L’avenir des universités européennes : la coopération et la mobilité seront des éléments clés
6 septembre 2023
Les universités de l’Union européenne (UE) forment des partenariats pour développer les coopérations de recherche supranationales et la compétitivité de l’enseignement supérieur européen Par Federica Rosetta et Zoë Genova (traduit de l'anglais)
Le changement est en marche pour les universités européennes. Une série d'initiatives ambitieuses de l'Union européenne (UE) marquera le début d'une période de transformations pour les établissements de toute l'UE et, avec elle, d'un écosystème de recherche plus connecté, ouvert, inclusif et numérique.
Grâce à l'initiative European Universities Initiative S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, les réseaux et partenariats d'universités européennes sont à l'origine de changements qui transformeront l'enseignement supérieur. Dans le domaine de la recherche, ces réseaux et partenariats permettront d'expérimenter la coopération universitaire afin de relever collectivement de grands défis.
A terme, la collaboration et la mobilité des étudiants et des chercheurs entre les universités seront essentielles pour stimuler l'innovation, la diversité et la compétitivité afin de positionner les institutions académiques comme des acteurs clés pour soutenir cette stratégie européenne de croissance durable.
Qu’est-ce que cela signifie pour les chercheurs et les institutions, et quelles mesures doivent-ils prendre pour réussir dans ce paysage en évolution ?
Le webinar S’ouvre dans une nouvelle fenêtre recent d’Elsevier Eurodoc S’ouvre dans une nouvelle fenêtre montre comment les réseaux et les partenariats européens sont à l'origine de ces transformations ; pourquoi la collaboration et la mobilité sont bénéfiques pour les universités et les chercheurs ; comment la notion de développement durable entre en jeu et ce que cela signifie pour les chercheurs. Le webinar était animé par Maryline Fiaschi S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, directrice générale de Science|Business S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.
La Commission européenne vise une Europe plus forte et plus verte pour les universités
L'initiative des universités européennes a été créée pour "stimuler l'excellence et la compétitivité dans l'enseignement supérieur, la recherche, l'innovation et promouvoir l'égalité des sexes, l'inclusion et l'équité S’ouvre dans une nouvelle fenêtre." Aujourd'hui, la Commission européenne pilote un programme de partenariats universitaires européens, des coopérations supranationales conçues pour travailler ensemble au-delà des langues, des frontières, des programmes d'études et des disciplines afin de relever les défis sociétaux et de remédier aux problèmes de compétence sur le continent. Les 42 partenariats sont en phase pilote et l'UE devra examiner dans les prochains mois la première vague de 17 partenariats impliquant 114 établissements d'enseignement supérieur de 24 États membres.
Dominik Sobczak S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, Chef adjoint de l’unité Recherche & Innovation de la Commission européenne, a mis l'accent sur la manière avec laquelle les universités de l'UE s'intègrent dans le travail de la Commission pour arriver à une Europe plus forte et plus verte. Dominik Sobczak précise que les partenariats universitaires européens constituent une forme de coopération productive et qu'ils permettent de développer des synergies entre l'enseignement et la recherche. Selon lui, les universités pourront évoluer ensemble pour atteindre des niveaux de qualité plus élevés en matière de recherche et d'éducation grâce à ce projet pilote. Ce dernier aidera également à déterminer comment aller de l'avant avec Horizon Europe S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.
Par ailleurs, Dominik Sobczak a évoqué les travaux menés par la Commission européenne pour publier une stratégie paneuropéenne pour les universités S’ouvre dans une nouvelle fenêtre afin de permettre au système d'enseignement supérieur européen d'être encore plus connecté, inclusif, numérique et durable. Les initiatives en matière de santé mondiale et de changement climatique, telles que définies par les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies - UN Sustainable Development Goals (SDGs) S’ouvre dans une nouvelle fenêtre - inciteront les étudiants et les chercheurs à acquérir de nouvelles compétences et favoriseront les échanges entre le monde universitaire et les entreprises. Cette stratégie - dont les partenaires actuels sont les pionniers - vise à ajouter une nouvelle dimension au concept de ce que peut devenir l'université de demain et à lever les obstacles à la coopération internationale. Selon M. Sobczak, le fait de remédier à l'inadéquation entre les aptitudes des chercheurs et les compétences requises pour l’évolution de leur carrière permettra d'améliorer la mobilité entre le monde universitaire et les entreprises.
