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Les cours de L2-M2 Pharma : Pharmacognosie

14 septembre 2020

Obtention et propriétés des substances actives médicamenteuses d'origine naturelle

Pharmacognosie

Pharmacognosie

Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Pharmacognosie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre : le début du chapitre 2.

Obtention, production et identification des principes actifs d'origine naturelle

Auteur de ce chapitre : S. Boutefnouchet

Prérequis

► Cours de chimie analytique portant sur : la chimie des solutions, solubilité, polarité, extraction, chimie organique.► Cours de microbiologie, physiologie, endocrinologie.► Cours de biologie végétale, botanique.

Introduction

De la matière médicale aux biotechnologies, les grandes dates de la pharmacognosie

Historiquement, les substances d'origine naturelle constituant la pharmacopée étaient réunies dans un même corpus appelé « matière médicale », associant substances d'origine végétale, animale et minérale. Ces substances étaient utilisées sous forme de poudres, d'extraits (décoctions, teintures, élixirs, etc.), les constituants actifs n'étant pas connus. La connaissance moderne de la matière médicale et l'émergence de la pharmacognosie (du grec « pharmakon », remède et « gnosis », connaissance ») comme discipline à part entière dans les études en sciences pharmaceutiques est liée à plusieurs évolutions :

  • l'avènement de la chimie pharmaceutique, notamment des méthodes d'extraction et de purification de substances d'origine naturelle - essentiellement par obtention de cristaux – a représenté une avancée remarquable permettant d'administrer la substance active pure à des doses maîtrisées. De la morphine aux alcaloïdes du quinquina en passant par la colchicine, la chimie des substances naturelles isolées de plantes a connu un « âge d'or » au XIXe siècle ;

  • il faudra attendre le début du XIXe siècle et la naissance de la microbiologie pour que les scientifiques soient capables de produire les métabolites issus de micro-organismes. Ainsi, la découverte et la production d'antibiotiques ont connu leur apogée entre 1940 et 1960 ;

  • l'ère des anticancéreux d'origine naturelle a suivi de près. Après l'utilisation d'agents alkylants anticancéreux démarrée dans les années 1940, les anticancéreux d'origine naturelle ont émergé dans les années 1960 ;

  • du côté du règne animal, après que les organes et glandes d'origine animale aient été utilisés depuis l'antiquité, la découverte des différents systèmes endocriniens au début du XXe siècle a conduit à l'utilisationd'hormones purifiées d'origine animale, et notamment l'insuline en 1921 ;

  • enfin, la connaissance des voies de biosynthèse au sein des différents règnes, des enzymes impliquées, des séquences génétiques codantes et pour finir la maîtrise de la technique de l'ADN recombinant ont contribué au XXesiècle à l'émergence d'une nouvelle ère pour les substances naturelles, celle des biotechnologies.

Sources

Les substances d'origine naturelle d'intérêt thérapeutique sont issues des différents règnes du vivant : végétal, fongique, animal, bactérien. Il est à noter que dans le domaine pharmaceutique, les champignons macroscopiques, rattachés au règne fongique sont souvent assimilés de manière inappropriée aux matières premières végétales (voir définition de la « drogue végétale » plus bas). Les médicaments majeurs issus du règne fongique sont cependant le plus souvent issus de champignons microscopiques, leurs modes de production étant proches de ceux des principes actifs bactériens ( complément en ligne : figure e.2.1)

A lire aussi : quiz droit pharmaceutique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre : un extrait de l'ouvrage Droit Pharmaceutique, en accès libre

À noter

Dénomination binomiale, « nom latin »

