IRM du coude
20 août 2017
Par Monique Remillieux
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J.-L. Montazel, J.-L. Drapé
PLAN DU CHAPITRE
Technique
Lésions ligamentaires
Lésions tendineuses
Ostéochondrite disséquante, atteinte ostéochondrale et corps étrangers intra-articulaires
Atteinte inflammatoire
Neuropathies
Fractures
Technique
La réalisation technique d’une IRM du coude se heurte à différents écueils, plus ou moins liés les uns aux autres, concernant le positionnement du patient, l’utilisation des antennes et les séquences réalisées. De plus, l’IRM du coude est fortement concurrencée par l’échographie, son apport dans la pathologie tendineuse ou nerveuse en faisant la technique d’imagerie de référence en pratique quotidienne.
Pour obtenir la meilleure qualité d’image, il est nécessaire que l’articulation à explorer soit positionnée à proximité de l’isocentre du champ magnétique. Idéalement, le patient est donc en procubitus avec le membre supérieur au-dessus de la tête et le coude en extension, l’avant-bras en supination, le pouce vers le haut, dans la position de « superman » ou du nageur. Cette position, pour le moins inconfortable, doit être bien expliquée au patient et celui-ci doit être minutieusement installé, avec des cales et des oreillers permettant un confort et une immobilisation optimisés. Elle présente plusieurs avantages. Tout d’abord, elle offre le meilleur rapport signal sur bruit (RSB) du fait du positionnement central dans l’anneau, et rend la réalisation des techniques de suppression de graisse plus aisée. De plus, elle permet d’utiliser une large sélection d’antennes de surface, en particulier les antennes multicanaux avec possibilité d’acquisition en imagerie parallèle. L’inconvénient majeur de cette position est son inconfort, en particulier chez les patients présentant une épaule douloureuse, source d’artéfact de mouvement rendant les images difficilement interprétables.
En cas d’impossibilité pour le patient de tenir cette position, il est allongé en décubitus dorsal avec le membre à explorer le long du corps, le coude en extension complète et le pouce vers le haut. Du fait de la localisation du coude à la périphérie du champ magnétique, cette position de substitution entraîne une diminution du RSB et rend l’utilisation des séquences de suppression de graisse délicate, incitant à réaliser des séquences STIR dont la résolution spatiale est moins bonne et le temps d’acquisition plus long. Elle présente de plus l’inconvénient de ne pouvoir utiliser que les antennes souples dont les performances techniques moindres donnent des images de qualité diminuée avec des temps d’acquisition plus longs comparativement aux antennes rigides.
Une troisième position est parfois utilisée. Le patient est en procubitus, le membre supérieur au-dessus de la tête et le coude fléchi à 90°, le pouce vers le haut. Elle présente l’avantage de pouvoir analyser le tendon bicipital dans son grand axe jusqu’à son insertion sur la tubérosité radiale et est donc réservée aux pathologies de ce tendon. Elle présente le même inconvénient de tolérance que la position de « superman » [1].
Les séquences transversales sont habituellement parallèles à l’axe bi-épicondylien sur les coupes coronales de repérage et perpendiculaires au grand axe huméral sur les coupes sagittales de repérage. Les séquences coronales sont parallèles à l’axe bi-épicondylien sur les coupes de repérage transversales et à la palette humérale sur les coupes sagittales. Pour l’étude du ligament collatéral ulnaire, il peut être utile d’incliner les coupes de 0 à 20° d’avant en arrière par rapport à la diaphyse humérale en fonction de l’extension du coude (si l’extension est complète, il faut incliner de 20° ; plus le coude est fléchi, moins il faut incliner), afin de visualiser au mieux le faisceau ligamentaire antérieur. Les séquences sagittales sont perpendiculaires au plan transversal et coronal. L’épaisseur de coupe varie de 3 à 4 mm, le champ de vue est de 10 à 15 cm en moyenne et la matrice au moins 256 × 256. Des séquences sont acquises dans les trois plans en pondération densité de proton (DP) et T2, en privilégiant les séquences avec saturation de graisse (fat sat), plus sensibles aux phénomènes inflammatoires et traumatiques. Les antennes rigides rendent possible la réalisation de séquences 3D, mais au prix d’une immobilité stricte, souvent délicate à obtenir pour cette articulation. Des séquences T1 fat satsont réalisées en cas d’arthro-IRM, associées à des séquences T2. L’arthro-IRM est indiquée dans l’exploration des lésions ligamentaires et ostéochondrales. L’injection intraveineuse de gadolinium est réservée aux tumeurs et pathologies inflammatoire type polyarthrite rhumatoïde.
