Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
20 mars 2023
Par Anne Claire Nonnotte
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Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
The FIVA
S. Lalliard 1 FIVA, Tour Altaïs, 1 place Aimé-Césaire–CS 70010, 93102 Montreuil cedex, France
Résumé
Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est un établissement public crée en 2001 pour indemniser toutes les victimes de pathologies liées à l’inhalation des fibres d’amiante : non seulement les salariés du régime général de la Sécurité Sociale, du régime agricole mais aussi les artisans, les victimes d’une exposition environnementale, les épouses nettoyant les vêtements de leur mari qui travaillait dans l’amiante. Depuis 2018, les pathologies graves (cancer broncho-pulmonaire, mésothéliome) sont désormais majoritaires par rapport aux pathologies bénignes (plaques pleurales, épaississements pleuraux, pleurésie). La procédure d’indemnisation devant le FIVA est simple et gratuite (www.fiva.fr/.). Il s’agit d’une indemnisation intégrale pour les victimes (préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux) et leurs ayants droit (préjudices d’accompagnement, moral et économique.
Summary
The FIVA (compensation funds for asbestos victims) is a public institution created in 2001 to compensate all victims of pathologies linked to the inhalation of asbestos fibers: not only the employees of the French general Social Security regime, the agricultural regime but also artisans, victims of environmental exposition, wives washing the clothes of their husbands working with asbestos fibers. Since 2018, serious pathologies (cell lung cancer, mesothelioma) are now in the majority compared to benign pathologies (pleural plaques, pleural thickening, and pleurisy). The indemnisation procedure before the FIVA is simple and free (www.fiva.fr/.). It is a total indemnisation for the victims (patrimonial and extra patrimonial prejudices) and their beneficiaries (economical, moral and caring prejudices).
Mots clés : Amiante, Victime - ayants droit, Réparation intégrale, Procédure simple, gratuite Keywords : Asbestos, Victim - beneficiaries, Total indemnisation, Free, Simple procedure
Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) créé en 2001 (article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001) [1] est un établissement public administratif doté de la personnalité juridique et administré par un conseil d’administration. Il est placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. La mission du FIVA est d’indemniser les victimes atteintes d’une pathologie en lien avec l’amiante, en leur évitant une procédure contentieuse. La procédure devant le FIVA est gratuite et le recours à un avocat n’est pas obligatoire.
Fonctionnement du FIVA
Financement du FIVA
Le FIVA est financé chaque année par une contribution de l’État, votée en loi de finances, et par une contribution du régime général de la Sécurité Sociale (branche accidents du travail et maladies professionnelles) fixée en loi de financement de la sécurité sociale. À ces contributions annuelles, s’ajoutent les recettes correspondant aux remboursements obtenus dans le cadre des recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et de la responsabilité des administrations employeurs.
Un rapport d’activité, établi annuellement, est transmis au Parlement et au Gouvernement afin de déterminer le montant des contributions financières nécessaires pour l’année suivante.
Les instances du FIVA
Le conseil d’administration du FIVA définit la politique d’indemnisation en fixant les orientations relatives aux procédures, aux conditions de reconnaissance de l’exposition à l’amiante, d’indemnisation et de versement des provisions aux victimes et aux conditions d’action en justice du Fonds. Il est composé de 22 membres : outre le Président–magistrat–siègent 5 représentants de l’État, 8 représentants des organisations patronales (3 membres) et syndicales (5 membres), 4 membres des organisations nationales d’aide aux victimes de l’amiante, 4 personnes qualifiées dans les domaines de compétences du Fonds.
La commission d’examen des circonstances de l’exposition à l’amiante (CECEA), prévue par le décret du 23/10/2001 [2] et placée au sein du FIVA, a pour mission d’examiner les demandes d’indemnisation des victimes qui ne sont ni reconnues en maladie professionnelle, ni atteintes d’une maladie dite spécifique de l’amiante. Elle se prononce sur le lien entre la maladie et l’exposition à l’amiante. Elle est composé de 5 membres, un Président – praticien hospitalier (PU-PH) en charge d’un service de pathologie professionnelle, nommé par arrêté interministériel – deux personnes ayant des compétences particulières pour apprécier le risque de l’exposition à l’amiante, et deux médecins spécialistes ayant des connaissances particulières en matière de pneumoconioses.