Les espèces du vivant suivent un système de classification (taxonomie) qui a beaucoup évolué.La classification actuellement admise est basée sur la phylogénétique moléculaire (séquences d'ADN communes notamment). La dénomination scientifique précise d'une espèce est la dénomination binomiale des espèces généralisée par Carl von Linné. Cette dénomination est d'une grande importance compte tenu des synonymies nombreuses. Par exemple, le pavot somnifère, rattaché au règne des plantes suit la classification suivante :Règne : Plantae Sous-règne : Tracheobionta Division : Magnioliophyta Classe : Magnioliopsida Sous-classe : Magnoliidae Ordre : Ranunculales Famille : Papaveraceae Genre : PapaverSa dénomination binomiale est la suivante : Papaver somniferum L.Il s'agit du binôme nom latin du genre (Papaver) + de l'espèce (somniferum), en italique, suivi de l'abréviation du nom du descripteur (L. pour Carl von Linné). Cette dénomination binomiale est improprement appelée « nom latin » de manière courante.Pour une même espèce, des précisions peuvent être ajoutées si nécessaire :

  • ssp. : sous-espèces, var. variété. Ex. Fenouil amer : Foeniculum vulgare Mill. spp. vulgare Mill. var. Amara Pour désigner plusieurs espèces d'un même genre, on utilise les abréviations suivantes :

  • sp. : espèce indéterminée d'un genre. Ex. : Aloe sp. ;

  • ssp. : plusieurs espèces indéterminées d'un genre. Ex. : Aloe ssp.

Production

Les modes d'obtention d'une substance active à partir d'une espèce peuvent présenter quelques spécificités en fonction du règne. Nous les présenterons donc succinctement dans ce chapitre. Des méthodes plus générales liées à la production de substances actives, allant de la matière première à la substance active, seront présentées un peu plus loin dans ce chapitre : méthodes, générales d'extraction, de purification/isolement, d'identification, de dosage, etc.

Substances d'origine végétale

Introduction

Les végétaux constituent la source la plus importante de substances naturelles utilisées en thérapeutique. Les matières premières utilisées sont très nombreuses et rattachées aux familles botaniques des plus archaïques (par exemple, Varech, Fucus vesiculosus, Fucaceae) aux plus évoluées (par exemple, armoise annuelle, Artemisia annua L., Asteraceae). De même, les classes de métabolites d'intérêt sont très variées, allant de composés peu spécialisés comme les polysaccharides, ou les flavonoïdes, aux dérivés terpéniques anticancéreux issus de voies de biosynthèses plus complexes (figures 2.1 à 2.3).

figures 2.1 à 2.3

figures 2.1 à 2.3

Fig 2.3

Fig 2.3

Principales substances isolées de végétaux utilisées en thérapeutique

Les alcaloïdes ont, les premiers, fait l'objet d'une recherche très active du fait de leurs activités pharmacologiques marquées. De nombreuses substances ont été isolées dans la première moitié du XIXe siècle, les dérivés morphiniques (voir chapitre 7), les alcaloïdes indoliques de l'ergot de seigle (voir chapitre 16), les dérivés tropaniques (voir chapitre 15).

Parmi les autres métabolites d'intérêt thérapeutique on se doit de citer notamment les alcaloïdes du quinquina et l'artémisinine (voir chapitre 6), les alcaloïdes indolomonoterpéniques anticancéreux issus de plantes avec la vinblastine et la vincristine, alcaloïdes isolés de la pervenche de Madagascar, Catharanthus roseus et, bien entendu, le paclitaxel initialement isolé de l'if du Pacifique, Taxus brevifolia (voir chapitre 9).

Également emblématiques de la pharmacognosie historique, les hétérosides cardiotoniques ont longtemps occupé une place importante dans la prise en charge de l'insuffisance cardiaque, mais ne sont guère plus utilisés qu'en dernier recours du fait d'une marge thérapeutique trop étroite et de l'existence d'alternatives thérapeutiques (voir chapitre 14).

De nombreuses autres substances ont été utilisées puis écartées de l'arsenal thérapeutique pour diverses raisons. On citera la cocaïne, l'héroïne (molécule hémisynthétique), désormais classées substances toxicomanogènes, ou encore la strychnine, l'aconitine, présentant une toxicité très marquée, et bien d'autres.

