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Hallucinations et illusions visuelles

France | 5 mai 2021

Par Anne-Claire N.

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Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Neuro-ophtalmologie pratique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre

Neuro-ophtalmologie pratique

Neuro-ophtalmologie pratique

Hallucinations et illusions visuelles

Sarah Benisty Neurologue, praticien titulaire, service de neurologie, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rosthschild, Paris

Points importants

  • L'hallucination est une perception sans objet, alors que l'illusion est une erreur d'interprétation d'un stimulus réel.

  • Devant des hallucinations visuelles (HV) de novo , il faut rechercher des arguments en faveur d'un syndrome confusionnel. Ce diagnostic est une urgence diagnostique et thérapeutique.

  • Le syndrome de Charles Bonnet désigne les HV simples ou complexes pouvant s'associer aux ophtalmopathies. Une pathologie visuelle doit donc être recherchée auprès des patients, souvent rassurés par l'explication de leur mécanisme. Une critique partielle ou nulle du phénomène, des hallucinations dans d'autres modalités sensorielles, des idées délirantes et un déficit cognitif patent sont autant d'atypies qui doivent conduire à rechercher une origine toxique ainsi qu'une pathologie neurologique ou psychiatrique concomitante au trouble visuel.

  • Un déficit visuel semble constituer un facteur de risque non spécifique de survenue d'HV dans les pathologies neurodégénératives avec HV, telles que la maladie de Parkinson, et doit systématiquement être recherché en cas d'HV.

L'hallucination visuelle (HV) est une expérience sensorielle subjective, ressemblant à une perception réelle, survenant en l'absence de stimulation externe sensorielle. Elle survient à l'état de veille, ce qui la distingue des expériences hallucinatoires liées au sommeil, hypnagogiques (liées à l'endormissement) ou hypnopompiques (au réveil) et des parasomnies comme la narcolepsie. Les hallucinations diffèrent des illusions qui correspondent à des erreurs d'interprétation d'un stimulus réel, pouvant porter sur les caractères physiques de l'objet et son identification. Cependant, leur distinction est parfois difficile, ce d'autant que les états de transition entre ces deux phénomènes sont fréquents. On distingue ces phénomènes des troubles de la perception qui ne s'opposent pas à l'identification de l'objet, telles que macropsie et micropsie (relatives à la forme et aux dimensions de l'objet), polyopie et diplopie (relatives au nombre d'images), persévérations, palinopsie (persistance ou réapparition d'une image après disparition du stimulus), ainsi que des phénomènes dits « entoptiques », tels que myodésopsies, photopsies, corps flottants, phénomène du fond bleu, vagues colorées ou nuages lors de la fermeture de l'œil. Ces phénomènes sont liés à une atteinte de l'œil mais peuvent être observés lors d'atteinte de l'ensemble du système visuel et s'apparenteraient pour certains à des HV simples.

Les HV peuvent :

  • être simples (points, lignes, formes géométriques) ou complexes (personnages, animaux, voire scènes élaborées) ;

  • concerner tout ou partie du champ visuel ;

  • être ou non critiquées par le patient, parfois accompagnées d'un vécu émotionnel intense, d'idées délirantes et d'hallucinations dans une autre modalité sensorielle ;

  • s'installer sur un mode aigu ou subaigu, avec des troubles de la vigilance, des fluctuations du maintien attentionnel et une désorganisation de la pensée dans le cadre d'un syndrome confusionnel.

En dehors de l'urgence diagnostique et thérapeutique du syndrome confusionnel, les HV peuvent se manifester au cours de pathologies ophtalmologiques, neurologiques, psychiatriques et de la prise de toxiques et médicaments ( encadré 11-1 ).

Encadré 11-1

Principaux mécanismes et causes d'hallucinations visuelles

  • Pathologies ophtalmologiques

    • Syndrome de Charles Bonnet : rechercher une mauvaise critique, des hallucinations dans d'autres modalités sensorielles, des idées délirantes, un déficit cognitif, un syndrome confusionnel, un trouble neurologique

  • Pathologies neurodégénératives

    • Démence à corps de Lewy, présentes dès le stade précoce, voire prodromales

    • Maladie de Parkinson

    • Maladie d'Alzheimer : stade tardif

  • Lésions focales cérébrales

    • Cortex occipital

    • Tronc cérébral (hallucinose pédonculaire)

  • Épilepsie

    • Cortex visuel : hallucinations simples

    • Autres : hallucinations complexes, troubles de la conscience, des émotions, etc.

