Apport de l'ostéopathie dans la rééducation pelvi-périnéale
France | 6 juin 2023
Par Anne Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir un chapitre de l'ouvrage Rééducation de la fonction périnéale
Apport de l’ostéopathie dans la rééducation pelvi-périnéale
Pascale Normand
Principes généraux
Maintenir ou recouvrer la santé nécessite pour le patient son implication et le recours à différents professionnels de santé. L’ostéopathe s’inscrit dans un ensemble de liens thérapeutiques avec les kinésithérapeutes, médecins et autres professionnels de santé. Avant toute approche concernant les liens entre rééducation pelvi-périnéale et ostéopathie, il nous faut revenir sur quelques principes indispensables à l’exercice de l’ostéopathie. Le soin ostéopathique permet le rétablissement de la fonction normale par une aide manuelle qui rendra le corps du patient capable de s’adapter ou de rétablir la structure perturbée sans modifier son originalité. L’ostéopathie est donc un système thérapeutique qui permet de retrouver l’homéostasie grâce à la suppression des désordres structurels, science fondée sur l’anatomie et la physiologie. L’ostéopathe exerce selon un système de traitement qui ne va pas combattre la conséquence de la lésion ostéopathique mais sa cause. Celle-ci est dans la plupart des cas cachée, non symptomatique, ignorée du patient, souvent confondue avec le facteur déclencheur extérieur au patient. L’exploration systématique et méthodique permet à l’ostéopathe de déterminer une lésion prépondérante comme la présence de tissu non adaptatif rompant l’équilibre du corps. Cette restriction de mobilité est portée par une structure anatomique qui peut concerner un organe comme la rate, un viscère par exemple l’utérus, un os par exemple le sacrum, une artère comme l’artère iliaque, un nerf par exemple le nerf ilio-hypo-gastrique, la peau avec une cicatrice abdominale. Cette lésion recherchée par l’ostéopathe est à l’origine du désordre présenté par le patient. Le plus souvent, il s’agit d’une résistance au mouvement portée par le tissu conjonctif. Elle n’est pas à confondre avec une malposition adaptative qui ne peut être traitée seule au risque de fortement déstabiliser le patient. La lésion est le plus souvent due à un processus d’inflammation qui, au stade ultime, n’est pas réversible et signe une atteinte organique. La dysfonction est conséquence de la lésion. Il n’est pas question de modifier une structure limite si la fonction n’est pas altérée. Pression et traction anormales dans le corps sont à l’origine de la lésion et donc de la dysfonction. Imaginons une pression exagérée dans le compartiment interne d’un genou. La structure articulaire due à cette position relative du tibia par rapport au fémur peut entraîner une arthrose ou une lésion méniscale. Ce désordre mécanique entraîne une décompression relative de l’autre compartiment du genou. Ce processus est direct mais il pourrait être indirect, lié au nerf saphène et à l’artère tibiale qui bordent l’articulation, venant ainsi modifier les conditions de nutrition du genou. A.T. Still en a fait un fondement ostéopathique : l’artère est suprême. Sans parler de maladie, une perturbation de l’équilibre corporel peut être due à de nombreuses causes, traumatiques liées à un accouchement par exemple, émotionnelles, environnementales, infectieuses. Il est possible que l’équilibre perturbé avec le temps revienne vers un état amélioré sans intervention extérieure. La pathologie survient lorsqu’il n’y a plus compensation. L’action de l’ostéopathe va diminuer les perturbations et favoriser un retour au normal des tissus. Il est indispensable de faire une étude complète et globale de l’ensemble du corps du patient afin de déterminer ce que l’on appelle la lésion primaire et les lésions secondaires. Il n’est pas question de soigner toutes les lésions retrouvées ni uniquement le lieu de la douleur sauf cas particulier. Le choix de la technique de traitement dépend de la formation de l’ostéopathe et il existe de nombreuses approches ostéopathiques.
Pratique
Des tests manuels sur les différentes structures anatomiques du corps permettent de retrouver un certain nombre de lésions. Ces tests peuvent être d’écoute, de mobilisation, de mobilité ou de mise en tension. Ce choix est personnel, il dépend de l’expérience du praticien, de ses formations initiales et post-graduées. Ces outils manuels font partie de l’apprentissage de l’ostéopathe et permettent de réaliser un diagnostic global ostéopathique. Une fois le relevé des lésions établi, une deuxième étape est indispensable : les lésions sont hiérarchisées afin d’identifier celles qui sont responsables du désordre global et de l’émergence du symptôme. Cette hiérarchisation se fait également par des tests manuels. Le savoir-faire, la transmission et la méthodologie sont indispensables, outre l’expérience qui viendra soutenir cette démarche. Les mains et le sens kinesthésique doivent être éduqués et entraînés. La hiérarchisation par mise en balance entre deux lésions permet de retrouver la lésion primaire, sommet de la pyramide des lésions trouvées. En d’autres termes, dans l’idéal, une lésion est responsable du désordre global du corps, encore faut-il la trouver. Notre corps est capable de nous montrer par mise en balance entre deux lésions celle qui est prépondérante. Cette démarche a été mise en valeur de façon très factuelle par Paul Chauffour dans sa pratique du lien mécanique ostéopathique.
