Spécificité du sport féminin
France | 10 août 2023
Par Anne-Claire N | 5 03 2020
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Spécificité du sport féminin
M. Duclos
Martine Duclos, professeur des universités, praticien hospitalier, chef du service de médecine du sport et des explorations fonctionnelles, CHU Gabriel-Montpied, Clermont-Ferrand.
Troubles du cycle chez la sportive
Beaucoup de fausses idées circulent sur les relations entre la pratique sportive et ses conséquences sur le cycle hormonal ovarien. L'entraînement sportif – même intensif – ne doit pas induire de troubles du cycle ni d'anomalies hormonales. De ce fait, la présence de troubles du cycle chez une sportive nécessite une prise en charge appropriée car ils peuvent avoir des conséquences sur la santé de la femme sportive.
Quels troubles du cycle chez les sportives ?
Les troubles du cycle qui peuvent être rencontrés chez la femme sportive (et non sportive) peuvent être représentés selon une échelle de gravité croissante : depuis la présence de cycles normaux, ovulatoires, dont la durée est de 26 à 32 jours, il y a un continuum qui commence par l'insuffisance lutéale (phase lutéale de durée < 10 jours), se poursuit par l'anovulation puis l'oligoménorrhée (durée des cycles > 35 jours), jusqu'à l'aménorrhée (disparition des règles depuis plus de 3 mois). L'insuffisance lutéale et les cycles anovulatoires représentent les troubles du cycle les plus fréquemment rencontrés chez les femmes sportives mais ne sont pas diagnostiqués du fait de leur caractère asymptomatique puisque les femmes peuvent avoir, malgré tout, des cycles réguliers et de durée normale et, dans ce cas, le diagnostic ne peut être fait que sur des dosages hormonaux répétés. Ainsi, en dosant sur des recueils urinaires des 24 h quotidiens pendant trois cycles consécutifs, la luteinizing hormone (LH) et les métabolites de l'oestradiol et de la progestérone chez des femmes sportives (au moins 2 h de sport par semaine et VO2max > 40 mL/kg/min) et non sportives (< 2 h de sport par semaine et VO2max < 40 mL/kg/min) ayant toutes des cycles réguliers (26 à 35 jours) et constants, De Souza et al. [1] ont montré que la fréquence des troubles du cycle de type phase lutéale courte ou de type cycles anovulatoires était élevée chez les sportives : 52 % chez les sportives (30 % d'insuffisance lutéale et 20 % de cycles anovulatoires) versus 5 % chez les non-sportives. Ainsi, une longueur de cycle normale n'est pas un marqueur fiable de la fonction ovarienne dans la population de femmes sportives. Quant à l'aménorrhée, sa fréquence est plus élevée dans les sports d'endurance (30,9 %), dans les sports dits « esthétiques » (patinage artistique, gymnastique ; 34,5 %) et dans les sports à catégorie de poids (23,5 %) [2], c'est-à-dire dans les sports qui ont en commun d'être des sports dits portés, pour lesquels les contraintes mécaniques imposées par le poids sont une limite à la performance. La fréquence de l'aménorrhée est plus faible pour les sports non portés (natation et cyclisme) : autour de 12 % (ce qui correspond aussi à la fréquence retrouvée dans la population générale) [2]. Ces différences suggèrent que l'aménorrhée est plus fréquente chez les sportives qui se soumettent à des régimes permettant de maintenir une masse grasse faible dans les sports où la maîtrise de la composition corporelle est un facteur de réussite. À l'inverse, dans les sports dits techniques (golf, plongeon, curling, équitation, tir) ou les sports de balle (volley, basket), la fréquence des troubles du cycle n'est pas plus élevée chez les athlètes ayant une activité sportive intensive (jusqu'à 12 à 18 h d'entraînement par semaine) que chez les femmes non sportives [2].
