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EFX : Explorations Fonctionnelles à l’eXercice

France | 24 mai 2022

Par Anne Claire Nonnotte

EFX - Explorations Fonctionnelles à l’eXercice

EFX - Explorations Fonctionnelles à l’eXercice

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EFX : Explorations Fonctionnelles à l’eXercice

1 janvier 2021 - Aguilaniu, B. Pneumologie, Volume 32, Numéro 1, Page 1-7

Résumé

Les explorations fonctionnelles à l’exercice (EFX) regroupent un ensemble de tests dont l’objectif commun est d’évaluer la capacité fonctionnelle de travail (CFT). Si la détermination de la CFT permet d’apprécier le retentissement fonctionnel (handicap) et le pronostic de la plupart des maladies cardiopulmonaires, elle est insuffisante pour expliquer les symptômes persistants (dyspnée, fatigabilité) et apprécier l’importance des activités physiques quotidiennes. Pour atteindre ces objectifs, il faut réaliser un exercice d’intensité progressive sur cycloergomètre couplé à la mesure continue des échanges gazeux pulmonaires, de l’électrocardiogramme et de la pression artérielle. Ce test dénommé EFXi permet d’observer l’évolution des symptômes en parallèle des réponses physiologiques (métabolique, ventilatoire, hématose, cardiocirculatoire). Outre la détermination de la CFT exprimée en termes de puissance mécanique (watts) et métabolique (VO2), l’EFXi est une exploration à visée diagnostique qui contribue à une prise en charge personnalisée. Cet article a pour but d’expliquer le déroulement de ce test, la façon dont on interprète les résultats de cette exploration fonctionnelle intégrative, et de situer la place de l’EFXi au cours de la démarche diagnostique et de la prise en charge d’un symptôme persistant.

Introduction

Les explorations fonctionnelles à l’exercice (EFX) utilisées en clinique comprennent schématiquement des tests simples dits de terrain et des tests complexes dits de laboratoire, car ils nécessitent un environnement technologique coûteux et une expertise spécifique.

Les tests de terrain ont pour objectif principal de mesurer une capacité fonctionnelle de travail (CFT). Ils sont généralement couplés aux mesures de l’oxymétrie de pouls (SpO2) et de la fréquence cardiaque maximale atteinte (FCMAX), et à l’évaluation de l’intensité de la dyspnée et de la fatigabilité grâce à l’échelle visuelle de Borg (Tableau 1). Ils sont généralement utilisés pour juger du bénéfice d’un traitement, notamment après un programme de reconditionnement physique, mais aussi comme un indicateur pronostique pour certaines affections chroniques . Aussi, ils doivent être reproductibles et l’investigateur s’appuie sur la différence minimale cliniquement pertinente pour juger d’une amélioration ou de la dégradation de la condition initiale . L’exercice le plus connu est le test de marche de six minutes (TM6) dont le résultat s’exprime en mètres parcourus. Puisque la consigne est la marche, il est par nature capé à environ 600 à 700 mètres (soit 6–7 km/h) car au-delà de cette vitesse les sujets adoptent spontanément l’allure de la course. Cette vitesse maximale correspond à une puissance métabolique d’environ 21 à 25 mlO2.min−1.kg−1. Pour être reproductible et fiable, le TM6 doit être réalisé par des allers retours dans un couloir de 30 mètres sans interférence, condition en pratique rarement réalisée. Compte tenu de ces contraintes, il n’est quasiment jamais réalisé en dehors de centres hospitaliers, et les résultats ne sont donc pas réévaluables par les médecins référents ou les autres soignants (kinésithérapeutes notamment). D’autres types d’exercice ont été proposés avec les mêmes objectifs. La performance réalisée (assimilée à une CFT) est exprimée différemment selon la nature de l’exercice. Ainsi, il peut s’agir du temps écoulé (en secondes) pour effectuer un enchaînement de tâches  ou du nombre maximal de mouvements répétitifs pour les déplacements verticaux (stepper, levers de chaise, etc.). Quel que soit le type d’exercice, le résultat ne préjuge en rien de l’activité physique quotidienne du sujet (excepté pour les sujets dont la CFT est extrêmement altérée, par exemples TM6 < 250–300 m), déterminant pourtant essentiel du pronostic et du retentissement sur la qualité de vie liée à la santé des maladies chroniques .

