Les fondamentaux de la pathologie neurologique DFGSM 2 3
France | 21 août 2023
Par Monique R
Nous vous invitons à découvrir le chapitre 11 de l'ouvrage Les fondamentaux de la pathologie neurologique dans la collection DFGSM2-3 Médecine
Plan de l'ouvrage
I - Notions fondamentales (chapitres 1 à 5)
II. La sémiologie neurologique et ses bases anatomofonctionnelles (chapitres 6 à 16)
III Explorations paracliniques en neurologie (chapitres 17 à 24)
IV. Introduction à la physiopathologie et au traitement des maladies neurologiques (chapitres 25 à 31)
V. Auto-évaluation (chapitre 32)
Liste des chapitres
Anatomie descriptive et fonctionnelle
Cellules du système nerveux et des muscles
Développement du système nerveux et des muscles striés squelettiques
Neurochimie et neurotransmission centrale et périphérique
Rythmes circadiens, veille, sommeil
Introduction à l'approche clinique en neurologie
Sémiologie de la sensibilité
Sémiologie de la motricité et du contrôle du mouvement
Sémiologie des nerfs crâniens
Sémiologie des fonctions cognitives et du comportement
Sémiologie des crises épileptiques
Troubles de la vigilance
Sémiologie des céphalées
Séméiologie des fonctions végétatives
Syndromes topographiques
Échelles utilisées en situation d'urgence
Ponction lombaire et analyse du liquide cérébrospinaI
Électrophysiologie du système nerveux central
Électrophysiologie du système nerveux périphérique
Tomodensitométrie
Imagerie par résonance magnétique
Techniques d'exploration et d'imagerie des artères cervicoencéphaliques
Médecine nucléaire
Techniques d'exploration de la neuroréanimation
Neuro-inflammation
Hyperexcitabilité neuronale
Régulation de la circulation cérébrale et ischémie cérébrale
Des protéinopathies à la dégénérescence
Neuroplasticité
Douleur
Introduction à la thérapeutique
Auto-évaluation
Chapitre 11
Sémiologie des crises épileptiques
Elisabeth Ruppert Relectrice : Louise Tyvaert
PLAN DU CHAPITRE Définition Crises d'épilepsie généralisées Crises d'épilepsie focales État de mal épileptique Diagnostic Diagnostic différentiel
Définition
Une crise d'épilepsie (CE) correspond à un ensemble de manifestations cliniques, imprévisibles et transitoires, qui résultent d'une hyperactivité paroxystique hypersynchrone d'un groupe plus ou moins étendu de neurones corticaux ou cortico-sous-corticaux et de son éventuelle propagation. Les CE sont très diverses, mais le plus souvent stéréotypées chez un même malade. Leur sémiologie varie en fonction de l'endroit où cette «décharge excessive» naît, et des réseaux neuronaux empruntés lors de la propagation éventuelle. Elles peuvent être symptomatiques d'une lésion du cortex cérébral ou être en lien avec une anomalie génétique déterminée de l'excitabilité neuronale. On distingue une crise d'épilepsie pouvant survenir dans le cadre d'une situation favorisante occasionnelle, la crise symptomatique aiguë, de l'épilepsie proprement dite, maladie définie par une prédisposition à générer de manière durable des crises de manière répétée et spontanée.
On distingue deux grands types de CE : les crises généralisées et les crises focales.
Crises d'épilepsie généralisées
Dans les crises d'épilepsie généralisées, la décharge paroxystique hypersynchrone intéresse les structures corticales et sous-corticales simultanément de manière bilatérale. Trois types de crises généralisées sont classiquement distingués : les crises généralisées tonicocloniques (CGTC), les absences et les crises myocloniques. Il existe toujours une altération de la conscience sauf dans les crises myocloniques.
