Co-bénéfices santé-environnement et changement climatique
28 juin 2023
Par Anne-Claire N.
Nous vous proposons de découvrir un article extrait de La Presse Médicale Formation sur les Co-bénéfices santé-environnement et changement climatique
Co-bénéfices santé-environnement et changement climatique : concepts et implication pour l’alimentation, la mobilité et le contact avec la nature en pratique clinique
Co-benefits of health promotion on global warming: Concepts and implications for food, mobility and contact with nature
Julia Gonzalez Holguera1 2, Nicolas Senn2
1 Université de Lausanne, centre interdisciplinaire de durabilité, Lausanne, Suisse 2 Unisanté, Lausanne, département de médecine de famille, Lausanne, Suisse
Résumé
Le nouveau concept de co-bénéfice permet de faire converger des objectifs, qu’ils soient plutôt d’ordre environnementaux, sociaux, économiques ou sanitaires en favorisant l’intégration de mesures et permettant d’identifier de potentiels synergies positives. Il apparaît cependant essentiel de conserver une grande rigueur terminologique dans ce que l’on considère comme « co-bénéfice ». Sans cela, ce concept pourrait en effet devenir un terme alibi, vidé de son sens. Dans le présent article nous exposons les connaissances qui sous-tendent le développement du concept de co-bénéfice dans le domaine de la santé et de la clinique. Nous explorons également, dans le contexte de la promotion de la santé, les applications possibles des co-bénéfices pour l’alimentation, la mobilité et le contact avec la nature. Nous proposons finalement une typologie des différentes modalités d’intervention des soignants concernant l’intégration des questions environnementales et du changement climatique dans leur pratique.
Summary
The new concept of co-benefit makes it possible to bring together objectives, whether they are environmental, social, economic or health-related, by promoting the integration of measures and identifying potential positive synergies. However, it seems essential to maintain a high degree of terminological rigor in what is considered a “cobenefit”. Otherwise, this concept could become an alibi term, emptied of its meaning. In this article, we outline the knowledge that underlies the development of the concept of co-benefit in the health and clinical fields. We also explore, in the context of health promotion, the possible applications of co-benefits for nutrition, mobility and contact with nature. Finally, we propose a typology of the different modalities of intervention of health care professionals regarding the integration of environmental issues and climate change in their practice.
Le concept de co-bénéfices
Malgré l’acceptation croissante du besoin de répondre à l’urgence climatique par de profondes transformations sociétales, les interventions politiques et les changements de nos modes de vie restent souvent entravés par des nombreux freins structuraux, des difficultés à financer ces interventions ainsi que de nombreuses barrières psychologiques au changement qui caractérisent notre relation aux problématiques climatiques et environnementales [1], [2], [3].
L’identification et la promotion des « co-bénéfices » découlant notamment de stratégies climatiques, c’est-à-dire des bénéfices directs et/ou locaux pour la santé, l’environnement ou l’intégration sociale par exemple, peut apporter un cadrage positif à ces interventions, en soulignant les opportunités découlant des transformations sociétales nécessaires à une transition écologique. Ces co-bénéfices peuvent ainsi être perçus comme des leviers pour contribuer à dépasser les différentes barrières au changement. Alors que les menaces climatiques sont en effet souvent perçues comme distantes et abstraites, dans le temps ou dans l’espace, souligner les bienfaits directs et immédiats, pour les personnes impliquées et à la population en générale, peut renforcer la légitimité des interventions politiques. En termes économiques, une meilleure prise en compte des co-bénéfices à court ou moyen terme permettrait de justifier les coûts immédiats des stratégies climatiques.
Une récente revue de littérature de l’utilisation du terme de « co-bénéfice » soulignent les différentes utilisations du terme : parfois utilisé pour décrire les co-bénéfices climatiques d’une politique à la base non-climatique, ou pour décrire les bénéfices co-latéraux dans d’autres domaines découlant de mesures de mitigation du dérèglement climatique, ou des multiples bénéfices découlant d’une même intervention, sans nécessaire priorisation [4]. Des co-bénéfices de mesures de mitigations climatiques sont par ailleurs identifiés dans des secteurs très différents, comme des co-bénéfices économiques (ex : génération d’emplois, meilleure résilience), des co-bénéfices environnementaux (ex : préservation de la biodiversité) ou des co-bénéfices sociaux (ex : des co-bénéfices en termes de santé). Les auteurs soulignent par ailleurs une évolution dans la terminologie utilisée pour décrire les impacts multiples d’interventions climatiques. Ils suggèrent que l’acceptation d’un consensus sur les menaces majeures découlant du dérèglement climatique, ainsi qu’une plus grande intégration des aspects sociaux dans les réflexions sur les enjeux climatiques ont favorisé le remplacement de termes purement économiques (« cost-saving » ou « double dividends ») par celui plus multidimensionnel de « co-bénéfices », qui peut être utilisé dans de multiples secteurs, et notamment par les professionnels de santé comme nous le verrons plus bas [4].