Bilan ostéopathique du bassin
Un diagnostic ostéopathique complet comprend une recherche de lésion sur l’ensemble du corps mais nous allons détailler ici l’examen ostéopathique du bassin. La patiente est assise jambes décroisées sur la table d’examen, pieds sans appui, praticien debout derrière elle. Nous allons tester l’ensemble du rachis du crâne au coccyx, en notant les restrictions de mobilité qui définissent les lésions, par palpation douce et fluide, en appliquant les mains sur les structures osseuses : les épines iliaques postéro-supérieures (EIPS), les épines iliaques postéro-inférieures (EIPI), le sacrum avec chaque vertèbre jusqu’à la base du coccyx, la pointe du coccyx, les deux articulations sacro-iliaques, les crêtes iliaques, les ischions abordés entre le bassin que la patiente soulève et la table. Pour les articulations sacro-iliaques (figure 17.1), nous positionnons nos pouces verticalement sur les épines iliaques postérieures et imprimons une légère mobilisation de l’articulation dans son plan de glissement, à savoir en avant et en dehors, à droite puis à gauche. Si une articulation ne répond pas, elle est en restriction, ce qui est noté. Les lésions osseuses du bassin sont notées en analysant la symétrie. La position assise donne un très bon reflet des lésions du bassin, car il est en appui sur les tubérosités ischiatiques, ce qui limite l’impact des lésions des membres inférieurs sur ce temps de l’évaluation. Ces lésions des membres inférieurs seront ensuite recherchées patiente en décubitus dorsal.
Un diagnostic ostéopathique complet comprend une recherche de lésion sur l’ensemble du corps. Patiente allongée sur le dos, nous testons à nouveau le cadre osseux, ligamentaire et musculaire du bassin, particulièrement les épines iliaques antéro-supérieures (EIAS), les épines iliaques antéro-inférieures (EIAI), ailes iliaques, pubis, ligaments inguinaux, artère fémorale, tête fémorale, nerf crural, muscle psoas iliaque. Chaque élément anatomique est palpé dans une suite fluide avec les pouces, sans hésitation, en glissant ceux-ci d’un point à un autre ce qui permet un grand nombre d’observations : y a-t-il symétrie ? La structure palpée est-elle figée lors de la recherche de micromouvements ? Est-ce douloureux pour la patiente ? Une attention soutenue est nécessaire.
Il existe de nombreuses autres lésions liées à l’accouchement, comme les lésions du coccyx. L’atteinte du coccyx est fréquente, elle peut présenter des lésions de plusieurs types pouvant aller jusqu’à la subluxation postérieure par la poussée de la tête du nouveau-né lors de l’expulsion. Les diastasis des articulations sacro-iliaques, trop grand espace entre les deux berges de l’articulation, sont fréquents et méconnus. Les lésions du filum terminal et de l’ethmoïde sont également à rechercher.
Conclusion
Il faut retenir que nous devons réaliser un bilan grâce à notre perception manuelle. Nous devons relever l’ensemble des lésions, les hiérarchiser, traiter la lésion primaire, les lésions secondaires et laisser faire le temps du corps afin d’obtenir un retour vers la normalité et de redonner les capacités d’accommodation à nos patients
Bibliographie
Chauffour P, Prat E. Le lien mécanique ostéopathique. Théorie et pratique. Édition Sully ; 2003. Dudley Hulett G. Manuel de principes de l’ostéopathie, traduit, présenté et annoté par Pierre Tricot. Édition Sully ; 2011. Netter F.H. Atlas d’anatomie humaine. 4e édition. Issy-les-Moulineaux: Elsevier Masson ; 2009. Tarento M. Biotenségrité, fascias, ostéopathie. Édition Sully ; 2021.
Pascale Normand, ostéopathe, 25, avenue de Tourville, Paris.
Rééducation de la fonction périnéale © 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Coordination de l’ouvrage : Hélène Colangeli, kinésithérapeute spécialisée en périnéologie, formatrice, DU en rééducation uro-gynécologique, Master en éthique médicale, 81, rue du faubourg SaintAntoine, Paris
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