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Le virus de la dengue

Paris | 27 juillet 2023

Virus émergents et ré-émergents, un ouvrage du Pr Hervé Fleury

Le virus de la dengue

Le virus de la dengue

Le virus de la dengue (DENV)

Le virus de la dengue (Dengue Virus : DENV) est très proche de celui de la fièvre jaune ; il possède 4  sérotypes (DENV1, DENV2, DENV3, DENV4), ce qui aura d'importantes conséquences sur la physiopathologie ainsi que sur l'obtention et l'utilisation d'un vaccin. Les études de séquençage ont montré qu'il existe différents génotypes à l'intérieur des sérotypes; DENV1 : I, II, II, IV, V; DENV2  : Asian  1, Asian  2, Cosmopolitan, American, Asian/American, Sylvatic ; DENV3  : I, II, III, IV; DENV4  : I, II, III, IV  [1]. La dengue est l'arbovirose la plus prévalente dans le monde ; on considère que 4 milliards d'humains sont concernés dans plus de 120 pays; il y aurait 390 millions d'infections par an et 500000 formes sévères de la maladie [2].

Il est admis que la première description de la dengue émane de AB Rush en 1779. La carte (figure  15.1) permet d'identifier les zones ou sévit la dengue entre les latitudes 40N et 40S. Asie du Sud-Est, Inde, Bangladesh, sud de la Chine, Australie, îles du Pacifique, Amérique centrale et Amérique du Sud, îles des Caraïbes; l'Afrique pourrait avoir une large sous-estimation des cas avec notamment une confusion dengue/paludisme non levée par des examens de laboratoire. Le cycle original de maintien du virus est superposable à celui de la fièvre jaune ; il s'agit d'un cycle sylvatique où le virus circule de singe à singe par l'intermédiaire d'un moustique vecteur. Mais la plupart du temps, dans les zones peuplées d'Asie du Sud-Est par exemple, le réservoir est représenté par les humains sur le modèle de la fièvre jaune urbaine et le vecteur est Aedes aegypti ou Aedes albopictus. Une très nette extension de la dengue a été observée liée à l'urbanisation, l'absence de contrôle des vecteurs et l'augmentation des déplacements aériens internationaux. Le moustique Aedes albopictus s'étant installé en Europe de l'Ouest où il s'est adapté aux températures relativement basses, nous verrons plus loin que l'émergence de la dengue en Europe est une hypothèse raisonnable. Une étude très récente publiée en janvier  2023  [3] montre que les moustiques Aedes aegypti infectés par des virus qui leur sont propres (Phasi Charoen-like Virus, PCLV et Humaita Tubiacanga Virus, HTV) sont plus aptes à transmettre DENV à des mammifères car ces virus auraient une influence sur une histone cellulaire H4 participant à la régulation de la réplication virale.

Physiopathologie [4]

Chez le moustique, la première cible du DENV est l'épithélium intestinal où il va se multiplier avant de gagner les glandes salivaires; le virus est présent dans la salive et transmis à l'homme lors d'un repas sanguin. Le virus est alors injecté dans l'épithélium cutané où il va se répliquer au niveau des monocytes, macrophages, cellules dendritiques et cellules de Langerhans. Ces cellules vont transporter le virus dans les ganglions lymphatiques où une réplication engendre une virémie suivie par une atteinte du foie, des poumons et de la rate. Deux protéines virales sont particulièrement intéressantes  : E qui possède trois domaines (EDI, EDII, EDIII) et un précurseur de protéine de membrane (prM); EDIII stimule la synthèse d'Ac neutralisants qui sont spécifiques de type. Par contre, prM va induire la synthèse d'Ac non neutralisants mais hautement croisés entre les types et qui vont mener à ce que l'on appelle la facilitation de l'infection (Antibody Dependant Enhancement : ADE) via les cellules porteuses de récepteurs du complément chez lesquelles la réplication virale est augmentée. Ainsi, une infection DENV1 va générer des Ac neutralisants uniquement contre DENV1 mais aussi des Ac facilitants qui vont favoriser l'infection par DENV2, DENV3 et DENV4 augmentant ainsi la gravité de ces infections.