Si malgré toutes ces précautions les images ne sont pas de qualité diagnostique du fait des mouvements liés à l’inconfort du positionnement, des techniques de suppression des artéfacts de mouvement peuvent être utilisées afin de rendre les images de qualité satisfaisante pour établir un diagnostic.
Lésions ligamentaires
Le coude est composé de trois compartiments articulaires (radio-huméral ou radiocapitellaire, ulno-huméral et radioulnaire supérieur) entourés d’une capsule commune.
Les ligaments du coude sont le ligament collatéral médial ou ulnaire (LCU) et le ligament collatéral latéral (LCL), lui-même constitué du ligament annulaire et des ligaments collatéraux radial (LCR) et latéral ulnaire (LCLU).
Les lésions ligamentaires surviennent lors de traumatismes violents, en particulier lors d’une luxation du coude ou bien lors de sollicitations répétées surtout sportives, notamment dans les sports de lancer ou chez les gymnastes. Chez l’enfant, il peut exister des lésions chroniques du noyau d’ossification secondaire de l’épicondyle médial. Le plan ligamentaire peut être étiré, partiellement ou complètement rompu. L’atteinte prédomine à l’insertion humérale du LCU. En IRM, ces lésions se traduisent par un épaississement hétérogène avec augmentation du signal, une interruption partielle ou complète du faisceau antérieur du LCU. Dans les lésions récentes, il peut exister un hypersignal T2 des tissus en périphérie et dans l’os, notamment en cas d’avulsion associée. L’arthro-IRM est plus sensible pour détecter les lésions partielles, notamment sur l’insertion distale, en montrant du contraste séparant l’insertion ligamentaire du bord médial du processus coronoïde, donnant une image en T [2]. L’IRM montre aussi les associations lésionnelles intéressant les tendons médiaux, le nerf ulnaire ainsi que le capitellum. Chez l’enfant, le noyau d’ossification épicondylien médial est moins résistant que le LCU et peut être le siège de lésions chroniques liées aux valgus répétés, présentant alors une hypertrophie, voire une fragmentation avec hypersignal osseux de la physe et de l’os médullaire de part et d’autre de celle-ci [3].
L’atteinte du LCL, plus rare, prédomine sur le LCLU atteint à son insertion humérale avec un aspect hétérogène, épaissi, distendu ou une interruption et un hypersignal osseux de l’épicondyle. Sur les coupes sagittales, la tête radiale peut être en subluxation postérieure par rapport au capitellum [1]. Une atteinte du tendon extenseur commun est souvent associée à une lésion du LCL du fait de la proximité anatomique de ces structures.
Lésions tendineuses
Les lésions tendineuses du coude sont une cause fréquente de consultation et peuvent prendre un caractère chronique particulièrement invalidant, notamment lorsqu’elles sont à l’origine d’épicondylites. Le diagnostic est clinique et l’IRM est persiste, ou bien lorsqu’une décision chirurgicale est discutée.
Les tendons épicondyliens latéraux forment un tendon extenseur commun regroupant le court extenseur radial du carpe, le plus antérieur et le plus souvent lésé, l’extenseur commun des doigts, l’extenseur propre de l’auriculaire et l’extenseur ulnaire du carpe. L’épicondylite latérale ou « tennis elbow » est une enthésopathie de l’insertion commune des tendons extenseurs sur le condyle huméral latéral. Outre le tennis, les sollicitations professionnelles répétitives sont fréquemment à l’origine de cette enthésopathie.
Le plan coronal permet de bien analyser le tendon commun. Le tendon du court extenseur radial du carpe est constamment atteint. Les anomalies siègent à l’insertion humérale puis s’étendent vers la distalité. Les coupes transversales sont elles aussi intéressantes. L’atteinte se traduit par un hypersignal T2 dans le tendon et à sa périphérie. Un hypersignal liquidien traduit une rupture au sein des fibres tendineuses (fig. 14.1).
