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Les pathologies de l’enfant dans Le guide de la puéricultrice

14 mars 2024

La référence pour toutes les puéricultrices !

Un ouvrage en 8 parties :

  1. La spécialité d’infirmière puéricultrice

  2. Les politiques de la santé et de la famille

  3. Prise en soins des nouveau-nés et de leur(s) parent(s)

  4. Le développement somatique et le neurodéveloppement de l’enfant et de l’adolescent

  5. La promotion de la santé

  6. La prise en soin des pathologies de l’enfance et de l’adolescence

    1. La pédiatrie générale

    2. La pédiatrie spécialisée

    3. Les situations particulières

    4. La pédopsychiatrie

  7. Le service départemental de protection maternelle et infantile (PMI)

  8. Gestion des établissements d’accueil et services d’enfants

Nous vous invitons à découvrir le chapitre 35 du guide de la puéricultrice S’ouvre dans une nouvelle fenêtre

Chapitre 35

Les pathologies de la sphère ORL et ophtalmologiques1

1. Auteur de l’édition en cours : Eric Moreddu et Aurore Aziz. Avec la collaboration pour les éditions précédentes de : Michèle Manière, Elisa Guises, Emmanuel Grimprel.

Capacités attendues pour l’exercice de l’infirmière puéricultrice ■ Mettre en œuvre les mesures de prévention adaptées au risque d’infection de la sphère ORL ou ophtalmologique. ■ Dépister les premiers signes d’une infection des voies aériennes supérieures ou des yeux. ■ Participer à la prévention des handicaps visuels par le repérage des premiers troubles et soutenir les parents dans la démarche vers un service spécialisé. ■ Participer à la prise en charge de l’enfant porteur de lunettes ou d’un dispositif d’occlusion oculaire. ■ Repérer et agir en cas de traumatisme de l’œil. ■ Évaluer le retentissement de l’infection sur le confort de l’enfant (en particulier son alimentation et son sommeil) et mettre en place les mesures d’aide nécessaires.

Les infections de la sphère ORL et ophtalmologique surviennent avec une fréquence particulière dans la petite enfance et en cas de contacts répétés avec d’autres enfants (familles nombreuses, collectivités). Leur origine est principalement virale, mais la surinfection bactérienne est fréquente. Dans les deux cas, le pronostic sensoriel de l’enfant peut être mis en jeu, une otite pouvant évoluer vers la surdité et un trouble de la vue vers une amblyopie, voire une cécité.

Les pathologies infectieuses de la sphère ORL

Les pathologies infectieuses de la sphère ORL sont dues à des virus ou à des bactéries (tableaux 35.1 à 35.3). Les virus responsables des infections ORL sont très nombreux ; on peut citer le virus respiratoire syncitial (VRS), les virus parainfluenzae, les adénovirus, rhinovirus, entérovirus et coronavirus. Les infections bactériennes sont principalement dues aux streptocoques, à Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis ou au Staphylococcus aureus.

Physiopathologie

Le rhinopharynx, également appelé cavum ou nasopharynx, est le carrefour de la sphère ORL. Son inflammation, appelée rhinopharyngite ou « rhume », est le point de départ des autres infections ORL comme les otites et les sinusites. Le rhinopharynx se situe entre les fosses nasales, en avant, l’oropharynx avec les amygdales palatines, en dessous, et les oreilles moyennes, en latéral. Les oreilles moyennes sont aérées par les trompes d’Eustache, qui communiquent avec le rhinopharynx et s’ouvrent à chaque déglutition. Les cavités sinusiennes de la face s’ouvrent dans les fosses nasales. Les cellules ethmoïdales sont présentes dès la naissance ; les autres cavités sinusiennes se développent plus tardivement (pneumatisation) : les sinus maxillaires apparaissent à partir de 3 ou 4 ans, les sinus frontaux et sphénoïdaux à partir de 6 à 10 ans. La croissance des sinus se termine avec la fin de la croissance faciale, à l’âge adulte. Ainsi, chez le petit enfant, et jusqu’à 9 ans, les ethmoïdites sont les sinusites les plus fréquentes ; elles se manifestent par un œdème inflammatoire orbitaire.