TABLEAU 1

Échelle de Borg applicable pour la dyspnée ou la fatigue musculaire. Remarquer que la valeur 0 correspondant à l’absence de symptôme est située en haut de l’échelle, et que les valeurs 6 et 8 ne correspondent à aucun verbatim.

0

Nulle

0,5

Très, très léger à peine perceptible

1

Très léger

2

Léger

3

Modéré

4

Peu sévère

5

Sévère

6

7

Très sévère

8

9

Très, très sévère (presque maximale)

10

Maximale

Le choix d’un test de terrain dépend donc de la possibilité pour le patient de le réaliser dans de bonnes conditions et pour le médecin de pouvoir le reproduire aisément, car c’est l’évolution de la performance qui est réellement informative. Il est aussi essentiel de comprendre les informations fournies par les résultats (CFT, désaturation, symptômes). Pour ces raisons, la tendance est aujourd’hui d’utiliser des tests face-face, si possible sans contrainte matérielle ni d’espace, tels que les tests de lever de chaise qui utilisent un exercice de déplacement vertical de la masse corporelle. Le caractère face-face est une condition qui permet de mieux guider l’exercice, d’observer la pénibilité et d’évaluer plus précisément les symptômes. Le déplacement vertical permet aussi d’estimer le travail (Joules) et la puissance mécanique développée (watts) et donc d’en estimer assez précisément le coût métabolique (VO2) .

Les tests complexes de laboratoire ont des objectifs différents et complémentaires. S’ils mesurent aussi la CFT, ce résultat n’a pas le même usage clinique puisque le test n’est pas réévaluable ailleurs qu’en laboratoire. La CFT, généralement déterminée sur cycloergomètre au cours d’un exercice à charge croissante, est exprimée en watts, notamment au cours des explorations cardiologiques (électrocardiogramme [ECG] ou échographie d’effort). Les informations recherchées sont prioritairement liées aux mesures réalisées pendant l’exercice (ischémie, troubles du rythme, hypertension artérielle, et différentes mesures de vélocité de flux d’où découlent des estimations de pressions et de volumes au cours de l’échographie cardiaque).

L’épreuve d’exercice incrémentale avec mesure des échanges gazeux pulmonaires (EFXi) relève d’une philosophie différente. Il s’agit essentiellement d’observer, au cours d’une contrainte standardisée, l’évolution des symptômes et des réponses fonctionnelles respiratoires, cardiocirculatoires et métaboliques. Cette exploration physiologique initialement réservée à la mesure de la puissance maximale aérobie des sujets sportifs (par exemple, VO2max), est donc devenue un test diagnostique pour évaluer les pathologies chroniques, les symptômes persistants, et objectiver le bénéfice des interventions thérapeutiques. La dénomination EFXi, introduite en 1999 après le texte initial sur la méthode d’interprétation clinique , est équivalente au terme anglais CPET (cardio pulmonary exercise testing). Elle a finalement été utilisée par la Haute Autorité de Santé dans divers documents à partir de 2014, mais ne figure pas encore comme telle dans la nomenclature des actes médicaux. L’interprétation des mesures réalisées au cours de cet exercice nécessite une double compétence: d’une part, de comprendre la physiologie des adaptations à l’exercice incrémental, et d’autre part, de connaître la physiopathologie des maladies et des symptômes susceptibles d’altérer la tolérance à l’exercice.

Les nombreuses mesures réalisées au cours de cet exercice font courir le risque d’erreurs susceptibles de tromper l’interprétation d’où l’importance d’avoir aussi une connaissance métrologique de tous les appareils utilisés (cycloergomètre électromagnétique, analyseurs des gaz inspirés et expirés, analyseurs des gaz du sang et de la lactatémie, électrocardiogramme 12 dérivations, mesure de l’oxymétrie transcutanée). Enfin, la bonne coordination entre le médecin et l’assistant(e) pour conduire l’exercice détermine la fiabilité diagnostique du test, et notamment sa reproductibilité. Il s’agit donc d’une exploration physiologique complexe car intégrative dont l’interprétation accrédite ou nuance l’interprétation des résultats obtenus par d’autres explorations fonctionnelles (par exemple, échographie cardiaque, cathétérisme cardiaque droit, etc.) ou morphologiques (exemple: scanner thoracique).