Crises généralisées tonicocloniques (CTCG)
Elles se déroulent en trois phases ;
la phase tonique dure environ 10 à 20 secondes. Elle débute très soudainement par une chute, pouvant entraîner un traumatisme, parfois concomitante d'un cri, avec abolition de la conscience (perte de connaissance), contraction tonique soutenue de l'ensemble de la musculature squelettique, d'abord en flexion puis en extension, accompagnée d'une révulsion oculaire, d'une apnée avec cyanose, de troubles végétatifs importants comprenant tachycardie, augmentation de la pression artérielle, mydriase, rougeur du visage, hypersécrétion bronchique et salivaire. Une morsure du bord latéral de langue est possible, de très grande valeur diagnostique, quasi pathognomonique, mais inconstante. Progressivement, la «tétanisation» des muscles se fragmente, conduisant à la phase clonique ;
la phase clonique dure environ 20 à 30 secondes. Elle comporte un relâchement intermittent de la contraction tonique avec des secousses bilatérales, synchrones, intenses, s'espaçant pour s'interrompre brutalement;
la phase résolutive ou post-critique dure de quelques minutes à quelques dizaines de minutes avec arrivée fréquente des secours à ce stade. On observe alors un coma profond, hypotonique avec relâchement musculaire complet. Une perte des urines et parfois des selles peut survenir. La respiration reprend. Elle est ample et bruyante, appelée stertor, et est gênée par l'hypersécrétion bronchique et salivaire avec «bave aux lèvres».
Lorsque le sujet reprend progressivement conscience, il existe une confusion parfois accompagnée d'agitation. À la reprise d'une conscience claire, le sujet ne garde aucun souvenir de sa crise. Il se plaint souvent de céphalées, de courbatures, voire de douleurs en relation avec un traumatisme occasionné par la chute initiale.
Absences
Elles sont plus fréquentes chez les enfants. Elles sont très facilement déclenchées par des manœuvres d'hyperventilation. Elles sont définies par une rupture du contact d'une durée en moyenne d'une dizaine de secondes, de début et de fin brusques. L'enfant s'immobilise, interrompt l'activité en cours, a le regard vide, puis reprend immédiatement ses activités, sans confusion, ne gardant aucun souvenir de l'épisode.
Crises myocloniques
Elles sont très brèves (< 1 seconde à quelques secondes) et comportent des secousses musculaires très brèves (< 200 ms), isolées ou répétées en courtes salves, en flexion-extension, avec lâchage ou projection de l'objet tenu, voire chute brutale si elles affectent les membres inférieurs. Elles sont spontanées ou provoquées par des stimulations, en particulier une stimulation lumineuse intermittente. Fréquentes immédiatement après le réveil, ce sont les seules crises généralisées qui surviennent en pleine conscience.
Crises d'épilepsie focales
Dans les crises d'épilepsie focales (CF), la décharge paroxystique intéresse initialement un secteur cortical limité. Les symptômes cliniques observés et rapportés dépendent de ce fait des régions cérébrales initialement impliquées et de leur rôle fonctionnel. La symptomatologie évolue ensuite de manière corrélée à l'implication progressive des zones cérébrales par la décharge électrique anormale. Le signal symptôme ou «aura» épileptique a une grande valeur localisatrice et renseigne sur la région corticale initialement concernée par la décharge. La sémiologie des CF est dans l'ensemble stéréotypée chez un même malade (même trajet intracérébral de la décharge électrique). Les CF peuvent se propager à l'ensemble du cortex, entraînant une généralisation secondaire de type tonicoclonique. Après la crise, la symptomatologie déficitaire témoigne de l'implication et de l'épuisement de la zone et/ou du réseau neuronal en cause. Toutes les CF sont caractérisées par leur caractère paroxystique, leur brièveté, la stéréotypie des manifestations d'une crise à l'autre.
On distingue les CF sans modification de la conscience avec un malade qui peut décrire sa ou ses crises du début à la fin, et les CF avec altération de la conscience, d'emblée ou secondairement, et une partie ou la totalité de la symptomatologie ne peut pas être restituée par le malade, mais l'interrogatoire de l'entourage peut le permettre.
Signes moteurs
Les CF peuvent comporter des signes moteurs suivants :
crise somatomotrice jacksonienne avec clonies unilatérales et extension selon la somatotopie, la «marche» jacksonienne dure moins d'une minute, et une séquence très évocatrice chéiro-orale des clonies implique la zone motrice primaire controlatérale ;
crise motrice avec clonies ou un spasme tonique, impliquant le cortex moteur primaire et les régions prémotrices controlatérales;
crise «versive» avec déviation de tout ou partie du corps, impliquant la région préfrontale controlatérale ;
crise phonatoire avec impossibilité de parler, ou vocalisation.