Le traitement des infections ORL

Dans la plupart des cas, le traitement symptomatique est suffisant et doit être expliqué aux parents pour qu’ils le réalisent correctement.

Traitement de la fièvre

Dans les pathologies ORL, la fièvre peut être absente ou très élevée. Il n’est pas rare de trouver une température à plus de 40 °C en cas d’otite aiguë ou d’angine. Faire baisser la température contribue au confort de l’enfant et limite les risques de complications générales, telles une déshydratation ou des crises fébriles. Le médicament à privilégier est le paracétamol. Il est déconseillé d’utiliser l’ibuprofène sans couverture antibiotique, car il est suspecté de favoriser l’apparition de complications graves des infections bactériennes.

Traitement de la douleur

La douleur accompagne souvent les pathologies infectieuses de la sphère ORL. Elle peut être particulièrement intense en cas d’angine, de sinusite ou d’otite aiguë. Parfois latente au repos, elle s’accentue à l’éveil, lors des pleurs et avec l’alimentation.

Elle est évoquée devant les signes habituels de souffrance mais aussi en cas de refus alimentaire, d’augmentation des pleurs à la déglutition, de frottements des oreilles ou de mouvements de la tête de droite et de gauche. La douleur des infections ORL doit être prise en compte avant toute autre forme de traitement ; sa prise en charge peut parfois s’avérer suffisante. Les antalgiques de palier 1 seront mis en œuvre rapidement ; ils s’avèrent souvent suffisants. Un antidouleur de palier 2, voire de palier 3 peut être proposé en cas de douleur très intense (voir p. 744). Le traitement sera poursuivi au moins 48 heures, ce délai correspondant à la durée moyenne de l’épisode douloureux.

Traitement de la cause

Lorsque la cause virale est suspectée, aucun traitement étiologique n’est disponible. L’antibiothérapie n’est recommandée qu’en cas de suspicion d’infection bactérienne ou chez certains enfants à risque (prématuré, moins de 3 mois, porteur d’une affection respiratoire chronique). Dans le cas des angines érythémateuses et érythémato-pultacées, l’origine bactérienne peut être documentée par un test streptococcique positif. Les pénicillines sont données en première intention dans toutes les infections ORL.

Traitement de l’encombrement nasal

La désobstruction rhinopharyngée (DRP) est recommandée dans toutes les situations où l’obstruction nasale ou la rhinorrhée sont importantes. Elle peut être effectuée par du sérum physiologique ou des solutés marins. Elle est proposée en cas de gêne réelle surtout avant les repas et le coucher. L’aspiration n’est conseillée qu’en milieu hospitalier car c’est un geste invasif, qui peut majorer l’œdème muqueux en raison des frottements de la sonde d’aspiration contre les parois nasales.

Prévention des infections ORL (encadré 35.1)

Les vaccinations représentent la prévention de choix pour les infections bactériennes à pneumocoque ou à Haemophilus, mais également contre certaines infections virales (Covid-19, grippe, VRS). Il reste que la meilleure prévention est sans nul doute d’éviter que l’enfant soit en contact avec des personnes porteuses de telles affections, ce qui est illusoire en collectivité comme les crèches et les écoles. Une attention particulière doit être portée à l’hygiène de l’environnement et à l’hygiène personnelle dans les périodes d’épidémie pour limiter la propagation des infections rhinopharyngées.

Le mouchage doit être appris par les enfants ; il limite les complications fréquentes des rhinopharyngites (les « rhumes ») que sont les sinusites et les otites.

Encadré 35.1

Rôle de l’infirmière puéricultrice

En ce qui concerne les rhinopharyngites, l’infirmière puéricultrice joue son rôle à plusieurs niveaux. Elle est active dans la prévention individuelle et collective, elle dépiste et soigne les enfants effectivement atteints d’infection ORL. L’infirmière puéricultrice a un rôle préventif. Il peut s’exercer aussi bien en conseillant les familles et les personnes s’occupant des enfants, qu’en mettant en œuvre des procédures d’hygiène dans les institutions d’enfants.