Cet article a pour but de présenter les différentes facettes de cet examen au lecteur non expert pour qu’il soit en capacité d’expliquer au patient le déroulement et les attendus diagnostiques de cette exploration fonctionnelle. Nous recommandons au praticien curieux de plus de précisions la lecture du livre EFX de l’interprétation à la décision médicale et/ou de la série EFX publiée dans la Revue des maladies respiratoires .

Dans cet article sont abordées les questions pratiques suivantes:

  • quelles sont les indications médicales de l’EFXi;

  • comment se déroule une EFXi;

  • principes d’interprétation;

  • un exemple pour mieux comprendre;

  • EFXi et prise en charge des symptômes persistants.

Quelles sont les indications médicales de l’EFXi ?

Les indications de l’EFXi peuvent être classées, de façon pragmatique, en deux catégories:

  • comprendre un symptôme chronique mal expliqué par la (les) pathologie(s) connue(s) du patient, mais aussi lorsque les explorations cardiologiques ou pneumologiques préalables ne permettent pas d’expliquer clairement la plainte. Il s’agit principalement de la dyspnée chronique, mais aussi toute forme d’intolérance à l’effort (fatigue, myalgies). En effet, l’EFXi peut déceler une pathologie non reconnue par les explorations de repos, ou rapporter le symptôme à un comportement fonctionnel inadapté (exemple: hyperventilation ou réponse cardiocirculatoire inappropriées) (Fig. 1);

Fig 1

Fig 1

  • évaluer le retentissement d’une pathologie connue (cardiaque, respiratoire, métabolique, musculaire), et objectiver le bénéfice de la prise en charge thérapeutique. Chez un sujet atteint d’une déficience fonctionnelle et/ou organique, la question est de savoir si le symptôme est compatible avec la nature et la sévérité de la maladie. Il s’agit, par exemple, de juger de la responsabilité d’un trouble obstructif ventilatoire pour expliquer la dyspnée d’un patient atteint de bronchopneumopathie chronique obstructive  ou d’accepter que l’intolérance à l’effort d’un patient atteint d’une myocardiopathie est cohérente avec l’altération de la fraction d’éjection systolique estimée en échographie. L’EFXi peut aussi être indiquée pour juger d’une aptitude, et ainsi confirmer l’adéquation entre la CFT d’un sujet et la sollicitation métabolique liée aux conditions de vie (travail, compétition sportive, environnement). Dérivée de cette idée, la constatation d’une faible capacité maximale aérobie (VO2MAX) est considérée comme un facteur de risque pour le stress métabolique lié à la chirurgie thoracique . Enfin, l’EFXi se révèle utile voire indispensable pour évaluer objectivement le mécanisme des bénéfices de certaines thérapeutiques d’exception comme la réduction de volume pulmonaire ou la désobstruction artérielle pulmonaire des maladies thromboemboliques chroniques distales.

Déroulement d’une EFX incrémentale sur cycloergomètre

Préparation

Dans une perspective clinique, l’explication détaillée de l’examen et de ses attendues conditionne la façon dont les résultats seront compris par le patient. Ceci justifie une consultation avant le test pour expliquer le déroulement et les conclusions éventuelles de l’examen. La pratique confirme en effet qu’il s’agit bien d’un « petit drame » dont la mise en scène doit être très codifiée. Dans ces conditions, les commentaires qui suivent cet exercice maximal permettent au médecin et parfois au patient de dissocier les composantes sensorielles ou affectives des symptômes. En effet, si l’intensité du symptôme est codifiée grâce à l’échelle de Borg, la composante affective est, d’expérience, analysée par le verbatim qui suit immédiatement l’exercice. La préparation à l’examen doit être minutieuse et méthodique, expliquant que l’examen dure environ 45 à 60 minutes alors que l’exercice lui-même est en moyenne de 8 à 12 minutes (Tableau 2).

TABLEAU 2

Principales étapes à réaliser avant le démarrage de l’exercice lors d’une exploration fonctionnelle à l’exercice incrémentale sur cycloergomètre.

