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Comment devenir un bon médecin

26 janvier 2023

Nous vous invitons à découvrir l'ouvrage Comment devenir un bon médecin S’ouvre dans une nouvelle fenêtre ,les réflexions d'un homme de terrain, le Professeur Lipsker.

Un ouvrage indispensable aux étudiants futurs médecins comme aux médecins en exercice qui souhaitent prendre du recul sur leur pratique et l'améliorer.

Placer l'être humain au cœur de la pratique médicale

Extraits de la préface de Jean Sibilia, doyen de la faculté de médecine, maïeutique et sciences de santé de l'Université de Strasbourg

Comment devenir un bon médecin ? Ce livre nous confronte à une question fondamentale qui échappe curieusement à l'enseignement médical alors qu'elle en est «inconsciemment» le pilier fondateur. Ce livre est le témoignage fort et émouvant d'un médecin qui a traversé trois décennies de découvertes scientifiques sans précédents. Cette période incroyable est illustrée, comme un clin d'œil, par le psoriasis que l'on traitait avec une pommade de goudron (Louis Brocq, 1856–1928), mais qui bénéficie maintenant d'un arsenal d'immunothérapies ciblées qui bloquent des cytokines jusqu'au blanchiment

Merci à Dan Lipsker pour ce témoignage si personnel teinté d'humanisme et de passion. Merci à Dan Lipsker pour cet élan de vie et d'enthousiasme constellé de conseils et d'enseignements pratiques.

Table des matières

  1. Les attentes du malade

  2. Les conséquences des études de médecine et de la pratique médicale sur la vie personnelle

  3. Généralités sur la pratique médicale

  4. Les grands principes de la pratique médicale

  5. L'examen clinique

  6. Les explications données au patient

  7. Situations particulières en pratique médicale

  8. La gestion des erreurs, la conscience professionnelle et l'épanouissement personnel

  9. L'analyse du signe et du terrain

  10. Les causes et les mécanismes des maladies

  11. La nosologie - comment classer les maladies

  12. Concepts et aphorismes

  13. Approche critique et grands principes thérapeutiques

  14. Le raisonnement et la démarche cognitive en médecine - aller plus loin

  15. Mode d'exercice et systèmes de soins et de formation actuels : quelques commentaires

  16. Les qualités pour être un bon médecin.

Philosophie de la pratique médicale

(extrait de l'introduction)

Après avoir rédigé et coordonné de nombreux ouvrages médicaux, j'ai décidé d'écrire un livre sur la pratique et la philosophie de l'exercice médical. Il s'agit d'un ouvrage sur l'attitude, les réflexions et les raisonnements qui devraient soustendre l'exercice de la médecine. En effet, avec l'âge et avec l'expérience, je me suis aperçu que c'est le recul avec lequel on porte un regard sur sa pratique médicale qui contribue à devenir un «bon médecin». Cette démarche, quasi introspective, devrait être au cœur du métier. Elle est la clé d'une progression et d'une évolution continue au bénéfice des patients que l'on prend en charge, et de la satisfaction que l'on en retire. Elle explique pourquoi il faut se tenir à jour dans les connaissances et elle donne la motivation pour le faire. Je tiens ici à partager mes réflexions sur la pratique de la médecine afin d'aider et de guider d'autres médecins dans l'exercice de leur profession. De façon plus générale, je souhaite aussi donner un éclairage de la pratique médicale à tous les individus que cela pourrait intéresser.

Extrait : Chapitre 7 Situations particulières en pratique médicale

Chapitre 7 - Situations particulières en pratique médicale

PLAN DU CHAPITRE

  • Le suivi du malade chronique : une tâche ardue et parfois éprouvante pour le malade et le médecin

  • Le malade hospitalisé pour un problème social : un casse-tête pour l'interne

  • L'expérience et le flair pour reconnaître les simulateurs et les pathomimes

  • La médicalisation du normal, la bobologie et le dépistage à outrance

  • Ne pas soigner ses proches

  • La phrase à toujours éviter : «si c'était mon enfant…»

L'objectif de cet ouvrage n'est pas de détailler les nombreuses situations auxquelles un médecin peut être confronté dans sa pratique. Cela ne serait d'ailleurs pas possible. Et, comme je l'ai déjà souligné, chaque rencontre malade-médecin est unique, chaque individu étant différent. Il existe néanmoins certaines situations qui méritent un commentaire.