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Fig. 14.1 Tennis elbow avec enthésopathie fissuraire des tendons extenseurs.
(a) Coupe transversale DP FS montrant un épaississement hétérogène du tendon conjoint des extenseurs (flèche), s’associant à un hypersignal périphérique ainsi qu’intra-osseux (flèche pointillée).
(b) Coupe coronale T2 FS montrant un signal liquidien intratendineux en relation avec une fissure (flèche).
Les calcifications ne sont pas visibles en IRM. L’épicondyle peut parfois présenter un hypersignal. L’atteinte conjointe du LCL sous-jacent est un facteur de mauvais pronostic, l’instabilité entretenant les lésions tendineuses [3]. Les tendons épicondyliens médiaux ont eux aussi un tendon conjoint regroupant le fléchisseur radial du carpe, le long palmaire, le fléchisseur ulnaire du carpe et le fléchisseur superficiel des doigts.
L’épicondylite médiale intéresse l’insertion de ce tendon conjoint réalisant une enthésopathie favorisée par les sollicitations professionnelles et les sports de lancers ou le golf (« golfer’s elbow »). Elle est plus rare que l’atteinte latérale. Les indications et les constatations IRM sont identiques à celles de l’atteinte des tendons extenseurs (fig. 14.2).
Fig. 14.2 Épicondylite médiale ou épitrochléite ou golfer’s elbow.
(a) Coupe coronale T2 FS montrant un épaississement du tendon conjoint des fléchisseurs (flèche) avec hypersignal osseux (flèche pointillée).
(b) Coupe transversale T2 FS montrant un hypersignal liquidien intratendineux en rapport avec une fissure (flèche). Il faut rechercher une atteinte du LCU susceptible de pérenniser l’atteinte tendineuse [2].
Le tendon bicipital chemine à la face antérieure du coude initialement superficiel, puis plonge en profondeur et en dehors pour venir s’insérer sur la tubérosité radiale. Il est accompagné par une aponévrose qui prolonge le fascia du muscle et présente fréquemment un aspect bifide avec deux tendons séparés provenant des chefs court et long du biceps brachial. Il n’a pas de gaine mais est séparé du radius par une bourse.
Compte tenu de son orientation anatomique, il est difficile de visualiser ce tendon en entier selon son grand axe. C’est pourquoi il est possible de réaliser l’examen coude fléchi à 90° en supination avec le pouce vers le haut ; dans cette position, le tendon est visible en entier sur les coupes coronales et sagittales [4].
Une rupture peut survenir lors de mouvements en flexion brutale et contre résistance. Si l’aponévrose est aussi rompue, le tendon se rétracte et le muscle remonte au niveau du tiers inférieur du bras, le diagnostic clinique étant alors évident. Si la rupture est partielle sur un tendon bifide ou si l’aponévrose est intacte, alors le diagnostic peut être plus difficile. L’IRM montre une interruption du tendon, plus ou moins épaissi et rétracté, de signal hétérogène sur toutes les séquences (fig. 14.3), avec un hématome de signal hétérogène et avec parfois continuité tendineuse partielle lors d’une rupture n’intéressant qu’un chef d’un tendon bifide (fig. 14.4).
Fig. 14.3 Rupture distale du tendon bicipital au coude, patient en position « superman ».
(a) Coupe coronale DP FS montrant un hypersignal hématique hétérogène séparant le moignon tendineux (flèche) du radius.
(b) Coupe transversale T2 FS montrant la rupture distale (flèche), le moignon tendineux (flèche pointillée) et un épanchement dans la bourse bicipitale (tête de flèche).
Fig. 14.4 Rupture distale d’un tendon bicipital bifide, patient positionné avec le coude fléchi.
(a) Coupe transversale DP FS montrant les deux tendons, épaissis et de signal hétérogène (flèche). Coupes sagittale DP FS (b) et coronale T2 FS (c) montrant les deux tendons dans leur grand axe (flèche).
Le tendon peut être le siège d’une simple enthésopathie, ou bien de lésions de tendinose en amont de l’enthèse, voire d’une rupture partielle ou fissuration lors de la pratique sportive intensive. Une bursite peut accompagner les lésions tendineuses. Elle se caractérise en IRM par un épaississement tendineux, un signal élevé hétérogène du tendon et la présence d’un hypersignal liquidien T2 dans la bourse (fig. 14.5) [2]. La bursite peut être à l’origine d’une compression du nerf radial, donnant des signes cliniques sensitifs ou moteurs [1].