Physiopathologie des troubles du cycle chez la sportive : rôle du déficit énergétique chronique
Les facteurs nutritionnels (déficit nutritionnel global par rapport aux dépenses énergétiques et déficit qualitatif en apports lipidiques : 12 à 15 % de la ration alimentaire) sont impliqués dans les troubles du cycle chez la femme sportive. De plus, ces anomalies ne sont pas réservées exclusivement aux troubles du cycle les plus sévères (aménorrhée) ; il existe un véritable continuum entre sévérité du déficit énergétique et sévérité des troubles du cycle. Ainsi, chez les sportives ayant des cycles ovulatoires, la dépense énergétique des 24 h est bien équilibrée par les apports alimentaires des 24 h, tandis que chez les femmes présentant une phase lutéale courte il existe souvent un déficit énergétique transitoire et modéré. L'anovulation chez la sportive s'associe plutôt à une alternance entre des périodes d'apports alimentaires équilibrés et des périodes de restriction alimentaire. Enfin, l'oligoménorrhée et plus encore l'aménorrhée s'accompagnent d'un déficit énergétique chronique. À l'inverse, si le bilan énergétique est équilibré, le volume d'entraînement (jusqu'à 17 h par semaine) n'induit pas de troubles du cycle [2]. Les troubles du cycle chez la sportive sont d'origine hypothalamo-hypophysaire avec une diminution de la pulsatilité de la gonadotropin releasing hormone (GnRH) hypothalamique induisant une diminution de la pulsatilité de l'hormone lutéinisante (luteinizing hormone ou LH) hypophysaire. En d'autres termes, les modifications de la fonction ovarienne chez la femme sportive sont d'origine centrale en rapport avec le métabolisme énergétique et non pas avec le stress de l'exercice (hyperthermie, sécrétion prolongée et répétée de cortisol, etc.). Le seuil de disponibilité énergétique (apports alimentaires des 24 h [en kcal] moins la dépense énergétique liée à l'exercice), en dessous duquel les troubles de la pulsatilité de LH apparaissent, est de 30 kcal/kg de masse maigre par jour [3]1. Le lien entre le déficit énergétique et les troubles du cycle peut s'expliquer, au moins en partie, par la diminution de la production de leptine par les adipocytes. La sécrétion de leptine est proportionnelle à la masse de tissu adipeux, sous contrôle de la balance énergétique. Des récepteurs à la leptine sont présents, entre autres, au niveau de l'hypothalamus et au niveau de l'ovaire. Les athlètes pourraient représenter un modèle dans lequel la leptine agit comme un signal métabolique pour l'axe gonadotrope. La moyenne (sur 24 h) de la concentration plasmatique de leptine est trois fois plus basse chez les athlètes indépendamment de leur statut ovarien (cycles réguliers ou non), par rapport à celle des non- sportives. Cette moyenne sur 24 h est inversement corrélée à la masse grasse. Il existe par ailleurs un rythme nycthéméral de la leptine avec approximativement une augmentation de 50 % entre le nadir (à 9 h) et le pic de concentration (à 1 h). Ce rythme nycthéméral est totalement aboli chez les sportives en aménorrhée [4].
1 Exemple : pour une femme de 58 kg avec 40 kg de masse maigre, faisant 2 h/j de sport correspondant à une dépense énergétique de 700 kcal, la disponibilité énergétique doit être supérieure à 1 200 kcal, c'est-à-dire que les apports alimentaires doivent être au moins égaux à 700 + 1 200 = 1 900 kcal/j.
Enfin, des données récentes montrent que, chez des femmes en aménorrhée hypothalamique (dont des sportives), l'administration isolée de leptine pendant 2 semaines à des doses permettant d'obtenir des concentrations plasmatiques similaires à celles des femmes ayant un poids et une masse grasse normaux améliore les fonctions de reproduction (augmentation de la concentration plasmatique de LH et de la fréquence des pulses de LH, apparition de cycles ovulatoires). La leptine, marqueur d'un niveau adéquat de réserves énergétiques, apparaît comme nécessaire à une fonction de reproduction et à une fonction neuroendocrine normale [5].
