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Interview d’Ariel Beresniak, expert en santé publique

France | 27 août 2020

co-auteur de l’ouvrage Économie de la santé

Ariel Beresniak Economie de la Sante

Ariel Beresniak Economie de la Sante

A l’occasion de la sortie de l’ouvrage Économie de la santé S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, nous avons interviewé Ariel Beresniak, co-auteur de l’ouvrage.

Economie de la Sante - SANTE PUBLIQUE

Economie de la Sante - SANTE PUBLIQUE

Elsevier-Masson : pourquoi vous êtes-vous intéressé à l’économie de la santé ?

Docteur Ariel Beresniak : Ma formation de base étant la médecine, je me suis d’abord spécialisé en maladies infectieuses, en épidémiologie et en santé publique. Ces disciplines ont en commun de s’intéresser aux relations entre santé individuelle et santé collective en nous confrontant d’emblée aux problèmes de choix, d’optimisation des décisions et de priorités. La simple prescription d’un antibiotique au cours d’une épidémie soulève par exemple à la fois des problèmes de décision individuelle pour proposer le produit le plus efficace et le mieux toléré chez un patient donné, et des problèmes de décision collective pour proposer le produit le plus disponible et le moins cher afin de pouvoir traiter le plus de monde possible. Or les problématiques de choix sont bien investiguées par les outils mathématiques et les sciences économiques. C’est la raison pour laquelle je me suis intéressé à l’Économie de la santé comme formidable exemple d’interdisciplinarité.

EM : aujourd’hui, l’économie de la santé est présente dans de nombreuses formations, et votre ouvrage intéressera les étudiants en santé publique, mais aussi les étudiants en médecine, pharmacie, sciences économiques, sciences politiques et administration sociale, statistiques, sociologie… Quel conseil leur donneriez-vous pour aborder cette matière ?

AB : Comme je viens de l’évoquer, l’économie de la santé ne doit pas être considérée comme une « matière » mais comme un champ scientifique à l’intersection de plusieurs domaines scientifiques. Je recommande donc d’aborder ce champ avec la curiosité et l’ouverture nécessaires pour s’initier à d’autres concepts qui permettent de mieux comprendre notre système de santé ainsi que les fondements des décisions en santé.

EM : les choix en économie de la santé, c’est aussi le quotidien des professionnels de santé et des décideurs, à l’hôpital et – on le voit bien avec la crise sanitaire actuelle- dans l’administration à tous les niveaux.  Existe-il suffisamment de formation continue ou d’accompagnement à la décision pour ces personnes plongées dans la vie active ?

AB : Les quelques formations existantes estampillées « Économie de la Santé » se contentent souvent de décrire les organisations, les flux de monnaie selon l’offre et la demande, et de donner quelques recettes d’évaluation. Cela ne suffit pas pour acquérir l’esprit critique nécessaire à la compréhension des enjeux de la décision médicale et en santé publique. Malheureusement, les mathématiques ne sont pas enseignées dans les cursus de santé alors qu’elles pourraient permettre de réaliser que toutes les règles et tous les modèles ne sont valables que dans le cadre d’une théorie spécifique dont il convient de valider les hypothèses en les confrontant à la réalité. Les pouvoirs publics auraient ainsi pris des mesures bien plus efficaces et adaptées  vis-à-vis de la crise sanitaire actuelle si leurs conseillers politiques et scientifiques avaient pu disposer des connaissances élémentaires pour reconnaître les mauvaises hypothèses sous-jacentes aux résultats de certains modèles, par exemple  ceux ayant adopté l’hypothèse simpliste qu’une pandémie se propagerait sur un modèle multiplicatif, ignorant la dynamique propre des épidémies dans leur écosystème dépendant d’une multitude de co-facteurs inconnus.

C’est la raison pour laquelle avec Gérard Duru, nous avons particulièrement insisté de façon la plus illustrative possible dans notre ouvrage sur les méthodes et leurs limites, permettant aux professionnels de développer leur propre esprit critique sur la signification réelle des chiffres et les controverses que peuvent soulever les mesures de santé publique. Par exemple, présenter chaque soir à la télévision un nombre absolu de cas au cours d’une épidémie ne veut strictement rien dire (en dehors d’effrayer la population, ce qui peut tout à fait être un objectif poursuivi…), sans comprendre ce qu’on a mesuré exactement et sans mise en perspective dans le temps et dans l’espace.

En expliquant la nécessité de connaître les critères de calcul et de situer chaque chiffre et résultat en santé dans leurs contextes, cet ouvrage peut ainsi directement enrichir les supports de formations continues  et d’accompagnement à la décision.

EM : et finalement, aborder l’économie de la santé renvoie à l’éthique, la philosophie, la solidarité…

Page 41, à propos du prix de la vie humaine, vous écrivez :

André Malraux disait : « Une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie » ( Les Conquérants ). Cette citation traduit bien le fait qu’une vie peut avoir une valeur très inégale qui dépend de l’évaluateur et des critères choisis.

Votre ouvrage est-il accessible à toute personne intéressée par le fonctionnement de la société aujourd’hui ? ou il requiert de solides bases scientifiques ?

AB : Chacun étant concerné pas sa propre santé et celle des autres, cet ouvrage est accessible aux étudiants de toutes disciplines et professionnels de tous les secteurs car il n’exige aucun prérequis, même si certaines parties peuvent être considérées plus techniques que d’autres. Dans ce cas, de nombreux exemples permettent d’illustrer les outils et concepts présentés.

EM : Travaillez-vous actuellement à la résolution des questions posées par le covid ?

AB : Les questions posées par la pandémie de COVID-19 concernent non seulement la maladie elle-même provoquée par un nouveau virus, mais aussi et surtout les réactions politiques et sociales inédites déployées en réaction. Pour la première fois dans l’histoire en effet, l’activité économique d’une nation entière a été mise en jachère sur une simple hypothèse de « précaution » afin de tenter de résoudre un pur problème d’Économie de la santé : « comment réduire le risque de saturation des unités de soins intensifs ? ». Nul doute que le coût total et les conséquences sur la santé physique et mentale des mesures coercitives d’assignation à résidence de la totalité de la population seront évaluées et commentées pendant de nombreuses années, mais il est déjà possible d’établir que tous les moyens classiques de lutte contre les épidémies de virus respiratoires, qui étaient pourtant très bien documentés, n’ont pas été mis en œuvre adéquatement et à temps en France du fait d’une bureaucratie de la santé extrêmement lourde, incapable de remettre en question ses prérogatives, d’agir et de réagir au rythme imposé par l’épidémie.

S’il n’est pas possible de prédire les épidémies elles-mêmes (ceux qui s’y attachent ne sont pas des scientifiques mais des prédicateurs), l’Économie de la santé propose des méthodes et des outils permettant d’évaluer l’environnement des épidémies tels que le niveau de susceptibilité des populations, la capacité de répondre des systèmes de santé, les coûts directs, indirects et intangibles, ainsi que les performances des mesures de santé publique. Il s’agit d’autant de sujets prioritaires sur lesquels nous travaillons bien entendu activement.

Les auteurs :

Ariel Beresniak est docteur en médecine, spécialiste en santé publique et médecine sociale, docteur en sciences économiques, et habilité à diriger des recherches en santé publique et économie de la santé.

Gérard Duru est Docteur es sciences en mathématiques, Directeur de recherche au CNRS, Fondateur de la formation doctorale « Méthodes d’Analyses des systêmes de santé ».

Économie de la santé Ariel Beresniak et Gérard Duru ISBN 9782294769214 2020

Extrait de l'ouvrage

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