Fig. 14.5 Bursite bicipitale.
(a) Coupe sagittale T2 FS.
(b) Coupe transversale DP FS. Les coupes montrent un tendon bicipital discrètement épaissi et hétérogène avec un épanchement liquidien dans sa bourse.
Le tendon tricipital est le tendon du coude le moins impliqué en pathologie courante. Il est soit le siège de lésions dégénératives, soit de ruptures dans des traumatismes relativement violents ou lors de la pratique du body-uilding. La rupture survient en général à l’insertion olécrânienne et peut être partielle ou complète.
Les ruptures intéressent plus volontiers les fibres tendineuses superficielles en provenance des vastes latéral et intermédiaire. Une avulsion olécrânienne est une lésion fonctionnellement équivalente à la rupture du tendon tricipital si le fragment est détaché du reste de l’os. L’aspect IRM des lésions tricipitales est identique à celui des autres tendinopathies. Dans les ruptures, l’IRM permet d’identifier le site précis de la lésion et son caractère partiel ou complet, et d’estimer le degré de rétraction tendineuse (fig. 14.6) [1].
Fig. 14.6 Rupture du tendon tricipital.
(a) Coupe sagittale T2 FS en extension montrant l’interruption tendineuse et l’hématome séparant le tendon de l’olécrâne.
(b) Coupe sagittale en flexion montrant l’absence de rétraction du tendon.
Ostéochondrite disséquante, atteinte ostéochondrale et corps étrangers intra-articulaires
L’ostéochondrite disséquante (OCD) est une affection du compartiment radiocapitellaire relativement rare due à des microtraumatismes répétés par impaction radiocapitellaire, notamment lors de mouvements en valgus répétés. Elle touche principalement le garçon sportif entre 10 et 16 ans et atteint surtout le bras dominant chez les gymnastes et les lanceurs au base-ball.
L’IRM est intéressante dans les formes débutantes lorsque l’aspect hétérogène du capitellum, les signes de fragmentation et les séquestres ne sont pas encore apparus sur les clichés radiographiques. Un hyposignal sur les séquences T1, en rapport avec l’œdème épiphysaire et la condensation débutante, est évocateur d’une modification de la trophicité du capitellum, surtout s’il est localisé en antérolatéral. Les séquences T2 peuvent montrer un hypersignal diffus du capitellum et la présence de petites lacunes osseuses en hypersignal T2, une déformation de la plaque osseuse souschondrale, une fragmentation et la formation d’un séquestre (fig. 14.7).
Fig. 14.7 Ostéochondrite disséquante du capitellum chez un adolescent sportif. La coupe sagittale pondérée T2 FS montre un hypersignal diffus du condyle latéral dont la surface articulaire est discrètement irrégulière, sans séquestre mais avec une lacune postérieure de signal liquidien. Le cartilage reste régulier, souligné ici par l’épanchement articulaire. Noter la persistance de visibilité du cartilage de conjugaison radial.
Un hypersignal liquidien T2 ou un passage de contraste en arthro-IRM isolant le séquestre de sa base traduisent une instabilité qu’il est important de diagnostiquer avant prise en charge chirurgicale. Un fragment osseux peut ainsi être libéré et migrer dans les culs-de-sac articulaires. L’IRM permet d’analyser le compartiment médial et de rechercher des lésions associées liées au stress en valgus et intéressant le LCU, les tendons fléchisseurs et le nerf ulnaire [1]. L’OCD capitellaire doit être distinguée d’un simple décroché physiologique trompeur sur les coupes sagittales, correspondant à une variante anatomique localisée en position postérieure, alors que l’OCD est antérieure. Cette petite encoche normale ne présente aucune autre anomalie morphologique ou de signal en IRM [5]. D’autres localisations d’OCD au coude sont exceptionnelles et intéressent la trochlée humérale (condyle médial) ou la tête radiale.