En bref, ce concept permet de faire converger des objectifs, qu’ils soient plutôt d’ordre environnementaux, sociaux, économiques ou sanitaires en favorisant l’intégration de mesures et permettant d’identifier de potentiels synergies positives. Ceci peut contribuer à renforcer leur efficacité, en assurant une meilleure coordination entre différents secteurs, institutions et acteurs. De nombreux auteurs soulignent que les co-bénéfices restent néanmoins insuffisamment pris en compte dans l’élaboration et la planifications de politiques climatiques [3].
Co-bénéfices, santé publique et promotion de la santé
Le rapport du Lancet Countdown décrit le dérèglement climatique comme une menace majeure de santé publique pour le XXIe siècle [5]. Souligner les impacts sanitaires du dérèglement climatique peut contribuer à rendre cette problématique environnementale plus concrète et à accélérer la prise de conscience de l’urgence d’y répondre, avec des transformations aussi bien au niveau individuel qu’au niveau des collectivités publiques. En effet, si le dérèglement climatique est un enjeu global, les impacts sociaux et les effets sur la santé se vivent au niveau individuel ou communautaire, même si la notion de risque peut rester très vague et abstraite [6]. Par ailleurs, au-delà de l’impact du seul dérèglement climatique sur la santé, de nombreux co-bénéfices pour la santé des populations découlent (ou pourraient découler) de politiques d’atténuations des dégradations environnementales.
Les villes ont un rôle important à jouer en termes de stratégies climatiques, et on observe à cette échelle des convergences étroites entre stratégies de durabilité et promotion de la santé. Les villes, qui concentrent les activités humaines, sont en effet des sources majeures de gaz à effet de serre (GES) et vont être particulièrement exposées aux aléas climatiques. De nombreuses études montrent par ailleurs que certaines des actions que les villes peuvent entreprendre pour diminuer les émissions de GES et s’adapter aux effets du dérèglement climatiques présentent des co-bénéfices en termes de santé [7]. Il est par exemple clairement établi que le report modal des transports à propulsion thermiques vers les mobilités actives (marche et vélo), lorsqu’il est possible, présente des co-bénéfices pour la santé et l’environnement. En Suisse, les transports sont responsables de 40 % des émissions directes de CO2 nationales dont 73 % sont imputés aux voitures individuelles motorisées [8]. La pollution de l’air (NO2, PM2.5, PM10, O3) générée par les moteurs thermiques est de plus responsable de nombreuses maladies cardiovasculaires et respiratoires, alors que l’utilisation de la voiture renforce la sédentarité de la population, et donc contribue à accentuer le fardeau des maladies non transmissibles. De plus, l’utilisation de l’espace public par les voies de circulation et les places de stationnement, les effets de coupure et les îlots de chaleur favorisés par ces infrastructures dégradent les cadres de vie, réduisent les espaces vert et de rencontre et fragilisent d’autant le capital social [9], [10].
Les acteurs et institutions impliqués dans la planification et la gestion de l’environnement construit ont donc un rôle important à jouer dans la transformation des espaces urbains pour les rendre à la fois plus durables et plus favorables à la santé et au bien-être. Dans cette perspective, identifier des objectifs communs et renforcer les collaborations intersectorielles pourraient permettre d’intégrer des actions de promotion de la santé dans les stratégies de transitions socio-écologiques des villes et territoires, ceci afin de réduire les émissions de GES, renforcer l’adaptation aux effets du dérèglement du climat, tout en renforçant des stratégies de santé publique. Il importe néanmoins de s’assurer que ces collaborations ne se fassent pas au détriment d’actions qui influencent d’autres déterminants de la santé, notamment les déterminants sociaux, économiques ou culturels [11].
De plus, l’approche « co-bénéfices », qui encourage une prise en compte globale des coûts et bénéfices, peut souligner les économies sur le budget de la santé découlant de mesures de mitigations pour encourager les gouvernements à investir dans les transformations nécessaires [7]. Ces approches doivent se baser sur des méthodes quantitatives (analyses coûts-bénéfices, évaluations d’impacts sur la santé) et qualitatives (entretien, approches participatives) qui permettent de mieux appréhender les besoins, les perceptions, les leviers à disposition.