Éviter la fragilisation des enfants à risque

  • Éviter les atmosphères enfumées autour de l’enfant.

  • Soutenir les parents d’enfants atteints de RGO dans la régularité de la prise du traitement.

  • Effectuer des désinfections rhinopharyngées en goutte à goutte matin et soir.

  • Apprendre à l’enfant à se moucher le plus tôt possible (lui apprendre par des petits jeux à souffler par le nez).

Prévenir et traiter les affections ORL

  • Dépister les premiers symptômes dans un contexte d’épidémie : enfant grognon, mangeant moins bien, respirant par la bouche, avec des symptômes digestifs modérés, un ronflement ou une respiration bruyante.

  • Désobstruction à l’aide d’instillations douces de sérum physiologique.

  • Traiter la maladie installée :

    • administrer les traitements prescrits (antibiotiques, antipyrétiques, traitements locaux) ;

    • faire des DRP avant les repas et le coucher.

  • Surveiller l’état général, selon la localisation.

  • Favoriser l’hydratation de l’enfant.

  • Apporter une alimentation moins solide, en multipliant le nombre de prises et en diminuant les quantités à chaque prise.

Prévenir et traiter la douleur

Identifier, évaluer et prendre en charge la douleur de l’otite aiguë en cas de pleurs subits, de réveils intempestifs…

Renforcer les mesures d’hygiène

Hygiène des mains des personnels et des parents : favoriser l’usage des solutions hydroalcooliques en particulier.

L’ablation des amygdales et des végétations

L’indication de l’ablation des amygdales et des végétations s’est modifiée au cours des dernières années. Les indications infectieuses de l’amygdalectomie sont rares : angines récidivantes (plus de six épisodes par an sur deux ans consécutifs) ou phlegmon péri-amygdalien récidivant (deux épisodes). L’ablation des végétations (ou adénoïdectomie) à visée anti-infectieuse est exceptionnelle, parce que celles-ci ont tendance à repousser et que l’intérêt de l’adénoïdectomie n’est pas formellement démontré. Le plus souvent, c’est l’obstruction respiratoire nocturne (ronflements et apnées du sommeil) qui motive l’indication d’adénoïdo-amygdalectomie.

Aujourd’hui :

  • elle se pratique uniquement sous anesthésie générale, le plus souvent en diminuant le volume amygdalien (amygdalectomie « intracapsulaire » ou « partielle »), plus rarement par dissection (amygdalectomie « extracapsulaire » ou « totale ») ;

  • elle se fait couramment en ambulatoire ou en hospitalisation de 24 heures ;

  • les suites opératoires sont simples dans une grande majorité des cas mais une hémorragie est toujours à craindre.

La voix nasonnée pendant quelques jours ne doit pas inquiéter (encadré 35.2).

Encadré 35.2

Rôle de l’infirmière puéricultrice

Informer les parents sur les précautions préopératoires et la surveillance à mettre en place

En préopératoire

  • Proscrire tout traitement, pas d’aspirine dans les 10 jours précédant l’intervention.

  • Surveiller l’apparition d’une infection de la sphère ORL.

En postopératoire

  • Administrer les antalgiques selon prescription.

  • Donner à boire de petites quantités d’eau froide ou faire sucer des glaces à l’eau.

  • Surveiller la douleur.

  • Proposer des soins de bouche à l’eau fraîche ou au sérum physiologique réfrigéré (éviter les gargarismes).

  • Surveiller les saignements (les petits crachats de sang par le nez et la bouche sont normaux pendant 48 à 72 heures) ; si l’enfant « vomit » du sang rouge ou déglutit en permanence entre les prises de boisson, il faut en informer le chirurgien.

  • Éviter les mouchages violents et les raclages de gorge.

  • Proposer une alimentation adaptée :

    • le premier jour : uniquement des liquides froids ou yaourts ;

    • à partir du deuxième jour : aliments mous ou semi-liquides, froids ou tièdes ;

    • pendant 15 jours : éviter les aliments durs, secs et croustillants, très salés, épicés, les aliments crus, les jus d’agrumes et la tomate, les aliments à mastiquer longuement.