À retenir Ces résultats soulignent le lien existant entre les adipocytes, le statut nutritionnel et l'intégrité de l'axe gonadotrope chez la femme et le fait qu'il existe un véritable continuum entre sévérité du déficit énergétique, sévérité des troubles du cycle et importance des ajustements métaboliques, hormonaux et énergétiques de l'organisme.
Conséquences des troubles du cycle chez la sportive
Fécondité et retard pubertaire
Les conséquences à court terme de l'aménorrhée de la sportive portent sur la fécondité. Malheureusement, nous ne disposons pas de données épidémiologiques exploitables sur des populations de taille suffisante de sportives non aménorrhéiques pour conclure à une diminution de la fécondité. La fréquence des cycles anovulatoires laisse présager que la fertilité moyenne sur une population sportive est diminuée. Une autre conséquence de l'impact de l'entraînement physique intense sur les fonctions de reproduction est le retard pubertaire. Les nombreux travaux rapportés dans la revue de Warren et Perlroth [6] ont mis en évidence un retard pubertaire se traduisant par une apparition tardive de la ménarche (jusqu'à l'âge de 17 ans) chez des jeunes sportives soumises à un entraînement intense. Comme pour les sportives adultes, certains sports sont plus concernés que d'autres et l'on retrouve la notion de sports imposant une maîtrise de la composition corporelle comme la danse ou la gymnastique. Dans ce cas, il est bien établi que ce retard est lié au déficit énergétique. Il a été bien établi que ce retard pubertaire et ses conséquences sur le développement staturopondéral sont rattrapés lors de l'arrêt de l'entraînement intensif [7].
Troubles de la fonction endothéliale
Des données récentes montrent que, paradoxalement, les femmes sportives en aménorrhée ont aussi, du fait de l'arrêt de la production d'oestrogènes, des troubles de la fonction endothéliale (activation inflammatoire endothéliale) et un profil lipidique athérogène : augmentation significative du cholestérol total, du LDL (low density lipoprotein) cholestérol, de l'apolipoprotéine B et de la lipoprotéine a par rapport à des femmes non sportives ayant des cycles réguliers [8]. Les mêmes anomalies sont retrouvées chez les sportives en oligoménorrhée mais à un niveau intermédiaire, c'est-à-dire moins important que chez les sportives en aménorrhée mais augmenté par rapport aux sportives ayant des cycles réguliers. Les conséquences à long terme par rapport au risque cardiovasculaire ne sont pas connues.
Ostéopénie et ostéoporose
L'aménorrhée de la femme sportive s'accompagne d'une carence oestrogénique induisant une perte osseuse identique à celle observée chez la femme ménopausée. Cette perte osseuse est maximale les premières années suivant l'installation de l'aménorrhée. Il est donc nécessaire de la dépister et la traiter précocement. Si l'aménorrhée survient au moment de la puberté (aménorrhée primaire), dans ce cas, la perte osseuse se produit alors que le pic de masse osseuse n'est pas atteint. Ces adolescentes entreront dans la vie adulte avec ce qui pourrait être un déficit en masse osseuse irréversible et un risque augmenté de fractures-tassements osseux tout au long de leur vie [9]. Ni un apport élevé de calcium ni l'activité physique ne suffiront à compenser le manque d'accrétion osseuse en fin d'adolescence. Si l'aménorrhée survient après 25–30 ans (aménorrhée secondaire), c'est-à-dire dans un contexte où le pic de masse osseuse est constitué, la perte osseuse surviendra au même rythme qu'à la ménopause. Les troubles du cycle tels que l'oligoménorrhée ou l'anovulation ont aussi des conséquences au niveau osseux. Plusieurs études ont montré qu'il existe une relation entre la sévérité des troubles du cycle et la densité minérale osseuse et que le retour à des cycles réguliers après plusieurs années d'irrégularités menstruelles ne s'accompagne pas d'une restauration totale de la densité osseuse même au niveau de l'os cortical chez des femmes ayant une activité physique en charge [9]. Enfin, à plus court terme, il existe un risque accru de fracture de fatigue et donc d'arrêt prolongé de l'activité sportive. Le risque de fracture de fatigue est augmenté d'un facteur 1,4 à 2,6 pour chaque diminution de la densité minérale osseuse d'une déviation standard [10].