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Matières premières végétales : plantes médicinales et notion de drogue végétale

Notion de « drogue végétale »

La définition d'une drogue selon l'Académie nationale de pharmacie concerne « tout produit ayant quelque propriété médicamenteuse, employé à l'état brut, tel qu'il existe dans la nature ou après des opérations matérielles qui n'exigent aucune connaissance pharmaceutique ». Elle s'applique aux drogues végétales ou animales.

Le terme de drogue végétale s'applique plus précisément à la partie de plante ou plus rarement la plante entière portant les propriétés thérapeutiques. Il inclut les algues, certains champignons, lichens et exsudats végétaux. Ce terme est défini par la pharmacopée.

La drogue végétale doit être considérée comme une matière première pharmaceutique. Elle doit donc répondre aux exigences de la pharmacopée pour pouvoir alimenter le circuit pharmaceutique (voir chapitre 3). Elle peut être commercialisée en vrac (notamment sous forme de plantes pour tisanes). La drogue végétale est susceptible de subir différentes étapes de transformation permettant d'aboutir à la substance active.

À noter

Définition d'une drogue végétale (Pharmacopée européenne 07/2017:1433)

■ Plantes ou parties de plantes. ■ Algues (Fucus, Chondrus, etc.) ■ Champignons. ■ Lichens. ■ Exsudats – Plus ou moins fragmentées – Utilisées en l'état : desséchées (le plus souvent) ou fraîches. – Cultivées ou sauvages – Critères de collecte et de culture spécifiques. – Exemptes d'impuretés ou de contaminants (bactéries, champignons, pesticides, métaux lourds, toxines, etc.). – Exemptes de signes de pourriture.

« Drogue » : un mot très équivoque

Initialement attribué aux plantes sèches échangées sur les marchés néerlandais dès le XVIIe siècle, le mot néerlandais droog signifie « sec ». Ce terme de « drogue » correspond aussi à toute substance ou produit naturel ou synthétique capable de provoquer des effets psychotropes et parfois d'engendrer une dépendance, entraînant une toxicomanie (par exemple : héroïne , cocaïne , cannabis , LSD, etc.), souvent classée sur la liste des stupéfiants. Enfin, le terme anglo-saxon « drug », qui signifie substance médicamenteuse, est parfois mal traduit par le mot « drogue ».

Plantes médicinales

Réglementairement, les plantes médicinales sont définies comme des plantes dont au moins une partie possède des propriétés médicamenteuses. Les listes de plantes médicinales sont relativement variables d'un pays à l'autre.

En France, les plantes considérées comme médicinales sont inscrites sur la « liste des plantes médicinales » de la pharmacopée française. Cette liste précise les parties considérées comme médicinales et constituant la drogue végétale.

Celle-ci est divisée en deux parties :

  • la liste A répertorie les « plantes médicinales utilisées traditionnellement » . Elles peuvent être destinées à la production de substances isolées (par exemple, pavot somnifère : morphine) ou bien à l'utilisation de préparations à base de plantes en phytothérapie (par exemple, harpagophyton, poudre ou extrait de racine) ;

  • la liste B répertorie les « plantes médicinales utilisées traditionnellement en l'état ou sous forme de préparation dont les effets indésirables potentiels sont supérieurs au bénéfice thérapeutique attendu ». Elle correspond à des plantes qui ont été anciennement exploitées à des fins médicinales mais qui ne peuvent plus être employées en phytothérapie en raison de leur toxicité importante. Certaines sont utilisées pour la préparation de teintures mères homéopathiques destinées à être diluées (par exemple, aconit).

Les listes s'élargissent encore. De « nouvelles » plantes médicinales continuent à être incorporées aux pharmacopées européenne et française. Des plantes médicinales françaises d'outre-mer ont été récemment inscrites à la pharmacopée française, Des plantes des pharmacopées traditionnelles chinoises, ayurvédiques, sont également régulièrement ajoutées.

Ces listes ne sont, cependant, pas exhaustives et ne comportent pas toutes les plantes utilisées comme matière première dans l'industrie pharmaceutique.