Les pathologies ophtalmologiques

Les troubles visuels les plus fréquents chez l’enfant sont L’amblyopie (encadré 35.3), le strabisme et les troubles de la réfraction. La prévalence de ces troubles est très importante. Les dernières données épidémiologiques retrouvent :

  • 15 à 20 % des enfants de plus de 6 ans présenteraient des troubles visuels pouvant dégrader leur scolarité, principalement d’origine réfractive;

  • 4 % des enfants de moins de 6 ans présenteraient un strabisme qui, s’il n’est pas dépisté et traité, risque d’évoluer vers une amblyopie très invalidante pour la moitié d’entre eux ;

  • l’amblyopie est retrouvée chez 1 à 3 % de la population selon les études, ce qui correspond en France à entre 650 000 et 2 millions de personnes présentant une amblyopie traitée ou pas, guérie ou pas.

D’autres troubles touchant l’œil ou la vision nécessitent d’être dépistés dès leur apparition afin d’être pris en charge très rapidement, car une prise en charge très précoce peut conditionner le maintien d’une acuité visuelle utile sur le long terme. Ce sont en particulier :

  • les traumatismes de l’œil, particulièrement les traumatismes à globe ouvert qui constituent une urgence fonctionnelle ;

  • les rétinopathies, au premier rang desquelles on retrouve la rétinopathie des prématurés, qui constitue la première cause de cécité évitable chez l’enfant dans les pays industrialisés ;

  • les atteintes neurologiques.

Les atteintes de la paupière sont, le plus souvent, bénignes chez l’enfant. Néanmoins, lorsqu’elles sont chroniques, elles peuvent aboutir à une amblyopie mixte et un astigmatisme. Elles devront donc être dépistées et traitées rapidement.

Le développement de la vision de l’enfant et les examens ophtalmologiques

À la naissance, les capacités visuelles de l’enfant ne sont pas les mêmes que celles de l’adulte. Elles évoluent d’ailleurs toute la vie :

  • l’acuité visuelle atteint 10/10e vers l’âge de 4 ans ;

  • la vision des reliefs et des couleurs se développe progressivement.

Les divers examens de l’enfant sont l’occasion d’apprécier régulièrement la fonction visuelle, comme en témoignent les différents temps accordés à l’examen macroscopique et fonctionnel ophtalmologique au cours des examens obligatoires figurant dans le carnet de santé.

Au cours de la première semaine

L’enfant est sensible à la lumière, mais son acuité visuelle ne dépasse pas un champ de 50 cm et son réflexe photomoteur, bien que présent, est lent et de faible amplitude. La poursuite du regard est inconstante et labile. L’examen clinique de l’œil s’oriente vers la recherche :

  • de malformations du globe oculaire (en termes de forme, de taille, d’anomalie pupillaire), des paupières (position, présence d’un angiome) ;

  • du réflexe d’attraction du regard vers une lumière douce ;

  • du réflexe de fermeture des yeux à l’éblouissement avec rejet de la tête vers l’arrière ;

  • d’un trouble oculomoteur permanent, à type de strabisme convergent ou divergent, ou de visualisation d’un nystagmus (mouvements rythmiques des yeux).

Les 9 premiers mois

Dans le premier mois de vie, le réflexe de poursuite apparaît en s’accompagnant d’un mouvement de la tête. Vers 3 mois, la coordination binoculaire et la fusion des images se mettent en place. À cet âge, l’enfant présente le réflexe de convergence et fixe un objet aux contours bien délimités. Entre 4 et 5 mois apparaît la coordination œil-main : l’enfant attrape les objets qui lui sont présentés. Parallèlement, l’acuité visuelle s’améliore graduellement et l’enfant distingue des couleurs proches. L’examen du 9e mois recherche :

  • la poursuite du regard ;

  • la capacité à voir et attraper un objet présenté ;

  • la capacité à converger le regard vers l’objet en mouvement et l’absence de strabisme en convergence ou divergence.