1

Mesurer la taille et le poids

2

Étalonner les analyseurs

3

Expliquer à nouveau le déroulement de l’examen

4

Ajuster la hauteur de selle du cycloergomètre

5

S’assurer de la bonne compréhension de l’échelle de Borg

6

Vasodilater le lobe de l’oreille pour les prélèvements de sang artérialisés

7

Analyser l’électrocardiogramme 12 dérivations et vérifier la pression artérielle avant le démarrage

8

Réaliser une spirométrie complète

9

Tester l’embout buccal ou le masque facial pour recueillir les gaz expirés

10

Vérifier la qualité de tous les signaux et la cohérence des grandeurs physiologiques

Exercice

La Figure 2 résume le déroulement de l’exercice sur cycloergomètre réalisé après avoir préparé le patient selon le Tableau 2. On distingue quatre phases successives.

Fig 2

Fig 2

Phase 1, état stable

Le patient pédale à un rythme d’environ 65 cpm alors que la puissance de faible intensité (de 10 à 40 watts) est maintenue constante pendant trois minutes à l’issue desquelles on évalue l’intensité des symptômes. Dans ces conditions, on observe généralement en fin de palier un état stable métabolique (VO2), ventilatoire et de la FC. On profite de cette situation pour juger de la normalité des échanges gazeux pulmonaires alors que l’homogénéité ventilation/perfusion est stabilisée. Pour cela, on prélève un échantillon de sang capillaire au lobe de l’oreille pour déterminer les gaz du sang et la lactatémie. Les valeurs de PaO2 et de PaCO2 mais aussi de VO2 (débit d’oxygène consommé) et de VCO2 (débit de CO2 produit) permettent de calculer l’espace mort (VD/VT) et le gradient alvéoloartériel en oxygène [P(Ai-a)O2] en les introduisant dans des formules adéquates. C’est en effet seulement la variation de P(Ai-a)O2 qui permet de juger de la dégradation éventuelle des échanges gazeux pulmonaires (et donc d’une déficience du transport des gaz de l’espace alvéolaire au sang) car PaO2 et SaO2 peuvent être dans des valeurs quasiment normales (en raison de l’hyperventilation) alors qu’il existe une pathologie pulmonaire parfois évoluée .

Phase 2, incrémentale

À la fin de l’état stable de trois minutes, la puissance imposée augmente toutes les minutes de 5, 10 ou 20 watts selon la condition du sujet et sa masse corporelle. Pendant cette phase incrémentale, poursuivie jusqu’à la tolérance maximale, on surveille attentivement les réponses ventilatoires, la pression artérielle, l’ECG, et on pose la question des symptômes (Borg) toutes les deux minutes et à l’exercice maximal. L’arrêt de l’effort peut être décidé par le médecin s’il observe des évènements potentiellement dangereux.

Un dernier prélèvement capillaire est systématiquement réalisé juste avant l’arrêt de l’effort, mais des prélèvements intermédiaires peuvent être nécessaires selon la question clinique posée (Fig. 2).

Phase 3, récupération

En phase de récupération (de 3 à 5 minutes), le patient continue de pédaler alors que la puissance est équivalente à la puissance de l’état stable initiale. On observe alors avec beaucoup d’attention la survenue d’évènements cardiocirculatoires, mais aussi la façon dont le VO2, le débit ventilatoire et les symptômes décroissent.

Phase 4, interrogatoire post-exercice

Après avoir réalisé un effort quasi maximal, limité le plus souvent par la sévérité des symptômes (en moyenne 7/10 sur l’échelle de Borg), l’interrogatoire permet de comprendre plus précisément la plainte ou le handicap du patient en mettant en perspective la CFT réelle du sujet et l’ampleur des réponses fonctionnelles pour l’atteindre avec les conditions de vie réelle. Cet échange « post-exercice » est aussi l’occasion pour le patient de comprendre et d’adhérer aux propositions diagnostiques ou thérapeutiques qui lui sont faites au regard de ce qu’il vient de réaliser.

Principes d’interprétation

Il existe plusieurs méthodes d’interprétation ayant donné lieu à différents ouvrages ou publications . La plupart sont d’origine nord-américaines et dérivent des publications d’une école de physiologistes de l’exercice des années 1970. Cette école a fait la promotion de concepts physiologiques basés sur l’observation de la réponse ventilatoire et de la réponse acidobasique. Dans le même temps, les cliniciens à la recherche de repères fonctionnels pour décrire plus factuellement la déficience des maladies se sont emparés de ces concepts (seuil anaérobie, limitation ventilatoire, de pouls d’oxygène, etc.) en les intégrant dans des algorithmes décisionnels. Ces algorithmes, dont la fiabilité n’a jamais été validée, ont pour but de guider le diagnostic étiologique d’une limitation fonctionnelle de la CFT. Malheureusement, ils reposent sur des arguments physiologiques largement contestés depuis , et n’intègrent pas l’analyse des symptômes ni les résultats des informations morphologiques (tomodensitométrie, échographie, etc.) obtenus par ailleurs.