L’administration du FIVA
Elle repose sur une équipe administrative et médicale composée de 70 personnes (administratifs et médecins) chargée d’appliquer les délibérations du conseil, d’instruire les dossiers et de procéder aux règlements des indemnisations. Elle peut faire appel à des experts extérieurs (médecins ou avocats) pour le traitement de certains dossiers.
L’amiante
Les propriétés de l’amiante
L’amiante est une substance minérale naturelle fibreuse regroupant deux variétés différentes, les chrysolites et les amphiboles. Elle a été massivement utilisée pendant plus d’un siècle, dans des milliers de produits à destination industrielle ou domestique, pour ses performances techniques remarquables associées à un faible coût. En France, l’utilisation de l’amiante a été progressivement restreinte jusqu’à son interdiction totale en 1997. Aucun produit amianté n’est plus fabriqué ni emporté en France depuis cette date. Cependant, il subsiste des matériaux amiantés, en particulier dans les bâtiments, qui peuvent présenter des risques de contamination.
Les pathologies de l’amiante
L’exposition à l’amiante peut causer des maladies du poumon et de la plèvre bénignes ou cancéreuses. Elles se déclarent souvent longtemps après l’exposition à l’amiante (de 10 à 40 ans). Les maladies bénignes sont :
les plaques pleurales ;
les épaississements pleuraux ou fibrose de la plèvre viscérale ;
les pleurésies bénignes ;
l’asbestose ou fibrose pulmonaire.
Les maladies cancéreuses sont : L’exposition à l’amiante peut causer des maladies du poumon et de la plèvre bénignes ou cancéreuses. Elles se déclarent souvent longtemps après l’exposition à l’amiante (de 10 à 40 ans). Les maladies bénignes sont :
le mésothéliome pleural ;
le cancer broncho-pulmonaire
Les victimes atteintes de pathologies graves sont désormais majoritaires parmi les nouvelles victimes de l’amiante ayant saisi le FIVA (Figure 1). L’augmentation du poids relatif des pathologies graves est surtout la conséquence de la diminution constante du nombre de victimes atteintes de pathologies bénignes.
Les pathologies indemnisées par le FIVA
Les pathologies indemnisées par le FIVA sont classées en trois catégories (Figure 2) :
La première catégorie regroupe les maladies reconnues professionnelles par les organismes sociaux car elles sont liées à une exposition à l’amiante survenue à l’occasion du travail et sont prises en charge à ce titre. Elles sont listées dans les figures des maladies professionnelles 30 et 30bis du régime général ou 47 du régime agricole [3] ;
La deuxième catégorie est celle des pathologies dites « spécifiques » dont le constat vaut exposition à l’amiante (selon l’arrêté du 5 mai 2002) [4] :
plaques pleurales et péricardiques unilatérales ou bilatérales ;
mésothéliome malin pleural ou péritonéal, autres tumeurs pleurales primitives ;
La troisième catégorie concerne les pathologies non reconnues en maladie professionnelle et non spécifiques. Les dossiers de victimes sont alors examinés par la Commission d’Examen des circonstances de l’Exposition à l’Amiante (CECEA).
La deuxième et la troisième catégorie concernent notamment des victimes qui n’ont pas été reconnues en maladies professionnelles ou qui ont été exposées dans le cadre de leur environnement.
Les bénéficiaires de l’indemnisation par le FIVA
Peuvent demander une indemnisation les victimes de l’amiante et leurs ayants droit lorsque le décès de la victime est en lien avec l’amiante. Chaque dossier fait l’objet d’un examen particulier et l’indemnisation est déterminée en référence au barème adopté par le conseil d’administration du FIVA. Ce barème indicatif vise à assurer un traitement équitable entre toutes les victimes sur tout le territoire national, que la maladie soit d’origine professionnelle ou environnementale.
