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Lupus monogénique

5 juillet 2023

Par Anne-Claire N.

Lupus Monogénique

Lupus Monogénique

Nous vous proposons de découvrir le chapitre sur le lupus monogénique de l'ouvrage Maladies Immunitaires de l'enfant

Maladies Immunitaires de l'enfant

Maladies Immunitaires de l'enfant

Lupus monogénique

Alexandre Belot, Maud Tusseau et Brigitte Bader-Meunier

Le lupus systémique est le paradigme de l’autoimmunité systémique et se distingue de l’autoimmunité spécifique d’organe par l’atteinte diffuse multiorganique et la positivité des autoanticorps antinucléaires. Certaines formes de lupus à début précoce ou de lupus familiaux correspondent à des formes de lupus monogéniques, c’est-à-dire à un phénotype lupique lié à une variation génétique qui conduit à une rupture de tolérance. Les déficits de la voie classique du complément représentent la forme la plus anciennement décrite d’auto-immunité systémique monogénique. L’excès de production d’interféron de type 1 (IFN I) définissant le champ des interféronopathies de type  I est aussi une cause génétique de lupus (voir chapitre 24). Nous aborderons ici les principales formes connues de lupus monogénique qui représentent au moins 7 % des formes de lupus de l’enfant.

Physiopathologie et particularité clinique

Plusieurs anomalies immunologiques conduisent au développement d’un lupus systémique, témoignant de l’hétérogénéité de cette entité. Il s’agit des anomalies de l’efferocytose, un mécanisme régulant l’élimination des corps apoptotiques, des anomalies de la régulation de l’IFN et enfin des ruptures de tolérance lymphocytaire aux autoantigènes. Il est intéressant de souligner que les principales causes de lupus monogéniques concernent un déficit de l’immunité innée.

Les lupus monogéniques ont des caractéristiques clinicobiologiques souvent peu différentes des lupus juvéniles. Un début précoce ou une atteinte familiale, l’association à une atteinte neurologique préexistante à la survenue du lupus (retard de développement psychomoteur, syndrome pyramidal) sont des éléments évocateurs. Certaines caractéristiques phénotypiques sont plus volontiers retrouvées dans certaines formes de lupus monogéniques.

Déficits de l’immunité innée

Défauts d’efferocytose

Déficits en complément et déficit de DNASE1L3

Ils représentent 1 % des lupus systémiques et sans doute plus de 5 % des lupus juvéniles. Les déficits en C1q/r/s sont les plus pénétrants avec près de 90 % de risque de lupus en cas de déficits complets suivis des déficits en C4, C2 et C3. Les déficits en C1q d’origine autosomique récessive sont responsables de LS à début précoce avec atteinte du système nerveux central et néphrite lupique. Il y a plusieurs copies de C4A et C4B sur le chromosome 6. Les déficits en C4A ou B complets sont rares, mais les déficits partiels sont fréquents. Ils sont retrouvés dans certains LS pédiatriques avec atteintes cutanées et C4 bas en dehors d’une poussée. Les déficits en C2, autosomique récessif, de pénétrance incomplète (20  %), sont plutôt observés dans les LS de l’adulte avec atteinte cutanéo-articulaire prédominante. Ils sont relativement fréquents. Les déficits en C3 sont très rares et sont caractérisés par une atteinte cutanée au premier plan. L’association lupus et déficits en compléments souligne l’importance du complément dans la tolérance vis-à-vis des autoantigènes, en solubilisant les complexes immuns circulants, en facilitant l’élimination des corps apoptotiques et possiblement aussi sur la régulation des voies de détection des acides nucléiques. Parmi les éléments d’alerte devant faire évoquer un lupus systémique par déficit en compléments, on retrouve une susceptibilité aux infections notamment aux germes encapsulés, le profil immunologique avec présence d’ACAN sans antiDNA natif et un CH50 abaissé même en dehors des poussées alors que les fractions  C3 et C4 peuvent être normales.

Le déficit en DNASE1L3

DNASE1L3 est une enzyme extracellulaire sécrétée qui permet la digestion des acides nucléiques présents au sein des corps apoptotiques. Le déficit en DNASE1L3 conduit à une mauvaise élimination des acides nucléiques extracellulaires et l’induction d’une réponse inflammatoire via la voie des TLR/MyD88. Les déficits en DNASE1L3, autosomique récessif, sont caractérisés par un lupus systémique avec néphrite lupique fréquente. Une présentation particulière de ce déficit est le syndrome de McDuffie avec vascularite urticarienne hypocomplémentémique. La présence d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles est un élément évocateur.

Interféronopathies

Les IFN I comprennent 17 différents IFN, cytokines, dont le rôle est essentiel dans la réponse antivirale, et présentent des fonctions régulatrices clés dans les réponses immunitaires innées et adaptatives. La production excessive de l’IFN-α est considérée comme un marqueur du lupus systémique. Cette production d’IFN de type  I est également retrouvée dans les phénotypes lupique-like dans les interféronopathies de type I, un groupe de maladies spécifiquement associées à une production excessive de l’IFN de type I. Les interféronopathies de type  I surviennent essentiellement dans le cadre d’un défaut enzymatique des nucléases qui régulent les acides nucléiques intracytoplasmiques, d’un excès de signalisation des récepteurs des acides nucléiques ou d’une sensibilité excessive des interférons sur leurs récepteurs. Le détail de la physiopathologie des interféronopathies de type I est détaillé dans le chapitre 24. Les lupus systémiques observés dans le cadre des interféronopathies se caractérisent par un début précoce et à diverses manifestations comprenant auto-immunité familiale, engelures, calcifications cérébrales, microcéphalie, retard de développement PM, parésies spastiques, une signature IFN fortement positive. Il est important de relever que ces atteintes peuvent être dissociées au sein d’une même famille avec une expressivité variable (un membre avec signature IFN positive sans aucun symptôme, un autre membre avec une paraparésie spastique et un dernier avec un lupus systémique). Dans le cas d’un lupus avec mutation du gène ACP5 (qui code pour la phosphatase acide tartrate-résistante [TRAP]), dont le mode de transmission est autosomique récessif, on retrouve volontiers une atteinte rénale, hématologique mais également une dysplasie osseuse avec spondylo-enchondrodysplasie. La petite taille et une dysplasie osseuse associée au lupus doivent faire évoquer ce diagnostic.

