Clarification du rôle de l’étudiant
France | 22 septembre 2017
PLAN DU CHAPITRE
■ Décodage du référentiel
■ Activités à mettre en oeuvre
Préparer le stage
Se présenter en stage
Présenter votre portfolio et partager son contenu avec les soignants
Manifester de l’intérêt pour vos apprentissages
Acquérir une posture de futur professionnel
■ Contribution à votre évaluation
Actions
Outils
Décodage du référentiel
L’étudiant que vous êtes est positionné au cœur du dispositif de formation. Il lui est reconnu un rôle central. Ce rôle est symbolisé par la présentation, proposée à la figure 2.1, reprise du nouveau portfolio.
Compte tenu de ce positionnement, il est attendu que vous soyez acteur de votre formation, ce qui vous prépare à devenir un professionnel autonome, responsable et réflexif. Dit autrement, le législateur attend de l’infirmier qu’il soit capable d’analyser toute situation de santé, de prendre des décisions (qui s’inscrivent dans le cadre législatif et réglementaire), de mettre en œuvre des interventions seul ou dans le cadre d’une équipe pluriprofessionnelle. Attardons-nous sur ces termes pour qu’ils prennent sens.
Le terme de praticien renvoie le plus souvent à la profession médicale et au clinicien. Par extension, il s’agit ici du professionnel de santé que vous serez demain (un infirmier ou une infirmière) et qui est au contact direct des patients ou des personnes prises en charge.
Autonome, renvoie au concept d’autonomie. Ce dernier peut être appréhendé au niveau de la personne, ici l’infirmier, mais aussi au niveau de la profession.
L’autonomie correspond à la capacité du sujet à se gouverner lui-même. Une personne autonome est quelqu’un qui est en capacité de faire des choix, donc de décider et d’assumer les conséquences de ses choix et de ses actes, et de gérer ses dépendances.
L’autonomie est une capacité de haut niveau qui implique des qualités telles que l’attention, l’autocontrôle, la confiance en soi, et des connaissances. Elle ne peut être considérée comme un pré-requis mais comme une finalité essentielle de la formation. C’est la raison pour laquelle il convient d’amener progressivement les étudiants à prendre des décisions à partir de situations travaillées à l’IFSI ou rencontrées en stage.
La profession d’infirmier est une profession réglementée. L’autonomie est à considérer au regard de ce que la législation et la réglementation autorisent. Elle ne se conçoit pas sans règles. La capacité de décider s’inscrit dans des cadres formels pour la plupart : législation, réglementation, savoirs scientifiques et d’autres moins formels comme l’éthique.
L’autonomie du professionnel se traduit par sa capacité à prendre des décisions et à les argumenter. Elle s’appuie sur des connaissances valides, issues de résultats de recherche ou de données probantes.
Code de déontologie
L’article R. 4312-33 du Code de déontologie stipule que « dans le cadre de son rôle propre et dans les limites fixées par la loi, l’infirmier est libre du choix de ses actes professionnels et de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriés ».
Nous l’avons indiqué, l’autonomie n’est possible que si elle s’appuie sur un socle de connaissances. De ce fait, tout professionnel se doit de maintenir ses connaissances à jour et d’en acquérir de nouvelles. En effet, les savoirs sont vite dépassés, inadaptés aux nouvelles modalités de prise en charge des patients. Apprendre à apprendre devient impératif.
L’adjectif responsable renvoie à la responsabilité qui découle de l’autonomie. Il ne peut y avoir d’autonomie sans responsabilité. Être responsable signifie, en droit, assumer les conséquences de ces actes.
Code de déontologie
L’article R. 4312-32 du Code de déontologie stipule que « l’infirmier est personnellement responsable de ses décisions ainsi que des actes professionnels qu’il est habilité à effectuer. Il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre son indépendance, la qualité des soins ou la sécurité des personnes prises en charge ».
Focus : notions de qualité des soins et de sécurité des patients La qualité des soins est définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « la garantie que chaque patient reçoive la combinaison d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins ».
La sécurité du patient est un principe fondamental des soins de santé. Chaque étape de l’administration des soins s’accompagne d’un certain risque pour le patient. Des événements indésirables peuvent résulter de problèmes au niveau de la pratique, des produits utilisés, des procédures ou des systèmes sanitaires. Les améliorations de la sécurité pour les patients supposent un effort complexe de l’ensemble du système.