Traitement de l'aménorrhée de la sportive
Le traitement repose sur la physiopathologie de cette aménorrhée. Il s'agira de prendre le temps d'expliquer et de démontrer à la sportive que :
les apports alimentaires sont insuffisants par rapport aux besoins ;
les troubles du cycle qu'elle présente, qu'elle peut parfois considérer comme intéressants pour sa pratique sportive, mettent en jeu sa santé en affectant parfois de façon irréversible sa densité osseuse. Cette diminution de la densité osseuse pourra soit retentir sur sa pratique sportive en favorisant les fractures de fatigue à répétition [10], soit retentir sur sa qualité de vie ultérieure (risques de tassements vertébraux et autres complications liées à l'ostéoporose).
Le traitement étiologique consiste donc à augmenter les apports alimentaires en kilocalories (apports alimentaires totaux) et en lipides (pourcentage de lipides de la ration alimentaire) pour obtenir un gain de poids (qui est un gain de masse grasse et non pas de masse musculaire). Le plus souvent une prise de 2 à 3 kg de masse grasse suffit à obtenir un retour des cycles. Dans certains cas, il est impossible d'obtenir un gain de poids car les athlètes (et parfois leur entourage sportif) refusent cette prise de poids. Quelles solutions peut- on alors proposer à la femme sportive pour protéger ses os ? Une des alternatives est la prise d'oestroprogestatifs de façon à apporter de façon exogène des oestrogènes qui remplaceront la production endogène (ovarienne) d'oestrogènes. Cependant, les résultats des effets de la prise d'oestroprogestatifs sur la densité osseuse de femmes en aménorrhée sont contradictoires selon les études : efficacité prouvée pour certains, voire absence d'efficacité pour d'autres. Plusieurs éléments sont à prendre en compte dans l'interprétation des résultats des différentes études : le type d'aménorrhée (primaire ou secondaire), la durée de l'aménorrhée et l'importance de l'atteinte osseuse, le type de contraceptifs utilisés (oestrogènes naturels ou de synthèse, progestatifs naturels ou de synthèse, progestatifs avec ou sans effet androgénique) et les dosages d'oestroprogestatifs (pilule minidosée ou normodosée). Dans tous les cas, il ne faut pas utiliser de pilule à moins de 30 μg d'éthyniloestradiol s'il existe une aménorrhée.
À retenir
Le diagnostic d'aménorrhée hypothalamique par déficit énergétique chronique doit rester un diagnostic d'élimination.
La principale étiologie des troubles du cycle chez la sportive intensive est le déficit énergétique chronique (pour revue, voir [11]), ce qui ne signifie pas que tous les troubles du cycle chez la sportive sont dus à un apport énergétique insuffisant.
L'interrogatoire, l'examen clinique et le bilan biologique rechercheront systématiquement d'autres causes. Ainsi, le bilan biologique a aussi pour objectif d'éliminer une étiologie organique telle qu'une atteinte centrale hypothalamo-hypophysaire (hyperprolactinémie par adénome hypophysaire) ou une origine périphérique par syndrome des ovaires polykystiques, par exemple.