  • Migraine

    • Aura visuelle

    • Neige visuelle

  • Toxiques

    • Sérotoninergiques (LSD)

    • Phényl-alkalines (mescaline)

    • Médicaments

    • Syndrome de sevrage (syndrome confusionnel associé)

  • Psychoses

    • Hallucinations dans d'autres modalités sensorielles (auditives) complexes, sans illusions visuelles

    • Réaction émotionnelle, signification personnelle

Ces conditions sont susceptibles de s'associer voire se potentialiser et doivent donc être considérées dans leur ensemble en cas d'HV.

Hallucinations visuelles et pathologies ophtalmologiques : le syndrome de Charles Bonnet

L'association entre HV et pathologies ophtalmologiques, connue depuis la fin du XIXe siècle, est habituellement désignée par le syndrome de Charles Bonnet (SCB), malgré l'absence de critères diagnostiques consensuels. Sa prévalence est estimée à 10 à 15 % des patients consultant pour une baisse de l'acuité visuelle [ 1 ] mais varie dans les études de 0,4 à 63 % en fonction de la population considérée, des critères choisis et des méthodes utilisées pour rechercher les HV [ 2 , 3 ]. Le SCB a été introduit en 1938 par de Morsier, en référence à la description par le botaniste et philosophe Charles Bonnet de l'expérience hallucinatoire visuelle vécue par son grand père à l'âge de 90 ans. De Morsier associait à ce syndrome les HV des sujets âgés « sans déficience mentale », sans pour autant établir une relation entre les HV et le trouble visuel fréquemment observé chez ces sujets. Ce n'est que secondairement que le rôle de la pathologie ophtalmologique a été reconnu puis considéré comme un critère diagnostique [ 1 ]. Le SCB désigne ainsi couramment les HV associées à une pathologie visuelle chez des sujets sans pathologie neurologique ou psychiatrique associée. Les imprécisions portent sur les caractéristiques des HV potentiellement requises pour retenir ce diagnostic, les facteurs favorisant associés compatibles avec le diagnostic (déficit cognitif léger, iatrogénie, lésions cérébrovasculaires, etc.). Le principal mécanisme à l'origine des HV du SCB est la désafférentation des aires visuelles corticales secondaire au défaut de stimulus visuel, par analogie avec le syndrome du membre fantôme. Il en résulte l'activation anormale d'aires visuelles, différant suivant le type d'hallucination [ 2 ]. Le SCB n'est lié à aucune pathologie ophtalmologique spécifique et s'observe uniquement dans les pathologies acquises : principalement dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), mais également cataracte, glaucome, lésions du nerf optique ou du chiasma. Des hallucinations associées à un processus de désafférentation ont aussi été rapportées en cas de lésion des voies rétrochiasmatiques (au niveau de l'hémichamp aveugle ou bien dans la totalité du champ visuel) ainsi que chez des sujets sains après privation visuelle [ 4 ]. Le facteur associé de façon la plus constante à l'émergence d'HV est la sévérité du déficit visuel, en cohérence avec la théorie de la désafférentation bien que des HV puissent survenir en l'absence de baisse de l'acuité visuelle [ 3 ]. Une association significative entre HV et atteinte bilatérale a été rapportée dans un groupe de patients atteints de DMLA [ 5 ]. Une autre étude suggère que la sensibilité aux contrastes serait un meilleur prédicteur du SCB que l'acuité visuelle chez les sujets malvoyants [ 6 ]. Bien que le SCB puisse être observé à tout âge, il concerne le plus souvent les sujets âgés, en raison de l'incidence élevée des troubles visuels dans cette population sans exclure toutefois le rôle d'autres facteurs liés à l'âge (vieillissement cérébral, comorbidités, iatrogénie, etc.) [ 3 ]. La relation entre SCB et déficit cognitif est un sujet de controverse [ 7 ]. Une association significative entre HV et score cognitif plus bas a été mise en évidence dans deux populations de patients présentant des troubles visuels [ 8 , 9 ], mais n'a pas été retrouvée dans d'autres études [ 1 , 10–12 ]. Soulignons le caractère limité de l'évaluation cognitive réalisée, reposant en général sur le Mini-mental state examination (MMSE) et donc insuffisante pour mettre en évidence des troubles cognitifs légers, ainsi que le manque d'études longitudinales. Par ailleurs, certains patients pourraient avoir des lésions cérébrovasculaires, contribuant à la genèse des HV [ 9 ], alors que d'autres pourraient être au stade prodromal d'une démence à corps de Lewy (DCL) [ 13 , 14 ]. Bien que peu d'études permettent d'étayer ces hypothèses, il est probable que le SCB soit constitué de différents sous-groupes, pour certains à la frontière d'autres cadres diagnostiques ou recouvrant d'autres mécanismes à l'origine d'HV. Un examen neurologique et une imagerie cérébrale sont ainsi recommandés chez ces patients SCB afin de rechercher des comorbidités neurologiques [ 2 ]. Les HV associées au SCB sont variées, souvent stéréotypées chez une même personne. Elles peuvent être simples ou complexes et ne s'accompagnent pas d'illusions. Dans leur forme typique, elles sont critiquées par le patient et ne s'associent pas à des hallucinations dans une autre modalité sensorielle. Les épisodes hallucinatoires sont récidivants mais leur durée, leur fréquence et leur évolution au cours du temps sont variables. Elles peuvent régresser spontanément en quelques mois ou persister pendant des années. Dans une étude réalisée auprès de 490 patients SCB, 75 % des patients rapportaient la persistance des hallucinations au-delà de 5 ans. Leur tolérance, mauvaise chez 32 % de l'ensemble des patients, dépendait de la récurrence des épisodes mais pas de leur durée d'évolution [ 15 ]. Les HV sont rarement évoquées spontanément par les sujets malvoyants et doivent être recherchées par l'interrogatoire. La prise en charge repose d'abord sur l'explication du phénomène, qui rassure le patient. Un traitement médicamenteux, souvent décevant, est prescrit uniquement si les hallucinations sont mal tolérées. Aucun traitement a fait la preuve de son efficacité. Des études de cas suggèrent un effet favorable des antidépresseurs sérotoninergiques, de certains antiépileptiques et antipsychotiques.