Le suivi du malade chronique : une tâche ardue et parfois éprouvante pour le malade et le médecin

Le malade chronique est un individu qui a une affection que l'on ne peut pas guérir et qui sera suivi pendant des années. C'est une situation particulièrement valorisante, mais aussi difficile et éprouvante. Souvent, les maladies chroniques ne s'arrangent pas avec le temps, et le médecin, assez démuni, ne constate que la dégradation progressive du patient qu'il prend en charge. Cette dégradation progressive est très difficile à gérer pour le patient et son entourage, en premier lieu, bien entendu, mais aussi pour le médecin qui n'arrive pas à enrayer la maladie, tout en devant rester là pour le malade. Le médecin, même s'il est spécialiste, assure alors à la fois la prise en charge des problèmes médicaux, la psychothérapie de soutien et la gestion de problèmes administratifs qui vont de pair avec de telles affections. Avant chaque consultation, le médecin se demande ce que lui réserve la prochaine entrevue avec ce malade qu'il suit parfois depuis une vingtaine d'années : un simple contrôle de routine ; un problème intercurrent, pour lequel il y aura une solution, ou pas; une demande de constituer un dossier, qui prendra du temps? Le médecin devra, comme à chaque consultation, se concentrer pleinement, ce qui est toujours très difficile dans la situation du malade chronique. Mais les éventuelles difficultés psychologiques éprouvées par le médecin ne sont bien évidemment d'aucune commune mesure avec celles que subit son patient. Il convient de ne pas l'oublier.

Le malade hospitalisé pour un problème social : un casse-tête pour l'interne

Une autre situation difficile pour le jeune interne est le sujet hospitalisé pour un problème social. C'est l'exemple de la personne âgée, sans problème aigu, «déposée» aux urgences par ses proches qui n'en peuvent plus, ou qui parfois veulent simplement prendre quelques jours de vacances; ou alors des proches qui cherchent une solution médicale à un problème qui n'en a pas, comme la déchéance liée à l'âge par exemple. L'interne s'occupe d'un patient qui, en réalité, n'a le plus souvent pas de problème de santé à proprement parler. Or, le manque d'expérience l'incite à absolument chercher un problème là où il n'y en a pas. Cela peut être très déroutant. Il a alors besoin de l'aide d'un aîné qui peut remettre l'hospitalisation dans le contexte, expliquer que ce n'est pas un problème médical et qu'il ne faut donc pas le médicaliser en prescrivant des bilans et des examens inutilement.

L'expérience et le flair pour reconnaître les simulateurs et les pathomimes

Le simulateur et le pathomime sont d'autres situations particulières qui nécessitent un savoir-faire particulier, une bonne connaissance de l'humain et de l'intuition. Le simulateur est un individu qui prétexte des symptômes pour obtenir un bénéfice secondaire. Il s'agit par exemple de l'enfant qui a mal au ventre pour ne pas aller à l'école ou parfois simplement pour attirer l'attention de ses parents; de l'ouvrier qui a mal au dos au point de ne plus pouvoir se lever, car le nouveau contremaître est odieux ; de l'employé qui a des douleurs chroniques après une chute au travail, en espérant obtenir une reconnaissance comme maladie professionnelle ou une indemnisation. Parfois, il s'agit d'une somatisation et le problème est alors différent, mais le plus souvent le médecin expérimenté reconnaît vite le vrai simulateur.

La situation est bien différente en cas de pathomimie. Un pathomime simule une affection dans le seul but d'induire son entourage et les médecins en erreur. Plus les médecins sont en errance diagnostique, plus ils prescrivent d'examens, surtout dangereux et invasifs, plus il en jouit. C'est donc une forme de perversion. Il est important de rapidement diagnostiquer une pathomimie car, contrairement à ce qui est écrit dans beaucoup d'ouvrages, cela ne doit pas être un diagnostic d'exclusion après avoir écarté tout le reste. Cela devrait être un diagnostic positif, et rapidement, pour ne pas entrer dans le jeu du malade et pour pouvoir l'accompagner sans lui nuire et sans lui porter préjudice par des examens inutiles. Il faut beaucoup d'expérience pour reconnaître et prendre en charge ces malades.

La médicalisation du normal, la bobologie et le dépistage à outrance

Une autre situation à laquelle il faut parfois faire face est la médicalisation du «normal», la demande de «médecine préventive» et la «bobologie». La médicalisation du normal, ce sont par exemple les individus qui consultent pour une transpiration qui les dérange, alors même qu'elle n'est pas excessive ; ou alors les sujets qui veulent absolument un traitement de quelques folliculites des cuisses, alors même qu'ils souhaitent continuer de porter les pantalons serrés («slim») qui en sont la cause. Cette médicalisation du normal est en continuité avec la «bobologie», c'est-à dire des problèmes médicaux mineurs pour lesquels la grande majorité des individus n'iront pas voir un médecin. Il s'agit par exemple de sujets âgés qui consultent pour l'ongle d'un orteil qui devient plus épais et plus jaune, car il est le siège d'une mycose.