Aussi, une méthode d’interprétation différente a été décrite et enseignée en France à partir de 1992 puis, rompue par l’expérience, a été publiée en 1999 et 2013 . Cette méthode, plus intégrative, s’affranchit de l’idée contestable de « normalité » , et repose sur des notions de physiologie de l’exercice plus robustes. Elle se décline en quatre étapes (Tableau 3), dont la première consiste en une description systématique et factuelle des réponses fonctionnelles. Cette étape nécessite de connaître les réponses physiologiques de l’exercice incrémental à charge constante. Elle ne nécessite aucune connaissance médicale proprement dite. En revanche, les trois étapes suivantes imposent de connaître la physiopathologie des maladies et des symptômes, et notamment de savoir comment confirmer les hypothèses diagnostiques proposées par l’EFXi. En effet, l’EFXi permet rarement de proposer avec fiabilité un diagnostic étiologique. C’est le cas par exemple pour la maladie de McArdle, glycogénose de type V qui se traduit par l’impossibilité de dégrader le glycogène en raison d’un déficit en phosphorylase musculaire . Aussi, la glycolyse n’est pas activée, avec en conséquence l’absence de production et d’accumulation sanguine de lactate. La constatation d’une lactatémie « immobile », alors que l’exercice a été maximal (intolérance musculaire, FC maximale atteinte, hyperventilation très marquée), est un signe biologique spécifique et robuste de ce déficit enzymatique, qui est confirmé par la biopsie musculaire démontrant l’accumulation de glycogène et un marquage « muet » de la myophosphorylase.

TABLEAU 3

Les quatre étapes de la méthode d’interprétation de l’exploration fonctionnelle à l’exercice incrémentale.

Étape 1: Analyse descriptive des réponses fonctionnelles en réponse à 7 questions physiologiques

Le VO

2

 est-il cohérent avec la puissance mécanique développée? L’exercice est-il maximal? Quelle est la signification clinique de VO

2

 max? La réponse ventilatoire est-elle adaptée à l’exercice incrémental? Les échanges gazeux pulmonaires sont-ils normaux? La réponse cardiocirculatoire est-elle adaptée et/ou limitante? Existe-il une acidose métabolique?

Étape 2: Hiérarchisation des désordres en se basant sur 1) leur ampleur et 2) leur pertinence par rapport à la plainte

Étape 3: Propositions mécanistiques et hypothèses étiologiques compatibles avec l’ampleur des anomalies fonctionnelles

Étape 4: Confirmation des hypothèses étiologiques par des explorations spécifiques ou une recommandation thérapeutique

L’apport diagnostique de l’EFXi est avant tout de mettre en évidence des « désordres fonctionnels compatibles avec… ». Elle est donc considérée comme une exploration très sensible mais peu spécifique. Son intérêt majeur est aussi d’identifier et de comprendre les symptômes au cours d’une contrainte standardisée permettant d’avoir une opinion plus objective de la réalité et de l’ampleur de la plainte.

Si l’ampleur des désordres fonctionnels (hyperventilation, hématose, etc.), relativement à la puissance métabolique développée, oriente fortement vers le diagnostic étiologique, il est souvent nécessaire de le confirmer par des examens spécifiques.