Hallucinations visuelles et pathologies neurodégénératives

Les HV sont particulièrement fréquentes au cours des maladies à corps de Lewy dont font partie la démence à corps de Lewy et la maladie de Parkinson. Dans la maladie de Parkinson, leur prévalence est globalement estimée à 30 % pour atteindre 74 % au bout de 20 ans d'évolution [16]. Leurs principaux facteurs favorisants sont l'âge, la durée d'évolution de la maladie, les troubles cognitifs visuoperceptifs et exécutifs, les troubles du sommeil et les traitements dopaminergiques. Elles sont également associées à une diminution de l'acuité visuelle, à des troubles de la sensibilité au contraste et de la vision des couleurs, et à une augmentation de la fréquence des pathologies oculaires coïncidentes qui doivent être systématiquement recherchées chez les patients parkinsoniens avec HV [17]. Dans la démence à corps de Lewy, elles sont observées chez 80 % des patients, souvent dès les stades précoces voire au stade prodromal de la maladie, avant l'installation des troubles cognitifs et moteurs. Elles représentent l'un des quatre principaux critères diagnostiques de la démence à corps de Lewy, avec le syndrome parkinsonien, les fluctuations cognitives et les troubles du sommeil paradoxal [18]. Dans cette pathologie, les HV sont associées à l'âge et aux troubles visuoperceptifs et attentionnels mais pas à la durée d'évolution de la maladie [19]. Les HV observées dans ces pathologies possèdent les mêmes caractéristiques. Elles sont souvent complexes, avec des personnes connues ou non, des animaux ou des objets, accompagnés parfois de sensations de présence humaine ou animale et d'illusions visuelles telles que la déformation d'objets, parfois en êtres animés (paréidolies). Elles surviennent volontiers quand l'éclairage est faible. La conscience des troubles, tout comme la réaction émotionnelle associée sont variables. Des hallucinations dans d'autres modalités sensorielles sont possibles. Différents mécanismes concourent probablement à l'émergence des HV, tels que la combinaison de perturbations de la perception visuelle et du contrôle attentionnel secondaire à l'atteinte de régions occipitales et frontales, des altérations des cycles du sommeil par lésion du tronc cérébral [16]. La prise en charge repose sur le traitement d'une éventuelle atteinte visuelle associée, la réduction des traitements antiparkinsoniens, des traitements spécifiques tels que les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase, parfois les neuroleptiques atypiques comme la clozapine [16]. Dans la maladie d'Alzheimer, les HV sont observées à des stades plus avancés de la maladie, alors que les troubles cognitifs sont sévères. Les HV sont le signe clinique le plus spécifique pour distinguer DCL et maladie d'Alzheimer aux stades débutants de ces maladies.

