Aphtes buccaux
25 juillet 2022
Par Anne-Claire Nonnotte
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Aphtes buccaux
Un aphte est une ulcération superficielle dont l’étiopathogénie (virale, chimique, physique ou microbienne) reste mal connue ; il semble que le mécanisme soit immunoallergique. Il peut exister un ou plusieurs ulcères, souvent douloureux, qui ont tendance à récidiver. Toute lésion érosive n’est pas un aphte : les aphtes peuvent être associés à une maladie inflammatoire digestive, un syndrome de Behçet (aphtes buccaux, aphtes génitaux et lésions oculaires), une mononucléose infectieuse, une stomatite virale (herpès) ou une fièvre prolongée. Le pharmacien est seulement concerné par la survenue brutale et récente d’aphtes buccaux chez un sujet en bonne santé. Tout autre contexte clinique est du ressort exclusif du médecin, car cette affection bénigne, le plus souvent isolée, peut être le symptôme annonciateur d’une pathologie grave (maladie de Biermer, anémie sidéropénique, leucose, etc.).
Sémiopathologie et symptomatologie
Symptomatologie
L’aphte est la première cause d’ulcération de la muqueuse buccale. Le plus souvent, il s’agit d’une aphtose simple (1 à 3 aphtes de diamètre ≤ 10 mm). Les aphtes sont qualifiés de « géants » quand ils dépassent la taille de 10 mm. L’aphtose est « herpétiforme » quand 20 à 100 lésions confluent ou réalisent une miliaire. À partir de trois poussées annuelles d’aphtes multiples (≥ 3), on parle de « stomatite aphteuse récurrente ». Dans la plupart des cas, la survenue des aphtes coïncide avec l’absorption de certains aliments : noix fraîches, amandes, épices, gruyère, chocolat, fraises, fruits acides (citron), fruits séchés (abricots, etc.), ou avec certains types de stress plus ou moins associés à des écarts diététiques inhabituels. Certains facteurs extérieurs peuvent favoriser l’apparition des aphtes : les appareils dentaires, le mâchonnement des sujets nerveux, les troubles digestifs, les chocs émotionnels, la grossesse, la menstruation, un mauvais état buccodentaire, une carence en vitamines B12, fer, folates et… certaines brosses à dents ! Le sevrage tabagique est favorable à la survenue d’aphtes par perte de l’effet vasoconstricteur du tabac. Les aphtes peuvent aussi être idiopathiques. Les lésions aphteuses sont précédées de la formation de vésicules (uniques ou multiples) qui, le plus souvent, disparaissent en quelques jours, après l’éviction de la cause ; les aphtes peuvent siéger sur la face interne des joues ou des lèvres, le sillon gingivolabial, le voile du palais, les bords ou la face inférieure de la langue, ou le plancher de la bouche. L’aphtose simple ou récurrente est unipolaire, idiopathique ; les poussées se raréfient après l’adolescence. L’aphtose peut aussi être bipolaire (orale + génitale), évoquant la possibilité de la maladie de Behçet, voire tripolaire (orale + génitale + anale). Les aphtes sont souvent douloureux, à type de brûlures ; ils provoquent une hypersalivation, et gênent la mastication et la déglutition. Une expression plus intense des signes cliniques, avec fièvre, céphalées, agitation, etc., relève de la consultation médicale, car ce symptôme peut révéler une maladie potentiellement grave.
Ulcérations buccales d’origine iatrogène
Plusieurs cas de stomatite, de glossite, d’ulcération de la langue et d’aphtose ont été rapportés, en particulier en Australie, suite à l’administration d’AINS. Les ulcérations buccales S’ouvre dans une nouvelle fenêtre peuvent être secondaires à une réaction immunoallergique aux AINS (quelle que soit la famille), mais peuvent aussi être le premier signe d’une agranulocytose. Le plus souvent, l’atteinte buccale paraît isolée. Les anticoagulants oraux (dérivés de la coumarine et de l’indanedione) peuvent provoquer la survenue d’ulcérations buccales. D’autres médicaments comme le nicorandil, l’alendronate monosodique, certains bêta-bloquants et certains inhibiteurs de l’enzyme de conversion (captopril, ramipril), les analgésiques opiacés, le sirolimus, les anti-EGFR (epidermal growth factor receptor) peuvent induire des lésions aphtoïdes. L’acide benzoïque (ou son sel de sodium) est largement utilisé dans la composition de certains médicaments ; il est responsable d’ulcérations buccales. Le pharmacien devra être vigilant lorsqu’il conseillera ces médicaments (surtout chez le nourrisson ou l’enfant) qui font souvent l’objet d’une automédication. L’acide benzoïque et son sel de sodium sont également utilisés comme conservateurs alimentaires, notamment dans les boissons sucrées, les confitures, les œufs de lumps ou les crevettes en semi-conserve. D’autres additifs, comme le nitrite de sodium, les sulfites, le gallate d’octyle, l’acide sorbique, peuvent également générer des ulcérations buccales.
