Magnétisme nucléaire
France | 4 mars 2018
Par Monique Remillieux
Rappel : champ magnétique–électricité
Le magnétisme et le déplacement d‘une charge électrique sont liés l’un à l’autre. Un courant électrique (déplacement d’électrons de charge négative) dans un fil conducteur induit une force magnétique ou champ magnétique. De même, un champ magnétique en mouvement engendre un courant électrique (fig. 1-1).
Fig. 1-1. Expérience d‘OErsted et Faraday. Le physicien OErsted a mis en évidence, en 1820, qu’un courant électrique produit un champ magnétique : si l’on place une boussole à proximité d’un fil où circule un courant électrique, celle-ci s’oriente à 90° par rapport au fil conducteur (dans l’axe du champ magnétique induit par le courant) (a). À l’inverse, un aimant peut servir à produire un courant électrique. Le physicien français Michel Faraday l’a prouvé quelques années après, en 1831, en introduisant un barreau aimanté dans une bobine conductrice (b). Illustrations issues de l‘article de B. Kastler, C. Clair, D. Vetter, R. Allal, B. Favreau, A. Pousse et al. Du magnétisme du proton au signal par résonance magnétique nucléaire. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris). Radiologie et imagerie médicale : principes et techniques radioprotection, 35-010-A-10. 2000.
C’est sur ce principe que fonctionne une dynamo de bicyclette : la roue entraîne un aimant tournant sur un axe à l’intérieur d’un solénoïde (bobine de fil conducteur) qui fournit un courant électrique (fig. 1-2). Le moteur électrique fonctionne sur le principe inverse : un courant électrique passe dans un solénoïde induisant un champ magnétique tournant qui entraîne un aimant monté sur un axe. On peut donc admettre une réciprocité entre magnétisme et charge électrique en mouvement.
Fig. 1-2. Principe de fonctionnement d‘une dynamo.
L’aimant qui tourne entrainé par la roue fait apparaitre dans la bobine un courant électrique.
Application au noyau atomique
Le noyau de l’atome est constitué d’un certain nombre de protons et neutrons (nucléons) animés d’un mouvement collectif complexe comportant en particulier une rotation individuelle autour d’un axe passant par leurs propres centres (en anglais tourner sur soi-même se dit to spin).
Une particule qui tourne induit autour d’elle un moment cinétique1 ou «spin»2, aligné sur son axe de rotation (représenté par un vecteur S ). Les protons sont chargés positivement et leur nombre est égal au nombre d’électrons périphériques pour respecter la neutralité´ électrique de l’atome. Une charge qui tourne, comme nous venons de le voir, induit autour d’elle un champ magnétique appelé moment magnétique (en fait lié au moment cinétique ou spin et également aligné sur son axe de rotation, voir Annexe 1). Ce moment magnétique est représenté par un vecteur d‘aimantation vecteur µ (fig. 1-3). Bien qu’électriquement neutres, les neutrons possèdent également un moment magnétique. Cela est lié au fait que les nucléons (les neutrons comme les protons) sont constitués de sous-particules positives et négatives en rotation, les quarks, dont la distribution de charge en rotation va induire un moment magnétique que l’on peut représenter comme un dipôle magnétique (assimilé à un petit aimant avec un pôle positif et négatif) animé d’un mouvement de rotation.
Fig. 1-3. Une particule qui tourne induit autour d’elle un moment cinétique ou «spin», aligné sur son axe de rotation et représenté par un vecteur S. Une charge qui tourne induit autour d’elle un champ Magnétique appelé moment magnétique (en fait lié au moment cinétique ou spin et également aligné sur son axe de rotation) représenté par un vecteur d’aimantation vecteur µ.
En fait, chaque nucléon est constitué de trois quarks liés entre eux par ce qu’on appelle l’«interaction forte». On détermine deux types de quarks :
les quarks up (symbole = u) dont la charge électrique représente+2/3 de celle d’un électron ;
les quarks down (symbole = d) dont la charge électrique est de – 1/3 de celle de l’électron.
Ainsi, les protons sont constitués de deux quarks up et d’un quark down (u + u + d) ce qui conduit à une charge électrique de+1(+2/3+2/3-1/3 = +1). Les neutrons sont constitués d’un quark up et de deux quarks down (u + d + d) : leur charge électrique est alors nulle (+2/3 – 1/3 – 1/3 = 0) (fig. 1-4). Cette répartition des quarks détermine le moment magnétique global du nucléon. Ainsi, bien que le neutron soit électriquement neutre, la résultante de son moment magnétique n’est pas nulle. Le moment magnétique du neutron est environ égal aux 2/3 de celui du proton (voir fig. 1-4).
Fig. 1-4. Rappels sur la structure de l’atome. Le noyau de l’atome est constitué de protons (+) et de neutrons (N) (les nucléons). Le nombre de protons est égal au nombre d’électrons périphériques (–) pour respecter la neutralité de l’atome. Chaque nucléon est lui-même constitué de trois quarks. Il existe deux types de quarks : – les quarks up (u) dont la charge électrique est de + 2/3 de celle d’un électron ; – les quarks down (d) dont la charge électrique est de – 1/3 de celle de l’électron. Les protons sont constitués de deux quarks up et d’un quark down (u + u + d) : charge électrique de + 1 (+ 2/3 + 2/3 – 1/3 = + 1). Les neutrons sont constitués d’un quark up et de deux quarks down (u + d + d) : charge électrique nulle (+ 2/3 – 1/3 – 1/3 = 0). Le moment magnétique du neutron est environ égal aux 2/3 de celui du proton.
