Produits de contraste : Imagerie
22 septembre 2016
Par Anne Claire Nonnotte
Étude des produits de contraste en Imagerie médicale
Élisabeth Moerschel
Introduction
L’imagerie médicale est fondée sur l’étude des contrastes tissulaires liés aux procédés physiques utilisés et à la nature physico-chimique des tissus. Très vite, pour augmenter et/ou confirmer les informations fournies par l’image, l’idée d’administrer des produits pour accentuer les contrastes s’est imposée aux utilisateurs. Aujourd’hui, nombreux sont les examens qui s’effectuent avec l’administration de « produits de contraste », bien entendu « adaptés » à la technique d’imagerie. Pour le manipulateur, habilité à les administrer au patient dans le cadre réglementaire du décret d’actes et d’exercice, le fait d’en connaître les indications et contre-indications, leur composition, leur mode d’administration, leur élimination objective les compétences à acquérir.
1.1. Argumentaire
Historiquement, les produits de contraste ont d’abord intéressé la radiologie classique dite de projection: plus un milieu est dense, plus il absorbe les rayons X, ce qui créé naturellement plusieurs niveaux de noircissement sur l’image du fait des différences d’absorption liées à la composition des tissus organiques.
Sur un cliché radiologique
Les structures osseuses, très absorbantes, apparaissent « blanches ». Les tissus mous (parenchymes, viscères…) moyennement absorbants apparaissent « gris » et les structures aériques (poumons, cavités…) peu denses apparaissent « noires ».
Les tissus osseux (os compact, os spongieux), du fait de leur écart de densité marqué, peuvent être étudiés spontanément sur les clichés. Il en est de même pour le parenchyme pulmonaire. Les os et les structures aériques ont donc un contraste naturel élevé.
En revanche, du fait de leur faible écart de densité, les parties molles possèdent un contraste naturel faible et ne peuvent donc pas être étudiées spontanément.
Pour pallier ce déficit, l’administration de produits de densité plus faible ou plus élevée s’est révélée nécessaire. L’air, l’iode ou le baryum ont été retenus pour obtenir des contrastes négatif ou positif ( figure 6.1 ).
1.2. Définition
Les produits de contraste sont des produits chimiques appartenant à la classe des médicaments. Ils sont introduits dans l’organisme afin de créer un contraste artificiel sur une structure anatomique ou pathologique insuffisamment contrastée, dans le but d’augmenter la pertinence diagnostique. Concentrés au niveau d’un appareil ou d’un organe, ils en donnent une image plus informative.
Les produits de contraste permettent de mieux visualiser les vaisseaux, les cavités, les parenchymes et les tissus anormaux.
Ils seront adaptés et choisis en fonction:
Des organes ou des appareils à explorer
De la technique d’exploration
(radiologie conventionnelle, tomodensitométrie, IRM, échographie)
1.3. Réglementation
Du point de vue de la réglementation, les produits de contraste sont considérés comme des médicaments, ils sont donc soumis à la législation en vigueur (réglementation de prescription, de dispensation, de détention).
Classés sur liste I (repérés par un cadre rouge sur l’emballage; voir plus loin figure 6.10 ), ils font l’objet d’une prescription médicale obligatoire (PMO) et sont dispensés par un pharmacien.
Pour plus de précisions
Les médicaments classés liste I sont considérés comme « dangereux » même en conditions normales d’utilisation.
Pour la délivrance, les ordonnances doivent dater de moins de 3 mois; le renouvellement est interdit sauf mention express contraire du médecin prescripteur.
L’ordonnance comporte obligatoirement:
Le nom du prescripteur, son adresse, sa signature, la date à laquelle l’ordonnance a été rédigée
Les nom, prénom, sexe et âge du patient et, si nécessaire, sa taille et son poids
La dénomination du médicament, son dosage, sa posologie, sa voie d’administration Ce qui différencie les produits de contraste des produits médicamenteux habituels, c’est qu’ils sont
administrés dans un but diagnostique
et non thérapeutique.
Pour en savoir plus
En France, l’activité des entreprises du médicament s’exerce dans un cadre très strict fixé par le Code de la santé publique. Un médicament ne peut être commercialisé que s’il a reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) des autorités sanitaires françaises ou européennes.
Postérieurement à la délivrance de l’AMM, la pharmacovigilance a pour objet la surveillance du risque d’effets indésirables résultant de l’utilisation du médicament. Aucune considération économique n’est prise en compte dans la procédure d’AMM.
