. À l'instar de ce qui est proposé pour d'autres vaccins, Arumahandi de  Silva et  al. ont étudié l'impact d'un arrêt du MTX autour de la vaccination sur le taux d'anticorps neutralisants dans une étude rétrospective incluant 64  patients [21]. Ce taux était meilleur chez les patients ayant interrompu le MTX (rapport moyen du taux d'anticorps/seuil du laboratoire à 6,3 contre 3,7 ; P = 0,001) et un délai de 10 jours entre la vaccination et la reprise du MTX semblait être le meilleur déterminant pour l'obtention des taux les plus élevés d'anticorps [21]. Dans un essai brésilien, 138  patients traités par MTX étaient randomisés en deux bras : poursuite du MTX ou interruption du MTX deux semaines après chaque vaccination [25]. Une meilleure séroconversion était observée chez les patients ayant interrompu le MTX (78,4 % contre 54,5 %; P = 0,019) [25]. Il est plus difficile de déterminer l'impact d'une corticothérapie sur la réponse humorale. Les données de la littérature sont discordantes, probablement du fait de nombreux facteurs confondants (traitements immunomodulateurs associés, dose variable de corticoïde, etc.). Certaines études n'observent pas d'effet de la corticothérapie sur la réponse vaccinale humorale [12, 15]. Il semble toutefois exister un effet modéré, probablement dépendant de la dose utilisée [8, 9, 13, 26]. L'étude américaine prospective COVaRiPAD qui a inclus 133 patients atteints de RIC observait un taux plus faible d'IgG anti-SARS-CoV-2 chez les patients traités par prednisone (moyenne géométrique  = 357, IC  95  % [96–1 324] contre 2 190, IC  95  % [1 598–3 002]) [13]. Dans une étude brésilienne étudiant la séroconversion des patients atteints de RIC après trois doses de vaccin anti-Covid-19, seule une dose  ≥ 5  mg/j d'équivalent prednisone était associée à une moindre séroconversion (OR multivarié = 0,63 ; IC 95 % [0,44–0,90]; P = 0,011) [16]. En dehors des traitements immunomodulateurs, d'autres facteurs ont été associés à une mauvaise réponse humorale chez les patients atteints de RIC. À l'instar de la population générale, la réponse est moins bonne chez les patients âgés [8, 11, 12]. La durée du RIC pourrait également jouer un rôle [12]. La nature du RIC en elle-même ne semble pas influencer la réponse vaccinale [8, 11]. L'efficacité selon le type de vaccin n'a pas été évaluée par une étude randomisée contrôlée. Une étude rapportait une meilleure réponse humorale pour le vaccin BNT  162b2 comparé au mRNA-1273 chez 87 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde traités par RTX [18]. Une autre incluant 623 patients atteints de RIC ne rapportait pas de différence entre le BNT 162b2 et le AZD1222 [15]. Il faut noter que ces résultats sont issus d'études rétrospectives et ne concernent que l'immunité humorale. Une réplication avec des données d'efficacité clinique est nécessaire avant de pouvoir conclure.

Réponse cellulaire

La réponse vaccinale cellulaire est plus difficile à évaluer. Elle nécessite l'étude des lymphocytes  T spécifiques de l'antigène vaccinal, généralement par cytométrie de flux, non réalisable en routine. Quelques études se sont intéressées à la réponse cellulaire postvaccin anti-Covid-19, notamment chez les patients traités par anti-CD20 [18, 19, 27–30]. Dans une étude française, Bitoun et al. ont évalué la réponse vaccinale humorale et cellulaire T après une deuxième dose de vaccin BNT  162b2 chez 19 patients traités par RTX, 8 patients traités par d'autres immunosuppresseurs et 9 individus sains [27]. Si la réponse humorale était obtenue moins fréquemment chez les patients traités par RTX (29 % contre 80 % chez les patients traités par d'autres immunosuppresseurs, P = 0,0001, et 92 % chez les individus sains, P  <  0,0001), la réponse cellulaire T CD4 et CD8 était identique dans les trois groupes de patients [27]. Il n'y avait pas de différence de réponse cellulaire T selon la réponse humorale parmi les patients traités par RTX [27]. D'autres études observent pourtant des résultats plus nuancés [29, 30]. Dans une revue de la littérature incluant huit études, un traitement par RTX était associé à une moins bonne réponse cellulaire (OR  = 0,73 ; IC  95  % [0,57–0,87]; P  <  0,01) [31]. En cas de traitement par RTX, la réponse cellulaire T semble toutefois s'améliorer avec le nombre de doses de vaccin reçues. Une étude danoise, évaluant la réponse cellulaire T chez 19 patients atteints de PR traités par RTX après deux doses de vaccins à ARN, observait une réponse cellulaire T CD4 chez 10 patients (53 %) et cellulaire T CD8 chez 14 patients (74 %) sans corrélation avec la date du dernier RTX [18]. Après trois doses de vaccins à ARN, une réponse cellulaire T CD4 et CD8 était observée chez l'ensemble des 12 patients évalués [18].

