Épisiotomie
26 octobre 2020
Par Anne-Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Chirurgie en obstétrique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Épisiotomie - P. Deruelle, A. Leroy, V. Leroy
Points forts du chapitre
La pratique de l'épisiotomie a beaucoup régressé depuis 15 ans. Il s'agit d'un acte chirurgical à réaliser dans des conditions strictes d'asepsie. Ce geste douloureux requiert une analgésie assurée par l'anesthésie péridurale le cas échéant ou par anesthésie locale. La variante médio-latérale est la plus fréquemment réalisée en France. L'opérateur est généralement installé à gauche ou du côté où il est le plus à l'aise. Il est mieux de la réaliser à l'acmé d'une contraction et d'un effort expulsif. Les complications de l'épisiotomie sont l'hémorragie (saignements à surveiller), les infections secondaires et le défaut de cicatrisation. Deux techniques de suture existent : classique en trois plans et « un fil/un noeud » ; chacune impose à son issue un toucher vaginal pour ne pas laisser de compresses intravaginales.
Rappel sur l'anatomie du périnée
Le périnée est divisé en deux parties : en avant le périnée urogénital (traversé par l'urètre et le vagin) et en arrière le périnée anal. Le périnée urogénital est composé de plusieurs parties. Tout d'abord, l'espace superficiel, qui encadre l'orifice vulvaire, contient le clitoris, les glandes vestibulaires majeures, les muscles ischiocaverneux, bulbospongieux et transverse superficiel. C'est la partie la plus exposée aux déchirures obstétricales. Ensuite, la membrane périnéale qui correspond à une épaisse lame fixatrice des corps érectiles est fixée latéralement sur la face interne des branches ischiopubiennes et adhère au centre tendineux du périnée. Elle forme en avant le ligament transverse du périnée. Enfin, l'espace profond du périnée contient le diaphragme urogénital composé du muscle sphincter de l'urètre et du muscle transverse profond.
Technique de l'épisiotomie
Objectifs de l'épisiotomie et épidémiologie
L'épisiotomie a probablement été réalisée pour la première fois par Felding Ould en 1742. Elle avait pour but de faciliter les expulsions difficiles. Initialement, elle était dans la majorité des cas non suturée pour limiter les risques infectieux, et faciliter les accouchements ultérieurs. En France, en 2016, 34,9 % des primipares et 9,8 % des multipares ont eu une épisiotomie. Ce chiffre est en nette diminution par rapport à 1998 (71,3 % des primipares et 36,2 % des multipares) et par rapport à 2010 (44,8 % des primipares et 14,4 % des multipares) grâce aux recommandations du CNGOF parues en 2005 qui visaient à en limiter la pratique systématique, notamment chez la primipare. En réalité, les données publiées montrent clairement que l'épisiotomie est un geste qui ne prévient pas les lésions obstétricales du sphincter anal et dont les indications doivent rester très limitées.
Principes techniques
Matériel et réalisation
L'épisiotomie est un geste chirurgical, elle doit être réalisée dans un contexte le plus aseptique possible. Pour cela, l'opérateur doit porter un masque et des gants stériles après avoir effectué un lavage chirurgical des mains. Une toilette périnéale avec un antiseptique doit être réalisée avant le début des efforts expulsifs. Le rasage ou la tonte du périnée ne sont pas nécessaires. La réalisation de l'épisiotomie, tout comme sa réfection, nécessite la préparation du matériel chirurgical sur une table recouverte d'un champ stérile. On retrouve une paire de ciseaux droits ou angulés, des compresses, et le nécessaire pour clamper le cordon (pince Kocher, pince à clamp). Avant de commencer l'accouchement, il faut systématiquement vérifier la présence des ciseaux droits stériles sur la table qui sont indispensables pour la réalisation d'une épisiotomie. Les ciseaux doivent être testés (sur une compresse par exemple) pour vérifier qu'ils coupent suffisamment bien pour pouvoir sectionner en un seul coup les tissus périnéaux. Il existe deux types d'épisiotomies : la médiane, notamment réalisée aux États-Unis, et la médiolatérale réalisée dans la majorité des cas en France et recommandée par le CNGOF. L'épisiotomie médiane est responsable dans 20 % des cas d'atteinte