Tout strabisme permanent est pathologique quel que soit l’âge, et tout strabisme même intermittent après 6 mois aussi et justifie d’un examen spécialisé ophtalmologique.

Jusqu’à 24 mois

Lorsque les tests sont possibles, l’acuité visuelle se rapproche de 6 à 8/10e. La vision de l’enfant lui permet :

  • de différencier des couleurs de nuances subtiles ;

  • de voir et manipuler de petits objets (mettre des perles dans une bouteille, par exemple).

Il est possible, à partir de 2 ans ou 2 ans et demi, d’utiliser des images représentant des objets simples du quotidien de l’enfant. L’examen cherche à mettre en évidence :

  • des signes d’appels de pathologies ophtalmolgiques graves : leucocorie (pupille blanche), asymétrie des diamètres cornéens, asymétrie pupillaire, différence de taille entre les globes oculaires, diminution de la clarté cornéenne ;

  • un strabisme ou un défaut de convergence ;

  • un nystagmus ;

  • une maladresse excessive.

L’âge de la maternelle

L’acuité visuelle de l’enfant se développe et peut atteindre 12/10 à 6 ans. L’enfant commence à dessiner des formes puis des lettres. À cet âge, c’est surtout son comportement qui peut alerter sur des troubles, en fonction des signes cliniques suivants :

  • céphalées vespérales (survenant en fin de journée) ;

  • blépharite, chalazions à répétition, atteintes annexielles ;

  • fermeture d’un œil (toujours le même) quand l’enfant dessine ou écrit ;

  • impression de sable dans l’œil (l’enfant se frotte les yeux très souvent) ;

  • clignement des yeux à la lumière ;

  • marche précautionneuse ou incertaine ;

  • troubles des apprentissages qui doivent entraîner un bilan ophtalmologique complet avec réfraction sous cycloplégique (skiacol ou atropine selon la situation clinique), seule à même de déterminer la présence ou l’absence d’un trouble réfractif.

Encadré 35.3

Rôle de l’infirmière de PMI dans le dépistage de l’amblyopie

Le dépistage visuel correspond au dépistage par excellence d’une atteinte grave et silencieuse : l’amblyopie. Ce dépistage doit être impérativement précoce chez l’enfant, qui est trop jeune pour remarquer une baisse de l’acuité visuelle ou s’en plaindre. Le traitement est d’autant plus efficace qu’il est effectué précocement et avant la fin de la période la plus sensible. Le dépistage est un objectif de santé publique : impact social, scolaire et financier des anomalies de la vision. Les bénéfices de l’obtention d’une isoacuité, et donc d’une absence d’amblyopie, sont multiples :

  • amélioration de la vision stéréoscopique ;

  • réduire les conséquences de la perte du bon œil (traumatisme, DMLA, glaucome…) : les enfants amblyopes ont 20 fois plus de risque de cécité.

L’absence d’amblyopie influe positivement sur la qualité de vie des enfants et leur estime de soi. Certains métiers sont impossibles à exercer pour des personnes amblyopes. Les professionnels de la PMI en charge du dépistage sont en première ligne dans cette lutte.

Les signes d’alerte et les troubles les plus fréquents

Les signes d’alerte

L’identification de certains signes doit conduire à une prise en charge rapide :

  • l’errance du regard ;

  • la non-coordination oculaire après 6 mois ;

  • le strabisme, surtout s’il est permanent et bilatéral, persistant après 6 mois ou d’apparition tardive ;

  • un nystagmus ;

  • une leucocorie2 ;

  • une exophtalmie.

2. Tache blanche plus ou moins étendue de la pupille.

Ces signes peuvent orienter vers une pathologie grave, neurologique ou oncologique notamment, qui pourrait mettre en jeu rapidement et de façon définitive le pronostic visuel ou même vital : ils justifient d’une prise en charge en urgence en milieu spécialisé.