Données sur la mobilité, la collaboration et le développement durable
Pour démontrer la valeur de la coopération universitaire, les données d'Elsevier sur la mobilité, la collaboration et le développement durable ont été présentées avant la discussion.
Les informations trouvées sur les plateformes Science-Metrix S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, Scopus S’ouvre dans une nouvelle fenêtre et SciVal S’ouvre dans une nouvelle fenêtre d’Elsevier montrent que les chercheurs "nomades" ont en moyenne un impact plus important sur la recherche que les chercheurs "sédentaires". Ce type d'information est non seulement précieux pour les politiques et les décisions à venir, mais également pour les chercheurs qui souhaitent planifier leur carrière.
L’utilisation des affiliations pour identifier les chercheurs en fonction de leurs institutions et pays permet de suivre leur mobilité et leur impact au fil du temps. Les conclusions du rapport 2021 d'Elsevier Data and Insights on International Science, Technology, and Innovation — Comparative Research Report of 20 Global Cities (2016-2020) S’ouvre dans une nouvelle fenêtre montrent que :
La grande majorité (~80%) des étudiants ou de jeunes chercheurs qui ont rédigé au moins une publication finissent par quitter le monde universitaire après quelques années. Les personnes qui ont été mobiles pendant leurs premières années de formation ont beaucoup plus de chances de rester dans la recherche : 1/3 de tous les chercheurs encore actifs 15 ans après leur première publication ont changé de pays au moins une fois.
Dans 12 villes sur 20, les chercheurs en transit avaient un impact plus important et étaient plus cités (de 20 à 60 % de plus selon l'indicateur).
La mobilité a généré des citations et a montré une augmentation des paramètres d'entrée (nombre de publications, nombre de citations…) après le premier événement de mobilité.
Les membres de l’Europe du Nord et d’Ouest avaient le plus recours à la mobilité tandis que les membres des états de l’Europe de l'Est se sont classés au dernier rang et ne montrent qu’une faible migration. Toutefois, ce sont les Européens de l'Est qui ont le plus bénéficié de la mobilité internationale en terme d'impact.
Ces données indiquent qu'il serait intéressant de mettre en place des politiques et des structures qui aident à uniformiser les règles du jeu dans le domaine de la recherche pendant que les réseaux et les partenariats améliorent l'accès à la mobilité dans toute l'Europe. Puisque les données montrent que les étudiants qui sont mobiles au cours de leurs premières années de formation sont plus enclins à rester dans la recherche, les politiques menées peuvent influencer les carrières des chercheurs diplômés et post-diplômés. À cet égard, les partenariats universitaires européens contribuent à créer un environnement de collaboration bénéfique pour les chercheurs qui travaillent de façon interdisciplinaire.
La mobilité est également essentielle pour favoriser la coopération internationale - un domaine dans lequel l'UE obtient d'excellents résultats. Circle U S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, par exemple, présente un niveau important de coopération entre les universités, basé sur la co-publication.
Les données de Scopus montrent que l'indice d'activité relative est élevé pour Circle U par rapport aux ODD, ce qui signifie que l’institution a une part élevée de la production scientifique dans ce domaine. Pour 15 des 16 ODD, Circle U a un impact plus élevé que l'UE et le monde entier. Ce type d'analyse permet de suivre les réseaux et les partenariats pour voir comment ils valorisent des sujets spécifiques dans le but de faire progresser le développement durable et de réfléchir à leur rôle de promoteur dans ce domaine.
Perspectives académiques
Le recteur de l'Université d'Oslo S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, le Dr Svein Stølen S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, vice-président de la Guilde et président du partenariat Circle U, a expliqué comment la coopération entre les disciplines et au-delà des frontières contribue à faire de l'Europe un continent fort. Concernant l'avenir de ces initiatives en Europe, il a dit :
Je pense que nous devons être au service de la société dans son ensemble, au niveau régional, national et mondial. Je pense que toutes les universités d'Europe continueront à rechercher des partenariats stratégiques, des domaines d'enseignement et de recherche, mais aussi une forte cooperation avec les parties prenantes à l'extérieur....