Les formes cliniques de dengue [5]

Les stades de la maladie sont bien officialisés par l'OMS. On distingue ainsi la dengue simple (DF : Dengue Fever), la DHF (Dengue Haemorrhagic Fever) avec 4 stades, I, II, III, IV, le dernier correspondant au DSS (Dengue Shock Syndrom). DF  : après 4 à 7  jours d'incubation, fièvre, céphalées rétro-orbitales, myalgies, arthralgies, nausées et vomissements; un rash maculopapulaire et/ou pétéchial (figure 15.2) est accompagné de thrombocytopénie et leucopénie ; on peut dans certains cas noter un saignement des gencives, une épistaxis, une hématurie, voire des saignements digestifs ou vaginaux. DFH : hémorragies et fuite de plasma ; le test du tourniquet est pratiqué avec un brassard de tension artérielle ; on gonfle le brassard à la valeur moyenne entre pressions systolique et diastolique ; on le laisse gonflé pendant 5 minutes puis on compte les pétéchies sur l'avant-bras; pour êtrepositif, le test doit objectiver plus de 20 pétéchies par 6,25 cm2 de peau. Les pétéchies sont maintenant observées aux extrémités, sur le visage, le palais. DSS : caractérisé par un pincement de la pression artérielle et un pouls rapide, voire imprenable, le tout accompagné d'œdèmes, épanchements pleuraux, péricardiques et/ou péritonéaux. Il est fondamental de différencier les infections primaires des infections secondaires; au cours d'une infection primaire les IgM vont apparaître en 3 à 6 jours, les IgG en 6 à 10 jours; les IgM vont disparaître en quelques semaines cependant que les IgG persistent toute la vie. Lors d'une infection secondaire par un autre type, les Ac neutralisants ne vont pas être efficaces; par contre les Ac facilitants vont participer à l'aggravation de l'infection; le patient va présenter une infection plus sévère même si cette infection secondaire ne mène pas systématiquement à DFH et/ou DSS.

Le diagnostic virologique [6] Il repose

en première ligne sur des tests rapides permettant de détecter la protéine virale  NS1 (Non-Structural Protein 1) dans le sang (antigénémie) dès le début des signes cliniques; les Ac IgM et IgG sont également des marqueurs intéressants à étudier; un test rapide est capable de donner les résultats de NS1, IgM et IgG. Pour les laboratoires entraînés et équipés, la RT-PCR demeure la technique de référence. L'hématocrite et la numération plaquettaire sont des examens de routine pour la surveillance de la dengue et son évolution.

Traitement et prévention

Il n'y a pas de traitement antiviral. Le patient est réhydraté et reçoit des antipyrétiques. Devant une aggravation (froideur des extrémités, diminution de volume des urines, saignements muqueux, douleurs abdominales) ainsi qu'un hématocrite supérieur à 20 % ou des plaquettes inférieures à 100000/mm3 , le patient doit être hospitalisé pour réhydratation par voie veineuse et transfusion sanguine si nécessaire.

Les essais vaccinaux [7]

Des constructions vaccinales variées ont été expérimentées.

Les virus vivants atténués (LAV : Live Attenuated Vaccines)

Des souches de dengue 1, 2, 3, 4 ont été cultivées avec pour but d'atténuer la virulence; on note un vaccin thaï et un vaccin américain émanant du Walter Reed Institute; le vaccin thaï a engendré des effets secondaires liés à DENV3 cependant que la souche DENV4 du Walter Reed était instable. Une autre stratégie consiste à induire des mutations dans des souches de DENV; une délétion de 30 bases est ainsi introduite dans la partie 3' du génome. C'est la stratégie choisie par le NIAID/NIH (National Institute of Allergy and Infectious Diseases, National Institute of Health) aux États-Unis. Virus chimériques; le virus vaccinal 17D (fièvre jaune) reçoit les gènes prM et E des différents types de dengue. Cette stratégie est celle de Sanofi Pasteur sous l'appellation de Dengvaxia. Un autre vaccin chimérique a été conçu par le laboratoire de Fort Collins aux États-Unis (DENVax); un virus DENV2 est atténué par passages en cultures cellulaires puis ce virus est recombiné au niveau de prM et E avec des souches DENV1, 3 et 4. C'est ce vaccin qui est en phase de diffusion par la société japonaise Takeda (TAK-003).

Les virus purifiés inactivés

Les virus sont cultivés puis inactivés par le formol; une première phase avait été entreprise avec DENV1 puis élargie aux 4 types. On peut aussi exprimer la protéine E des DENV dans des cellules d'insectes et utiliser cette protéine recombinante comme immunogène.

Autres stratégies expérimentales

Un vaccin ADN a été construit (Naval Medical Center États-Unis) avec une recombinaison au niveau de prM et E de DENV1; en fait, les antigènes présentés le sont via le MHC (Major Histocompatibility Complex) classe I et vont stimuler une réponse cellulaire TCD8+. Des virus non réplicatifs défectifs comme adénovirus, VEE (Venezuelan Equine Encephalomyelitis), rougeole sont recombinés avec l'information génomique de prM et E. prM et E sont capables de s'associer en donnant des pseudoparticules virales (VLP  : Virus Like Particles). Ces protéines sont cultivées dans des cellules de blé avant d'être assemblées.

