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L'édito de Julien - Le paquet sous le sapin

France | 19 décembre 2018

L'édito de Julien - Le paquet sous le sapin

In the image above: L'édito de Julien - Le paquet sous le sapin

Le paquet sous le sapin

C’est bientôt la fin de l’année, et pour celles et ceux qui auront de la chance, il y aura un ou plusieurs paquets-cadeaux sous le sapin à Noël. Avoir un cadeau, ça fait toujours plaisir. On s’interroge sur la nature du paquet, on l’ouvre, on le découvre. L’espace de quelques secondes, l’effet de surprise nous autorise à tout imaginer.

Avec les patients, c’est pareil. Peut-être ne le saviez-vous pas, mais ils aiment nous déposer des cadeaux au pied du sapin. Ils aiment, et ils en ont besoin. C’est un peu des deux, c’est difficile à déterminer mais dans tous les cas, l’un ne va pas sans l’autre.

Explication.

C’était une de ces froides journées de fin d’année avant les fêtes, une de ces journées où les gens ne pensent qu’à ce qu’ils vont cuisiner pour le soir du réveillon. J’étais alors dans l’est de la France en vacances chez mes parents, dans une de ces villes autrefois minières, grises 365 jours par an. J’allai pour tromper mon ennui dans l’hypermarché local, flâner dans les rayons en attendant que le temps passe. Il y avait là beaucoup de clients, la magie (et le business) des fêtes battant son plein.

On m’arrête. On, c’est une dame, la cinquantaine. Elle est commerciale, vous savez, c’est elle qui vous arrête dans les rayons pour vous faire goûter un jambon, un vin ou une tapenade pour ensuite vous proposer le produit… Ce jour-là, elle vendait des fûts de bière.

Donc la dame qui fait la promotion des fûts de bière m’arrête et me demande quelques informations sur moi : il faut bien connaître son client ! Je lui dis simplement que je ne suis pas de la région, que je suis ici pour voir de la famille. Elle me demande mon métier. Je lui dis que je suis infirmier.

Et là, suivez bien l’histoire parce que c’est là que tout se passe.

Alors que quelques secondes auparavant, la dame était prête à me vendre des fûts de bière en promotion, son visage changea.

Elle était prête à me déposer son paquet sous le sapin.

Pour être honnête, je ne me souviens même pas qu’il y ait eu une vraie transition dans la discussion ; ce dont je me souviens en revanche, c’est que sa mère, démente et en perte d’autonomie, causait soucis à sa fratrie. Qu’elle irait en EHPAD l’année prochaine. Qu’elle et ses frères et sœurs avaient tout fait pour la maintenir chez elle mais que la maladie avait finalement pris le dessus. Et à la fin, alors que je vous le rappelle, nous étions entourés de décoration de Noël, de charcuterie et de fûts de bière elle me souffla cette phrase :

“Au fond, j’ai peur qu’elle m’en veuille jusqu’à sa mort”.

Voilà.

J’étais l’infirmier, j’étais le sapin. Elle avait son gros paquet plein de peur à déposer. Elle ne me l’aurait pas dit si j’avais fait un autre métier. Les patients déposent souvent leurs peurs, leurs angoisses, leurs trucs inavouables pour peu qu’ils sentent qu'on est capable de les recevoir. Sinon, ils le gardent pour eux. Je ne dirais pas que c’est un privilège de l’entendre, c’est souvent lourd et difficile. C’est un fardeau plus qu’un paquet. Et en général quand ça sent le sapin ce n’est pas bon signe. Mais parfois, on peut se dire que c’est un cadeau. Pour eux, pour qu’ils soient soulagés de ça, et pour nous, pour nous aider à vivre ces situations avec du recul et mieux appréhender leurs soins globalement.

Je crois qu’après ça, j’ai juste dit un truc du genre “les gens ne nous en veulent qu’un temps, mais la décision que vous avez prise n’est pas égoïste”. Je ne sais plus trop. En tout cas j’ai dû dire assez parce qu’après, elle semblait être soulagée. Elle m’a donné un sourire sincère, son bon de réduction pour un fût de bière, un décapsuleur promotionnel et chacun est reparti de son côté vivre sa vie.

N’oubliez pas, il est difficile d’être un sapin et il faut apprendre à ne pas se laisser submerger par les paquets des patients, il n’y a qu’un nombre limité de places sous les branches …  Ces paquets ne nous appartiennent pas, ce sont les leurs, et on ne sait jamais trop ce qu’il y a dedans.

Mais c’est ça aussi la magie d’être soignant.

  • Julien

31 ans, IDE - Master II en gestion et management Créateur du site www.thérapeutiqueactive.wordpress.com S’ouvre dans une nouvelle fenêtre Twitter @Martinez_J_ S’ouvre dans une nouvelle fenêtre