Contraception de la sportive
Paris | 9 janvier 2024
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Contraception de la sportive
C. Maître
La contraception de la sportive n'est pas spécifique mais elle répond à certaines exigences en fonction des objectifs sportifs et de son profil hormonal, elle ne doit pas avoir de conséquence négative sur la performance, être facile d'utilisation, sans risque de prise de poids pour assurer l'observance. Les contraceptifs hormonaux restent largement utilisés chez les jeunes femmes sportives, qui peuvent mettre à profit les effets bénéfiques secondaires d'une contraception hormonale. La pratique sportive féminine est en augmentation depuis ces dix dernières années, elle ne représente cependant que 39 % des licences sportives en 2020 sur 15 776 123 licences délivrées et 2 600 sportives sont inscrites sur les listes de haut niveau.
Demande multifactorielle propre à la sportive
La prescription de contraception chez la sportive répond souvent à une demande multifactorielle. Les motifs peuvent être :
un besoin contraceptif, associé ou non à la demande de régularisation des cycles, de décalage des règles lors des compétitions ou des stages sportifs, une prise en charge des symptômes liés aux règles en particulier la dysménorrhée sévère après recherche d'endométriose, cause de difficultés à l'entraînement ou d'absentéisme à la séance de sport, une prise en charge de règles abondantes en l'absence d'autres facteurs étiologiques;
une demande d'aménorrhée chez une sportive, le plus souvent ponctuelle sur une période de compétition, ce qui est à distinguer de la découverte d'une aménorrhée lors d'une demande de contraception;
la prescription de COP (contraception estroprogestative combinée) répond le mieux aux demandes multifactorielles de la sportive dans le respect des contre-indications usuelles.
Première consultation pour contraception d'une sportive
L'anamnèse précise :
l'âge des premières règles;
le type de sport pratiqué : – sports à catégorie de poids (judo, karaté, boxe, lutte, haltérophilie, taekwondo, aviron), – sports dits « esthétiques » (gymnastique, patinage, natation synchronisée, danse), – sports d'endurance (course à pied et son niveau en kilomètre par semaine, préparation semi-marathon, ou marathon, triathlon, cyclisme sur route);
le nombre d'heures par semaine d'activité sportive ou d'entraînement, son intensité et le niveau de pratique, sports de loisirs ou pratique de compétition;
l'existence de périodes d'aménorrhée, de spanioménorrhée ;
les antécédents éventuels de fractures de fatigue, en cas de troubles du cycle ;
les motifs de la demande : usage contraceptif, demande de règles prévisibles ou autres.
Il est important au cours de cette consultation, pour éviter les abandons intempestifs de permettre à la sportive d'exprimer ses craintes : prise de poids et en particulier de masse grasse, difficulté ou non d'une prise quotidienne. Les différentes méthodes lui seront expliquées, c'est en concertation que se fera le choix, en tenant compte des contre-indications éventuelles (antécédents cardiovasculaires, thrombose veineuse, embolie pulmonaire ou autres) comme lors de toute prescription de contraception hormonale, la sportive prévenue des signes de pathologie vasculaire et informée de la nécessité d'une contention veineuse efficace en cas de déplacements aériens de plus de 5 heures.
Problématiques de la sportive
Performance sportive
La performance sportive n'est pas modifiée par la prise de contraceptif hormonal. Les COP monophasiques de 2e génération (en 1re intention), voire de 3e génération (en 2e intention), ne modifient ni la force musculaire, ni les capacités cardiorespiratoires, ni la fréquence cardiaque, ni la VO2 max [1,2,3]. Seule une augmentation de la masse grasse peut être délétère mais elle n'est pas retrouvée de façon significative avec les contraceptifs actuels [4]. Le maintien d'un poids stable et l'absence de prise de poids prémenstruelle sont des éléments qui entrent en compte dans le choix du contraceptif chez la sportive, d'autant qu'elle pratique un sport à catégories de poids [5,6]. Choix contraceptif Les COP monophasiques à 20 μg d'EE (éthinylestradiol) sont à préférer aux associations triphasiques car elles ont un effet moindre sur le système rénine angiotensine aldostérone [7] (voir «Contraception et hypertension artérielle essentielle, chapitre 18 »). Les associations d'EE à la drospirénone en prise continue sur 24 jours, du fait des propriétés antiminéralocorticoïdes du progestatif, pourraient être utiles dans le respect des contre-indications usuelles et en 2e intention. La prise de poids lors de l'utilisation d'un contraceptif hormonal reste la 1re cause d'arrêt de la contraception chez la sportive qu'il s'agisse d'une sportive de haut niveau ou pas.
En cas de dysménorrhée et syndrome prémenstruel gênant l'activité sportive
Un tiers des sportives de haut niveau est gêné par une dysménorrhée, parfois sévère, pour laquelle le diagnostic d'endométriose sera recherché et amènera à une prise continue sans pause de COP et un quart par un syndrome prémenstruel à type de « rétention d'eau», fatigue, perte d'énergie prémenstruelle, ballonnement abdominal, crampes, céphalées.
Choix contraceptif Les COP sous forme continue 24 jours sur 28 sont privilégiées : la prise sans pause de 4 ou 7 jours selon les contraceptifs peut être nécessaire.