Production, filières

D'un point de vue production, le secteur pharmaceutique est inclus dans la filière « PPAM » qui englobe les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), comptant plus de 35 000 espèces au niveau mondial. Les échanges de plantes sont croissants au niveau mondial du fait d'un recours de plus en plus important aux produits à base de plantes (figure e.2.2 : complément en ligne).

Chaque filière doit respecter ses propres exigences en termes de contrôle qualité. Certaines industries pharmaceutiques contrôlent leur propre filière depuis la production de la plante jusqu'au principe actif médicamenteux. Des recommandations et des guides de bonnes pratiques sont publiés par l'Agence européenne du médicament (voir chapitre 3 « Contrôle des médicaments d'origine naturelle » ).

Production de plantes à parfum aromatiques et médicinales : bonnes pratiques agriculturales et de collecte

Plantes cultivées

Les semences sont identifiées botaniquement, indiquant la variété de la plante, son cultivar, le cas échéant sonchimiotype et son origine. La semence utilisée doit être traçable. Les espèces cultivées peuvent être issues de sélection variétale liée notamment à la teneur en principes actifs. Le mode de culture (conventionnel ou biologique), les contaminants issus du sol (métaux lourds) ou de résidus de produits phytosanitaires sont des éléments importants pris en compte lors des étapes de contrôle qualité dans le circuit pharmaceutique.

Plantes sauvages de collecte

La bonne connaissance de la ressource à collecter est impérative afin d'éviter tout risque de confusion. Le respect de la ressource sauvage est primordial afin d'éviter sa raréfaction, voire son extinction. La collecte d'espèces menacées est soumise à déclaration. Il existe une surexploitation préoccupante des plantes médicinales sauvages.

À noter

L'accès aux ressources vivantes et aux savoirs traditionnels a fait l'objet d'une convention internationale dénommée « protocole de Nagoya » en 2010, à la suite de la convention sur la biodiversité (Rio de Janeiro, 1992). Un système de partage équitable des bénéfices liés à leur exploitation est implémenté dans les législations nationales, telles que la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, en France.

Substances actives pharmaceutiques issues des drogues végétales

Les transformations réalisées sur les drogues végétales sont résumées sur la figure e.2.3 : pulvérisation, extraction, expression, fractionnement, purification, etc. Dans le domaine pharmaceutique, les produits obtenus sont des substances actives pharmaceutiques ( active pharmaceutical ingredients [API]). Elles doivent répondre aux normes en vigueur au niveau européen. Dans les autres secteurs (cosmétique, agro-alimentaire, etc.), des normes différentes existent. Les principales méthodes de transformation seront développées plus loin dans ce chapitre.

Pour en savoir plus

Fournier J . Découverte des alcaloïdes. Des marqueurs pour l'histoire de la chimie organique. Revue d'Histoire de la Pharmacie 2001; (331) :315– 32 .

ANSM. Pharmacopée française : Substances d'origine végétales. https://www.ansm.sante.fr/Mediatheque/Publications/Pharmacopee-francaise-Substances-d-origine-vegetale S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

Agrimer France , Filière des , Plantes à Parfum, aromatiques et médicinales , https://www.franceagrimer.fr/filiere-plantes-a-parfum-aromatiques-et-medicinales S’ouvre dans une nouvelle fenêtre.

La vente de plantes médicinales en pharmacie et parapharmacie, janvier 2019.

Vous venez de lire un extrait de l'ouvrage Pharmacognosie.

Pharmacognosie © 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Auteurs

Sabrina Boutefnouchet, Erwan Poupon, Corine Girard, Thierry Hennebelle, Elisabeth Seguin

Élaboré avec le soutien de l’AFERP (Association Francophone pour l’Enseignement et la Recherche en Pharmacognosie), sous la coordination du Dr Sabrina Boutefnouchet, cet ouvrage est le fruit du travail collectif de docteurs et professeurs où les compétences de chacun ont permis d’aborder les multiples aspects de cette thématique.