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IVG : voie médicamenteuse

France | 7 mai 2020

Par Anne-Claire Nonnotte

IVG - voie médicamenteuse

IVG - voie médicamenteuse

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Prise en charge de l'IVG S’ouvre dans une nouvelle fenêtre sur Interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse par :

K. Bettahar, service de gynécologie obstétrique, CHU de Strasbourg, 1 place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg cedex D. Hassoun, 38 rue de Turenne, 75003 Paris.

POINTS CLÉS

  • L’efficacité de la méthode médicamenteuse est supérieure à 95 % lorsque les protocoles sont adaptés en fonction de l’âge gestationnel (NP1).

  • Le misoprostol seul est moins efficace qu’une association mifépristonemisoprostol (NP1). Le géméprost est moins efficace que le misoprostol (NP2).

  • La dose de 200 mg de mifépristone doit être préférée à la dose de 600 mg quel que soit le terme (NP1, grade A).

  • La mifépristone peut être prise à domicile (accord professionnel).

  • L’intervalle libre entre mifépristone et misoprostol doit être entre 24 à 48 heures (NP1, grade A).

  • Avant 7 SA, le misoprostol doit être donné par voie orale à la dose de 400 μg (NP1, grade A) éventuellement renouvelé après trois heures en l’absence de métrorragies.

  • Les voies d’administration du misoprostol – vaginale, sublinguale ou buccale – sont plus effi caces et mieux tolérées que la voie orale (NP1). La dose de 800 μ g de misoprostol administrée par voie sublinguale ou buccale a la même efficacité que celle administrée par voie vaginale mais est moins bien tolérée sur le plan digestif (NP1, grade A).

  • Entre 9 et 14 SA, après la première dose, 400 μg doivent être administrées toutes les trois heures par voie vaginale, buccale ou sublinguale et répétées si nécessaire (jusqu’à cinq doses supplémentaires) (NP2, grade B).

  • Les contre-indications sont rares mais doivent être respectées (allergie aux produits, anémie profonde, troubles de la coagulation, traitement anticoagulant, porphyrie, GEU confirmée ou suspectée) ainsi que les précautions d’emploi (pathologies graves, traitement corticostéroïdes).

  • Les effets indésirables (troubles digestifs et ceux de la thermorégulation) au cours de l’avortement médicamenteux sont le plus souvent peu intenses et de courte durée.

  • L’ibuprofène est le traitement antalgique à privilégier (NP1).

  • À la suite d’un avortement médicamenteux, un suivi est recommandé pour s’assurer du succès de la méthode (NP2, grade B). Les modalités de surveillance, échographique et/ou par hCG combinés à l’histoire clinique sont des méthodes fiables et sont laissées au choix des équipes (grade B).

Introduction

L’avortement médicamenteux constitue depuis la fin des années 1980 une alternative à l’avortement chirurgical. Il est devenu possible grâce à la commercialisation des prostaglandines dans les années 1970 et de la molécule anti-progestérone dans les années 1980. En France, les modalités de réalisation d’une IVG par méthode médicamenteuse ont été réactualisées par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2010. Celle-ci autorise la méthode médicamenteuse jusqu’à 9 SA en hospitalisation, et jusqu’à 7 SA en ville [1] . Entre 9 et 14 SA, le choix entre méthode instrumentale et méthode médicamenteuse peut être proposé. Les femmes doivent être informées des avantages et des inconvénients de chacune des méthodes afi n de faire un choix en fonction de leur situation personnelle et de leur ressenti par rapport à la technique. Le fait que le vécu de certaines femmes face à la vision de l’embryon peut être diffi cile, et ce quel que soit le terme, doit être pris en compte (cf. chapitre « Aspects psychologiques de l’interruption volontaire de grossesse »). Le succès de l’IVG médicamenteuse est évalué par le taux d’obtention d’un avortement complet sans nécessité d’un geste chirurgical complémentaire et l’échec par le taux de grossesses évolutives persistantes ou la nécessité d’un acte chirurgical complémentaire [1] .

Quels médicaments et quels mécanismes d’action ?

L’avortement médicamenteux est une interruption de grossesse induite par des médicaments. Les médicaments utilisés en France sont la mifépristone associée au misoprostol.