Le cas de Dengvaxia

Il a fait l'objet d'études dans de nombreux pays d'Asie du Sud-Est et d'Amérique du Sud; le calendrier prévoit 3  injections à 6  mois d'intervalle ; la réponse chez des patients naïfs n'a pas été au niveau attendu; par contre, la majorité des sujets séropositifs a développé une réponse tétravalente ; ainsi, l'efficacité de vaccination a été évaluée à 43,2 % et 83,7 % respectivement dans les deux groupes. Le problème a été l'augmentation du risque d'hospitalisation chez les enfants de moins de 9 ans et en particulier entre 3 et 5 ans. Dans ces conditions, l'OMS préconisait l'utilisation du vaccin chez des sujets de plus de 9 ans en zone d'endémie. L'affaire s'est compliquée en 2017 avec l'ouverture d'une enquête par le gouvernement philippin sur les effets secondaires chez les enfants et l'interdiction du vaccin sur son territoire. L'expérience de Sanofi en Asie et en Amérique montre combien le sujet est complexe, cela étant dû en grande partie au phénomène des Ac facilitants.

Les recommandations vaccinales

Elles émanent de l'OMS, la HAS, l'Europe et les États-Unis; globalement, il est recommandé de vacciner avec Dengvaxia des sujets de plus de 9 ans vivant dans des territoires d'Amérique et ayant une preuve documentée d'infection antérieure par le DENV. Le schéma vaccinal consiste en 3 injections SC administrées à 6 mois d'intervalle. Le vaccin Takeda TAK-003 a reçu en décembre  2022 un avis favorable de l'Union européenne après un essai de phase 3 qui a porté sur plus de 20000 enfants et adolescents recrutés dans des pays d'endémie ; ce vaccin, qui pourrait avoir son autorisation de mise sur le marché européen en 2023, concernera des sujets de plus de 4 ans.

L'auteur

HJA Fleury Professeur honoraire de virologie médicale, université de Bordeaux et CNRS. Ancien chef de service du laboratoire de virologie, CHU de Bordeaux, et ancien directeur du laboratoire OMS spécialisé HIV ResNet.

Virus émergents et ré-émergents. Virologie tropicale et subtropicale, de HJA Fleury. © 2023, Elsevier Masson SAS

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Parasitologie et mycologie médicales. Guide des analyses et pratiques diagnostiques, 2e édition, par l'Association française des enseignants et praticiens hospitaliers titulaires de parasitologie et mycologie médicales (ANOFEL), sous la direction de S. Houzé et L. Delhaes, 2022, 536 pages. Maladie de Lyme et co-infections, par D. Christmann, 2020, 112 pages

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Références

[1] Harapan H, Michie A, Sasmono RT, Imrie A. Dengue: A Minireview. Viruses 2020 Jul 30;12(8):829. https://doi.org/10.3390/v12080829. [2] Guo C, Zhou Z, Wen Z, Liu Y, Zeng C, Xiao D, Ou M, Han Y, Huang S, Liu D, Ye X, Zou X, Wu J, Wang H, Zeng EY, Jing C, Yang G. Global Epidemiology of Dengue Outbreaks in 1990-2015: A Systematic Review and Meta-Analysis. Front Cell Infect Microbiol 2017 Jul 12;7:317. https://doi. org/10.3389/fcimb.2017.00317. eCollection 2017. [3] Olmo RP, Todjro YMH, Aguiar ERGR, et al. Mosquito vector competence for dengue is modulated by insectspecific viruses. Nat Microbiol 2023 Jan;8(1):135–49. https://doi.org/10.1038/s41564-022-01289-4. Epub 2023 Jan 5. [4] Whitehorn J, Simmons CP. The pathogenesis of dengue. Vaccine 2011 Sep 23;29(42):7221–8. https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2011.07.022. Epub 2011 Jul 21. [5] Halstead S. Recent advances in understanding dengue. F1000Res. 2019 Jul 31;8:F1000 Faculty Rev-1279. doi: 10.12688/f1000research.19197.1. eCollection 2019. [6] Muller DA, Depelsenaire AC, Young PR. Clinical and Laboratory Diagnosis of Dengue Virus Infection. J Infect Dis 2017 Mar 1;215(suppl_2):S89–95. https://doi.org/10.1093/infdis/jiw649. [7] Deng SQ, Yang X, Wei Y, Chen JT, Wang XJ, Peng HJ. A Review on Dengue Vaccine Development. Vaccines (Basel) 2020 Feb 2;8(1):63. https://doi. org/10.3390/vaccines8010063.