Les victimes
Certaines victimes ont été exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail, d’autres dans leur environnement quotidien. Toutes ne bénéficient pas d’une couverture sociale des risques professionnels au titre Accident du travail/Maladie professionnelle. Le FIVA distingue trois catégories :
Les victimes dites « professionnelles » exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail et dont la maladie a été reconnue d’origine professionnelle par un organisme de sécurité sociale
Les victimes exposées à l’amiante dans le cadre de leur travail, mais qui ne bénéficient pas d’une prise en charge au titre de la maladie professionnelle (ex : artisans ou professions libérales)
Les victimes dites « environnementales », qui ont été exposées à l’amiante en dehors du cadre professionnel. Par exemple, sur leur lieu de résidence dans leur environnement, par contact avec des vêtements contaminés ou lors de travaux de bricolage sur des produits comportant de l’amiante.
Le profil de la victime est aujourd’hui (Figure 3, Figure 4, Figure 5) :
un homme (91 %)) ;
Ancien salarié relevant du régime général (86 %) ;
Dont la pathologie a été reconnue en maladie professionnelle (70 %) ;
L’homme a, en moyenne, 70 ans, au moment du diagnostic (Figure 3) ;
Il saisit le FIVA de son vivant (81 %) (Figure 4)) ;
Il habite plutôt dans le nord de la France ou dans l’est, en particulier, en Moselle ou en Seine-Maritime (Figure 5) ;
Il souffre d’une pathologie grave.
Les ayants droit
La FIVA indemnise les ayants droit, lorsque la victime est décédée des suites de sa maladie liée à l’amiante. Il est nécessaire que le décès soit reconnu médicalement en lien avec l’amiante. Sont considérés comme ayants droit d’une victime : son conjoint, ses enfants majeurs et mineurs, ses petits-enfants s’ils sont nés avant le décès de la victime de l’amiante, ses frères et sœurs ainsi que ses parents.
L’évaluation des préjudices indemnisables
La mission confiée au FIVA est d’assurer une répartition intégrale des préjudices des victimes de l’amiante. Un barème indicatif, voté par le conseil d’administration et propre au FIVA, permet de déterminer l’indemnisation d’une victime de l’amiante en considération des conséquences de la maladie et de son âge à la date du diagnostic initial.
« Un barème d’indemnisation commun pour toutes les victimes ».
Pour les victimes
Le FIVA indemnise des préjudices économiques (patrimoniaux) et les préjudices personnels (extra patrimoniaux).
Les préjudices économiques :
Le préjudice professionnel réellement constaté (perte de revenus) ;
Les frais de santé restant à la charge de la victime ;
Les autres frais supplémentaires : tierce personne, aménagement du véhicule et du logement, frais de déplacement, ou tout autre frais dès lors que les éléments de preuve sont rapportés.
Les préjudices personnels :
L’incapacité fonctionnelle ;
Le préjudice moral ;
Le préjudice physique ;
Le préjudice d’agrément ;
Le préjudice esthétique.
L’incapacité fonctionnelle
Afin d’indemniser chaque victime en fonction de sa situation médicale en lien avec l’amiante, le FIVA se réfère à son barème d’indemnisation en fonction du taux d’incapacité fixé par le service médical du FIVA (barème médical spécifique). Il s’agit de mesurer la réduction du potentiel physique, psycho-sensoriel ou intellectuel en lien avec la pathologie de l’amiante.
En cas d’aggravation
Si l’état de santé de la victime en lien avec l’amiante s’aggrave, ou si une nouvelle maladie liée à l’amiante se déclare, la victime peut effectuer une demande complémentaire d’indemnisation auprès du FIVA. Celle-ci sera traitée de la même manière que la précédente.
Pour les ayants droit
En cas de décès d’une victime de l’amiante, ses héritiers peuvent bénéficier de l’action successorale, c’est-à-dire, des indemnisations qui auraient dû être versées à la victime de son vivant. L’évaluation de cette indemnisation se fait donc de la même manière que pour une victime.