L’AMM est la garantie que le médicament possède les critères de qualité, de sécurité et d’efficacité satisfaisants.
Les données scientifiques issues des phases de recherche et développement sont compilées par le laboratoire fabricant dans un dossier déposé auprès de l’autorité compétente au niveau:
National: Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM); elle s’est substitué le 1 er mai 2012 à l’Agence française de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (Afssaps) dont elle a repris les missions, droits et obligations
Ou européenne: Agence européenne du médicament (
European Medicines Agency
ou EMA).
Le dossier d’AMM comporte plusieurs parties harmonisées au niveau international pour faciliter l’utilisation des données:
La partie QUALITÉ se rapporte aux procédures de contrôle des matières premières et du produit fini lors de la fabrication industrielle
La partie SÉCURITÉ concerne les études conduites en recherche préclinique, notamment du point de vue de la pharmacocinétique et de la toxicité
La partie EFFICACITÉ correspond aux résultats des études cliniques menées sur l’homme sain ou malade; le rapport bénéfice/risque doit être favorable.
Ces trois parties sont accompagnées du résumé des caractéristiques du produit (RCP) à destination des médecins et de la notice patient.
L’ANSM évalue la sécurité d’emploi, l’efficacité et la qualité des médicaments. Elle assure également la surveillance des événements indésirables liés à leur utilisation. Elle exerce des activités de contrôle en laboratoire et conduit des inspections sur les sites de fabrication et de recherche. Enfin, elle mène des actions d’information auprès des professionnels de santé et du public pour améliorer le bon usage des produits de santé.
Le directeur général de l’ANSM prend les décisions au nom de l’État, signe les AMM, les ouvertures et fermetures des établissements, les retraits de produits… ( https://ansm.sante.fr/Activites/ Autorisations-de-Mise-sur-le-Marche-AMM/L-AMM-et-leparcours-du-medicament).
L’accès au remboursement se fait dans un second temps, à l’initiative des laboratoires qui soumettent leur demande à la commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Le prix du médicament est ensuite fixé par le Comité économique des produits de santé (CEPS) et le taux de remboursement est décidé par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). La décision finale relève du ministre de la Santé.
1.4. Historique
Dès les premiers examens radiographiques, la nécessité d’utiliser des produits modifiant les contrastes radiologiques s’est fait ressentir.
En 1896, c’est la première étude radiologique de l’appareil digestif avec un animal de laboratoire après introduction d’un liquide plombé.
En 1910, le sulfate de baryum, peu toxique, est retenu pour les examens digestifs.
En 1901, Marcel Guerbet élabore le premier produit de contraste organique à partir d’une huile iodée, le Lipiodol®.
Pour en savoir plus
Créée en 1926 par M. Guerbet, le laboratoire Guerbet a connu un développement important, rythmé par les innovations récurrentes ayant marqué les technologies d’imagerie médicale et les produits de contraste qui leur sont associés. Depuis, l’entreprise a mis sur le marché différents produits majeurs issus de sa propre recherche (Télébrix®, Hexabrix®, Xénetix®).
En 1929, Moses Swick synthétise un produit iodé hydrosoluble, radio-opaque, qui se concentre plus fortement dans l’urine ( figure 6.2A ).
L’urographie intraveineuse à l’Urosélectan® est présentée pour la première fois à la Société allemande d’urologie suite à ses travaux ( figure 6.2B ).
Figure 6.2 M. Swick (A). Premier produit de contraste iodé hydrosoluble (B). Source: reproduit avec l’autorisation de Shering Plough.
Pour en savoir plus
Jeune chercheur américain en urologie dans les années 1920, M. Swick obtient une bourse d’étude pour travailler chez le célèbre urologue A. Von Lichtenberg et surtout collaborer avec A. Binz, biochimiste à Berlin, qui vient de synthétiser un agent bactéricide iodé excrété principalement par les reins.
En 1930, Schering commercialise l’Urosélectan®. Ce laboratoire est pionnier dans le développement des produits de contraste hydrosolubles (hydrosoluble se dit d’un corps soluble dans l’eau, ce qui signifie dans ce cas, injectable dans le sang).
En 1974, le laboratoire Nycomed introduit sur le marché l’Amipaque®, premier produit de contraste iodé non ionique. Il constitue un tournant en matière de tolérance et de sécurité pour le patient.
