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Les psychothérapies cognitives et comportementales

12 octobre 2020

Par Monique Remillieux

Elsevier

Les psychothérapies cognitives et comportementales S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, ouvrage de référence sur les TTC, a été révisé et mis à jour pour cette 7e édition, et comporte deux nouveaux chapitres : la prévention du suicide et la validation de la TCC par la neuro-imagerie cérébrale.

Les psychothérapies cognitives et comportementales

Un ouvrage en trois parties :

I. Théories et principes II. Techniques et histoires de cas III. Évaluation des TCC

I. Théories et principes

1. Les fondamentaux de la psychothérapie cognitive et comportementale

2. Histoire et situation actuelle

3. Théories de l'apprentissage

4. Théories cognitives et modèle du traitement de l'information

5. Modèles comportementaux et cognitifs des troubles psychopathologiques'

6. Analyse fonctionnelle et méthode de mesure

II. Techniques et histoires de cas

7. Phobies spécifiques

8. Agoraphobie et trouble panique

9. Anxiété sociale (phobie sociale)

10. Trouble obsessionnel-compulsif

11. Trouble anxieux généralisé

12. Stress post-traumatique

13. Dépression

14. Thérapie cognitive de la prévention du suicide

15. Troubles de la personnalité

16. Dysfonctions sexuelles, problèmes de couple et paraphilies (déviations sexuelles)

17. États psychotiques

18. Addictions

19. Boulimie

20. Gestion du stress et médecine comportementale

21. Trouble à symptomatologie somatique

22. Troubles de l'enfant et de l'adolescent

23. Trouble du spectre autistique

III. Évaluation des TCC

24. Problèmes généraux dans l'évaluation des psychothérapies

25. TCC et neurosciences : l'évaluation de la TCC par la neuro-imagerie cérébrale

26. Évaluation des résultats des thérapies comportementales et cognitives

Dans la partie II, nous vous proposons de découvrir le début du chapitre 14  Thérapie cognitive de la prévention du suicide.

Thérapie cognitive de la prévention du suicide.

plan du chapitre

Clinique du suicide

  • Exemple

    • Facteurs génétiques

    • Facteurs psychopathologiques

    • Facteurs sociaux : l’effet Werther, l’effet de la crise économique et de la détention d’armes

    • Synthèse des facteurs de risque suicidaire

  • Épidémiologie

Pratique des psychothérapies cognitives et comportementales

  • Évaluation clinique du risque suicidaire

    • Méthodes psychométriques pour évaluer le risque suicidaire

    • Méthodes d’urgence pour modifier le risque suicidaire

    • Thérapie à moyen terme

    • Exemple

    • Prévention des rechutes

    • Histoire de cas (256).

Conclusion

Annexe 1 – Échelle de désespoir de Beck (échelle H)

Annexe 2 – Échelle d’intention suicidaire de Beck (1974)

Échelle d’intention suicidaire (262).

Le suicide c’est un acte de ceux qui n’ont pu en accomplir d’autres. »

- Pierre Drieu La Rochelle, Le Feu follet

Le suicide est un comportement que l’on peut retrouver dans différents troubles psychologiques ou psychiatriques ou même chez des personnes sans troubles actuels ou sans antécédents. Dans de rares cas, il est volontaire et représente une solution à des problèmes tels que la guerre ou les conflits religieux (le sacrifice volontaire à une cause qui dépasse la personne) ou une attitude devant une mort inéluctable dans la déchéance (euthanasie).

Néanmoins, un courant de recherche souhaite isoler le suicide en tant que maladie autonome avec des facteurs génétiques et biologiques. Dans cette perspective, le DSM-5 (2013), dans sa section III, « Mesures et modèles émergents », a retenu deux catégories à part où les tentatives de suicide ne feraient pas partie d’un autre trouble :

  • le trouble « conduite suicidaire » qui se traduit par des tentatives de suicide répétées ;

  • les lésions auto-infligées non suicidaires destinées à un soulagement émotionnel.

Ces deux catégories d’attente demandent plus de travaux pour être prises en compte dans la clinique quotidienne.