Les universités jouent un rôle central dans la diffusion de l'excellence et de l'engagement dans la coopération. Quant aux universités impliquées dans la réalisation des ODD et du Green Deal européen, Pr Stølen a évoqué la valeur du travail interdisciplinaire et de la coopération universitaire en réponse à la pandémie. Pour travailler ensemble afin de relever ce défi, il a précisé qu'il était impératif de valoriser les partenariats en Europe et, plus largement, à l’échelle mondiale.
Le Pr Stefano Ronchi S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, délégué du recteur pour les affaires internationales à Milano Polytechnic S’ouvre dans une nouvelle fenêtre l'école polytechnique de Milan et représentant institutionnel à IDEA League S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, a remarqué un changement dans le paysage de la recherche qui touche aussi bien les institutions que les chercheurs. Auparavant, dit-il, les institutions et les universités s'occupaient seules, de manière indépendante, des enjeux technologiques, avec des scientifiques en silos ou évoluant dans des laboratoires individuels. Aujourd'hui, les défis comme les opportunités sont beaucoup plus complexes et ils ont un impact énorme sur le climat et le développement durable. Selon lui, il est crucial de former des partenariats comme IDEA League - une coopération stratégique de cinq universités de recherche européenne de premier plan - afin de mettre en commun les forces pour donner les moyens de développer des technologies dans l'intérêt de la société et de la planète.
Perspectives et visions d’avenir des partenariats
Assurer l'égalité des chances pour les jeunes chercheurs
Pour garantir le progrès, les opportunités de coopération et de mobilité doivent être les mêmes pour les étudiants et chercheurs en début de carrière dans toute l'Europe. Danila Rijavec S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, doctorante et membre du conseil d'administration d'Eurodoc, a souligné l’effet bénéfique de la promotion de la mobilité sur la circulation large et équilibrée des talents. Pour de nombreux chercheurs en début de carrière, la mobilité peut être le seul moyen d'accéder aux installations de recherche nécessaires à l'innovation. La mobilité donne aux chercheurs la possibilité de travailler avec des experts dans leur domaine en dehors de leur pays d'origine et de leur discipline. Elle ajoute :
Pour la majorité d'entre eux, l'intégration dans des environnements multinationaux et multiculturels conduit généralement à une maturité et une indépendance scientifiques précoces. Sur cette base, ils contribuent à davantage de recherches, plus d'articles et plus de publications.
Cependant, poursuit-elle, pour chaque étudiant admis en Europe de l'Est, il y en a au moins deux qui vont en Europe occidentale.
Classement moyen des zones géographiques des pays de l’UE en tant que destinations migratoires des chercheurs pour d'autres zones géographiques de l’UE
Les données d'Elsevier montrent que les régions du nord et de l'ouest de l'UE se classent au premier rang en terme de destinations de mobilité, tandis que l'Europe de l'Est se classe presque toujours au dernier rang. NB : 15 ans plus tard la cohorte de 2001-2003 publie toujours. Les classements sont calculés au niveau des pays, puis agrégés par zones. Le code couleur au sein d'une région de destination va du rouge foncé pour les classements moyens les plus bas au vert foncé pour les classements moyens les plus élevés. (Source : ScienceMetrix pour European Commission policy brief on scientific mobility S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, 2021)
Pour améliorer la mobilité vers l'Europe de l'Est, on peut se poser les questions suivantes : Que font les pays et les universités pour attirer les chercheurs et les étudiants ? Quel type de soutien offrent-ils ? On constate que même si les partenariats ont été conçus pour être équilibrés, les flux ne le sont pas.
Puis Danila Rijavec suggère d’aborder le problème qui se pose lorsque la mobilité n'est pas possible. Comment mieux gérer cette situation alors qu’il y a désormais davantage de structures et de financements ? Les solutions de mobilité à court terme et de mobilité hybride sont-elles de bonnes alternatives alors que la pandémie se poursuit ? Bien que beaucoup pensent que la mobilité est un concept commun et partagé, il est encore peu connu par les chercheurs et les étudiants. Pour les sensibiliser et les encourager, elle recommande de renforcer les bureaux d'assistance dans les universités permettant de communiquer directement avec les étudiants et les chercheurs et partager les opportunités existantes.