Les pathologies les plus fréquentes

Les malformations Elles sont souvent repérables par un examen clinique attentif :

  • taille anormale de l’œil et asymétrie de taille entre les deux yeux : signe très important pouvant évoquer un glaucome congénital (1 naissance sur 18 000 en Europe) qui, non traité, conduit à la cécité ;

  • anomalie des paupières ;

  • larmoiement permanent ;

  • photophobie ;

  • fixité du regard.

Ces signes d’appel ne doivent pas être négligés. L’échographie et le fond d’œil complètent l’examen et précisent la nature de la malformation.

Les infections

Elles sont assez fréquentes à la naissance, particulièrement en cas de grossesse peu ou pas suivie ou en cas d’infection sexuellement transmissible de la mère (recrudescence actuelle des contaminations par Chlamydiae et gonocoque). Elles peuvent être la cause d’une altération définitive de la cornée, voire d’une fonte purulente de l’oeil. L’attention du praticien doit être attirée par une rougeur, un écoulement purulent, un larmoiement, un œdème des paupières.

Les tumeurs de la rétine

Fréquemment découverte sur des photographies avec flash, la présence d’une leucocorie (pupille blanche) doit faire éliminer en urgence un rétinoblastome, qui est la tumeur intraoculaire de l’enfant la plus fréquente et peut aboutir à la perte fonctionnelle de l’œil, la perte anatomique de l’œil voire menacer le pronostic vital en cas de prise en charge tardive. Tout enfant présentant une suspicion de leucocorie doit être adressé en urgence le jour même à un ophtalmologue pour bénéficier d’un fond d’œil et d’une imagerie complémentaire. La tumeur doit être traitée en urgence pour éviter l’invasion de l’ensemble du nerf optique depuis la rétine.

Les hémorragies rétiniennes

Elles surviennent le plus souvent dans un contexte de traumatisme, accident ou maltraitance ; le syndrome des bébés secoués en est une des causes et doit être systématiquement recherché, car il engage le pronostic vital à court terme. Elles s’observent chez un enfant sain qui manifeste soudain un désintérêt visuel. Le contexte de leur apparition doit être précisé pour une recherche d’autres troubles et une prise en charge globale.

Les traumatismes de l’œil

Ils sont fréquents, mais tous ne nécessitent pas la mise en œuvre de procédures d’urgence. Ils doivent toutefois conduire à un examen ophtalmologique dans des délais assez courts.

Les contusions

Elles sont d’autant plus graves qu’elles ont été provoquées par un petit objet arrivant à grande vitesse (bille de pistolet ou bouchon de champagne). Elles provoquent immédiatement :

  • une douleur intense, très localisée (de type brûlure si l’objet a touché le globe) ;

  • une baisse de l’acuité visuelle ;

  • un larmoiement intense ;

  • une hémorragie.

La prise en charge en structure spécialisée se fera d’autant plus rapidement qu’il y a plaie, hémorragie et perte totale de la vision.

Les corps étrangers

On distingue les corps étrangers superficiels (gênants mais rarement graves) et les corps étrangers intraoculaires, toujours graves même s’ils sont parfois moins douloureux que les précédents.

Les corps étrangers superficiels Souvent facilement visibles, soit directement soit en retournant les paupières, ils provoquent une douleur due au frottement, un larmoiement dans l’immédiat. Ils peuvent entraîner conjonctivite et kératite et, en cas de greffe bactérienne, il y a risque d’abcès et de cicatrice cornéenne permanente s’ils ne sont pas immédiatement enlevés. L’élimination du corps étranger peut se faire par simple lavage de l’œil ou lors d’un examen ophtalmique à la lampe à fente. Un pansement occlusif placé ensuite met l’œil au repos. Un traitement par antibiothérapie locale est prescrit lorsqu’une infection a débuté.