La maladie de Panner est à distinguer de l’ostéochondrite disséquante. Elle correspond à une ostéochondrose du capitellum et affecte l’enfant plus jeune, entre 6 et 10 ans, source de douleur calmée par le repos. Cette ostéonécrose atteint la totalité du noyau condylien avant l’ossification complète. Elle se caractérise par une fragmentation et une diminution du signal en pondération T1 au sein du capitellum condensé, comparable à l’aspect de la maladie de Legg-Perthes-Calvé de la hanche. Elle ne s’associe habituellement pas à des corps étrangers articulaires ni à une déformation résiduelle du capitellum, à la différence de l’OCD de l’adolescent. L’évolution est en général favorable, avec normalisation du signal T1 après mise au repos [1].
Chez l’adulte, les atteintes ostéochondrales du coude touchent principalement le capitellum, le compartiment latéral condyloradial et le compartiment postérieur huméroolécrânien. Elles résultent d’un traumatisme par stress en valgus avec impaction, créant une hyperpression et un phénomène de cisaillement. Elles sont souvent associées à des atteintes ligamentaires médiales. Elles procèdent le plus souvent de microtraumatismes répétés mais peuvent être produites par un traumatisme aigu. Les fragments peuvent se trouver en position in situ ou migrer dans l’articulation sous la forme de corps étrangers intra-articulaires. Ceux-ci se concentrent dans les fossettes olécrânienne et coronoïdienne. Leur diagnostic différentiel avec des ostéophytes ou une hyperplasie synoviale n’est pas toujours aisé. Ces atteintes ostéochondrales apparaissent comme des zones de signal anormal dans l’os sous-chondral du capitellum (fig. 14.8). L’évaluation du cartilage se fait par arthro-IRM.
Fig. 14.8 Lésion ostéochondrale du capitellum chez un adulte.
(a) Coupe coronale T1 montrant une irrégularité sous-chondrale antérieure du condyle huméral latéral (flèche).
(b) Coupe sagittale T2 FS montrant un hypersignal sous-chondral et une interruption du cartilage en regard de l’encoche sous-chondrale. Le diagnostic IRM des corps étrangers intra-articulaires dépend de leur degré de calcification et de la quantité de liquide intra-articulaire. Le coude est la deuxième localisation de ce type de pathologie après le genou. Les corps étrangers se constituent à partir du petit nidus au sein de l’os sous-chondral ou du cartilage et augmentent de volume aussi longtemps qu’ils sont au contact du liquide articulaire.
Les petits fragments purement cartilagineux sont difficiles à diagnostiquer en l’absence d’épanchement. L’arthro-IRM est d’un apport précieux dans cette indication. Les gros fragments, ossifiés, ayant un contenu en moelle graisseuse, sont facilement reconnus sur les acquisitions T1.
Atteinte inflammatoire
L’IRM est utile dans l’étude des atteintes synoviales inflammatoires ou infiltratives. Les érosions osseuses sont bien caractérisées, mais les atteintes cartilagineuses sont d’interprétation plus délicate, sauf dans les cas évolués. En raison de l’épaississement inflammatoire synovial qu’il occasionne, le pannus apparaît sous la forme d’un hypersignal T2 uniforme, difficile à distinguer de l’épanchement articulaire. L’injection de gadolinium est utile pour préciser la distribution et l’extension de la synovite, en la différenciant de l’épanchement articulaire de voisinage. Ainsi, des acquisitions sagittales et transversales T1 avec saturation du signal de la graisse avant et après injection en bolus de gadolinium sont réalisées lors de séquences dynamiques. L’IRM est particulièrement performante dans certaines formes étiologiques de synovite comme la synovite villonodulaire pigmentée ou la chondromatose synoviale (fig. 14.9).
Fig. 14.9 Ostéochondromatose synoviale.
(a) Coupe sagittale T2 montrant des corps étrangers au sein d’une prolifération synoviale, de signal différent, l’un ossifié (flèche noire), un autre calcifié (flèche blanche) et un troisième cartilagineux (flèche pointillée).
(b) Coupe sagittale T2 FS montrant la prolifération synoviale (flèche) de signal inférieur à l’épanchement sus-jacent.
La bursite olécrânienne peut être de cause infectieuse, traumatique, inflammatoire ou goutteuse ; elle est explorée sur les acquisitions sagittales et transversales pondérées en T2.
