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Le podologue, partenaire de choix pour les traileurs de l’extrême

20 juin 2022

Par Anne Claire Nonnotte

Le podologue

Le podologue

Nous vous proposons de découvrir un article de la revue du podologueS’ouvre dans une nouvelle fenêtre dans la rubrique Pratique du numéro de Mai 2022

revue du podologue

revue du podologue

Le podologue, partenaire de choix pour les traileurs de l’extrême

The podiatrist, the partner of choice for extreme runners

Karine Delahaye-Muller : Pédicure-podologue, responsable pédagogique Collège des hautes études en médecine, 135 quai Éric-Tabarly, hall 2, passage Quéménès, 29229 Brest, France

Résumé

Les patients, athlètes chevronnés ou sportifs réguliers, sont de plus en plus nombreux à s’inscrire à des ultratrails de l’extrême. Le marathon des Sables est réputé l’un des plus difficiles. Le pédicure-podologue est un allié indispensable dans la préparation à de tels défis sportifs : soins des pieds en amont, mise en place de protocoles de protection, choix des chaussures de sport, type de laçage, cicatrisation des plaies en aval, etc. Le podologue est présent à chaque étape. Expérience du suivi podologique d’un de ces sportifs de l’extraordinaire et finisseur du marathon des Sables.

The podiatrist, the partner of choice for extreme runners

More and more of our patients, experienced athletes or not, are signing up for extreme ultra-trails. The marathon des Sables is considered one of the most difficult. The podiatrist is an indispensable ally in the preparation for such sporting challenges: foot care beforehand, implementation of protection protocols, choice of sports shoes, type of lacing, healing of wounds afterwards… The podiatrist is present at every stage. Experience of the podiatric follow-up of one of these extraordinary athletes and finisher at the marathon des Sables.

Mots clés : accompagnement, marathon des Sables, pédicure-podologue, prévention, protocole, ultratrail de l’extrême

Keywords : accompagniement, extreme ultra-trail, marathon des Sables, podiatrist, prevention, protocol

Contrairement à ce que son nom indique, le marathon des Sables (MDS) n’est pas un marathon classique de 42,195 km. Il s’agit d’une course en autosuffisance d’environ 240 km, dans le désert marocain, au nord-ouest du Sahara. Pour l’édition 2021 (1er-11 octobre), 672 coureurs étaient au départ, seulement 351 ont passé la ligne d’arrivée finale. Le corps et le mental doivent être préparés afin de supporter la rudesse des épreuves.

Neuf soins sur dix apportés aux coureurs par le staff médical concernent les pieds. Trois quarts des participants ont besoin de soins des pieds, allant de la plus simple blessure à celle plus handicapante, obligeant parfois à l’abandon. D’où l’importance et l’évidence de la préparation podologique suffisamment en amont afin d’assurer la meilleure expérience possible pour nos patients ultratraileurs.

Travail préparatoire au service du patient-athlète

À partir de quand consulter ?

Plus tôt le suivi podologique est mis en place, mieux cela sera. Lorsqu’il s’agit d’un patient régulier, la démarche d’accompagnement se fait souvent bien en amont, au moment du dessein de l’aventure ou de l’inscription. Il est néanmoins fortement conseillé de suivre le coureur au minimum six mois avant la réalisation des épreuves sportives.

À la suite d’un bilan diagnostique de pédicurie-podologie complet, un plan d’accompagnement est établi. Il répond aux besoins spécifiques de l’ultratrail par une approche préventive et thérapeutique ajustée.

Connaître l’épreuve

L’accompagnement du podologue dans ces défis extrêmes commence par une exigence : bien se renseigner sur la course. L’environnement, le climat, la distance, le type de terrain, un maximum de données doivent être collectées.

En l’occurrence, le MDS, ce sont six épreuves, sept jours d’effort, 234 km parcourus, 2 618 m de dénivelé positif gravis et 316 050 pas (Tableau 1). Le terrain varie d’un sable dur et semé de cailloux, de dunes, en passages rocailleux.

Tableau 1

Tableau 1

Le matériel obligatoire et nécessaire à l’autosuffisance ainsi que l’alimentation sont portés sur le dos des athlètes pour un poids minimum de 6,5 kg, jusqu’à 15 kg au maximum.

Ainsi, l’ensemble des informations collectées permet de s’imprégner des difficultés liées à la course, d’envisager l’impact sur l’appareil locomoteur et plus particulièrement d’anticiper les répercussions au niveau des pieds de nos athlètes.

Démarches préventives et thérapeutiques

La préparation de la peau

En raison du nombre de pas pour chacune des épreuves, plus de 316 000 sur la totalité de la course, la préparation des pieds est essentielle. En effet, les fragilités préexistantes de l’épiderme du patient doivent être rapidement identifiées. Toute présence d’hyperkératose, d’hématome ou de phlyctène est traitée en soins de pédicurie, selon une périodicité de deux mois (Tableau 2). On évite de pratiquer un soin à moins de quinze jours du départ. Les zones prédisposées (Figure 1) sont à protéger, afin de prévenir leur surexposition pendant le MDS.

Tableau 2

Tableau 2

Fig1

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En plus de l’exérèse régulière des durillons ou cors, le patient doit appliquer une solution tannante et une crème hydratante sur ses pieds, de façon homogène et en insistant sur les zones à risque. La solution tannante renforce et durcit la peau à l’endroit de l’application. Elle augmente la résistance de l’épiderme face aux agressions lors des entraînements intensifs et de la course en elle-même. L’hydratation est souvent oubliée pendant la préparation, alors qu’elle complète parfaitement le tannage, en assurant l’élasticité de la peau et en réconfortant l’épiderme tant sollicité.