Tolérance de la vaccination anti-Covid-19

La vaccination anti-Covid-19 chez les patients atteints de RIC est bien tolérée chez la majorité des patients. Concernant les effets généraux, plusieurs études ont observé la même fréquence des événements de type réactions au point d'injection, céphalées, courbatures, fièvre, etc. chez les patients atteints de RIC que pour la population générale [32, 33]. L'utilisation des vaccins à ARN, induisant une forte activation de la voie interféron de type  1, a fait craindre la survenue de poussées des RIC, notamment pour les connectivites dont le lupus érythémateux systémique (LES). Ce risque a été investigué notamment par l'étude européenne COVAX à l'initiative de l'EULAR [33]. Cette étude de registre a répertorié la tolérance du vaccin anti-Covid-19 chez 4 604 patients atteints de RIC [33]. Parmi les patients atteints de connectivites (N = 928), une poussée du RIC était observée chez 29 patients (3 %) dont seulement 3 (< 1 %) étaient considérés comme majeures et 10 (1  %) nécessitaient l'introduction d'un nouveau traitement du RIC [33]. Des résultats similaires étaient observés pour les vascularites (N = 593, 19 poussées [3 %]) et chez les autres RIC (N  = 2 977, 151  poussées [5 %]) [33]. Le LES a été plus particulièrement étudié avec l'étude de registre international VACOLUP [34]. Cette étude, incluant 696 patients lupiques, observait une poussée du LES chez 21  patients (3  %) [34]. Une atteinte rénale avait été observée chez deux patients (10 %), une atteinte pleurale ou une péricardite chez deux patients (10  %), une cytopénie dont lymphopénie chez huit patients (38 %) [34]. Les Ac anti-ADN natifs n'étaient élevés que chez sept patients (33 %), une diminution du complément observée chez cinq patients (24 %) [34]. Au total, un changement de traitement du LES a été réalisé chez 15 patients (71 %) et seulement quatre patients (19 %) ont été hospitalisés [34]. De manière surprenante, plusieurs équipes ont observé une augmentation de l'incidence de pseudopolyarthrite rhumatoïde (PPR) et d'artérite à cellules géantes (ACG) à la suite d'une vaccination anti-Covid-19 [35–38]. Une étude épidémiologique utilisant la base de données de pharmacovigilance de l'Organisation mondiale de la santé, rapportait 290 cas de PPR, 147 cas d'ACG et 9 cas de PPR associée à une ACG [35]. Le délai médian entre le vaccin et le début des symptômes était de quatre jours (IQR 1–14) [35]. L'odds ratio rapporté (ROR) pour la PPR était de 2,3 ; IC 95 % (2,0–2,6) et celui de l'ACG était de 2,7 ; IC 95 % (2,3–3,2) [35]. La même analyse réalisée pour le vaccin antigrippal ne mettait pas en évidence de surrisque pour la PPR (ROR  = 0,2 ; IC  95  % (0,2–0,2)) et pour l'ACG 0,5 ; IC 95 % (0,4–0,7) [35]. Dans une étude descriptive, notre équipe a également rapporté une série de 10 patients (70 % de femmes, âge médian de 74,5 ans) ayant développé une PPR dans les 15 jours après l'administration d'un vaccin anti-Covid-19 [36]. Probablement en partie lié à leur utilisation fréquente en France, l'ensemble des patients avaient été vaccinés par un vaccin à ARN (9 patients par BNT 162b2 et un par mRNA1273) [36]. Le phénotype des PPR observées dans cette étude était similaire à celui de PPR classiques avec une bonne réponse à la corticothérapie [36].