Un exemple pour mieux comprendre

Afin de comprendre par l’exemple l’apport diagnostique de l’EFXi, nous proposons l’observation de Sylvie, 70 ans, atteinte d’un emphysème post-tabagique et d’une artériopathie ayant justifié une endartériectomie iliofémorale gauche en 2017. Par ailleurs, elle a cessé de fumer il y a sept ans (45 paquets-année) et bénéficie d’un traitement antiagrégant plaquettaire par l’association aspirine et ticagrelor. Elle n’a aucun traitement à visée pulmonaire car sa fonction respiratoire est quasi intacte, hormis une Dlco à 42 % de la valeur prédite. Depuis une année, elle décrit une difficulté pour suivre ses congénères lors des randonnées qu’elle pratique au moins deux fois par semaine, étant native d’un village en moyenne montagne. Cette difficulté se traduit par une fatigabilité musculaire et une dyspnée, avec une sensation de blocage respiratoire alors que la fonction ventilatoire reste stable. Elle a bénéficié d’une échographie d’effort il y a huit mois à la recherche notamment d’une ischémie myocardique. Cet examen s’est avéré normal tandis qu’un test de marche de six minutes montrait une bonne performance (570 m) avec une désaturation attendue à 91 % pour une FC maximale de 108 bpm. On lui propose donc de réaliser une EFXi pour comprendre cette intolérance mal expliquée par les explorations précédentes. Les résultats chiffrés (Fig. 3) sont commentés dans la lettre au correspondant ci-dessous selon les principes résumés dans le Tableau 3.

Fig 3

Fig 3

Résultats chiffrés de l’exploration fonctionnelle à l’exercice incrémentale. Les valeurs sont rapportées à trois moments successifs: fin de l’état stable; à un palier intermédiaire déterminé selon l’intérêt (par exemple, au niveau du seuil ventilatoire lorsque celui-ci est franc); à l’exercice maximal. Noter qu’il n’y a pas de valeur théorique. En vert, estimations du débit cardiaque (Qc) à partir de la relation connue entre Qc et VO2; et du temps de transit capillaire moyen (T.T cap mean) calculé à partir de l’estimation du volume capillaire pulmonaire (ici 48 ml que l’on considère stable au cours de l’exercice) et de différentes valeurs de Qc.

Les constatations sont les suivantes:

  • la puissance maximale atteinte de 80 watts soit 1,67 W/kg est limitée essentiellement par la dyspnée et la fatigue musculaire jugées sévères (Borg 7/10) alors qu’il existe une réserve ventilatoire (42 %) et cardiocirculatoire (FCMAX = 110 bpm = 67 % de FMT). À noter que la FMT est sensiblement différente selon que l’on utilise la formule 220-âge ou 210-0,65 × âge (plus adaptée aux sujets au-delà de 50 ans) (Fig. 4);

Fig 4

Fig 4

  • la valeur de VO2MAX à 80 watts est plus basse que celle attendue. Surtout, on observe qu’elle est identique à celle mesurée à 60 watts, comme le confirme l’observation de la cinétique de VO2 en montrant un plafonnement net de la consommation d’oxygène;

  • la puissance métabolique maximale de 22 mlO2. min−1.kg−1, atteinte avec des symptômes très sévères, correspond à la dépense métabolique d’une marche à plat d’environ 5,5 km/h . Aussi, il n’est pas étonnant qu’une marche en montagne dont la pente est en moyenne de 10 à 12 % ne puisse pas être réalisée à une vitesse supérieure à 2,5 km/h;

  • la réponse ventilatoire est excessive par rapport à un sujet de même âge (probablement en raison de l’espace mort lié à l’emphysème), mais néanmoins l’hyperventilation n’est pas disproportionnée. De plus, le mode ventilatoire est harmonieux, sans tachypnée franche;

  • les échanges gazeux sont normaux au cours de l’état stable et s’altèrent au cours de l’exercice, comme en témoignent le doublement de PA-aO2 et la baisse de PaO2 de 7 mmHg alors que la SaO2

    reste à 94 %. L’espace mort est de 39 % à l’exercice maximal;

  • l’augmentation de la FC est relativement lente. Si l’exercice avait été plus prolongé et d’intensité plus élevée, on aurait peut-être démasqué une insuffisance chronotrope. L’ECG et la PA étaient normaux;

  • on note que le RER (VCO2 /VO2) ne dépasse pas la valeur de 1 malgré l’hyperventilation externe significative. Cela peut être la conséquence d’une hypoventilation alvéolaire liée à l’espace mort de 40 % et/ou à la présence d’une hyperventilation chronique abaissant le stock de CO2 mobilisable. Au total, deux désordres principaux sont à retenir:

  • la stagnation de VO2 est un phénomène anormal à ce niveau faible de puissance qui témoigne de l’absence d’augmentation du débit cardiaque alors que la FC augmente dans le même temps;

  • l’intolérance musculaire survient précocement et devient sévère alors que la patiente est habituée à l’exercice. La dyspnée s’accentue rapidement au cours des deux derniers paliers d’exercice sans augmentation excessive du débit ventilatoire ni modification du mode ventilatoire.