Clinique du suicide

Le suicide se définit par l’intention de mourir. On parle aussi d’autodestruction ou d’autolyse et de suicidé qui s’inflige à lui-même volontairement la mort. La preuve de l’intention mortelle est parfois indécidable : par exemple, un accident mortel est-il volontaire ou non ? Cela explique la sous-estimation de la déclaration des suicides, souvent pieusement transformés en accident de voiture ou nettoyage d’armes létales ou chutes malencontreuses.

La tentative de suicide est caractérisée, elle aussi, par l’intention de mourir : le sujet est dit « suicidant » durant la période de crise. Le suicide a été mis en œuvre, mais une intervention extérieure l’a fait échouer. Le suicidant peut aussi être revenu en partie sur sa décision et a prévenu un sauveteur qui interviendra ou non selon les hasards de la vie : cet appel reflète l’ambivalence de sa tentative, dont l’aboutissement est remis au hasard.

Exemple

Un matin, dans l’unité que j’ai dirigée, une patiente a téléphoné vers 8h30, avant l’arrivée des médecins et des psychologues, pour annoncer son suicide au gaz. La chance a voulu qu’une secrétaire vienne d’arriver, elle a pris son appel et lui a immédiatement envoyé les pompiers, ce qui l’a sauvée.

Cependant, même si la tentative échoue, faute de moyen efficace ou par hasard, le risque secondaire est la récidive.

Les parasuicides correspondent à un « flirt » avec la mort, mais l’intention directe n’est pas de se tuer. On utilise parfois les termes semi-suicide ou quasi-suicide ou encore suicide mi-intentionnel. Ils correspondent à des conduites impulsives et à risque : voiture, sports extrêmes, prise de drogues, alcool, sexualité à risque, médications massives, automutilations ou jeu de la roulette russe.

Épidémiologie

Selon le rapport de l’ OMS (2014) , la France présentait en 2012 un taux moyen de 12,3 suicides pour 100 000 habitants. Ce taux est plus élevé que celui de l’Allemagne ou du Royaume-Uni. Celui des hommes était de 19,3 pour 100 000 contre seulement 6 pour 100 000 chez les femmes, soit trois fois plus. Le pic de fréquence se situe entre 35 et 54 ans. En 2012, il y a eu officiellement 25 suicides par jour en moyenne avec d’importantes différences régionales. Au total, il y aurait 10 000 suicides par an en France, mais du fait du phénomène de sous-déclaration, il y en aurait environ 12 000. En outre, on compte environ 220 000 tentatives de suicide par an. Sur 25 ans, on constate une baisse du taux de suicide de 20 %, dont 50 % chez les adolescents. Mais le taux reste élevé par rapport à l’ensemble de l’UE (Conseil économique et social, 2017).

Facteurs génétiques

Les études familiales, de jumeaux, et d’adoption de jumeaux élevés à part, montrent de manière robuste un facteur génétique. Cependant, il n’existe pas de gène unique du suicide indépendant des maladies mentales. L’étude de la famille et de l’histoire du sujet reste le meilleur prédicteur (Uher et Perroud, 2010).

Facteurs psychopathologiques

Une étude (Arsenault-Lapierre et al., 2004) portant sur 3 275 suicides a montré que 87 % des personnes suicidées avaient au préalable au moins un diagnostic psychiatrique (troubles affectifs : 43 % ; addictions : 25 % ; trouble de la personnalité : 16 % ; psychoses : 9 %). Le lien est également fort avec le stress post-traumatique (Panagioti, 2009).

Dans les formes graves de dépression, le risque suicidaire peut apparaître, surtout en début de thérapie cognitive, ou bien lorsque le patient est adressé au thérapeute car il a fait une tentative de suicide.

L’impulsivité et le trouble de la personnalité borderline sont liés au passage à l’acte suicidaire : colères pathologiques et jet d’objets, boulimie, jeu pathologique, violences, crimes, conduites antisociales, achats pathologiques, addictions, sexualité impulsive/compulsive. Une automutilation (coupure) prédit une tentative de suicide chez l’adolescent (Wilkinson, 2011).

Environ 80 % des personnes qui font une tentative de suicide ont envoyé des signaux ou ont parlé de suicide. Beaucoup ont vu un médecin ou un psychothérapeute peu avant de se suicider.