Vaccination anti-Covid-19 et rhumatismes : en pratique

Recommandations françaises

La vaccination anti-Covid-19 fait l'objet de recommandations nationales. Le cas des patients sévèrement immunodéprimés est détaillé dans un message de la Direction générale de la santé (DGS) du 28/01/2022 [39]. Les patients traités par Ac anti-CD20 et anti-métabolites (dont le MMF) sont concernés par ces recommandations. Pour la primovaccination, deux doses de vaccins sont initialement réalisées avec un délai de 28 jours. La séroconversion est contrôlée 15 jours après la deuxième dose. Si le taux d'anticorps antispike est supérieur à 264 BAU/mL, une troisième dose est réalisée 28 jours après la deuxième dose afin de compléter la primovaccination. Sinon, le patient est éligible à la prescription d'Ac monoclonaux en prophylaxie (préférer l'association tixagévimab/cilgavimab, une administration de deux injections le même jour de tixagévimab 300 mg/ cilgavimab 300  mg sous-cutanées tous les six mois, en période d'endémie du variant omicron). Une quatrième dose de vaccin peut être proposée selon le même schéma. Dans le cadre de la campagne de rappel vaccinal, ces patients sont éligibles à une dose de rappel trois mois après leur dernière dose. La réponse sérologique 15 jours après la vaccination permet à nouveau d'orienter l'indication des Ac monoclonaux (inférieure à 264 BAU/mL). Enfin, l'administration d'une deuxième dose de rappel est maintenant indiquée chez les patients sévèrement immunodéprimés dans un délai de trois mois après le premier rappel. Ces recommandations sont résumées dans la figure  2.2. À noter que les patients recevant un autre traitement immunosuppresseur ne sont pas concernés par ces recommandations spécifiques et suivent celles de la population générale.

Fig2.2

Fig2.2

Recommandations européennes

Afin d'aider les cliniciens dans leur pratique, l'EULAR a émis des recommandations concernant la vaccination chez les patients atteints de RIC. Ces recommandations émises en novembre 2021 ont été actualisées en janvier 2022 [40, 41]. L'EULAR recommande fortement la vaccination antiCovid-19 des patients atteints de RIC selon les recommandations en vigueur dans leur pays. Il est également recommandé de ne pas modifier le traitement immunomodulateur lors de la vaccination, ce qui pourra être discuté pour le MTX, au vu de la littérature actuelle. Enfin, chez les patients recevant un traitement déplétant les lymphocytes B, l'EULAR conseille d'optimiser la vaccination en l'organisant à distance du traitement.

Conclusion

Les données d'efficacité et de tolérance concernant la vaccination anti-Covid-19 des patients atteints de RIC sont rassurantes. Le vaccin est efficace avec une bonne réponse clinique et sérologique, toutefois plus faible comparativement à la population générale. Les facteurs influençant la séroconversion sont l'âge et plus spécifiquement le traitement immunosuppresseur. Les Ac antiCD20 et le MMF diminuent fortement la réponse vaccinale humorale. La réponse cellulaire semble mieux préservée chez les patients traités par Ac anti-CD20. Le MTX, l'abatacept, les JAKi et la corticothérapie ≥ 5 mg/j d'équivalent prednisone diminuent, moins fortement, la réponse vaccinale humorale. Le vaccin anti-Covid-19 est bien toléré avec des effets indésirables généraux similaires à la population générale. Le risque de poussée du RIC est faible, même en cas de LES. Compte tenu de l'importance de la vaccination en période d'endémie et du risque majoré de Covid-19 sévère chez certains patients atteints de RIC, il faut encourager la vaccination de ces patients. Les recommandations évoluent rapidement compte tenu du dynamisme de la recherche et de l'évolution de la pandémie. Il ne faut pas méconnaître les modalités particulières pour les patients sévèrement immunodéprimés et ne pas oublier les indications prophylactique des Ac monoclonaux anti-SARS-CoV-2.

Conflits d'intérêts Les auteurs n'ont aucun conflit d'intérêts en lien avec le présent chapitre.

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L'actualité rhumatologique 2022-2023S’ouvre dans une nouvelle fenêtre © 2022, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Les auteurs

Pierre-Antoine Juge, service de rhumatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris; INSERM-UMR 1152, Paris Philippe Dieudé, professeur des universités, praticien hospitalier, chef de service, service de rhumatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris; INSERM-UMR 1152, Paris

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