Par ailleurs, les proches de la victime peuvent également demander l’indemnisation de leur préjudice personnel subi par le décès de la victime des suites de sa maladie de l’amiante. Les préjudices indemnisés à ce titre font l’objet d’un barème fixé par le conseil d’administration, il s’agit du :
Préjudice d’accompagnement ;
Préjudice moral personnel de l’ayant droit.
En outre, les proches qui subissent un préjudice économique lié au décès de la victime (perte de revenus du ménage), peuvent obtenir une compensation sous réserve d’apporter la preuve de la perte financière réelle.
La demande d’indemnisation
La procédure d’indemnisation devant le FIVA est gratuite. Aucun frais ne sera facturé par le FIVA. Pour être indemnisé, il suffit de déposer une demande au FIVA et de fournir tous les éléments notamment médicaux permettant de justifier d’une maladie en lien avec l’amiante.
Le FIVA peut être saisi directement par le demandeur, victime ou ayant droit. Pour autant, des associations ou des organisations syndicales peuvent accompagner le demandeur dans ses démarches.
Le recours aux services d’un avocat est possible. Il doit alors être spécialement mandaté par le demandeur pour le représenter tout au long de la procédure devant le FIVA. Attention, le FIVA ne prend pas en charge les honoraires facturés par les avocats, ces honoraires sont payés par le client.
La première étape de la demande d’indemnisation est la constitution du dossier. Pour cela, un formulaire de demande d’indemnisation doit être complété et transmis au FIVA. Si la maladie n’a pas été reconnue d’origine professionnelle par un organisme de sécurité sociale, il faut également compléter un questionnaire concernant les conditions de l’exposition à l’amiante.
Ces formulaires sont téléchargeables sur le site Internet du FIVA (www.fiva.fr/) ou peuvent être demandés au FIVA (par lettre, mail ou téléphone) qui les adressera à l’adresse souhaitée. Les personnes qui désirent plus de détails, peuvent disposer d’une notice d’information sur la procédure d’indemnisation, également téléchargeable sur le site Internet du FIVA.
Une fois le formulaire complété et signé, il doit être envoyé au FIVA, accompagné des pièces demandées par lettre recommandée avec accusé de réception.
La réponse du FIVA
Dans les 15jours de la réception de la demande d’indemnisation, le FIVA adresse un accusé de réception qui précise que le dossier est en l’état recevable ou non. Si le dossier est recevable , le FIVA indique le point de départ du délai de 6 mois dont il dispose pour présenter une décision d’indemnisation.
Attention : il se peut que le dossier, bien que recevable, ne comporte pas toutes les pièces nécessaires à l’instruction. Dans ce cas, l’accusé de réception indique la liste des pièces manquantes et invite à les faire parvenir au FIVA. Ce n’est que lorsque ces pièces sont parvenues au FIVA que l’instruction de la demande peut commencer.
Si le dossier n’est pas recevable, l’accusé de réception mentionne les pièces manquantes. Ces pièces doivent être adressées au FIVA avant que toute instruction puisse débuter.
Quelques chiffres
Plus de 274 millions d’euros d’indemnisation ont été servis en 2021 (Figure 6, Figure 7).
Comme les années précédentes, plus de quatre cinquièmes des dépenses sont concentrées sur l’indemnisation des pathologies graves. Les dépenses d’indemnisation cumulées depuis la création du FIVA s’élèvent à 6,702 milliards d’euros (Figure 8).
La moyenne des sommes allouées par pathologie reflète la logique des barèmes, médical et d’indemnisation du FIVA, adoptés par son conseil d’administration. Ainsi, les pathologies graves représentent plus de sept fois les indemnités versées au titre des plaques pleurales (Figure 8).
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Références
[1] Article 53 de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000. [2] Décret no 2001-963 du 23 octobre 2001. [3] Tableau des maladies professionnelles prévues à l’article R. 461-3 du Code de la sécurité sociale. [4] Arrêté du 5 mai 2002 fixant la liste des maladies dont le constat vaut justification de l’exposition à l’amiante. [5] Rapport d’activité du FIVA 2021.1 www.fiva.fr/ S’ouvre dans une nouvelle fenêtre