Mifépristone

La mifépristone est un stéroïde de synthèse ayant de fortes propriétés antiprogestérone . C’est un dérivé de la progestérone puis de la norethindrone auquel un radical est ajouté sur le carbone 17. La mifépristone a une affi nité pour les récepteurs de la progestérone cinq fois plus forte que la progestérone elle-même mais, contrairement à cette dernière, elle est incapable d’activer les récepteurs et n’a donc pas les eff ets spécifiques de la progestérone. Pour les récepteurs des glucocorticoïdes, l’affinité est trois fois supérieure à la dexaméthasone. Elle est moindre pour les récepteurs des androgènes et négligeable pour les minéralocorticoïdes et les estrogènes. Cette affinité relative pour les récepteurs des autres stéroïdes est de courte durée et n’a pas de traduction clinique [2] .

Mécanisme d’action de la mifépristone

La mifépristone n’a pas d’effet direct sur le trophoblaste mais elle altère l’endomètre, déclenchant une nécrose déciduale, ce qui a pour conséquence de la séparer du trophoblaste et d’entraîner une chute de l’hCG et l’expulsion du produit de conception. Cette action stimule la production de prostaglandines au niveau utérin et le déclenchement d’une activité contractile [2] . De plus, elle ramollit et ouvre le col utérin. Le mécanisme d’action sur le col est lié à la stimulation d’agents tels que les cytokines dont l’action modifi e les fibres collagènes du col utérin. La dilatation maximale du col est obtenue 36 à 48 heures après administration de la mifépristone. Les propriétés de la molécule sur le col sont utilisées pour faciliter la dilatation avant une interruption de grossesse instrumentale [3]. La demi-vie du produit est d’environ 30 heures. Le pic plasmatique maximal survient deux heures après l’administration et décroît de moitié entre 12 et 72 heures. La pharmacocinétique du produit est la même quelle que soit la dose au-dessus de 100 mg [4] .

Synthèse

La mifépristone a une activité anti-progestérone qui a une affinité pour les récepteurs de la progestérone cinq fois plus forte que la progestérone ellemême. Elle entraîne donc une nécrose de la déciduale et une expulsion du produit de conception. Elle stimule la sécrétion de prostaglandines endogènes, ouvre et ramollit le col. La pharmacocinétique du produit est la même quelle que soit la dose au-dessus de 100 mg.

Prostaglandines

Les analogues des prostaglandines augmentent la contractilité utérine, déclenchent des contractions et ramollissent et ouvrent le col de l’utérus. Elles agissent également sur la contraction intestinale. Les effets indésirables digestifs (nausées, vomissements, diarrhée) sont ainsi directement liés à cette action. L’action préalable de la mifépristone potentialise les eff ets d’une dose plus basse de prostaglandine sur la contractilité du myomètre (NP1). Le géméprost est un analogue de la prostaglandine E1 (PGE1) dont la voie d’administration est uniquement vaginale. Le misoprostol est un analogue de PGE1 qui stimule la contractilité utérine en se liant aux récepteurs spécifiques dans le myomètre. C’est la molécule la plus utilisée et la plus étudiée dans cette indication depuis le début des années 1990. Elle a été commercialisée initialement dans la prévention des ulcères gastriques, chez des patients prenant des anti-infl ammatoires non stéroïdiens (AINS) au long cours.

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Cinétique du misoprostol

La cinétique (tableau 3.1) du produit dépend de la voie d’administration [5] . Commercialisés initialement pour une utilisation par voie orale, les comprimés de misoprostol ont été étudiés pour l’IVG avec une utilisation par voie vaginale, sublinguale ou buccale mais n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ces voies d’administration.

Pour rappel L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a utilisé le terme per os pour le misoprostol pour les deux recommandations temporaires d’utilisation (RTU) (FCS et IMG) ainsi que pour la MFIU. Ce terme regroupe trois voies d’administration diff érentes pour laisser le choix de la voie d’administration :

  • la voie orale : le comprimé est avalé ;

  • la voie sublinguale : le comprimé mis sous la langue se dissout durant 15 à 20 minutes avant d’être avalé ;

  • la voie buccale (ou jugale) : le comprimé mis entre la joue et la gencive se dissout durant 15 à 20 minutes avant d’être avalé.

Tab 3.1

Tab 3.1

Synthèse

La pharmacocinétique des différentes voies d’administration laisse penser que l’action soutenue des voies vaginale, buccale et sublinguale est responsable de leur très bonne effi cacité en comparaison avec la voie orale.

Quels protocoles et avec quelle efficacité ?