On peut émettre l’hypothèse que l’intolérance à l’effort n’est pas principalement d’origine respiratoire compte tenu de l’intrication de la dyspnée et de la fatigabilité musculaire (qui semble prédominante), d’autant que la réponse ventilatoire est non limitante. Ces symptômes sont donc à rapprocher de la constatation de la stagnation du débit cardiaque reflétée par le plafonnement de VO2.

On propose donc de rechercher une insuffisance cardiaque d’effort d’origine ischémique compte tenu du contexte vasculaire, et malgré la normalité de l’ECG et de l’échographie d’effort.

D’emblée une coronarographie a été pratiquée, confirmant une atteinte bitronculaire avec une sténose très serrée et critique de l’interventriculaire antérieure (IVA) ostiale et une longue sténose de la coronaire droite (CD2). Une revascularisation par stent de l’IVA est réalisée dans le même temps, puis mise en place dans un second temps d’un stent actif sur la coronaire droite.

EFXi et prise en charge des symptômes persistants

L’EFXi est une exploration très intégrative et complexe. Il est donc nécessaire de bien comprendre son positionnement au cours de la démarche diagnostique (Fig. 5). Elle devrait être réalisée lorsqu’un symptôme persistant n’est pas expliqué par une analyse clinique systématique rigoureuse. L’interrogatoire reste primordial, en identifiant le plus précisément possible l’ontogénèse de la plainte, son évolution et le(s) contexte(s) qui l’exacerbe(nt). Le recueil de ces informations cliniques ou biologiques (anémie, brain natriuretic peptide [BNP] élevé) peut orienter vers une pathologie d’organe et permettre d’engager une recherche étiologique ciblée. Dans ce cas, l’avis spécialisé incluant des explorations fonctionnelles de repos (ECG, échographie cardiaque, électromyogramme, épreuves fonctionnelles respiratoires) aboutit ou non à une proposition diagnostique et à un traitement. L’EFXi est alors utile si aucune proposition diagnostique ne permet d’expliquer le symptôme ou si le traitement proposé ne l’améliore pas significativement.

Fig 5

Fig 5

Cependant, les symptômes persistants sont souvent fonctionnels et correspondent physiologiquement à des anomalies ou dérives du système de contrôle des réponses respiratoires ou cardiocirculatoires. Ces réponses, qualifiées d’« excessives » ou de « disproportionnées » selon leur ampleur , sont dites « inappropriées » dans la mesure où elles n’ont pas fonction de corriger une limitation du transport de l’oxygène, que ce soit au niveau pulmonaire ou périphérique. Il peut s’agir aussi d’une exagération de la perception de ces réponses correspondant conceptuellement à un désordre neurophysiologique. Ce désordre peut schématiquement être compris comme une exagération du traitement central d’un influx neurosensoriel périphérique. Dans ces situations fréquentes de symptômes médicalement inexpliquées, le diagnostic doit être posé avec preuves et conviction pour éviter l’errance médicale et la surenchère d’explorations de toutes sortes . Surtout, il s’agit de répondre à la plainte en proposant une prise en charge cohérente avec l’analyse clinique et physiologique. Dans ces situations, la proposition thérapeutique est non pharmacologique et fait appel à une conception holistique du soin.

On comprend donc que l’EFXi est une exploration dont l’objectif ne se limite pas à cibler un diagnostic dans le répertoire nosologique des pathologies. Elle permet aussi d’élaborer une proposition de soin pour les symptômes insuffisamment améliorés par les traitements pharmacologiques conventionnels des maladies.

Déclaration de liens d’intérêts

enseignements, conférences, formations rémunérées dont frais de déplacements pour: HYLABEURL, Société de Pneumologie de Langue Française, différentes filiales françaises de laboratoires pharmaceutiques (Boehringer Ingelheim, Glaxo SmithKline, Novartis, Chiesi, Astra Zenecca, Ménarini).

© 2020  Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Toute référence à cet article doit porter la mention : B. Aguilaniu. EFX : Explorations Fonctionnelles à l'eXercice. EMC - Pneumologie 2020;32(1):1-7 [Article 6-000-N-97].

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Références

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