Hallucinations visuelles et lésions focales cérébrales

Les principales localisations des lésions cérébrales, d'origine diverse (vasculaire, tumorale, inflammatoire ou infectieuse, etc.), associées à la survenue d'HV comprennent le cortex occipital et certaines régions du tronc cérébral (comme dans l'hallucinose pédonculaire décrite par Lhermitte en 1922) impliquées dans les mécanismes d'éveil.

Hallucinations visuelles et épilepsie

Une crise d'épilepsie partielle peut se manifester sous la forme d'HV simples (taches colorées, lumineuses), quand elle est limitée au cortex visuel, ou bien d'HV complexes, impliquant alors un réseau cérébral plus large. Des troubles de la conscience, des perturbations émotionnelles, d'autres manifestations épileptiques ainsi que des céphalées peuvent faire suite aux troubles visuels ou les accompagner. La brièveté des phénomènes visuels (quelques secondes) et leur caractère stéréotypé sont évocateurs du diagnostic [20]. L'électroencéphalogramme (EEG) et l'imagerie cérébrale sont les examens de choix du diagnostic.

Hallucinations visuelles et migraine

Soixante-cinq pour cent des auras migraineuses, considérées comme secondaires à une onde de dépolarisation corticale, sont purement visuelles. Il s'agit le plus fréquemment de phénomènes visuels simples telles que des schémas et formes simples associées à des images très lumineuses ou colorées, d'installation progressive dans plus de 95 % des cas. Elles régressent en 15 à 20 minutes environ (au maximum en 1 heure) pour laisser la place à une céphalée dans 90 % des cas. Plus rarement, elles peuvent comporter des HV complexes et des distorsions d'images, plus volontiers chez l'enfant et dans la migraine hémiplégique familiale [21]. Le syndrome de neige visuelle est caractérisé par la vision continue de points blancs clignotants dans l'ensemble du champ visuel, décrit comme un voile neigeux semblable à une télévision mal réglée. Les sujets souffrent d'autres symptômes visuels tels qu'une palinopsie, des phénomènes entoptiques, une photophobie et une nyctalopie. L'examen ophtalmologique et neurologique est normal. La pathophysiologie de ce syndrome neurologique n'est pas connue. Il peut s'associer à une migraine avec ou sans aura mais constitue une entité distincte [22].

Hallucinations visuelles d'origine toxique

Les HV peuvent être causées par la prise de toxiques hallucinogènes dont les plus communs appartiennent à deux familles de produits : les sérotoninergiques, comme le LSD, la psilocybine et la diméthyltryptamine, et les phényl-alkalines comprenant la mescaline. Ces substances provoquent une intoxication appelée parfois trip au cours de laquelle se produisent des modifications sensorielles avec hallucinations et illusions, une plus grande conscience des stimuli internes et même des pensées. Des HV ont été rapportés suite à la prise de nombreux médicaments et peuvent être la seule manifestation d'une encéphalopathie toxique. Un facteur iatrogène doit systématiquement être recherché en cas d'HV. Les syndromes de sevrage, typiquement le sevrage alcoolique, peuvent se manifester par des HV, souvent dans le cadre d'un syndrome confusionnel.

Hallucinations visuelles et psychoses

Les HV associées aux psychoses seraient toujours associées à des hallucinations dans d'autres modalités sensorielles, en particulier auditives, les plus évocatrices de ces pathologies. Elles sont complexes, ne s'accompagnent pas d'illusions comme dans certaines pathologies neurologiques. Elles font souvent partie de scènes animées, sont accompagnées d'une réaction émotionnelle et revêtent pour le sujet une signification personnelle. Leur présence est souvent le signe d'un profil plus sévère et un facteur de mauvais pronostic de la pathologie psychotique [23].

Les références peuvent être consultées en ligne à l'adresse suivante : https://www.em-consulte.com/e-complement/476383. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre

Neuro-ophtalmologie pratique © 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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