De nombreux essais randomisés ou non ont été réalisés pour défi nir les doses optimales de mifépristone et de prostaglandines, les délais optimaux entre la prise des deux médicaments et la voie optimale d’administration [6, 7] . En France, l’IVG est autorisée jusqu’à 9 SA en hospitalisation et jusqu’à 7 SA en ville. Une mise au point a été publiée en 2010 par la HAS sur les conditions de réalisation des IVG médicamenteuses [1] . L’AMM de la mifépristone préconise pour les grossesses avant 7 SA, de donner soit 200 mg de mifépristone suivi du géméprost 1 mg par voie vaginale 36 à 48 heures plus tard, soit 600 mg de mifépristone suivi de 400 μ g de misoprostol par voie orale 36 à 48 heures plus tard. Pour les grossesses entre 7 et 9 SA, l’AMM préconise 200 mg de mifépristone suivi de géméprost 1 mg par voie vaginale 36 à 48 heures plus tard.

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Mifépristone : bénéfice et doses ?

Dans la méta-analyse de la Cochrane Database de 2011, cinq essais ont comparé la prostaglandine seule ou en association avec la mifépristone pour des IVG au cours du premier trimestre. Les résultats de ces travaux montrent signifi cativement une plus grande effi cacité de l’association des deux molécules [7] ( tableau 3.2 ).

Tab 3.2

Tab 3.2

Une étude randomisée multicentrique a comparé l’efficacité de trois doses de mifépristone : 200, 400 et 600 mg associées à du géméprost 1 mg par voie vaginale 48 heures plus tard. Sur 1151 femmes en début de grossesse, l’avortement a été complet à 93,8 % ( n = 364) dans le groupe 200 mg, à 94,1 % ( n = 368) dans le groupe 400 mg et à 94,3 % ( n = 367) dans le groupe 600 mg [8] . Lièvre et al. [9] ont réalisé à partir d’une méta-analyse, regroupant quatre essais randomisés avec un total de 3482 patientes, une comparaison selon la méthode de non-infériorité. C’est-à-dire que les outils statistiques utilisés évaluent la noninfériorité de 200 mg de mifépristone par rapport à 600 mg et non la supériorité de 600 par rapport à 200 mg. Deux variables ont été évaluées. La première était le taux de succès défi ni par un avortement complet sans besoin de geste chirurgical complémentaire. Pour cette variable, les auteurs concluent que la dose de 200 mg n’était pas moins effi cace que celle de 600 mg (différence : 0,4 % ; IC 95 % : − 1,4-2,3). La seconde variable étudiée était le taux de grossesses évolutives après IVG médicamenteuse. Pour cette variable, les auteurs ne pouvaient pas conclure que la dose de 200 mg n’était pas moins effi cace que celle de 600 mg (différence : 0,4 % ; IC 95 % : − 0,3-1,0). Dans une méta-analyse de la Cochrane Database de 2011 [7] , différents protocoles d’IVG médicamenteuse ont été évalués et comparés. Les auteurs ont inclus 58 études. L’efficacité et l’innocuité de l’association mifépristone-prostaglandines (doses de mifépristone et de prostaglandines, type de prostaglandines, le délai entre les deux et la voie d’administration du misoprostol) et de l’utilisation de prostaglandines ont été évaluées pour des IVG au-delà de 12 SA. Les résultats sont résumés dans le tableau 3.3 . La dose de 200 mg de mifépristone offre des taux de succès comparables à la dose de 600 mg et peut être utilisée de manière efficace à n’importe quel terme [10] . Les protocoles qui utilisent de faibles doses de mifépristone (200 mg) ont une efficacité similaire et des coûts inférieurs par rapport à ceux qui utilisent la mifépristone à 600 mg [7].

Tab 3.3

Tab 3.3

D’autres travaux [11, 12] ont évalué des doses de mifépristone encore plus faibles (entre 50 et 150 mg) et concluent à des taux d’efficacité similaires à ceux retrouvés pour 200 mg.

Synthèse Il n’y a pas actuellement d’alternative médicamenteuse aussi efficace et sûre que l’association mifépristone-misoprostol pour l’IVG médicamenteuse (NP1). Le misoprostol seul est moins efficace qu’une association mifépristone-misoprostol (NP1). L’IVG médicamenteuse réalisée avec la dose de 200 mg de mifépristone associé au misoprostol est effi cace à tout âge gestationnel (NP1). La dose de 200 mg doit être préférée à celle de 600 mg pour la mifépristone (grade A). K. BETTAHAR , D. HASSOUN

Prise en charge de l’IVG S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, Coordonné par Christophe Vayssière (Pôle Femme Mère Couple, hôpital Paule de Viguier, CHU, Toulouse) et Aubert Agostini (Service de gynécologie-obstétrique, hôpital de la Conception, Marseille) © 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Découvrez l'ouvrage Prise en charge de l’IVG S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF)

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