Un ensemble de mesures variées est susceptible d’en améliorer le fonctionnement, notamment celles touchant à l’hygiène et la gestion du risque, à la lutte contre les infections, à l’usage rationnel des médicaments, à la sécurité du matériel et aux pratiques cliniques (OMS).
En tant qu’étudiant, vous pouvez être amené à prendre des décisions (même si dans la majorité des situations, elles sont prises ou validées par un professionnel) et à effectuer des actes. Il peut arriver que des conséquences délétères apparaissent pour le patient. Dans ce cas, il vous sera demandé de vous expliquer et d’assumer les éventuelles erreurs commises.
Code de déontologie
Article R. 4312-36 du Code de déontologie : « L’infirmier chargé de toute fonction de coordination ou d’encadrement veille à la bonne exécution des actes accomplis par les personnes dont il coordonne ou encadre l’activité, qu’il s’agisse d’infirmiers, d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture, d’aides médico-psychologiques, d’étudiants en soins infirmiers ou de toute personne placée sous sa responsabilité. Il est responsable des actes qu’il assure avec la collaboration des professionnels qu’il encadre. Il veille à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours. »
Quant à l’adjectif réflexif, il caractérise la capacité d’un individu à s’interroger et à interroger la manière dont il travaille. Pour cela, il utilise un type d’analyse particulier : la pratique réflexive qui est un des principes majeurs du référentiel de formation. La pratique réflexive constitue un élément clé de votre processus de professionnalisation, parce qu’elle contribue à initier une démarche qui facilite un processus de questionnement de votre pratique. Celui-ci utilise l’analyse d’activités et l’analyse de situations. Il concourt au développement des compétences professionnelles, à une structuration de la pensée avec la construction de savoirs pratiques plus opérants et vous amène progressivement à une posture d’apprenti chercheur dans le cadre du mémoire de fin d’études. La pratique réflexive vous permet de mieux comprendre les situations par l’identification de liens entre théorie et pratique, l’appropriation et la production de savoirs. Elle est instaurée dès le début de la formation.
La réflexivité (mais aussi la pensée critique) est une posture au service des professionnels pour comprendre les situations de plus en plus complexes qu’ils ont à traiter. Ainsi, il ne s’agit plus de compiler des savoirs et de reproduire des conduites à tenir, mais bien de comprendre les situations, de les analyser, de poser un diagnostic et de proposer des interventions efficientes tout en reconnaissant au patient une véritable participation aux décisions. Elle concourt au développement de l’autonomie professionnelle.
Vous l’avez compris, opérer une rupture avec le système scolaire antérieur (le plus souvent, l’Éducation nationale) est indispensable et découle de la nature même de la formation suivie. Dans une formation professionnelle débouchant directement sur un métier et un emploi, les enseignements ne visent plus la culture générale et le développement de capacités transversales. La formation est centrée sur l’exercice d’un métier à haut risque pour lequel toutes les connaissances et le savoir-agir (prise de décision et action) sont obligatoires. Dans ce cadre, se professionnaliser c’est-à-dire devenir un professionnel est impératif. Pour se professionnaliser, l’étudiant que vous êtes doit s’engager.
En effet, la rofessionnalisation est un processus qui nécessite un engagement volontaire. Il ne peut se faire que par la personne concernée (on ne professionnalise personne). Ce processus demande de prendre en compte vos besoins et vos acquis. Les besoins sont en grande partie prédéterminés : ils concernent l’acquisition des dix compétences professionnelles.
Être étudiant s’apparente à un vrai métier. Vous devez faire preuve de compétences mais aussi de qualités. Votre responsabilité est engagée, comme elle le sera en tant que professionnel.
Métier à haut risque ? Tout dépend du point de vue adopté.
S’agissant de l’obtention d’un diplôme qui débouche sur un métier réglementé et sur un emploi dans pratiquement 100 % des cas, cela mérite de bien le considérer. D’autant que vous n’en avez pas fini avec l’apprentissage ! Il se poursuivra tant que durera votre exercice professionnel. Alors autant le prendre très au sérieux dès maintenant pour développer de réelles compétences et en faire un allié.
