Évaluation de la scoliose : clinique et imagerie
France | 1 août 2023
Par Anne-Claire N.
Nous vous proposons de découvrir ici la Fiche pratique du numéro 112 de la revue du podologue sur l'évaluation de la scoliose
Évaluation de la scoliose : clinique et imagerie
Julien Courau : Pédicure-podologue Centre médical Les Sablons/Prodys, 1 rue Berteaux-Dumas, 92200 Neuilly-sur-Seine, France
Résumé
Le diagnostic de scoliose repose sur l’évaluation clinique et l’imagerie qui apprécie la déformation dans les trois plans.
Avertissement
L’objectif de cette fiche est de décrire les tests cliniques couramment utilisés et de vérifier leur validité scientifique
La scoliose est définie par une déformation dans les trois plans de l’espace avec un angle de Cobb supérieur à 10° dans le plan frontal. Cette déformation est souvent associée à une rotation de la colonne [1]. Il existe deux principaux types de scoliose : la scoliose idiopathique de l’adolescent (SIA) et la scoliose dégénérative de l’adulte [2]. Elles se différencient en fonction de l’âge d’apparition de la pathologie. Nous retrouvons, dans la SIA, trois types de scoliose :
la scoliose congénitale causée par une anomalie vertébrale qui provoque la déviation mécanique de l’alignement rachidien normal ;
la scoliose syndromique est associée à un trouble neuromusculaire, squelettique ou conjonctif ;
la scoliose idiopathique infantile (0-3 ans)ou juvénile (4-10 ans) [3]. En fonction du type de scoliose, les évaluations cliniques et les imageries diffèrent.
Évaluation clinique
L’évaluation clinique [3, 4, 5] se fait en deux temps.
En premier lieu, le praticien recherche les antécédents et recueille l’historique du patient :
âge de début de la scoliose ;
présence de maux de dos : douleurs sans blessure, continues, nocturnes (ce sont des red flags ) ;
symptômes neurologiques : anomalies de marche, faiblesse ou changements sensoriels, problèmes d’équilibre et de coordination, incontinence ;
sentiments de modifications sur l’apparence générale et la forme du dos : progression de la courbe importante, esthétique (aspect psychologique du patient) ;
antécédents familiaux : présence dans la fratrie (sept fois plus fréquent) ainsi que chez les parents (trois fois plus fréquent) [6].
Ensuite intervient l’examen clinique :
mesure de la taille : surveillance de la croissance du squelette ;
analyse de la marche : asymétrie, perte d’équilibre. Elle est à associer au bilan neurologique ; * forme du pied : des pieds creux peuvent expliquer un trouble neurologique (Charcot-Marie-Tooth ) ;
examen de la peau : vérification des taches cutanées (présence d’une neurofibromatose ou dysraphisme) ;
évaluation du développement de la puberté avec la classification de Tanner [7, 8] ;
bilan neurologique : testing sensitif (superficiel et profond) et moteur (involontaire et volontaire) ;
morphostatisme : symétrie des ceintures scapulaire et pelvienne, présence d’inégalité de longueur des membres inférieurs (en charge et en décharge) ;
est de flexion en avant [9] : test du plongeur (présence d’une gibbosité avec inclinomètre, vérifier si raideur des ischio-jambiers) (Figure 1). Si le praticien retrouve une valeur supérieure à 7°, il est nécessaire de réaliser une imagerie.
Bilan radiographique
Angle de Cobb
L’angle de Cobb mesure le degré de déformation latérale de la colonne vertébrale. Deux droites sont tracées, l’une partant de la vertèbre avec le plus grand angle d’inclinaison au-dessus de l’apex de la courbe scoliotique, et l’autre partant de la vertèbre avec le plus grand angle de déclinaison sous le sommet de la courbe scoliotique (Figure 2).
Les valeurs sont [10] :
scoliose légère : 11-30°;
scoliose modérée : 30-50°;
scoliose sévère :>50°.
Courbures structurelles et non structurelles
La mesure des courbes est réalisée en frontal avec le patient en flexion latérale [11] (Figure 3) :
courbe structurelle : l’angle de Cobb reste supérieur à 25° sur les radiographies en flexion latérale ;
courbe non structurelle : l’angle de Cobb est réduit en flexion latérale.
Maturité squelettique
Le squelette immature est un facteur de risque sur la progression de la scoliose ; l’immaturité est classée selon Risser [12, 13] : * 0=pas d’ossification ;
1=25 % ossifié ;
2=50 % ossifié ;
3=75 % ossifié ;
4=100 % ossifié ;
5=100 % ossifié et fusionné à la crête iliaque.
Équilibre vertébral global
Équilibre frontal [11, 13] (Figure 2). On mesure les translations de la colonne en traçant une droite passant par C7 et le centre du sacrum :
valeur négative : translation gauche ;
valeur positive : translation droite.
Obliquité pelvienne (Figure 4) [2]. Elle est évaluée par l’angle formé entre une ligne de référence horizontale et une ligne horizontale du bassin (passant par crêtes iliaques supérieures).
Axe vertical sagittal (Figure 5) [14]. Il s’agit de la distance horizontale entre le centre de C7 et le coin supérieur postérieur de S1 :
déséquilibre positif si>2cm ;
déséquilibre négatif si<–2cm
Cyphose thoracique (Figure 5) [2]. Elle est évaluée par l’angle entre les plateaux vertébraux T2 et T12 ou de T5 à T12, et comparée aux valeurs :
adolescents : 46°+–10° ;
adultes : 28-39°+–11° ;
personnes âgées : 35°+–14°.