Une crème antiéchauffement ou antiampoule est appliquée de façon généreuse avant les sorties de plus de 10 km, sur terrains techniques, en cas de forte chaleur. Elle vise à déposer un film protecteur évitant l’échauffement lors de l’activité physique.

Chaque coureur est unique, chaque course de l’extrême également, le podologue recherche le protocole le plus pertinent pour son patient.

Le choix des chaussures

En fonction de l’examen clinique et des antécédents du patient, le podologue devance les points de fragilité possible de l’athlète. L’ensemble de ces indicateurs, couplé aux données de la course, aiguille pour conseiller l’athlète dans le choix de ses chaussures. Plusieurs points de vigilance sont à retenir (Tableau 3).

Tab3

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Le laçage et les chaussettes

Autres leviers importants afin d’éviter les mouvements parasites du pied dans la chaussure, le laçage et les chaussettes antidérapantes. En effet, les frictions répétées de l’épiderme sur les bords latéraux de la chaussure peuvent entraîner des phlyctènes et des plaies. Le mouvement d’avant en arrière du pied dans son contenant engendre des lésions pulpaires ou unguéales (hématomes sous-unguéaux). Ces pathologies, liées aux microtraumatismes répétés avec le pare-pierre de la chaussure de trail, sont sources de douleurs importantes, voire de la chute de l’ongle (onychoptoses).

Ainsi, le laçage est une des réponses à envisager afin de répondre à des problématiques diverses, telles qu’un pied fin, un pied large, un avant-pied sensible, une instabilité d’arrière-pied.

De la même manière, les chaussettes antidérapantes, selon leur matière et leurs caractéristiques technologiques, contribuent à minimiser les mouvements à l’intérieur de la chaussure et augmentent alors le confort de l’athlète.

Les guêtres

L’ennemi numéro 1 de ces marathoniens du Sahara est (et restera) le sable. Il s’infiltre partout et rend la moindre friction insupportable tel du papier abrasif gros grain sur une fragile peau de bébé. La guêtre est un dispositif qui se fixe par un scratch tout autour de la chaussure de trail (Figure 2). Elle entoure le mollet par une bande élastique souple afin de jouer un rôle anti-intrusion.

Fig2

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La bande de scratch doit être cousue par un cordonnier sur la chaussure pour une bonne fixation tout au long du périple. Les adhésifs collants ne résistent pas aux sables.

Sept jours d’épreuve

Les épreuves s’enchaînent. Dans l’imposant et silencieux désert marocain, tous les soirs au bivouac (Figure 3), un rituel s’observe. Chaque participant retourne à sa tente numérotée après l’épreuve. Il récupère ses 6 L d’eau pour la soirée et la nuit, chauffe son repas, organise son espace pour dormir. Le premier (de la tente) arrivé a la charge de retirer un maximum de cailloux sous le tapis posé à même le sable pour maximiser le confort rudimentaire de ce moment de repos.

Fig3

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Les soins des pieds et la chasse au sable

Sur le bivouac, on remarque, d’un côté, les files d’attente devant les tentes du staff médical. La plus demandée est celle vouée aux soins pédicuraux. Plaies, phlyctènes, hématomes représentent 90 % des soins prodigués. Les podologues du MDS s’activent, désinfectent, parent, pansent, strappent, etc.

De l’autre côté, sous les tentes, un autre cérémonial s’accomplit : la chasse au sable. Adeline Boldoduck, dossard numéro 95, finisher 2021 (ma patiente partenaire) retire le plus minutieusement possible les grains de sable de ses espaces interdigitaux comme de ses chaussettes (Figure 4). Elle fait place nette dans ses chaussures, secoue ses guêtres et les inspecte. Elle soigne la moindre plaie, hydrate à la crème réparatrice et antiampoule, qui fait l’objet de toute son attention.

Fig4

Fig4

Elle étire, masse chacun de ses muscles afin de délier la moindre parcelle de son corps meurtri pendant une heure trente, pour se consacrer à elle, pour récupérer et mentaliser le départ du lendemain. Au matin, elle strappe les zones fragiles, applique une couche généreuse de crème antiéchauffement et regagne la ligne de départ, sous les décibels galvanisants des enceintes du MDS.

Après le MDS

Les épreuves du MDS sont d’une telle rudesse que le corps met du temps à récupérer. Les pieds n’échappent pas à la règle, le moindre “bobo”, insignifiant lorsque nous sommes en pleine santé, peut vite se chroniciser et s’amplifier. Une réelle altération de l’état général peut être observée pendant trois à six semaines après l’effort. La reprise d’une alimentation normale se fera progressivement. Ainsi, la cicatrisation est ralentie.

Ces facteurs généraux expliquent le retard de régénération des tissus. La surveillance des lésions podales (Figure 5) incombe au podologue. Il prévoit une consultation au retour en France, puis une fois par mois jusqu’à cicatrisation complète des plaies.

Fig5

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Conclusion

Chaque coureur est unique. Se questionner, anticiper et s’adapter à ses besoins pour que son expérience soit la meilleure possible, telle est la mission du podologue qui suit un ultratraileur. Un accompagnement comme celui-là est une expérience extraordinaire. Il s’agit d’une aventure professionnelle, où l’on sort, nous-mêmes, de notre zone de confort de cabinet et de motifs de consultation plus classiques. Mais bien évidemment, c’est la chance de vivre une aventure humaine forte, je remercie Adeline, ma patiente et partenaire dans ce défi professionnel.

Déclaration de liens d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

© 2022  Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue du PodologueS’ouvre dans une nouvelle fenêtre Volume 18, numéro 105 (mai 2022)

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