Relever les défis du développement durable
Les étudiants et chercheurs en début de carrière sont bien placés pour travailler ensemble afin de garantir un avenir durable. Le Dr Luciana Radut-Gaghi S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, vice-présidente d'EUTOPIA S’ouvre dans une nouvelle fenêtre à l'université CY Cergy Paris University S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, a expliqué pourquoi les partenariats universitaires sont un bon instrument pour aborder les ODD car ils impliquent les étudiants dans la réflexion et la recherche de solutions pour relever les défis actuels qui affecteront leur avenir.
Silvia Gomez Recio S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, secrétaire générale de YERUN S’ouvre dans une nouvelle fenêtre – Young European Research Universities Network, précise qu'avec les 74 % des membres du réseau YERUN qui font partie d'un partenariat, l'organisation a enregistré de nombreux progrès en matière de développement durable. Néanmoins, ajoute-t-elle, l'aide et la coopération sont toujours nécessaires pour faire face aux défis du développement durable à une plus grande échelle.
Créer des partenariats comme des entités juridiques indépendantes
Deux intervenants ont discuté de l'intérêt de réfléchir au statut juridique des partenariats. Représentant ENLIGHT S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, le Professeur Laurent Servant S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, vice-président des réseaux internationaux de l'Université de Bordeaux S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, a souligné la nécessité de rendre les universités durables en terme de réglementation juridique et d'accréditation. Il pense que la transformation institutionnelle peut créer de nouveaux systèmes pour les partenariats universitaires avec des opportunités pour les étudiants, le personnel et les professeurs. Il précise que la formation de partenariats donne l'occasion d'étendre la coopération à de nouveaux partenaires et de définir un état d'esprit commun. Il suggère également de revoir l’accréditation des diplômes et d'envisager la création d'une structure juridique pour améliorer la compétivité des consortiums d'universités européennes par rapport aux autres universités dans le monde.
Selon Silvia Gomez Recio, les partenariats complètent les réseaux universitaires existants et peuvent permettre d’accomplir des choses auxquelles ceux-ci ne peuvent parvenir. Les partenariats exigent un niveau de confiance et d'engagement profond que l'on ne peut obtenir qu'avec un groupe d'universités proches et restreintes, a-t-elle expliqué.
Comme le rôle des partenariats est d'aller plus loin dans la coopération qu'entre universités individuelles, il sera important de fournir les outils et les mécanismes pour permettre ce type d’intégration tout en respectant leur autonomie - même si l'un des principaux objectifs de l'initiative est de réduire les barrières à la coopération entre toutes les universités en Europe.
Passer de la mobilité à l'intégration des ressources
Poussant la notion de mobilité un peu plus loin, le Pr Stefano Ronchi a évoqué la possibilité de la faire évoluer pour se diriger vers l'intégration. Selon lui, l'intégration consisterait à réunir les connaissances, les moyens, les cours et les infrastructures au sein des partenariats, afin de les partager avec toutes les communautés, les étudiants et les scientifiques, quelle que soit leur origine. Selon le Pr Ronchi, cela permettrait d’éviter la bureaucratie inhérente à la mobilité et d'améliorer l'accès aux ressources dans un réseau plus large.
Un article de
Federica Rosetta
En tant que vice-présidente des relations académiques et de recherche d'Elsevier pour l'Union Européenne, Federica Rosetta est responsable des relations extérieures et des collaborations stratégiques avec le monde politique et de la recherche de l'UE et dans les pays scandinaves. À ce titre, elle se concentre sur les développements clés qui figurent sur l'agenda européen de la recherche et de l'innovation. Elle a un intérêt particulier pour la science ouverte, l'égalité des sexes, le développement durable et la communication scientifique. Son expérience dans le domaine universitaire, acquise pendant 18 ans chez Elsevier, couvre la communication marketing, l'édition, le développement commercial et la politique. Sa passion pour l'édition remonte à ses études de littérature et d'histoire de la presse et de l'édition à l’Università degli Studi di Milano S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.
Un article de
Zoë Genova
Zoë Genova est responsable de la communication et des réseaux stratégiques internationaux chez Elsevier. Elle a rejoint cette entreprise en 2021 avec près de dix ans d'expérience en matière de communication pour les ONG, le développement durable et la diplomatie.
Zoë Genova est titulaire d'une licence en anthropologie de l'université George Washington à Washington, DC.