Mutations gain de fonction de TLR7

Alors que le déficit en TLR7 (hémizygotie, lié au chromosome X) conduit à une susceptibilité aux infections virales chez le garçon, des mutations (notamment Y264H) sont responsables d’un tableau de lupus systémique à début précoce pouvant concerner les garçons et les filles.

Déficits de l’immunité adaptative – déficit de tolérance lymphocytaire

Les lymphocytes  B (LB) jouent un rôle central dans la pathogenèse du lupus. Le déficit en PKC-δ (protéine kinase C-δ) a été identifié comme la première forme de lupus monogénique liée aux LB chez l’homme, caractérisée par une perturbation de l’homéostasie des LB. La protéine PKC-δ est une molécule proapoptotique essentielle dans la survie et la tolérance des LB qui est impliquée dans l’élimination des LB transitionnels autoréactifs. Le déficit en PKC-δ s’accompagne également d’une fonction NADPH oxydase altérée au sein des macrophages conduisant à un phénotype dysimmunitaire large avec une susceptibilité aux infections et auto-immunité, et des éléments de lymphoprolifération. Le déficit en PKC-δ se traduit cliniquement par un lupus systémique sévère, une lymphoprolifération et une susceptibilité aux infections (bactérienne encapsulée, virale) (figure 23.1). L’expansion des lymphocytes doubles négatifs est parfois retrouvée. Les LB transitionnels sont augmentés et les LB mémoires sont diminués. Il peut exister une hypergammaglobulinémie avec un déficit en sous-classe d’IgG.

Fig 23.1

Fig 23.1

Le déficit en P2RY8 a été plus récemment décrit et s’associe à un lupus ou un SAPL (syndrome des antiphospholipides). Il s’agit de mutation hétérozygote responsable d’un défaut de confinement des LB dans les follicules lymphoïdes, responsable d’une rupture de tolérance. Des mutations gain de fonction de TLR7 ont été décrites récemment avec un phénotype de lupus ou SAPL avec une hérédité dominante.

Diagnostic

Les examens de laboratoire nécessaires sont le CH50 qui doit se normaliser en dehors des crises (les C4 et C3 peuvent être normaux dans certains déficits en complément). La présence d’anticorps anti-Ro contraste avec la faible fréquence d’autoanticorps antiDNA dans les déficits en complément. Les ANCA sont positifs dans le déficit en DNASE1L3 et peuvent être positifs dans certaines interféronopathies. La « signature IFN » est utile pour démasquer chez l’enfant et ses parents l’expression excessive d’IFN-I mais elle s’observe également dans de nombreux cas de lupus systémiques non monogéniques, et n’est donc pas spécifique. Le diagnostic repose sur l’identification des variants causals en biologie moléculaire dans un laboratoire de génétique. Les stratégies de panel qui ont été développées dans les déficits immunitaires et maladies auto-inflammatoires comprennent les gènes de lupus monogéniques. Dans de rares cas (mutations connues, caractéristiques phénotypiques évocatrices), une recherche par séquençage classique Sanger peut être proposée. Le tableau 23.1 résume les principales caractéristiques des lupus monogéniques.

Tab 23.1

Tab 23.1

Traitement

Allogreffe de moelle

Certains déficits comme le déficit en C1q ou les déficits en PKC-δ sont accessibles à l’allogreffe de moelle, dans les formes sévères. Des programmes de thérapie cellulaire pour certaines interféronopathies sont aussi envisagés mais aucun actuellement n’a dépassé le stade préclinique.

Inhibition de la voie interféron

Les traitements par inhibiteurs de JAK ont été proposés dans certaines interféronopathies. Les résultats sont variables selon la maladie génétique et le type d’atteinte.

Déficit en PKC-δ, rupture de tolérance B

Les antiprolifératifs (mycophénolate mofétil, inhibiteur de mTOR) sont proposés en traitement de fond lorsque la lymphoprolifération est au premier plan et les traitements antilymphocytaires  B ont également montré leur efficacité sur les manifestations auto-immunes.

Alexandre Belot, Service de néphrologie, rhumatologie, dermatologie pédiatriques, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, Centre international de recherche en infectiologie INSERM U1111, Lyon Maud Tusseau, Service de génétique, Groupe hospitalier Est, Hospices civils de Lyon, Lyon, France  ; Centre international de recherche en infectiologie, INSERM, U1111, Université Claude-Bernard, Lyon  1, Centre national de la recherche scientifique, UMR5308, ENS, Lyon, France. Brigitte Bader-Meunier, Unité d’immunologie, hématologie, rhumatologie pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), Paris, France ; Institut Imagine, Laboratoire d’immunogénétique des maladies autoimmunes, INSERM UMR 1163, Paris, France.

Maladies immunitaires de l’enfant © 2023, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

À lire également

Le développement neurocognitif de la naissance à l’adolescence, par P. Fourneret et E. Gentaz, 2022, 248 pages. Cardiologie de l’enfant : du fœtus à l’adulte, par R. Henaine et J.-B. Thambo, 2022, 456 pages

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Références

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