Neuropathies
Les atteintes nerveuses périphériques sont particulièrement fréquentes au coude et sont nettement dominées par l’atteinte du nerf ulnaire, second syndrome canalaire du membre supérieur après le canal carpien.
Le nerf ulnaire présente un trajet superficiel dans le canal ulnaire, en dedans de l’olécrâne, en arrière de l’épicondyle huméral médial. En raison de son siège superficiel, ce nerf est exposé aux traumatismes directs, aux compressions par des masses adjacentes (ostéophyte olécrânien, hématome, calcification,
corps étrangers articulaires, kyste synovial, muscle accessoire intracanalaire – anconeus epitrochlearis, présent chez 4 à 34 % des sujets), aux processus inflammatoires ainsi qu’aux stress chroniques causés par le contact avec l’épicondyle médial dans les instabilités. Une flexion prolongée du coude peut provoquer une névrite ulnaire (sleep palsy) par réduction physiologique du tunnel. Le nerf ulnaire est analysé sur les images transversales dans son tunnel, en arrière de l’épicondyle médial. Comparativement au muscle, le signal d’un nerf est iso-intense en T1 et iso-intense ou discrètement
hyperintense en T2, avec un aspect multifasciculaire punctiforme [6]. En raison du contraste naturel entre le nerf ulnaire et la graisse environnante, les acquisitions transversales T1 sont utiles dans l’évaluation du contenu du tunnel, du calibre et de la forme du nerf, ainsi que pour la mise en évidence d’un muscle accessoire. Le calibre du nerf n’excède pas celui des vaisseaux adjacents et est identique à ses portions pré- et postcanalaires. Les signes IRM de la névrite ulnaire et du syndrome du défilé incluent l’élargissement du nerf, l’infiltration de la graisse périneurale et l’élévation significative et localisée du signal des fibres nerveuses de taille variable en pondération T2 comparativement à leur signal de part et d’autre du tunnel. L’élargissement du nerf est un signe de gravité de la neuropathie [7]. L’œdème et l’infiltration sont explorés en saturation de graisse T2. La dénervation chronique peut entraîner une augmentation du signal T2 des muscles innervés par le nerf ulnaire : fléchisseur profond des doigts, fléchisseur ulnaire du carpe et muscles intrinsèques de la main. Ces modifications de signal peuvent être résolutives ou évoluées vers l’atrophie et l’involution graisseuse musculaires, mises en évidence sur les séquences T1, l’une caractérisée par une diminution du volume des fibres musculaires, l’autre par la présence de stries graisseuses en hypersignal.
La neuropathie radiale, beaucoup plus rare, est en général compressive. Son rameau moteur interosseux postérieur plonge entre les deux chefs du muscle supinateur. La principale cause de neuropathie est un conflit avec l’arcade de Frohse, épaississement fibreux du bord supérieur du chef superficiel, durant la pronation avec l’avant-bras en extension et le poignet fléchi. Les autres causes de compression sont la présence d’une bande fibreuse entre la tête radiale et le muscle brachioradial, un conflit vasculaire avec une artère radiale récurrente proéminente (la présence de plus de six structures vasculaires entourant le nerf doit évoquer ce diagnostic), une hypertrophie du bord médial du court extenseur ulnaire du carpe, un conflit avec le bord distal du supinateur, une bursite bicipitoradiale, une fracture ou une contention plâtrée trop serrée. Les symptômes peuvent mimer ceux du tennis elbow. L’IRM peut montrer un rameau interosseux postérieur en hypersignal et épaissi. Elle évoque surtout le diagnostic lorsqu’elle montre des signes de dénervation avec œdème et atrophie du muscle supinateur et des extenseurs respectant le court et le long extenseur radial du carpe [1].
L’atteinte du nerf médian est exceptionnelle, survenant le plus souvent par conflit lors de son passage entre les chefs superficiel et profond du rond pronateur. Les autres causes de compression surviennent en cas de fractures graves et de dislocation du coude, d’épaississement de l’aponévrose bicipitale, de syndrome de masse ou de la présence d’un ligament de Struthers qui va de la partie antéromédiale de l’humérus distal à l’épicondyle médial. Sa compression chronique peut entraîner des signes de dénervation chronique du rond pronateur, du fléchisseur superficiel des doigts et du fléchisseur radial du carpe, visibles sur les coupes passant par le tiers supérieur de l’avant-bras [8].