Signes sensitifs ou sensoriels
Les CF peuvent comporter des signes sensitifs ou sensoriels avec des «hallucinations» (perceptions sans objet) et/ou des illusions (perceptions déformées), qui sont bien reconnues et critiquées par le malade, contrairement aux hallucinations psychiatriques :
crise visuelle avec :
hallucinations élémentaires «positives» (phosphènes de type points brillants, étoiles, cercles colorés, parfois rythmiques) ou «négatives» (scotome, hémianopsie, amaurose) : cortex occipital opposé,
illusions visuelles, impression de grossissement (macropsies), de diminution de taille (micropsies avec effets zooms), d'éloignement (téléopsie) ou hallucinations complexes (objet, personnages ou véritables scènes),
«palinopsie» (hallucination d'une perception visuelle antérieure), «héautoscopie» (le sujet voit tout ou partie de son propre corps en miroir, le plus souvent le visage);
crise auditive avec hallucinations élémentaires, acouphènes (bourdonnement, sifflement, bruits rythmiques) ou illusions (déformation des voix, éloignement des sons) ou manifestations plus élaborées (musique, voix), rarement latéralisées : aire auditive primaire, 1re circonvolution temporale (T1), gyrus de Heschl ;
crise olfactive avec odeur désagréable (cacosmie) souvent indéfinissable (odeur de corne brûlée) : cortex orbitofrontal ;
crise gustative avec hallucination gustative (goût amer ou acide) souvent associée à une hypersalivation : région operculaire.
Signes végétatifs
Les CF peuvent comporter des signes végétatifs cardiovasculaires avec possibilité de troubles du rythme cardiaque, respiratoires, horripilation, troubles digestifs avec hypersalivation, pesanteur épigastrique remontant jusqu'à la gorge. Ils sont fréquents comme premier signe des crises temporales mésiales.
Signes psychiques
Les CF peuvent comporter des signes psychiques avec état de rêve, impressions mal définissables d'étrangeté, d'irréalité ou de vécu du présent sur un mode onirique, impression de déjà-vu, de jamais vu, de déjà vécu, de jamais vécu. Ils orientent vers une origine temporale mésiale.
État de mal épileptique
Il est défini par une crise d'épilepsie qui se prolonge de manière anormale ou par des crises subintrantes, focales ou généralisées, sans reprise d'une conscience normale entre les crises. Une intervention médicale est nécessaire pour stopper la décharge électrique excessive, à l'inverse de la décharge observée lors d'une crise d'épilepsie qui s'interrompt d'elle-même. En l'absence de prise en soins rapide, le pronostic vital et fonctionnel du patient peut être engagé.
Diagnostic
Le diagnostic des crises d'épilepsie est avant tout clinique, et repose donc quasi exclusivement sur l'interrogatoire du malade et/ou de témoins.
En cas de crise généralisée tonicoclonique, le meilleur argument du diagnostic, en l'absence de témoin de la crise, est représenté par la durée de la perte de conscience incluant la confusion post-critique qui est telle que, très généralement, le premier «souvenir» des malades est leur présence dans l'ambulance ou au service des urgences. En dehors de ce fait, la soudaineté du début, la chute traumatisante et la morsure du bord latéral de la langue, le cas échéant, ont une grande valeur diagnostique, de même que la confusion mentale et les courbatures postcritiques. La perte d'urines n'a pas de valeur diagnostique, puisqu'elle peut survenir en cas de syncope (cf. chapitre 12). Évidemment, la description par un témoin de la séquence tonicoclonique, de la révulsion oculaire, de la cyanose, de la respiration stertoreuse est capitale, mais il n'y a pas toujours de témoin.
En cas de crise focale sans altération de la conscience, le diagnostic est généralement aisé, puisque le malade peut décrire sa crise du début à la fin.
En cas de crise focale avec altération de la conscience, le diagnostic est plus difficile et l'interrogatoire d'un témoin peut relater une altération de la perceptivité, de la réactivité et l'existence d'automatismes moteurs. Les crises focales sont brèves et stéréotypées chez un même malade.