Ces concepts restent néanmoins insuffisamment mobilisés, notamment du fait du manque d’identification des objectifs communs qui existent dans différents secteurs, des difficultés aux collaborations intersectorielles et du manque d’intégration horizontale et verticale des mesures entreprises par différentes institutions et acteurs [3], [4], [5].
Co-bénéfices dans la pratique clinique
Comme nous l’avons vu, le terme de « co-bénéfice » a d’abord été utilisé pour décrire des interventions d’ordres structurelles mais certains chercheurs font l’hypothèse qu’une approche co-bénéfices pourraient également être envisagée pour accompagner des changements de comportements au niveau individuel ou communautaire [12], [13]. Parallèlement, un nombre croissant d’éditorialistes et d’associations médicales se sont exprimés sur le rôle que devrait jouer les professionnels de la santé pour encourager une transition vers des modes de vie plus compatibles avec les limites planétaires [14], [15], [16], [17], notamment au travers de la voie positive offerte par les co-bénéfices. Cependant, au-delà des discours d’intention, la question de savoir de quelle façon les professionnels de santé peuvent intégrer des aspects de durabilité dans leur pratique quotidienne reste largement ouverte [18].
Les modalités d’implication des soignants
Les professionnels de santé sont des témoins privilégiés des impacts sur la santé des populations locales d’expositions diverses (modes de vie, précarité sociale, pollutions diverses, vagues de chaleurs, …). Ils jouissent par ailleurs d’une confiance importante de la société, notamment par rapport à la qualité de l’information qu’ils fournissent aux patients, ce que certains auteurs considèrent comme un atout, voir un levier, pour encourager les changements de comportement. Il est également reconnu que des actions de « plaidoyer » communautaires peuvent faire partie de leurs activités professionnelles (ex : interactions avec les autorités politiques pour la création d’infrastructures de promotion de la santé). Pour ces différentes raisons, certains auteurs postulent que les professionnels de santé pourraient légitimement aborder les questions de durabilité dans leur pratique clinique, les liens entre santé et environnement étant clairement établis [19], [20]. Ces interventions pourraient accompagner, à un niveau local et individuel, des changements sociétaux rendus nécessaires par les limites planétaires déjà fortement compromises, comme cela peut être le cas avec d’autres thèmes comme le tabagisme ou la consommation d’alcool : des approches individuelles ciblées vont de pair avec des mesures structurelles de santé publique.
Peu de littérature existe cependant sur des interventions liant explicitement santé et climat réalisées en milieu clinique et encore moins sur leur impact réels en termes de co-bénéfices [18]. On peut cependant décrire un certain nombre de modalités d’intervention, schématisées sur la figure 1.
En premier lieu, les professionnels de santé peuvent contribuer à transmettre de l’information sur les liens entre la santé des individus/populations et le changement climatique. Une meilleure communication dans ce domaine est en effet nécessaire, comme l’illustre un indicateur du rapport du Lancet Countdown 2018 montrant qu’il est difficile, pour la population, de concevoir le lien entre la santé humaine et le changement climatique [5].
Par ailleurs, d’autres formes d’engagement des professionnels de santé sont décrites dans la littérature. Plusieurs articles éditoriaux mentionnent l’importance de l’engagement citoyen des professionnels de santé, voire de mener des actions de désobéissance civile, ceci afin d’influencer les politiques publiques sur la reconnaissance des liens entre santé et changement climatique, et de demander des engagements forts de décarbonation de la société [21].
Au niveau de la clinique, nous pouvons ensuite distinguer deux grands champs d’actions. Tout d’abord, les professionnels de santé vont devoir adapter leurs activités cliniques au changement climatique et aux dégradations environnementales. Les praticiens vont par exemple devoir prendre en charge les effets sur la santé de l’accroissement des périodes de canicules, de l’augmentation des allergies respiratoires ou de l’émergence de nouvelles maladies infectieuses [22]. Ensuite, en allant au-delà de leur rôle traditionnel (assurer des soins médicaux de qualité et individuels), les professionnels de santé pourraient contribuer à atténuer les émissions de la société en accompagnant des changements de comportements, au travers de conseils et d’informations à des patients individuels ou en groupes, si ces comportements offrent des co-bénéfices pour la santé et l’environnement.