En 1988, les premiers agents de contrastes dédiés à l’IRM (à base de gadolinium) arrivent en France.
En 1996, le laboratoire Schering introduit sur le marché un produit de contraste destiné à l’échographie.
En réalité, quelle que soit la technique concernée, les firmes pharmaceutiques ne cessent d’œuvrer pour améliorer la performance des produits de contraste, tant du point de vue de la qualité des images que de la tolérance des produits par l’organisme.
2. Étude de produit radio-opaque: sulfate de baryum
Le sulfate de baryum a été le premier produit de contraste utilisé en routine en radiologie conventionnelle, en raison de ses propriétés chimiques. C’est un produit qui a trouvé sa place dans les indications d’examens contrastés de l’appareil digestif. Bien toléré, il perd néanmoins de son intérêt au vu du développement de techniques d’exploration plus performantes, notamment l’endoscopie.
2.1. Propriétés chimiques
Le baryum de symbole Ba, de numéro atomique 56, intègre des composés souvent toxiques (acétate, nitrate, carbonate, chlorate, sulfate) pour différentes applications (peinture, verre, pyrotechnie, papier photographique).
Le sulfate de baryum BaSO4, qui a été retenu, n’existe pas à l’état ionique mais sous forme de microparticules solides non solubles dans l’eau. (Un litre d’eau à température ordinaire ne dissout que quelques microgrammes de sulfate de baryum.) Le sulfate de baryum est un produit minéral qui se présente sous la forme d’une poudre blanche, opaque aux rayons X ; comme il est insoluble, il n’est donc ni digéré, ni absorbé en cas d’administration, dans le tube digestif. Après administration du produit, la concentration de baryum sanguin ou urinaire ne s’élève que de quelques microgrammes. (Le terme de « baryte », pourtant très fréquemment utilisé en radiologie, est impropre car il est normalement réservé à l’oxyde ou l’hydroxyde de baryum.)
2.2. Indications
Le sulfate de baryum est utilisé depuis plusieurs décennies comme opacifiant du tube digestif. Utilisé indifféremment par voie orale ou rectale, il tapisse et délimite le tube digestif aussi bien en radiologie de projection qu’en tomodensitométrie.
Le produit comporte de fines particules (1 μm) de sulfate de baryum, qui lui confèrent une aptitude particulière à tapisser les moindres replis de la muqueuse, ce qui permet de mettre en évidence de très petites lésions.
Les préparations pharmaceutiques à la disposition des médecins prescripteurs sont généralement des flacons de poudre ou de suspension à diluer avant l’administration du produit au patient:
La voie orale (per os) nécessite des solutions à boire, elle est utilisée pour l’opacification du tube digestif haut (transit œsogastroduodénal ou TOGD)
La voie rectale est utilisée pour l’opacification du rectum et du côlon (lavement baryté) (figure 6.3)
L’opacification de l’intestin grêle par entéroclyse est plus performante qu’un transit simple per os, le produit de contraste étant administré par une sonde au niveau de l’angle de Treitz. Il faut noter cependant la
supplantation de ces examens digestifs contrastés
par les techniques endoscopiques classiques (caméra) ou virtuelles (TDM)
2.3. Posologie
Les principaux produits barytés sont commercialisés sous les dénominations suivantes: Micropaque®, Micropaque côlon®, Micropaque scanner®, Microtrast®. La posologie est donnée à titre indicatif à la figure 6.4.
Figure 6.3 Cliché radiologique d’un lavement « baryté ».
2.4. Tolérance
Toxicité Le risque majeur est le passage de produit dans la circulation sanguine entraînant un risque d’embolie. En outre, en cas de perforation du tube digestif, la présence des fines particules de sulfate de baryum entraîne une réaction inflammatoire granulomateuse particulièrement grave au niveau péritonéal.
Le risque est également la pénétration du produit dans les voies aériennes supérieures susceptibles de provoquer une insuffisance respiratoire par obstruction des bronchioles.
Contre-indications Particulièrement:
En cas de suture chirurgicale récente, de lésion, de rupture (il y a risque de passage péritonéal)
Chez les personnes traumatisées ou désorientées (il y a risque de fausse route)
Dans les situations de subocclusion
Chapitre extrait du GUIDE des technologies de l’imagerie médicale et de la radiothérapie de Jean-Philippe Dillenseger, Elisabeth Moerschel, Claudine Zorn, 2e édition