L’annexe 3 du référentiel précise que « l’étudiant développe des ressources en savoirs théoriques et méthodologiques, en habiletés gestuelles et en capacités relationnelles ».
Dit autrement, il est attendu que vous vous saisissiez de tous les enseignements dispensés pour « transformer » les savoirs en connaissances. Il ne suffit plus de capitaliser des savoirs mais de montrer en situation réelle de travail en stage que vous êtes capable de les utiliser à bon escient. Connaître l’anatomie de l’appareil cardiovasculaire, au-delà de faciliter la compréhension de certains processus physiopathologiques, vous permet de répondre à la question d’un patient : pourquoi ponctionne-t-on l’artère radiale pour opacifier les coronaires ? De la même façon, connaître les indications du lavage des mains ne suffit pas. Cette donnée est à intégrer dans votre pratique journalière pour assurer une hygiène des mains correcte en situation de travail. Vous évitez ainsi la prolifération des micro-organismes néfastes pour les patients et concourez à leur sécurité.
L’étudiant établit son portefeuille de connaissances et de compétences (voir portfolio et suivi des activités p 230) et prépare son projet professionnel.
Il vous appartient, au fur et à mesure de la formation, d’apprécier vos acquis. Cela sous-entend que vous soyez en mesure d’évaluer votre maîtrise des connaissances au regard de votre niveau de formation et d’évaluer les acquisitions faites, stage après stage, sur le plan des compétences. Pour y parvenir, vous pouvez vous référer aux résultats obtenus lors des validations des UE mais aussi des annotations portées sur les feuilles de stage par les professionnels.
Des écrits tels que « ne fait pas les liens entre les pathologies et les traitements », « est dans l’incapacité de mettre en place une surveillance des thérapeutiques malgré l’enseignement fait » traduisent l’absence de maîtrise des compétences puisque les connaissances ne sont pas utilisées (ou pas acquises ?) en situation de travail.
Quant aux acquisitions des compétences, une étude attentive des feuilles de stage vous permet de cibler les critères d’évaluation qui ne sont jamais validés, qui le sont une fois sur deux ou qui sont toujours validés. Bien évidemment, ceci est mis en lien avec le niveau de difficulté, la familiarité ou la nouveauté des situations de soins. Cette auto-évaluation vous aide à la préparation du stage suivant.
L’étudiant apprend à reconnaître ses émotions et à les utiliser avec la distance professionnelle qui s’impose. Il se projette dans un avenir professionnel avec confiance et assurance, tout en maintenant sa capacité critique et de questionnement.
Reconnaître ses émotions (vous référer à l’UE 1.1 du semestre 1) implique déjà de les connaître, de savoir les identifier « correctement », ce qui n’est pas si simple. En effet, l’éducation reçue peut avoir fait s’opérer des déplacements. Ne pas confondre colère et tristesse, par exemple.
Savoir reconnaître une situation qui vous « replonge » dans une expérience vécue antérieurement et qui vient parasiter la situation actuelle est indispensable, car cela est assez fréquent. L’étudiant est confronté au décès d’un patient qui lui rappelle le décès d’un de ses proches. Il est alors judicieux qu’il identifie cela pour pouvoir prendre de la distance et acquérir ainsi un comportement professionnel. Si l’étudiant submergé par l’émotion se met à pleurer, il ne sera pas aidant pour l’entourage du défunt.
Au cours de vos stages, repérer les situations qui suscitent « une montée d’émotion », et vous y attarder pour les comprendre est essentiel. Pour cela quelques questions peuvent vous aider : qu’est-ce que je ressens précisément ? Cette situation en évoque-t-elle une vécue antérieurement ? Ai-je déjà été confronté à ce type de situation ? Cela a-t-il déclenché la même émotion ? Qu’y a-t-il de différent, de semblable ? Qu’est-ce qui, dans cette situation, peut être la source de cette émotion ?
Il est important d’identifier les émotions, car elles produisent des changements psychiques et comportementaux. Les émotions de valence négative peuvent nuire à la qualité de la prise en charge du patient.