Interventions de co-bénéfices en clinique
Dans cette perspective, et selon la Wonca [12] (ainsi que d’autres auteurs [13]), sept thèmes pourraient être abordés durant la consultation médicale dans une perspective de co-bénéfice qu’ils définissent ainsi : « choix quotidiens et changements clés que les personnes/patients peuvent faire dans leur propre vie qui conduisent simultanément à un bénéfice pour leur propre santé et pour celle de l’environnement » [12]. Il s’agit de l’alimentation, la mobilité active, les choix d’énergie, la réduction globale de l’impact environnemental, la santé reproductive, le contact avec la nature (« prescription verte ») et l’engagement communautaire. Parmi ces thèmes, il nous semble cependant que tous ne sont pas faciles à mettre en œuvre en pratique clinique, soit parce qu’ils n’ont pas de liens évidents avec la santé individuelle, soit parce que la thématique peut poser de problèmes d’ordre éthique ou encore parce que le contexte de vie des personnes ne s’y prête pas. En effet, trois domaines font sens et pourraient être intégrés dans la consultations médicale car un lien direct existe avec la santé (au sens « traditionnel ») : l’alimentation, la mobilité active et le contact avec la nature. L’engagement communautaire peut également être considéré comme relevant du champ traditionnel de la médecine en pensant au lien entre isolement social et santé par exemple. Le choix de l’énergie est étroitement lié à la pollution de l’air, intérieur ou extérieur. Une réflexion sur la réduction générale de l’empreinte environnementale en revanche nécessite une approche nouvelle de la santé, où les bénéfices sont largement indirects, voir ne concernent pas directement la personne elle-même. En effet, il faut en amont pourvoir reconnaître qu’agir positivement sur l’environnement va bénéficier dans le temps et l’espace à d’autres que soi tout en reconnaissant une forme d’interdépendance des êtres vivants humains et hon-humain. Finalement, la santé reproductive, qui stipule en bref d’inciter les patients à avoir moins d’enfants, pose de sérieux problèmes éthiques. À ce titre, on peut en effet mentionner que le planning familial a souvent été utilisé à des fins politiques et pas nécessairement pour la santé [23], [24]. Ci-dessous, nous allons brièvement évoquer quelques éléments concernant les trois premiers thèmes. Ces éléments sont détaillés dans une publication de 2020 par les auteurs du présent article dans une revue de littérature sur les co-bénéfices [25].
Premièrement, les recommandations nationales de nutrition font rarement mention des impacts environnementaux des choix alimentaires préconisés. Pourtant, dans les pays à revenus modérés ou élevés, le suivi de ces recommandations, notamment de réduire la consommation de viande rouge, de produits laitiers, d’œufs et de nourriture ultra-transformée et en général de réduire l’apport calorique sont dans une large mesure alignées avec les objectifs environnementaux [26], [27]. En clinique, l’appréciation des co-bénéfices santé-environnement de certains changements d’habitudes alimentaires pourrait ainsi permettre d’aborder des recommandations alimentaires dans une double perspective nutrition et durabilité. Il s’agirait ainsi de considérer les apports nutritionnels optimaux pour la santé humaine, mais également de l’impact environnemental de la production alimentaires (émissions de GES, surfaces utilisées, déforestation, pollutions etc.). Ces recommandations peuvent s’appuyer notamment sur le rapport de la commission du EAT-Lancet qui définit clairement les contours d’une assiette saine et durable [28]. Les soignants pourraient ainsi accompagner les patients et contribuer à diffuser de l’information objective de qualité en matière d’alimentation. Par exemple, en accompagnant et rassurant les patients ne souhaitant plus ou peu manger de viande quant au risque éventuel de carences ou d’effets néfastes sur la santé.
Deuxièmement, l’OMS recommande pour les adultes un minimum de 150 min d’activité physique modérée hebdomadaire même si un nombre croissant de personnes n’atteignent pas cet objectif [29]. En permettant de combiner temps de déplacement et activité physique, comme par exemple en utilisant le vélo pour se rendre au travail, les mobilités actives peuvent contribuer à promouvoir l’activité physique dans la vie quotidienne et ainsi apporter des bénéfices notoires en termes de santé publique. Des études d’évaluation d’impacts sur la santé montrent en effet que les bénéfices résultant de l’augmentation de l’activité physique liée à la pratique de la mobilité active l’emportent largement sur les impacts négatifs d’exposition à la pollution de l’air ou aux risques d’accidents par exemple [30], [31]. De plus, encourager les mobilités actives permet de diminuer la pollution de l’air, le bruit, les risques d’accidents de la circulation lié aux véhicules à moteur. Les professionnels pourraient ainsi accompagner le report modal de l’utilisation des voitures individuelles motorisées vers la pratique du vélo ou de la marche en soulignant les co-bénéfices santé et environnement. Il est cependant important de mentionner que ces interventions au niveau individuel doivent aller de pair avec des mesures structurelles, notamment afin de créer des infrastructures adéquates et attractives, qui facilitent et sécurisent la pratique du vélo et de la marche [32].