Diagnostic différentiel
Les principaux diagnostics différentiels des CTCG sont les syncopes dont la durée est beaucoup plus brève avec reprise d'une conscience claire sur les lieux mêmes de l'évènement, et les crises non épileptiques psychogènes qui peuvent se présenter sous la forme d'une agitation très prolongée (plusieurs minutes à heures), désordonnée avec une alternance non systématisée de périodes de clonies, de prise de posture tonique intéressant volontiers l'axe du corps (opisthotonos) et d'hypotonie. L'EEG est parfois nécessaire pour la distinguer d'une crise d'origine épileptique. L'activité cérébrale en EEG durant les crises non épileptiques psychogènes reste normale.
Les principaux diagnostics différentiels des CF sont la migraine avec aura et l'accident ischémique transitoire, ils sont d'une durée plus longue.
Points clés
■ La crise d'épilepsie symptomatique aiguë est une crise d'épilepsie qui survient à la suite d'une situation favorisante occasionnelle. L'épilepsie proprement dite est une maladie définie par une prédisposition durable à générer des crises de manière répétée et spontanée.
■ Les crises d'épilepsie dites généralisées impliquent d'emblée des structures corticales et sous-corticales bilatérales. C'est le cas des crises généralisées tonicocloniques et des absences qui sont toujours accompagnées d'un trouble de la conscience.
■ La crise généralisée tonicoclonique se déroule en trois phases avec une phase tonique initiale, suivie d'une phase clonique, puis une phase post-critique. Il existe toujours une amnésie post-critique.
■ Les crises focales peuvent secondairement généraliser avec perte de connaissance.
■ Le signal symptôme est de grande valeur localisatrice pour orienter vers la région corticale initialement concernée ; il peut être moteur, sensitif ou sensoriel, végétatif ou psychique.
■ L'état de mal épileptique correspond à une crise d'épilepsie qui se prolonge de manière anormale ou à des crises subintrantes, focales ou généralisées. Une intervention médicale est nécessaire pour stopper la décharge électrique excessive, à l'inverse de la décharge observée lors d'une crise d'épilepsie qui s'interrompt d'elle-même. Et voici deux QRM du chapitre d'auto-évaluation associées à ce chapitre.
QRM33
Concernant les propositions suivantes sur les crises d'épilepsie généralisées tonicocloniques (CTCG), laquelle (lesquelles) est (sont) juste(s) ?
A. La phase tonique est de début progressif et peut évoluer vers une chute si le patient ne s'allonge pas B. La phase tonique est parfois concomitante d'un cri C. Une morsure du bord latéral de langue oriente fortement vers une CTCG D. La phase clonique dure en moyenne 2 à 3 minutes E. Le stertor correspond à la reprise respiratoire ample et bruyante observée pendant la phase post-critique
Corrigé Réponse : B, C, E
QRM34
Concernant les propositions suivantes sur les crises d'épilepsie focales, laquelle (lesquelles) est (sont) juste(s) ?
A. Elles peuvent être l'expression d'une crise symptomatique aiguë ou d'une épilepsie maladie B. Elles peuvent comporter des signes moteurs, sensitifs, végétatifs ou psychiques C. Elles débutent par un signal symptôme de grande valeur localisatrice par rapport à la région corticale initialement concernée D. Elles peuvent évoluer vers un état de mal focal ou généralisé E. Les différentes crises focales chez un même patient se présentent avec des manifestations souvent différentes d'une crise à l'autre
Corrigé Réponse : A, B, C, D
Les fondamentaux de la pathologie neurologique © 2023, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Les auteurs
Collège des enseignants de neurologie
Coordonné par
Mathieu Ceccaldi, Nathalie Nasr, Elisabeth Ruppert
en savoir plus
Mathieu Ceccaldi, professeur des universités, praticien hospitalier, service de neurologie et neuropsychologie, hôpital La Timone, CHU de Marseille.
Nathalie Nasr, professeur des universités, praticien hospitalier, service de neurologie, CHU de Poitiers.
Elisabeth Ruppert, maître de conférences des universités, praticien hospitalier, service de neurologie, unité d'explorations fonctionnelles du système nerveux et de pathologies du sommeil, CHRU de Strasbourg.
Les fondamentaux de la pathologie neurologique Enseignement intégré Collège des enseignants de neurologie, Mathieu Ceccaldi, Nathalie Nasr, Elisabeth Ruppert ISBN 9782294778292 2023 en savoir plus Toute la collection DFGSM
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