Les professionnels et le formateur de stage peuvent être sollicités pour vous accompagner dans ce travail qui vous amènera au fil des expériences vers un positionnement professionnel. La présence d’un psychologue au sein du service peut constituer une ressource.
L’étudiant développe une éthique professionnelle lui permettant de prendre des décisions éclairées et d’agir avec autonomie et responsabilité dans le champ de sa fonction.
Au cours des stages, l’étudiant intègre les valeurs professionnelles qui structurent les soins infirmiers. Ces valeurs, socle de la pratique professionnelle, guident, en situation réelle, les conduites éthiques qui consistent à inventer les comportements justes et appropriés à la singularité des cas. Les valeurs prévalentes pour les infirmiers sont le respect de la vie et de la dignité, le droit à l’information, le respect de l’intimité.
Focus : notion de valeur*
« Dans le champ professionnel, les valeurs sont des références communes fondant la conduite professionnelle de chacun. Elles sont identifiées de façon collective et diffusées auprès de tous les acteurs. Elles constituent un cadre de référence utile. Une valeur agit comme un principe idéal auquel se réfèrent communément les membres de la collectivité pour fonder leurs jugements, pour diriger leur conduite. Les valeurs d’une profession dépendent à la fois de l’objet de son travail, des conséquences de son action sur la transformation de la réalité et donc des responsabilités qui en découlent, de la législation en cours mais aussi des valeurs véhiculées au sein de la société dans laquelle elle s’inscrit »1. Certaines valeurs sont identifiées dans les textes professionnels : lois, décrets, arrêtés, chartes diverses, etc. Les principales valeurs sont : le respect de la vie humaine et de la dignité, le secret professionnel, etc.
* Voir Durand C. Ingénierie de la formation infirmière : de l’éthique et des valeurs. Info CEFIEC 2010 ; no 20. « Exercés au raisonnement clinique et à la réflexion critique, les professionnels formés sont compétents, capables d’intégrer plus rapidement de nouveaux savoirs et savent s’adapter à des situations [variées] » comme l’indique l’annexe 3 du référentiel.
Cet intitulé conclut la liste des finalités du référentiel. Il rappelle qu’il ne peut y avoir de professionnels compétents que si les étudiants sont formés au raisonnement clinique et exercent une pensée critique. Le premier terme correspond à l’activité intellectuelle par laquelle le clinicien synthétise les informations relatives aux situations cliniques, les intègre avec les connaissances et expériences antérieures et les utilise pour prendre des décisions de diagnostic et de prise en charge. Quant à la pensée critique, elle contribue à répondre à la complexité des situations des patients, à prendre des décisions cliniques pertinentes, à dispenser des soins en toute sécurité et à les réajuster si nécessaire.
Être acteur de votre formation signifie que vous avez le rôle principal et que ce rôle est décisif dans le dispositif. Il est attendu que vous soyez actif (en opposition avec la passivité liée aux méthodes pédagogiques traditionnelles), que vous réalisiez de réelles activités en matière d’apprentissage en stage et à l’IFSI (ce qui vous prépare à devenir un professionnel autonome, responsable et réflexif). Cette volonté résulte de la philosophie du référentiel et du monde du travail actuel. Elle est d’ailleurs clairement exprimée dans la partie intitulée Le rôle des acteurs de votre portfolio. Maintenant que le cadre est posé, entrons dans le vif du sujet et abordons de façon pragmatique le déroulement d’une préparation au stage.
Référence
1 Leneures K., Siebert C. Soins de confort et de bien-être, Collection Les Essentiels, Editions Elsevier Masson, 2010
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Vous venez de lire le début du chapitre 2 Clarification du rôle de l’étudiant de l’ouvrage Stage infirmier en soins de courte durée
Auteurs
Carole Siebert Directrice des soins, directrice d’IFSI, titulaire d’une maîtrise de gestion et d’animation des systèmes de formation de l’université Paris-Dauphine
Martine Raynal Coordinatrice pédagogique et responsable des stages de l’IFSI du centre hospitalier de Périgueux, titulaire d’une maîtrise en sciences de l’éducation Avec la collaboration d’Hélène Trapy, formatrice à l’IFSI du centre hospitalier de Périgueux, titulaire d’une licence en sciences sanitaires et sociales