Lordose lombaire (Figure 5) [2]. La lordose est appréciée selon l’angle entre le plateau supérieur de T12 et le plateau inférieur de S1, pour les valeurs :
adolescents : 58°±11° ;
adultes : 50-54°±10° ;
personnes âgées : 40°±16°.
Incidence pelvienne (Figure 6). L’incidence pelvienne est appréciée selon trois mesures d’angles (Pelvic Incidence [PI]=Pelvic Tilt [PT]+Sacral Slop [SS]) :
angle PI : 41-48°±11° ;
angle PT : 5-13°±8° ;
angle SS dont les références sont :
- | adolescents : 39°7° ; |
- | adultes : 34-38°±7° ; |
- | personnes âgées : 30°±11°. |
Équilibre épaule/angle clavicule. On se reporte à un angle entre la ligne horizontale et une ligne tracée tangentiellement à la face supérieure des clavicules.
Rotation vertébrale (Figure 7). La cotation se fait avec la méthode de Nash-Moe [15] (position des pédicules vertébraux par rapport au corps vertébral). L’échelle comprend cinq points.
Imageries complémentaires
EOS® (EOS imaging, Paris, France). Cet équipement radiographique à faible dose de rayonnement permet la reconstruction 3D de la colonne vertébrale.
Tomodensitométrie. Elle a deux indications :
l’évaluation d’une pathologie provoquant une scoliose ;
la planification préopératoire.
Absorptiométrie à rayons X à double énergie. Elle mesure la densité minérale osseuse. Une faible densité en fonction de l’âge est associée à un risque plus élevé de progression de la courbe de la scoliose.
Imagerie par résonance magnétique. Elle est indiquée chez le patient présentant une douleur radiculaire ou une claudication neurogène. Il faut vérifier la présence d’une compression de la racine ou sténose rachidienne.
Échographie 3D. Cet examen permet de réduire la dose de rayonnement. L’échographie 3D détermine les courbures vertébrales, la rotation vertébrale et le signe de Risser.
Conclusion
La scoliose est une pathologie que le pédicure-podologue est amené à rencontrer lors de sa pratique, voire à diagnostiquer ou suspecter notamment chez l’adolescent. Ce sont généralement des patients orientés par le généraliste ou en complément de prise en charge avec le corset ou des séances de kinésithérapie. Il y a parfois une demande assez précise au niveau de la correction.
En cas de patient venant en consultation sans orientation et avec suspicion de scoliose, il est important pour le praticien de réaliser un examen clinique complet, de demander par la suite une imagerie adaptée pour identifier les causes de la scoliose et faire un état des lieux. Il ne faut pas hésiter à orienter son patient chez un spécialiste. Il ne faut surtout pas se précipiter et mettre en place une correction trop importante.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Fiche pratique du numéro 112 de la revue du podologue sur l'évaluation de la scoliose
Je découvre la revue
Je découvre l'ensemble des articles pour les praticiens paramédicaux
Découvrez sur ce lien tous nos produits pour votre spécialité
Références
[1] Yaman O., Dalbayrak S. Idiopathic scoliosis Turk Neurosurg 2014 ; 24 (5) : 646-657 [2] Kim W., Porrino J.A., Hood K.A., et al. Clinical evaluation, imaging, and management of adolescent idiopathic and adult degenerative scoliosis Curr Probl Diagn Radiol 2019 ; 48 (4) : 402-414 [cross-ref] [3] Altaf F., Gibson A., Dannawi Z., Noordeen H. Adolescent idiopathic scoliosis BMJ 2013 ; 346 (7906) : f2508 [4] Janicki J.A., Alman B. Scoliosis: review of diagnosis and treatment Paediatr Child Health 2007 ; 12 (9) : 771-776 [cross-ref] [5] Parr A., Askin G. Paediatric scoliosis: update on assessment and treatment Aust J Gen Pract 2020 ; 49 (12) : 832-837 [cross-ref] [6] Wynne-Davies R. Familial (idiopathic) scoliosis. A family survey J Bone Joint Surg Br 1968 ; 50 (1) : 24-30 [cross-ref] [7] Marshall W.A., Tanner J.M. Variations in pattern of pubertal changes in girls Arch Dis Child 1969 ; 44 (235) : 291-303 [cross-ref] [8] Marshall W.A., Tanner J.M. Variations in the pattern of pubertal changes in boys Arch Dis Child 1970 ; 45 (239) : 13-23 [cross-ref] [9] Grossman T.W., Mazur J.M., Cummings R.J. An evaluation of the Adams forward bend test and the scoliometer in a scoliosis school screening setting J Pediatr Orthop 1995 ; 15 (4) : 535-538 [cross-ref] [10] Burton M.S. Diagnosis and treatment of adolescent idiopathic scoliosis Pediatr Ann 2013 ; 42 (11) : 224-228 [11] Malfair D., Flemming A.K., Dvorak M.F., et al. Radiographic evaluation of scoliosis: review AJR Am J Roentgenol 2010 ; 194 (3 Suppl) : S8-S22 [12] Risser J.C. The iliac apophysis; an invaluable sign in the management of scoliosis Clin Orthop Relat Res 1958 ; 11 : 111-119 [13] Waldt S., Gersing A., Brügel M. Measurements and classifications in spine imaging Semin Musculoskelet Radiol 2014 ; 18 (3) : 219-227 [14] Smith J.S., Shaffrey C.I., Fu K.G., et al. Clinical and radiographic evaluation of the adult spinal deformity patient Neurosurg Clin N Am 2013 ; 24 (2) : 143-156 [inter-ref] [15] Nash C.L., Moe J.H. A study of vertebral rotation J Bone Joint Surg Am 1969 ; 51 (2) : 223-229 [cross-ref]