Parmi les causes de neuropathie, on n’oubliera pas de citer les tumeurs des nerfs, en particulier les schwannomes.
Fractures
Les solutions de continuité osseuse occultes ou douteuses sur les clichés standard peuvent être explorées en IRM quand elles sont suspectées cliniquement. Les séquences en spin écho T1 et suppression de graisse T2 sont alors particulièrement sensibles. Il en va de même pour les fractures de stress intéressant l’olécrâne chez les gymnastes et les lanceurs de javelot ou au base-ball.
Certaines fractures particulières sont comparables ou associées à des lésions ligamentaires et nécessitent une exploration IRM complémentaire en cas d’instabilité. C’est le cas de la fracture du bord latéral du processus coronoïde, site d’insertion du LCU, de l’avulsion de la crête supinatrice de l’ulna sur laquelle s’insère le LCLU et de la fracture de l’apophyse coronoïde correspondant à une fracture par cisaillement lors d’une instabilité postérieure. Ces instabilités postérieures sont parfois associées à une fracture de la tête radiale [9].
Chez l’enfant, l’IRM peut être utile afin d’identifier une fracture supracondylienne en présence d’un épanchement articulaire post-traumatique sans solution de continuité osseuse décelable radiologiquement. Les fractures du condyle latéral sont habituelles. Elles sont plus souvent longitudinales de type Salter IV avec un trait entièrement cartilagineux et donc non décelable sur les radiographies ou en tomodensitométrie. Or, ces fractures sont instables et peuvent requérir un traitement chirurgical, d’où l’intérêt de l’IRM.
Une autre indication de l’IRM dans l’exploration des fractures du coude est l’étude de la viabilité d’un fragment osseux, notamment de la tête radiale, grâce à l’injection de gadolinium.
Références
En savoir plus
[1] Wenzke DR. MR imaging of the elbow in the injured athlete. Radiol Clin N Am 2013 ; 51 : 195–213.[2] Hayter CL, Adler RS. Injuries of the elbow and the current treatment of tendon disease. AJR 2012 ; 199 : 546–57.[3] Anderson MW, Alford BA. Overhead throwing injuries of the shoulder and elbow. Radiol Clin N Am 2010 ; 48 : 1137–54.[4] Giuffrè BM, Moss MJ. Optimal positioning for MRI of the distal biceps brachii tendon : flexed abducted supinated view. AJR 2004 ; 182 : 944–6.[5] Stein JM, Cook TS, Simonson S, et al. Normal and variant anatomy of the elbow on magnetic resonance imaging. Magn Reson Imaging Clin N Am 2011 ; 19 : 609–19.[6] Husarik DB, Saupe N, Pfirrmann CWA, et al. Elbow nerves : MR findings in 60 asymptomatic subjects-normal anatomy, variants, and pitfalls. Radiology 2009 ; 252 : 148–56.[7] Bäumer P, Dombert T, Staub F, et al. Ulnar neuropathy at the elbow : MR neurography-Nerve T2 signal increase and caliber. Radiology 2011 ; 260 : 199–206.[8] Miller TT, Reinus WR. Nerve entrapment syndromes of the elbow, forearm, and wrist. AJR 2010 ; 195 : 585–94.[9] Hayter CL, Giuffrè BM. Overuse and traumatic injuries of the elbow. Magn Reson Imaging Clin N Am 2009 ; 17 : 617–38.
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Auteurs de l’ouvrage
Alain Luciani Professeur des universités-praticien hospitalier Service d’imagerie médicale CHU Henri Mondor, AP-HP Inserm, Unité U955 IMRB, Équipe 18 Université Paris-Est Créteil, Créteil
Alain Rahmouni Professeur des universités-praticien hospitalier Chef du service d’imagerie médicale CHU Henri Mondor, AP-HP Université Paris-Est Créteil, Créteil
et pour ce chapitre
Jean-Luc Montazel
Radiologue, service de radiologie, Clinique générale, Annecy.
Jean-Luc Drapé
Professeur des universités-praticien hospitalier, chef du service de radiologie B, Hôpital Cochin, AP-HP ; Université Paris Descartes Sorbonne Paris Centre, Paris.
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