du sphincter anal, suite à une extension vers l'anus par section du raphé médian, créant alors une zone de faiblesse ainsi qu'une augmentation du taux de fistules vésico-vaginales à distance de l'accouchement. L'épisiotomie médiane semble être plus douloureuse en postopératoire et souvent hémorragique. La réalisation d'une épisiotomie est douloureuse, c'est pourquoi il est nécessaire d'effectuer une analgésie. Actuellement, la plupart des patientes en cours de travail ont une analgésie péridurale, en l'absence de celle-ci, on peut réaliser une anesthésie des nerfs pudendaux ou locale avec de la lidocaïne non adrénalinée. L'épisiotomie médiolatérale doit partir de la fourchette vulvaire et se diriger à 45° au moins vers la région ischiatique environ sur la distance jugée nécessaire de 2 cm jusqu'à 6 cm environ. L'incision sectionne la peau, le muscle puborectal et la muqueuse vaginale. Il ne faut pas sectionner les glandes de Bartholin, ce qui implique d'être parfaitement positionné à la fourchette vulvaire et non 1 ou 2 cm au-dessus, ce qui pourrait amener à sectionner le canal des glandes. Elle se réalise en principe à droite pour les droitiers et à gauche pour les gauchers. En réalité, elle est plus couramment effectuée à gauche et surtout du côté où l'opérateur est le plus à l'aise. Il vaut mieux la réaliser à l'acmé d'une contraction et d'un effort expulsif, lorsque la tête foetale se trouve au petit couronnement. À ce stade, le périnée postérieur s'allonge. De plus, le faisceau puborectal du muscle releveur de l'anus est mis en tension, ce qui l'amincit et l'intègre dans le plan superficiel du périnée. En revanche, lorsque l'épisiotomie est réalisée précocement, sur un périnée moins amplié ou en cas de forceps, elle est alors plus large et expose à un risque d'hémorragie plus important. Il convient alors d'avoir une direction des ciseaux plus horizontale.
Matériel et installation
La suture de l'épisiotomie est une intervention chirurgicale, il faut donc des conditions de réalisations strictes, notamment des bonnes conditions d'asepsie avec une désinfection vulvo-périnéale. Tout d'abord, la patiente doit être installée correctement et sous analgésie suffisante. Ensuite, l'opérateur doit porter un masque, un calot et des gants stériles après une désinfection chirurgicale des mains. Il doit être installé confortablement et avec un éclairage adapté. Enfin, il doit vérifier la présence, sur sa table recouverte d'un champ stérile, d'un porte-aiguille, d'une pince à disséquer à griffes, d'une paire de ciseaux à fil courbes, de compresses stériles, d'un tampon vaginal (disposé dans le fond du vagin pour éviter d'être gêné par les saignements endo-utérins) et d'un doigtier stérile permettant de réaliser le toucher rectal. L'épisiotomie peut s'associer à une déchirure controlatérale ou homolatérale qui peut être étendue jusqu'au cul-desac vaginal. Il est nécessaire d'avoir une bonne exposition. Un aide avec des valves peut permettre de faciliter le geste. Par ailleurs, durant sa suture, l'opérateur ne doit surtout pas oublier d'évaluer et de surveiller la quantité des saignements.
Technique
Il en existe deux types.
Technique dite « classique » en trois plans (figures 3.1, 3.2)
Elle se réalise donc en trois plans, tout d'abord par un surjet vaginal, avec un fil serti à résorption rapide 2.0 ou 0 (décimale 3,5 ou 2), aiguille 36 mm, débutant au sommet de l'incision vaginale et se terminant au bord de l'incision hyménéale. L'utilisation d'un fil résorbable ainsi que la réalisation d'un surjet permettent de diminuer les douleurs en post-partum. Ensuite, le plan musculaire est fermé par des points séparés simples ou en X, par du fil serti à résorption rapide 0 ou 1 (décimale 3,5 ou 4) aiguille 36 mm, en vérifiant par un toucher rectal en fin de suture du plan musculaire l'absence de point transfixiant, auquel cas, il faudrait enlever ces points qui peuvent être source d'infections secondaires (abcès ou cellulites pelviens) et de défaut de cicatrisation. Enfin, un surjet intradermique (ou des points cutanés séparés) est réalisé à l'aide d'un fil serti à résorption rapide 2.0. Le surjet intradermique permet de réduire les douleurs en post-partum en diminuant la tension.