Facteurs sociaux : l’effet Werther, l’effet de la crise économique et de la détention d’armes

Le roman autobiographique de Goethe Les Souffrances du jeune Werther, publié en 1774, déclencha une épidémie de suicides dans toute l’Europe. Il dépeignait le suicide au pistolet d’un jeune artiste éconduit par Charlotte qui lui préfère Albert, plus fortuné et que lui destine sa famille. Ce mimétisme suicidaire, baptisé l’effet Werther par Phillips (1974), a souvent été retrouvé par la suite dans des études sociologiques et épidémiologiques, lors de la sortie de romans ou de fi lms qui mettent en scène le suicide, ou encore lors de suicides de célébrités (Phillips et al., 1992). Parfois critiqué, l’effet Werther a reçu une confi rmation récente. La diffusion aux États-Unis par Netfl ix, entre avril et juin 2017, de la série 13 Reasons Why qui dépeint le glissement vers le suicide d’une jeune fille de 17 ans, Hannah Baker, a abouti à des effets mimétiques. Une analyse statistique de séries temporelles (Niederkrotenthaler et al., 2019) a montré une augmentation de 13 % (au total 94) des suicides chez les jeunes de 10 à 19 ans, en particulier chez les jeunes filles, et une augmentation du mode de suicide par pendaison, au moment de cette diffusion. Ces résultats demeurent troublants, car ils représentent une mise en garde adressée aux médias qui atteignent des personnes fragiles, avec une diffusion massive de messages négatifs à toute heure du jour et de la nuit.

Aux États-Unis et en Europe, les effets de la crise économique de 2008 sur le suicide ont été importants, car on compte 10 000 suicides de plus entre 2008 et 2010. Les hommes se suicident plus que les femmes, ils cherchent moins d’aide. Une explication possible est que les effets de la crise sont oppressants et mettent à mal le rôle masculin du « gagneur de pain » qui contrôle ses émotions et qui se trouve diminué par la perte de travail ou les difficultés de maintien dans l’emploi (Reeves et al., 2014).

Un troisième facteur significatif est la détention d’armes qui rend disponible à tout moment un instrument de suicide sans appel qui peut être mis en acte par des personnes impulsives, ou en crise suicidaire, comme peut l’être un déprimé mélancolique aigu. L’on a observé une diminution des suicides masculins en Suisse après une loi qui abaissait l’âge des périodes militaires à 33 ans et faisait obstacle à l’achat d’armes de service. Il n’y eut pas de compensation de cette baisse par d’autres modes de suicide (Reisch et al, 2013).

Synthèse des facteurs de risque suicidaire

Une étude de Logan et al. (2011) permet de résumer les facteurs de risque suicidaire (figure 14.1). La présence d’antécédents familiaux de suicide ou de tentative de suicide est à rechercher avec beaucoup d’attention, car ils ont une haute valeur pronostique.

Dix facteurs de risque de mort par suicide.

Figure 14.1 . Dix facteurs de risque de mort par suicide. D’après Logan, J., Hall, J., Karch, D. (2011). Suicide categories by patterns of known risk factors : a latent class analysis. Archives of General Psychiatry, 68 , 935–41.

Pratique des psychothérapies cognitives et comportementales

Évaluation clinique du risque suicidaire

L’attitude générale du thérapeute doit être empreinte d’empathie, de solidité et de professionnalisme. Le thérapeute ne doit pas invalider les comportements suicidaires comme solution aux problèmes de l’existence : « C’est une solution, mais sans doute y en a-t-il d’autres que vous ne voyez pas pour l’instant. » Et il faut immédiatement amener le patient à examiner toutes les autres solutions en discutant pas à pas les avantages et les désavantages du suicide, les conséquences sur soi, les autres et le futur d’un suicide, mais aussi les conséquences du fait de ne pas se suicider. En effet, le suicide n’est jamais la seule solution. En fait, la très grande majorité des personnes qui font des tentatives de suicide ne veulent pas mourir. Les suicidants veulent cesser de souffrir et se sentent incapables de résoudre un (ou plusieurs) problème(s). La thérapie consiste à permettre au patient de récupérer un fonctionnement cognitif suffi samment objectif pour qu’il annule son projet suicidaire et trouve les solutions alternatives.Le thérapeute exprime sa compassion et sa compréhension de la souffrance et du désespoir qui mènent au suicide et examine quelle fonction représente le suicide dans la vie du patient. Une ou plusieurs des huit fonctions suivantes motivent les pensées suicidaires et sous-tendent le risque de passage à l’acte. Cette liste n’est pas exhaustive, mais recoupe de nombreux cas cliniques.