En cas de troubles du cycle, spanioménorrhée ou aménorrhée
Ces perturbations du cycle ne sont pas liées directement à la pratique du sport ou au nombre d'heures de pratique, mais à un déséquilibre de la balance énergétique avec une réserve énergétique insuffisante au maintien du bon fonctionnement de l'axe hypothalamo-hypophysaire qui est ralenti [8]. Un réajustement des apports alimentaires et une prise de poids de 1 à 2 kg peuvent suffire au retour spontané des cycles mais cette prise de poids est souvent difficilement acceptée par des sportives qu'il s'agisse de sports à catégorie de poids ou dits « esthétiques » dans le cadre du haut niveau, ou de sport d'endurance (marathon, triathlon).
Choix contraceptif La prescription de COP à 30 μg d'EE peut limiter le risque à long terme d'ostéopénie, voire d'ostéoporose, une diminution des marqueurs de la résorption osseuse et une augmentation modérée mais significative de la DMO (densité minérale osseuse) à 2 ans ont été rapportées, si le délai entre la ménarche et la prise de contraceptif est d'au moins 3 ans [9]. La prescription de COP répond à une demande de contraception de la sportive, mais d'autres thérapeutiques hormonales, moins à risque, peuvent être proposées en l'absence de besoin contraceptif. Les COP à 20 μg d'EE sont à éviter pour ne pas risquer les spottings ou les métrorragies par atrophie endométriale liée à l'hypo-estrogénie.
Demande de décalage des règles
Elle est le plus souvent ponctuelle pour une compétition ou un stage sportif. Une réponse positive peut rassurer la sportive, il n'y a d'incidence ni sur sa santé, ni sur sa fertilité, ni sur l'effet contraceptif.
Choix contraceptif (tableau 60.1) Il est possible d'enchaîner deux plaquettes de COP monophasiques sans faire la pause de 7 jours entre deux plaquettes de 21 jours ou sans prendre les 4 comprimés fictifs des plaquettes avec 24 jours contraceptifs sur 28 jours.
Usage des autres formes (patch, anneau vaginal)
L'usage des autres formes (patch, anneau vaginal) chez la sportive est limité : • l'anneau vaginal dosé à 15 μg d'EE est une alternative en cas de déplacements réguliers en stage, ou d'oublis fréquents mais son faible dosage en EE doit le faire discuter en cas d'antécédent d'aménorrhée du fait d'un risque de mauvaise tolérance endométriale ; • le patch contraceptif : son efficacité contraceptive au-delà de 90 kg pourrait être diminuée, il sera évité dans les catégories de poids supérieur à 70 kg (judo, lutte); • les progestatifs des patchs ou anneaux sont de 3e génération et ne seront prescrits qu'en 2e intention en l'absence de tout FDRV (facteur de risque vasculaire) associé, la patiente prévenue de consulter devant l'apparition de tout symptôme évocateur de pathologie vasculaire.
Sportive et contraception progestative
La prévisibilité des règles n'est plus assurée. C'est une contraception de 2e intention quand il existe des intolérances ou contre-indications aux COP.
Sportive et contraception par dispositif intra-utérin
Le DIU-LNG (dispositif intra-utérin au lévonorgestrel), après une phase d'adaptation de l'endomètre dont la sportive sera prévenue, limite le risque d'anémie ferriprive de règles abondantes, permet de réduire les dysménorrhées et s'accompagne fréquemment d'une aménorrhée (action locale du lévonorgestrel avec maintien de l'activité ovarienne sans hypo-estrogénie). Le DIU-Cu (dispositif intra-utérin au cuivre) peut majorer une anémie ferriprive, retrouvée plus fréquemment dans les sports d'endurance, du fait de l'augmentation de la durée et de l'abondance des règles (action inflammatoire sur la muqueuse utérine), à réserver aux sportives en oligoménorrhée (encadré 60.1).
[1] Elliott KJ, Cable NT, Reilly T. Does oral contraceptive use affect maximum force production in women? Br J Sports Med 2005 ;39(1):15–9. [2] Burrows M, Peters C. The influence of oral contraceptives on athletic performance in female athletes. Sports Med 2007 ;37(7):557–74. [3] Sarna MA, Hollenberg NK, Seely EW, Ahmed SB. Oral contraceptive progestins and angiotensin — dependent control of the renal circulation in humans. J Hum Hypertens 2009 ;23(6):407–14. [4] Casazza G, Suh SH, Miller B, et al. Effects of oral contraceptives on peak exercice capacity. J Appl Physiol 2002 ;93(5):1698–702. [5] Rickenlund A, Carlström K, Ekblom B, et al. Effects of oral contraceptives on body composition and physical performance in female athletes. J Clin Endocrinol Metab 2004 ;89(9):4364–70. Sep. [6] Maître C. Troubles du cycle de la sportive de haut niveau : quelle prise en charge en 2008 ? Les Cahiers de l'INSEP 2008 ;41:165–74. [7] Cobb K, Bachrach L, Sowers M. The effect of oral contraceptives on bone mass and stress fractures in female runners. Med Sci Sports Exerc 2007 ;39(9):1464–73. [8] Procter-Gray E, Cobb K, Crawford SL. Effect of oral contraceptives on weight and body composition in young female runners. Med Sci Sports Exerc 2008 ;40(7):1205–12. [9] Rechichi C, Dawson B, Goodman C. Athletic performance and the oral contraceptive. Int J Sports Physiol Perform 2009 ;4(2):151–62.
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La contraception en pratique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre De la situation clinique à la prescription 2e édition
Coordonné par : Brigitte Raccah-Tebeka : Endocrinologue-gynécologue, service de gynécologie-obstétrique, hôpital Robert-Debré, Paris
Geneviève Plu-Bureau : Gynécologue médicale, PU-PH, unité de gynécologie endocrinienne, hôpitaux universitaires Paris Centre-site Port-Royal, université Paris-Cité, Paris