Finalement, certaines revues de littérature ont exploré le concept de « prescription verte » (prescrire aux patients plus de contacts avec la nature dans toutes sortes d’activités) en relation avec les co-bénéfices [33]. De nombreuses études suggèrent en effet que le contact avec des environnements naturels est associé à des bénéfices à court et long termes pour la santé humaine. Par exemple, une revue systématique et méta-analyse conduite en 2018 suggère des associations entre le contact avec des espaces verts et des réductions de la pression sanguine, du rythme cardiaque, du cortisol salivaire, de l’incidence du diabète de type II et d’AVC, de mortalité de toute cause et de mortalité cardiovasculaire, ainsi que des incidences bénéfiques sur les grossesses, les taux de cholestérols ainsi que l’état de santé auto-rapportée [34]. Une autre revue systématique publiée en 2018 [35] étudiant l’exposition des enfants à de la nature montre un impact bénéfique sur la santé mentale (stress, syndrome d’hyperactivité, …). Une revue systémique a par ailleurs exploré les avantages pour la santé d’interventions liées à la participation des patients à des activités de conservation de la nature [36]. Néanmoins, les études explorant les « prescriptions vertes » ne précisent pas comment ces interventions pourraient être mises en œuvre dans les soins cliniques quotidiens, avec quels résultats sur la santé et l’environnement, et comment ces interventions sont liées à d’autres déterminants, sociaux par exemple, de la santé. Robinson et al. [33] évoquent cinq interventions en lien avec la « prescription verte » : l’horticulture thérapeutique, les activités de conservation de la nature, les soins avec et aux animaux, les promenades dans la nature et les activités artistiques dans la nature. Ils postulent que toutes ces activités peuvent avoir un impact positif sur la santé humaine, mais également sur l’environnement. Plusieurs actions ont d’ailleurs été lancées dans ce sens, comme le NHS Forest par exemple (https ://www.nhsforest.org). Il semble cependant important de préciser que pour s’inscrire pleinement dans une perspective de co-bénéfices, il est indispensable d’évaluer pour chacune des interventions si un bénéfice direct ou indirect existe pour la santé et pour l’environnement de façon conjointe et proportionnée. En effet, se promener dans une forêt n’a pas nécessairement un impact direct positif sur celle-ci, mais peut-être indirectement au travers d’une sensibilisation et d’une plus grande appréciation de son importance pour la vie sur terre et ainsi de la nécessité de la protéger.
Conclusion
L’approche duale des questions de santé et d’environnement de co-bénéfices est en plein essor dans la littérature scientifique mais ne concerne pour l’heure que, dans une large mesure, des domaines globaux des sciences de l’environnement ou de la santé publique. Même si cette approche semble également avoir un sens à un niveau individuel et clinique, peu de littérature existe pour identifier les interventions les plus utiles dans un milieu de soins et encore moins de leur impact, tant sur la santé que sur l’environnement. Il semble dès lors urgent de développer une recherche clinique de qualité dans ce domaine qui devra être nécessairement interdisciplinaire. Cela nécessitera également de questionner fondamentalement notre rapport à la nature et de l’importance d’en prendre soin pour notre propre santé. L’abord des co-bénéfices en pratique clinique peut être également un facteur important d’acceptation et d’accompagnement de mesures structurelles en les rendant plus concrètes. Il convient également d’y inclure une réflexion sur le système et services de santé. En effet, l’abord des questions environnementales en pratique clinique est un changement de paradigme important qui doit être intégré dans une vision plus large d’un système de santé durable. Finalement, comme dans tout domaine de recherche émergent, il apparaît essentiel de conserver une grande rigueur terminologique dans ce que l’on considère comme « co-bénéfice ». Sans cela, ce concept pourrait devenir un terme fourre-tout ou alibi, vidé de son sens, car il est indispensable que l’impact positif anticipé d’interventions, autant sur l’environnement que sur la santé, soit à la hauteur des enjeux et des défis qui nous attendent. Il convient dans ce sens de s’assurer que ce concept ne soit pas mobilisé que pour des actions peu ambitieuses et insuffisantes face aux changements structuraux profonds qui sont nécessaires pour faire face aux enjeux environnementaux d’aujourd’hui.
Déclaration de liens d’intérêts
les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
© 2021 The Author(s). Published by Elsevier Masson SAS.
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