Conseil face à la pathologie
Avant toute intervention, l’interrogatoire doit permettre au pharmacien de déceler une cause alimentaire qui est de loin la plus fréquente ; le conseil se bornera à recommander l’éviction des aliments responsables et éventuellement à prescrire des bains de bouche. Dans le cas d’un sujet dont l’état de santé général paraît médiocre, le pharmacien conseillera la consultation médicale.Certaines circonstances particulières peuvent être rencontrées : ► la survenue d’une poussée d’aphtes buccaux chez l’enfant S’ouvre dans une nouvelle fenêtre doit aussi faire penser au « syndrome main-pied-bouche » qui est une infection virale bénigne, touchant surtout les enfants de moins de 10 ans, souvent à l’occasion de petites épidémies contractées à la crèche ou à l’école. La symptomatologie montre la présence de vésicules dans la bouche (douloureuses), sur les mains et les pieds (indolores) et une fébricule. La guérison est spontanée, sans séquelles, en une dizaine de jours. Le syndrome main-pied-bouche, les aphtes géants et l’aphtose plurifocale sont du ressort du médecin ; ► une ulcération buccale chronique et indolore doit conduire à la consultation médicale afin d’éliminer un carcinome épidermoïde ; ► une aphtose ne répondant pas à un traitement symptomatique nécessite également une consultation médicale pour éliminer une agranulocytose ; ► la présence d’ulcérations de la langue accompagnées de céphalées et d’une claudication massétérienne chez un patient de 60 ans évoque une maladie de Horton ; ► une aphtose peut rentrer dans le cadre de l’expression clinique d’une infection à VIH, chronique (ulcérations aphtoïdes > 1 mois) ou en primo-infection ; ► une ulcération à base indurée peut évoquer une syphilis primaire
Thérapeutique
Ni l’éviction de la cause, ni le traitement ne préviendront la récidive. Les cas bénins sont marqués par un caractère épisodique et inégalement récidivant, mais leur guérison est pratiquement toujours spontanée, sans traitement, en 5 à 7 jours. Les aphtes guérissent sans cicatrice ; seuls les aphtes géants (1 à 4 cm de diamètre) peuvent persister jusqu’à 2 mois, en laissant des cicatrices. Le traitement à domicile des aphtes buccaux est généralement simple et efficace. Le principe du traitement est d’éviter les facteurs déclenchants, de calmer la douleur, de désinfecter et d’attendre la cicatrisation spontanée (une huitaine de jours). Le pharmacien peut contribuer efficacement à la guérison en donnant des recommandations d’ordre alimentaire et en préconisant des soins de bouche. Un traitement local (antiseptique, antiinflammatoire, antibiotique) doit être instauré dans le cas d’aphtes buccaux multiples ou à récidives rapprochées.
Conseils thérapeutiques
Recommandations générales Les recommandations générales concernent en premier lieu l’éviction de la cause. Le pharmacien S’ouvre dans une nouvelle fenêtre saura déconseiller la prise des aliments inducteurs (certains fromages – gruyère en particulier –, les noix, les amandes, certains fruits secs comme les abricots, le chocolat de qualité médiocre, les fruits acides, la charcuterie, les mets épicés, etc.). Il recommandera une alimentation équilibrée de façon à favoriser autant que possible un bon transit digestif. Une bonne hygiène buccale et dentaire est préconisée (le dentifrice doit être exempt de lauryl sulfate, irritant pour les muqueuses). Le pharmacien mettra en garde le patient devant tout abus des bains de bouche et des gargarismes, compte tenu de l’action de certaines substances présentes dans les solutions proposées (anesthésique, hydrate de chloral, menthol, etc.). Un usage abusif de ces substances (de nombreux antiseptiques buccaux en contiennent) peut engendrer des effets indésirables, parfois préoccupants. Si, malgré le respect des conseils et une hygiène buccale bien conduite, les aphtes ne guérissent pas dans les délais habituels ou récidivent fréquemment, le pharmacien doit conseiller la consultation médicale.
