Le billet de Julien : Contention veineuse
16 mars 2017
Julien est un ESI de 3ème année qui s’exprime chaque mois sur un sujet de son choix.
Ce mois-ci, j’ai décidé de vous parler des bandes de contention. Je sais qu’à la lecture de cette première phrase vous serez nombreux à fermer la fenêtre de votre navigateur mais … ne le faites pas !
Combien d’entre vous se sont pris la tête en stage à apprendre une manière de poser les bandes, avant de voir leurs nouvelles connaissances remises en question avec un.e autre professionnel.le de santé. On a toujours des questions sur les bandes, ce n’est jamais clair. Quelle force ? Pour quel usage ? Est ce qu’on inclut les talons ? Tant de questions, avec des réponses souvent bien différentes.
A/ La différence entre contention et compression On entend par contention l’effet d’un matériel qui est peu (ou pas du tout) élastique. C’est un système qui n’oppose pas de pression sur la jambe lorsque celle-ci est au repos, mais lorsque le mollet travaille, la contention devient active et exerce une force “de travail” sur le mollet afin de chasser le sang veineux vers le haut.
Un système de compression est un système élastique qui lui soumet la jambe à une pression constante, que les muscles soient au repos ou au travail.
Dans ce genre de sujet, le problème c’est que tout le monde croit savoir comment faire, mais en vrai, personne n’est bon. Une étude récente, parue en 2015 dans le Journal des maladies vasculaires (1) montre bien cet élément : sur 100 patients, une pose effectuée correctement par les IDE était constatée dans 51,7% des cas seulement. Les recommandations de la HAS (Haute Autorité de Santé) n’étaient suivies que par 10,8% des médecins interrogés et la délivrance par le pharmacien n’était pas conforme dans 26% des cas. Bref, c’est un sujet compliqué pour les médecins, les infirmiers et les pharmaciens.
Alors au lieu de galérer avec les recommandations de la HAS, je me suis dit qu’un petit résumé permettrait d’éclaircir votre ciel sombre de la contention veineuse.
Les contres indications (absolues) à ces dispositifs médicaux : – L’AOMI (artériopathie oblitérante des membres inférieurs) : en effet, si ces dispositifs sont indiqués dans l’insuffisance veineuse, ils ne le sont absolument pas dans l’insuffisance artérielle ! Car ce n’est pas le même type de pathologie. On doit d’autant plus être vigilant, surtout quand l’indice de pression systolique est inférieur à 0,6. Le risque étant une ischémie du membre inférieur – La micro angiopathie évoluée (compression supérieure à 30 mm Hg) – La thrombose septique
En cas de doute, n’hésitez pas à en parler à un médecin avant la pose du dispositif.
2/ La compression médicale dans les affections veineuses chroniques La compression est un moyen efficace de lutter contre les affections veineuses chroniques. Mais comment bien faire ? Pour cet article, je suis allé chercher dans les recommandations de la HAS. Les dernières sur le sujet datent de 2010 (2). En général, quand on veut connaitre les dernières recommandations sur un sujet, le site de la HAS est une excellente base de départ.
Mais de quoi parle-t-on ? La classification CEAP (clinique – étiologie – anatomie – physiopathologie) est celle utilisée par la HAS pour émettre ses recommandations. Elle permet de classer ces pathologies obstructives en différents stades, 6 pour être plus précis.
Alors on retient quoi ? – Au stade C0 et C1, aucune étude ne prouve l’intérêt d’une compression veineuse – La compression veineuse est le traitement de base des affections chroniques à partir du stade C2 – Les bandes sont à utiliser dans un usage court, et par un personnel entrainé (Souvenez-vous, on a vu que beaucoup de professionnels et de patients mal formés ne posaient pas bien les bandes, réduisant l’efficacité de ces dernières, et à terme l’observance même du traitement) – Les bas sont recommandés pour un usage sur le long terme – La HAS ne retient pas de différence d’efficacité entre les différents types de bas. – En présence de plusieurs troubles sur les membres inférieurs, la bonne pression du dispositif est celle de l’affection la plus lourde néanmoins – La pression à retenir est celle la plus forte supportée par le patient – Une réévaluation régulière du rapport bénéfice/risque s’impose en cas de :
– Neuropathie périphérique évoluée – AOMI avec IPS entre 0,6 et 0,9 – Dermatose suintante ou eczématisée – intolérance aux fibres utilisées
3/ La compression médicale en prévention de la thrombose veineuse Il existe plusieurs actions pour lutter contre la TV (thrombose veineuse), le plus simple c’est de retenir le triptyque : Compression, Mobilisation, Anticoagulants.
L’usage d’une compression est recommandée par la HAS dans le cadre de la prévention de la TV lors de situations à risque bien identifiées (3) (que vous connaissez sûrement déjà toutes et tous par cœur : – infection avec fièvre prolongée – cancer à risque de thrombose – insuffisance cardiaque – antécédents de thromboses veineuses – suites d’une intervention chirurgicale à risque de TV élevé (exemple : chirurgie du bassin)
Concernant la prévention des TV lors de chirurgie, l’HAS nous recommande : – 7 à 10 jours en cas de chirurgie à faible risque – 7 semaines en cas de chirurgie à haut risque
Et pour les chaussettes anti thrombose, des recommandations existent aussi, retenez que : – La hauteur du bas importe peu, selon les données actuelles de la science, mais le risque de mauvaise pose du bas et d’effet garrot à mi-cuisse fait préférer la chaussette. – Seules les chaussettes anti thrombose sont retenues par la HAS dans la prévention de la TVP (Thrombose veineuse profonde)
Avant de clôturer le chapitre des TV, il est important de préciser que la note de recommandation de la HAS, datant de 2010, stipule bien que ces recommandations reposent sur des méta-analyses d’études datant en majorité d’avant les années 2000. L’HAS insiste donc sur le fait que des données cliniques complémentaires sont essentielles pour confirmer le rapport bénéfice/risque de ces dispositifs, les médicaments proposés étant de plus en plus efficaces. Ca sent les nouvelles reco ça …
Dernières informations à retenir : – on pose le dispositif le matin avant le lever. Si le patient souhaite se lever avant (un pipi urgent) on l’invite à se rallonger un instant avant de mettre le matériel. – Lors de la pose de bande, le talon est inclus. (Sauf si escarre)
Voilà c’est déjà fini, pour ceux que ça intéresse je vous invite à consulter mes sources et à discuter de vos pratiques avec vos collègues. Souvenez-vous, les recommandations de la HAS, ça reste une base très solide pour sa pratique professionnelle.
Sources : (1) Attal R, et Al. La compression dans la prise en charge des ulcères veineux des membres inférieurs. Evaluation des pratiques professionnelles sur 100 patients Journal des maladies vasculaires (2015) (2) HAS, la compression médicale dans les affections veineuses chroniques, 2010 (3) HAS, la compression médicale en prévention de la thrombose veineuse, 2010 Faure, S. Prévention des complications de l’insuffisance veineuse. Actualités pharmaceutiques n°534, mars 2014
29 ans, ESI promo 2017 Master II en gestion et management créateur du site www.wikifsi.com
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