Selon le modèle dit «en couche», au sein du noyau de l’atome, les nucléons (comme les électrons) vont se répartir sur différentes couches d’énergie. Sur ces couches, les neutrons d’une part et les protons d’autre part s’apparient (comme le feraient deux aimants) et leurs moments magnétiques s’annulent deux par deux (dans le but de maintenir un niveau d’énergie nucléaire peu élevé´ et le plus stable possible). De ce fait, seul les atomes à nombre impair de nucléons (ayant un nucléon «isolé » non apparié´ sur une couche externe) possèdent un moment magnétique «total» qu’on qualifie d’intrinsèque ou élémentaire (fig. 1-5).
Fig. 1-5. Le proton (+) et le neutron (N) possèdent tous deux un moment magnétique (relié au «spin») représenté par un vecteur d’aimantation. Rappelons que le moment magnétique du neutron est environ égal aux 2/3 de celui du proton. Les protons et les neutrons ont tendance à s’apparier, annulant leurs moments magnétiques (comme le feraient deux aimants). Seuls les atomes à nombre impair de nucléons (ayant un nucléon «isolé » non apparié sur une couche externe) possèdent des propriétés magnétiques, c’est-à-dire un moment magnétique intrinsèque ou élémentaire.
Les principaux noyaux d’intérêt biologique possédant des propriétés magnétiques sont les noyaux d’hydrogène (1H), de l’isotope du carbone (13C), du fluor (19F), du phosphore (31P) (spin 1/2) et du sodium (23Na) (spin 3/2). Seul le noyau d’hydrogène, formé d’un seul proton, joue un rôle important en imagerie aujourd’hui (on parle d’IRM « protonique »). Cela est lié au fait que l’hydrogène, qui représente 2/3 des atomes de l‘organisme, possède un moment magnétique intrinsèque (protonique) élevé et donne lieu à un phénomène de résonance très net. Ce moment magnétique intrinsèque est représenté par un vecteur d’aimantation « microscopique » vecteur µ aligné sur son axe de rotation (lié au moment cinétique ou spin vecteur S également aligné sur son axe de rotation). Comme nous l’avons vu précédemment, le moment magnétique vecteur µ apparait parce que le proton porte une charge positive et tourne sur lui-même. Le proton peut donc être assimilé à un petit aimant (dipôle magnétique) avec un pôle Nord et un pôle Sud (fig. 1-6). Nous verrons au chapitre suivant que, placés dans un champ magnétique externe, les protons vont avoir tendance à s’orienter dans la direction de ce dernier avec deux orientations possibles, se répartissant en deux populations correspondant à deux niveaux d’énergie distincts (voir Annexe 1).
Fig. 1-6. Les protons (noyaux d’hydrogène) portent une charge positive. Une particule qui tourne induit autour d’elle un moment cinétique ou «spin» aligné sur son axe de rotation représenté par un vecteur S. Une charge qui tourne induit autour d’elle un champ magnétique appelé moment magnétique (lié au spin et également aligné sur son axe de rotation), représenté par un vecteur d’aimantation «microscopique» noté vecteur µ. Ils peuvent donc être assimilés à de petits aimants (dipôles magnétiques) avec un pôle Nord et un pôle Sud.
À retenir
Réciprocité entre magnétisme et charge électrique en mouvement.
Noyau d’hydrogène = proton.
Protons en rotation -> moment magnétique aligné sur son axe de rotation (relie´ au «spin») -> vecteur d’aimantation vecteur µ.
Protons = petits aimants.
IRM du proton.
Ce chapitre comporte des compléments en ligne.
Références
1 Lorsqu’une toupie tourne, elle est maintenue en position verticale par son moment cinétique. Dès qu’elle ne tourne plus, elle tombe sur le côté. Le moment cinétique représente une donnée vectorielle qui «tire» la toupie vers le haut pendant qu’elle tourne comme si elle était tendue par un fil.
2 Le spin ne peut prendre que des valeurs particulières, entières ou demi-entières, par exemple 0, 1/2, 1, 3/2, etc. (voir Annexe 1).
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Auteurs
Bruno Kastler Professeur des Universités-Médecin des Hôpitaux, Université de Paris Descartes, Unité d’algoradiologie interventionnelle, radiologie adulte Hôpital Necker et Imagerie HEGP (Hôpital Européen Georges Pompidou), Licencié en physique, CES de radiologie et CES de cardiologie, Professeur associé CHU Sherbrooke, Canada, Directeur laboratoire LI4S UA 6842 (Innovation, Intervention, Imagerie, Ingénierie pour la santé)
Daniel VETTER Cadre de santé, Unité d’IRM, Hôpital de Hautepierre, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Enseignant vacataire, section IMRT, Lycée Jean Rostand, Strasbourg, Enseignant vacataire en formation continue à l’Université de Strasbourg (UDS), Membre de la Commission IRM de l’Association Française du Personnel Paramédical d’Électroradiologie (A.F.P.P.E.)
Zoltan PATAY (version hongroise) Professeur de radiologie, Faculté de médecine, Université du Tennessee, Chef de section de neuroradiologie, Saint-Jude Children’s Research Hospital, Memphis, États-Unis
Philippe GERMAIN Cardiologue, Praticien attaché en IRM, Hôpitaux universitaires de Strasbourg
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