Fonctions du suicide

  1. Fonction d’appel : être entendu, compris, protégé, reconnu à travers la culpabilité et la compassion des autres.

  2. Fonction d’évitement temporaire d’émotions intolérables, de la douleur ou d’une réalité insupportable.

  3. Fonction de dormir : réduction de la tension insupportable de l’anxiété et du stress.

  4. Fonction de mourir : solution à un problème jugé sans espoir (maladie sans issue, échec irrémédiable, abandon insupportable).

  5. Fonction ordalique : c’est le jugement de Dieu qui décidera si le suicide réussira ou pas.

  6. Fonction palingénésique : renaître pour une vie meilleure après avoir côtoyé la mort.

  7. Fonction ailleurs : aller dans l’au-delà pour trouver un monde meilleur.

  8. Fonction narcissique : récupérer son honneur perdu par une mort exemplaire.

Méthodes psychométriques pour évaluer le risque suicidaire

Le thérapeute doit reconnaître et évaluer le plan suicidaire du patient en s’aidant de l’item 9 de l’inventaire de dépression de Beck (cf. chapitre 13). Si cet item atteint le score maximum, il faut, le plus souvent, envisager une hospitalisation tout en continuant la thérapie.Il est également possible de se servir de l’échelle de désespoir de Beck (échelle H), dont le score peut indiquer un haut potentiel suicidaire. Cette échelle est présentée en annexe 1 de ce chapitre avec ses seuils qui peuvent aider à la décision thérapeutique.Il peut arriver que le patient ait déjà fait plusieurs tentatives de suicide : il est possible d’évaluer le risque létal avec l’échelle d’intention suicidaire de Beck. Cette échelle est présentée en annexe 2 de ce chapitre. Beck et Steer (1989) ont validé sa valeur pronostique : ils soulignent, en particulier, que l’association, lors d’une tentative de suicide, d’alcoolisme et de précautions pour ne pas être découvert présente une forte valeur prédictive d’un suicide futur. Ce profil orientera donc les soignants vers une prise en charge intensive de l’addiction et de la dépression.

Méthodes d’urgence pour modifier le risque suicidaire

Si le patient n’est pas hospitalisé, il faut mettre en place une assistance téléphonique jour et nuit, solliciter le soutien de l’environnement et, surtout, effectuer des séances rapprochées (deux à trois par semaine).D’emblée, le thérapeute va proposer deux approches qui peuvent modifier les plans suicidaires :

  • il peut aider le patient à externaliser sa responsabilité par rapport à ce qui se passe de négatif dans sa vie, à ne s’attribuer que la responsabilité qui lui revient en propre et à ne pas se blâmer et se faire justice lui-même pour des événements qui ne dépendent pas entièrement ou même pas du tout de lui. Pour ce faire, on peut lui demander d’attribuer un pourcentage de sa responsabilité personnelle à tous les facteurs qu’il invoque dans la situation qu’il juge sans issue. Cette technique est souvent appelée « camembert des responsabilités » (figure 14.2) ;

  • le suicide résulte souvent de l’incapacité à résoudre un (ou des) problème(s). Pourtant, il existe des solutions. Mais le stress bloque le fonctionnement cognitif et les stratégies d’adaptation ne fonctionnent plus. La technique de résolution de problème (cf. chapitre 13) peut relancer la pensée positive et les stratégies d’adaptation qui permettront de faire face à la crise et se généraliseront ensuite aux situations problématiques de la vie de tous les jours. Elle aura lieu sur plusieurs séances jusqu’à l’adoption d’une solution positive qui résolve la crise.

Camembert des responsabilités quand le patient se blâme excessivement → 3 % de responsabilité.

Figure 14.2 . Camembert des responsabilités quand le patient se blâme excessivement → 3 % de responsabilité.

Vous venez de découvrir un extrait de l'ouvrage Les psychothérapies cognitives et comportementales, 7e édition, de Jean Cottraux.

© 2020 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.

Auteur

Jean Cottraux

Psychiatre honoraire des hôpitaux Ancien chargé de cours au CHU de Lyon Membre fondateur de l’Académie de thérapie cognitive de Philadelphie Ancien président de l’Association européenne de thérapie comportementale et cognitive (EABCT)