Technique « un fil/un noeud »
Elle a été promue dans les années 1990 par le Pr Dallay et le Dr Théry (CHU de Bordeaux). Elle consiste à effectuer un surjet, avec un seul fil à résorption rapide 2.0 ou 0.0 (décimale 3,5 ou 3), débutant au sommet de l'incision vaginale jusqu'en arrière de la cicatrice hyménéale. Ce surjet se poursuit sur le plan musculaire jusqu'au point d'angle cutané puis du plan sous-cutané en remontant de l'angle de la peau jusqu'à la cicatrice hyménéale. Il est parfois nécessaire de réaliser la suture du plan musculaire par un surjet descendant puis montant afin d'effacer l'espace mort sous-cutané et d'absorber les tensions pouvant s'exercer sur le plan cutané. Le plan sous-cutané se termine en avant de l'hymen et l'aiguille ressort du plan muqueux. Pour finir le surjet intradermique au niveau du point d'angle de la peau, il faut piquer en sous-cutané dans la fesse pour faire ressortir l'aiguille à 1–2 cm de l'angle puis couper le fil au ras de la peau qui sera alors enfoui (vidéo e3.1). À la fin de la suture, quelle que soit la technique réalisée, un toucher vaginal doit impérativement être réalisé pour ne pas laisser de compresses intravaginales.
Recommandations du CNGOF : indications de l'épisiotomie
L'indication d'une épisiotomie au cours d'un accouchement est fonction de facteurs de risque individuels et des conditions obstétricales (accord professionnel). Il est recommandé d'expliquer l'indication et de recueillir l'accord de la femme avant de pratiquer une épisiotomie. Il n'y pas de bénéfice reconnu à la pratique de l'épisiotomie dans l'accouchement normal (NP1) ; comparé à une pratique libérale de l'épisiotomie, le nombre de périnées intacts est plus grand en cas de pratique restrictive sans augmentation du nombre de lésions obstétricales du sphincter anal (LOSA). Au cours d'un accouchement normal, la pratique d'une épisiotomie n'est pas recommandée pour réduire le risque de LOSA (grade A). Il n'existe pas de preuve pour indiquer une épisiotomie en cas de présentation du siège, de grossesse gémellaire, ou de variété postérieure afin de prévenir une LOSA (NP3). La pratique libérale de l'épisiotomie n'est pas recommandée dans ces cas particuliers (grade C). La pratique de l'épisiotomie au cours d'un accouchement instrumental semble associée à une réduction du risque de LOSA (NP3). En cas d'accouchement instrumental, une épisiotomie peut être indiquée pour éviter une LOSA (grade C). La formation à la protection périnéale des professionnels de la naissance réduit le risque de LOSA au cours d'un accouchement instrumental (NP2). Elle est donc recommandée (grade B).
Pour en savoir plus
Vardon D , Reinbold D , Dreyfus M . Épisiotomie et déchirures obstétricales récentes . EMC (Elsevier Masson SAS, Paris) – Techniques chirurgicales – Gynécologie 2013 ; 41 – 897 . Verspyck E , Sentilhes L , Roman H , Sergent F , Marpeau L . Techniques chirurgicales de l'épisiotomie . J Gynecol Obstet Biol Reprod 2006 ; 35 : 1S40 – 51 . Riethmuller D , Ramanah R , Mottet N . Quelles interventions au cours du dégagement diminuent le risque de lésions périnéales ? RPC Prévention et protection périnéale en obstétrique CNGOF . Gynecol Obstet Fertil Senol 2018 ; 46 (12) : 937 – 47 .
Compléments en ligne
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre (ils sont indiqués dans le texte par un picto ). Pour voir ces compléments, connectez-vous sur https://www.emconsulte. com/e-complement/476722. et suivez les instructions.
Vidéo e3.1. Technique « un fil/un noeud ».
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Chirurgie de la femme enceinte et de l'accouchement
© 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Philippe Deruelle - Pôle d'obstétrique Femme, mère et nouveau-né, CHRU de Strasbourg
Gilles Kayem - Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Trousseau, AP-HP Paris Sorbonne Université, Paris
Loïc Sentilhes - Service de gynécologie-obstétrique, CHU de Bordeaux Dessins de Cyrille Martinet
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