Les corps étrangers intraoculaires

Lorsque l’enfant signale immédiatement le traumatisme ou lorsque les circonstances ou le mode de pénétration sont évidents, on peut souvent visualiser l’atteinte oculaire et la porte d’entrée ou la présence du matériel contendant. Par contre, si l’adulte n’est pas présent au moment du traumatisme, le traumatisme à globe ouvert peut passer initialement inaperçu, avec un enfant pouvant minorer le traumatisme, surtout en cas d’utilisation d’objets interdits (couteau, ciseaux). Les signes cliniques pouvant conduire au diagnostic d’une effraction oculaire sont les suivants :

  • conjonctivite ;

  • kératite avec photophobie ;

  • hémorragie punctiforme ou plus étendue ;

  • visualisation d’un corps étranger sur ou dans l’œil ;

  • extériorisation de l’iris ou déformation pupillaire ;

  • perte de volume de l’œil ;

  • apparition d’un reflet blanc pupillaire par cataracte en cas d’effraction cristallinienne.

La radiographie et l’échographie permettent de localiser exactement le corps étranger, surtout dans le cas d’objets radio-opaques. Les complications précoces et tardives aboutissent souvent à une cécité complète, particulièrement en cas de prise en charge tardive ou d’infection concomitante.

Le strabisme

Chez l’adulte, l’absence de correspondance sensorielle des deux yeux provoque une diplopie, tandis que l’enfant atteint de strabisme a la capacité de neutraliser une des deux images pour éviter la diplopie. Lorsque ce phénomène est permanent, la suppression devient définitive et irréversible, aboutissant à l’amblyopie. Le strabisme convergent est plus fréquent que le divergent et s’accompagne souvent d’une hypermétropie à rechercher lors d’une réfraction sous cycloplégique. Le strabisme divergent justifie d’un examen neuropédiatrique, car de nombreuses anomalies neurologiques s’y associent.

L’examen clinique Il permet de noter l’absence de parallélisme des deux yeux. Les photographies montrent souvent cela de manière encore plus nette. L’occultation alternative des yeux permet d’apprécier l’œil sain ; en effet, l’enfant réagit plus fortement lorsqu’on occulte l’œil sain que lorsqu’on occulte l’autre. Il existe donc un véritable réflexe de défense à l’occlusion chez les enfants amblyopes unilatéraux.

L’examen ophtalmologique

Réalisé de façon complète, il est toujours nécessaire afin d’éliminer une cause organique au strabisme, cause pouvant mettre en danger le pronostic fonctionnel définitif de l’œil voire le pronostic vital de l’enfant (rétinoblastome).

Le traitement

La première étape de la prise en charge de l’enfant strabique est le port de la correction en lunettes adaptée, régulièrement actualisée sous cycloplégique. Un traitement préventif de l’amblyopie par occultation de l’œil sain peut être mis en place, ce qui supprime sa neutralisation, ainsi qu’un traitement de la déviation par correction optique ou chirurgicale dans les cas sévères. Il est souhaitable que le strabisme soit résolu avant l’entrée en école primaire, mais la lutte contre l’amblyopie sera poursuivie jusqu’aux 10 ans de l’enfant pour éviter rechutes ou récidives.

Les troubles de la réfraction, ou amétropies

Très fréquents chez l’enfant, leur dépistage précoce améliore sa qualité de vie, mais aussi son investissement dans des activités nécessitant précision et attention et dans les activités sportives. De nombreux tests sont disponibles pour dépister ces troubles dès l’âge de 24 mois. Aucun examen général de l’enfant ne doit les oublier. Devant toute difficulté de l’enfant dans les activités physiques ou manuelles, penser à une amétropie et proposer un examen plus complet. Ensuite, le port des lunettes devra être soutenu par l’environnement jusqu’à ce que l’enfant y soit complètement adapté. Le développement récent d’appareils (photoscreeners) permettant un dépistage réfractif objectif de l’enfant sans contact, a amélioré les recommandations de dépistage et couple dans un même examen rapide et facile de réalisation, dépistage réfractif et dépistage du strabisme et des asymétries pupillaires.