C'est aussi un peu dans ce contexte général que s'inscrivent les demandes de consultation de dépistage. Ce sont par exemple des patients sans facteurs de risque personnel ou familial particulier qui veulent un examen annuel de toute leur peau pour dépister «quelque chose d'anormal»; ou alors qui veulent se soumettre à une coloscopie ; ou à une épreuve d'effort pour vérifier le cœur alors même qu'ils n'ont aucun symptôme. Il faut séparer ici les vrais hypocondriaques, qui ont peur d'être malades, des individus qui croient «bien faire». Un médecin peut aussi être à l'origine d'une pratique trop systématique de dépistage, qui est alors souvent plus mercantile que scientifiquement fondée. Sans même rentrer dans le caractère scientifiquement non fondé de ces pratiques, il est regrettable que des médecins formés pendant une dizaine d'années, capables de prendre en charge des vraies maladies et des personnes en souffrance, soient réduits à un rôle presque uniquement tourné vers le dépistage. Il appartient aux médecins d'éduquer leur patientèle sur ce qui est utile et ce qui ne l'est pas, et donc de se tenir informés sur ce qui l'est et ne l'est pas. Il existe indiscutablement une dérive vers une prescription exagérée d'examens non fondés, notamment d'imagerie, qui peuvent mettre en évidence des anomalies dont l'exploration n'est pas toujours sans danger (par exemple par une biopsie du foie), qui ont un coût certain alors même que ces anomalies n'impactent ni l'espérance, ni la qualité de vie de l'individu qui en est porteur. En d'autres termes, toute prescription, aussi banale qu'elle puisse paraître, doit être fondée. On ne prescrit pas un bilan «pour voir», ni uniquement parce qu'un sujet «a 50 ans maintenant». Tout acte de médecine préventive chez un individu en apparence sain doit être dûment validé par des études qui ont démontré le bénéfice dudit acte. Les démonstrations d'un bénéfice dans les situations de médecine préventive restent très rares, avec un bénéfice souvent faible à l'échelle de la population.

Ne pas soigner ses proches

Il est recommandé de ne jamais s'occuper de ses proches. Pour être un bon médecin, il faut un détachement empathique et bienveillant. Il ne faut pas être affectivement trop impliqué. Il faut en toute circonstance une analyse cartésienne du bénéfice/risque. Il n'est pas possible de le faire lorsqu'il s'agit de sa proche famille. On risque d'éviter de prescrire un examen désagréable, alors qu'il faudrait le faire. Parfois, au contraire, on risque d'explorer de façon exagérée un signe banal. Je conseille donc d'orienter ses proches vers des médecins compétents et de ne jamais s'en occuper.

La phrase à toujours éviter : «si c'était mon enfant…»

Encore un mot sur les phrases suivantes : «Et si c'était votre enfant, vous feriez quoi?», ou le pendant, utilisé par certains médecins : «Si c'était mon enfant, voici ce que je ferais». Ces phrases m'abhorrent. D'une part, comme je viens de l'expliquer, on ne s'occupe pas de ses proches. Lorsque des parents me posent cette question : «Et si c'était votre enfant, vous feriez quoi?», je leur explique que j'irais voir quelqu'un de compétent pour ne pas avoir à prendre cette décision moi-même. Ensuite, je leur expose les arguments rationnels, et non affectifs, qui m'incitent à proposer tel choix plutôt qu'un autre. D'autre part, utilisée par un médecin, cette phrase met en exergue un manque d'arguments. Celui-ci incite le médecin à avoir recours à une stratégie affective pour convaincre un malade qui a au contraire besoin d'une explication rationnelle. L'affectif n'a pas sa place dans un échange médecin-malade. Une décision doit être fondée exclusivement sur des arguments rationnels. Et lorsqu'il n'y en a pas, il faut le dire et l'expliquer.

L'auteur

Dan Lipsker est Professeur des universités-praticien hospitalier, Faculté de Médecine et Hôpitaux Universitaires, Strasbourg 1

Comment devenir un bon médecin © 2023, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Comment devenir un bon médecin Les clés de l'apprentissage et de l'exercice de la médecine Dan Lipsker ISBN 9782294780851 2023