Choix des médicaments Un traitement médicamenteux s’impose en présence d’aphtes buccaux multiples ou à récidives rapprochées, d’aphtes géants ou d’aphtoses plurifocales et en présence d’une grande aphtose (maladie de Behçet). Les cas bénins d’aphtes buccaux en petit nombre et à récidive espacée, survenant chez un sujet adulte en bonne santé, peuvent être traités à domicile et bénéficier des recommandations du pharmacien. Il n’existe pas de traitement de référence car, même non traité, l’aphte ordinaire guérit spontanément (en moyenne 8-14 jours), contrairement à l’aphte géant (10-40 jours). ► L’acide trichloroacétique, autrefois utilisé, est déconseillé car il expose au risque de brûlure voire au risque de survenue d’une nécrose de la muqueuse buccale. ► Les bains de bouche avec des antiseptiques (chlorhexidine, etc.) peuvent soulager (parfois guère mieux que le placebo), avec le risque que leur emploi excessif déséquilibre la flore buccale commensale. ► Chez l’adulte, la lidocaïne visqueuse soulage à court terme par son action anesthésique, mais elle ne raccourcit pas la durée d’évolution. Lors de son application, la prise alimentaire solide ou liquide dans les 2 heures est interdite en raison du risque de fausse route et de morsure. Ne pas dépasser 3 applications par jour, compte tenu du risque de survenue d’effets indésirables (effet inotrope négatif sur le myocarde ; toxicité neurologique). ► Les bains de bouche à l’aspirine ou au sucralfate sont hors AMM. Prescription officinale
L’hygiène buccale peut être améliorée par des bains de bouche (ex. : Hextril®) Si les aphtes sont douloureux, un attouchement des aphtes peut être pratiqué avec un gel gingival comme Aftagel® (contient un agent anesthésique : la lidocaïne), Pansoral® (antalgique et antiseptique), Pyralvex® (antalgique et anti-inflammatoire). Des tablettes ou comprimés sublinguaux peuvent également être proposés : Lyso-6®, Homéoaftyl®, etc. Certaines spécialités peuvent être utilisées chez l’enfant, à partir de 6 ans.
Allopathie
Conseils en allopathie
Dans tous les cas, au choix (réservés à l’adulte)
Lidocaïne + zinc : Aftagel®.
Rhubarbe racine extrait sec hydroalcoolique sodé et purifié + acide salicylique : Pyralvex®.
Dispositifs médicaux
Bloxaphte®.
Urgo filmogel® aphte.
Aromathérapie
Conseils en aromathérapie
Dans tous les cas, en usage interne :
HE de Laurier noble ou de Thym à thujanol : 1 goutte directement sur l’aphte, à l’aide d’un coton-tige, de 3 à 5 fois par jour pendant 3 à 5 jours.
Attention. Tenir compte de la quantité d’HE déposée en bouche, cette dernière étant considérée comme étant avalée, pour le calcul de la dose totale quotidienne prise par voie orale.
Homéopathie
Conseils en homéopathie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Dans tous les cas
Borax 5 CH.
Mercurius Solubilis 5 CH. 5 granules de chaque, 3 fois par jour. Spécialité : Homéoaftyl®.
Vous venez de découvrir un extrait de l'ouvrage Conseils à l’officine S’ouvre dans une nouvelle fenêtre. Le pharmacien prescripteur, 9e édition, de Jean-Paul Belon. © 2022 Elsevier Masson SAS
Les auteurs
Jean-Paul Belon Médecin-pharmacien Professeur émérite de pharmacologie à l’UFR des Sciences de santé de l’Université de Bourgogne, Dijon Avec la collaboration de : Mathieu Guerriaud Pharmacien Maître de conférences en droit pharmaceutique à l’UFR des sciences de santé – Credimi de l’Université de Bourgogne, Dijon Marie-Alexandra Dodane-Solari Pharmacienne Coresponsable du DU aromathérapie à l’UFR des sciences de santé de l’Université de Bourgogne, Dijon Yves Michiels Pharmacien titulaire Attaché de recherche en pharmacie officinale. UNISANTE, Lausanne Docteur en sciences pharmaceutiques de l’Université de Genève, Suisse
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