Les pathologies des paupières

Les atteintes des paupières sont nombreuses, mais souvent sans gravité. Elles occasionnent surtout une gêne qui interfère sur le comportement de l’enfant. Certaines maladies, non traitées, sont susceptibles d’entraîner des complications plus ou moins invalidantes. Elles peuvent aussi être la manifestation d’un autre trouble visuel et requièrent à ce titre une prise en charge spécialisée. Les blépharites

  • Le chalazion est l’inflammation d’une glande de Meibomius située sur la face interne de la paupière. Les premiers soins à apporter sont des soins de paupières avec gants de toilette d’eau chaude, pouvant être complétés par une prescription par l’ophtalmologue d’une pommade après examen clinique. Son enkystement peut rarement nécessiter une excision chirurgicale chez l’enfant, incision devant être le plus souvent réalisée sous anesthésie générale.

  • L’orgelet est un furoncle du bulbe pileux d’un cil. Il forme une petite boule sur le bord externe de la paupière. Il se manifeste par une douleur vive, une rougeur centrée par un point blanc qui perce après quelques jours. L’ablation du cil hâte souvent la guérison.

  • Les blépharites diffuses sont très gênantes et difficiles à diagnostiquer et soigner. Un traitement antibiotique topique ou parfois par voie générale peut s’avérer nécessaire.

Les malpositions des paupières

  • L’ectropion est l’éversion du bord de la paupière, le plus souvent de la paupière inférieure. Il est à l’origine d’irritations locales et de larmoiement.

  • L’entropion se caractérise par le repliement vers l’intérieur du bord de la paupière qui peut induire un frottement des cils sur le globe oculaire. Au-delà de la sensation de corps étranger, cela peut provoquer une ulcération ou un abcès de la cornée.

Après un traitement local pour limiter l’inflammation, un traitement chirurgical est parfois nécessaire, avec recherche systématique de syndrome malformatif facial associé.

L’imperforation des canaux lacrymaux

À la naissance, il arrive que les orifices des canaux lacrymaux excréteurs ne soient pas perforés ou insuffisamment, on parle alors d’imperforation lacrymo-nasale. Cela se manifeste par un larmoiement permanent et un risque accru de conjonctivite.

Le rétablissement naturel de la perméabilité des voies lacrymales survient dans 80 % des cas avant l’âge de 1 an, et ne justifie pas de prise en charge chirurgicale, hors cas de surinfections avec risque de cellulite faciale. Lorsqu’il est indiqué, un traitement chirurgical par sondage avec ou non intubation de la voie lacrymale sera proposé. À noter : la présence d’une tuméfaction bleutée en regard du sac lacrymal chez un nouveau-né (dacryocystocèle) justifie l’urgence d’un examen ORL, à la recherche d’une obstruction nasale bilatérale pouvant entraîner une détresse respiratoire, le nouveau-né ayant uniquement une respiration nasale.

Œil et exposition solaire

Les enfants sont exposés de plus en plus jeunes au grand air, ce qui est excellent pour leur santé, mais peut être néfaste pour leurs yeux. Leur cristallin est particulièrement transparent et ne filtre pas les rayons lumineux. En effet, si l’herbe réfléchit 1 % du rayonnement solaire, le sable 10 % et la mer 20 %, la neige en réverbère 80 %. Il est impératif d’équiper les enfants, dès leur plus jeune âge, de filtres solaires adaptés à l’environnement auquel ils sont soumis.

L’ophtalmie solaire

Les enfants sont susceptibles de développer une ophtalmie solaire, véritable « coup de soleil » de la cornée. Il s’ensuit une sensation de brûlure plus ou moins intense et une photophobie avec diminution temporaire de l’acuité visuelle.

Les recommandations

  • Éviter d’exposer l’enfant aux heures où les UV sont les plus intenses (les indices UV publiés dans les journaux sont une aide utile pour estimer le risque).

  • Faire porter à l’enfant des verres filtrants à l’aide de lunettes retenues par un bandeau.

À noter… Les verres colorés non filtrants accentuent le danger par leur action sur la pupille qui est dilatée, ce qui augmente la pénétration de la lumière dans l’œil.

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Le guide de la puéricultrice Prendre soin de l'enfant de la naissance à l'adolescence Sébastien Colson, ANPDE ISBN 9782294779602 6e édition, 2024