Particularités de la sportive ayant une oligoménorrhée
Un profil d'hyperandrogénie caractéristique d'un syndrome des ovaires polykystiques est plus fréquemment retrouvé chez les sportives présentant une oligoménorrhée par rapport à celles en aménorrhée [12, 13]. Cette hyperandrogénie représente une autre catégorie de troubles du cycle, troubles du cycle non liés à la disponibilité énergétique et ayant peu de conséquences sur l'os. En plus de la clinique, le profil biologique est différent ; les signes d'adaptation à un état d'hypométabolisme chez les femmes en aménorrhée par déficit énergétique chronique sont les suivants : cortisol (cortisol libre urinaire des 24 h) et growth hormone (GH) augmentés ; insulin-like growth factor-1 (IGF-1), tri-iodothyronine libre (FT3), glucose et insuline bas (et folliculo-stimulating hormone [FSH] et LH basses) versus testostérone totale augmentée ; ratio LH/FSH augmenté ; cortisol, GH et IGF-1 normaux pour les athlètes avec hyperandrogénie [12, 13].
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En pratique et pour conclure
Chez une femme sportive consultant pour des troubles du cycle, l'examen clinique doit comprendre :
la mesure du poids et de la taille pour le calcul de l'indice de masse corporelle (IMC) ;
si possible, la mesure de la masse grasse par la méthode des plis cutanés ou par dual-energy X-ray absorptiometry (DEXA), ce qui permettra aussi d'avoir la densité osseuse ;
un interrogatoire alimentaire (voire une consultation diététique) ;
un bilan biologique : FSH, LH, prolactine, oestradiol, testostérone (voire un bilan androgénique plus complet si signes d'hyperandrogénie) et, si nécessaire, marqueurs d'un déficit énergétique (FT3, IGF-1, insuline, cortisol).
Il faut faire attention à l'IMC chez des femmes sportives. En effet, on considère généralement qu'un IMC < 18 kg/m2 est associé à un risque très élevé de troubles du cycle voire d'aménorrhée. Cependant, 28 études comparant des athlètes ayant des cycles réguliers à des athlètes en aménorrhée retrouvent un IMC moyen à 18 kg/m2 chez les femmes sportives ayant des cycles réguliers [14]. Mais la masse grasse reste cependant significativement plus basse chez les femmes sportives en aménorrhée : la méta-analyse de Redman et Loucks [14] montre que le pourcentage de masse grasse moyen chez des athlètes ayant des cycles réguliers est de 17,9 ± 0,7 % versus 15,7 ± 0,6 % chez les athlètes en aménorrhée (p < 0,05 entre les deux groupes). À noter que le seuil de masse grasse à partir duquel apparaissent les troubles du cycle est très variable d'une femme à l'autre. L'activité physique régulière voire intensive chez la femme n'est pas synonyme de troubles du cycle ovarien. Ainsi, une athlète de haut niveau s'entraînant plus de 20 h par semaine gardera des cycles réguliers mais à condition que ses apports alimentaires soient suffisants (en quantité [kcal] et en apports lipidiques). Étant donné les conséquences délétères, en particulier osseuses, des troubles du cycle prolongés, la régularité des cycles est un élément qui doit faire partie du suivi systématique des sportives (données d'interrogatoire clinique).
Contraceptifs oraux, composition corporelle et performance chez la femme sportive : une contraception adaptée aux sportives
Il n'y a pas de contraception spécifique de la sportive, mais une contraception adaptée aux besoins et au profil hormonal de la sportive limitera les effets secondaires ou les abandons impromptus de la contraception. L'évolution de la contraception hormonale, avec de nouvelles formes galéniques, des dosages plus légers en éthinyloestradiol, des progestatifs moins androgéniques, permet à chaque sportive de trouver la contraception qui lui convient. En pratique, une contraception oestroprogestative monophasique est à privilégier chez la sportive. Choisie et adaptée au profil hormonal de la sportive, elle ne nuit pas à la performance et n'induit pas de prise de poids [8]. De plus, elle est bénéfique sur le syndrome prémenstruel, la dysménorrhée, et permet une régularisation des règles ; elle limite l'abondance des règles et surtout elle est une bonne prévention du risque de déminéralisation osseuse chez la sportive de haut niveau en aménorrhée ou oligoménorrhée. Ces bénéfices secondaires sont utiles à la sportive de haut niveau qui peut, dans le vaste choix actuellement proposé, trouver sa contraception idéale.
Sport et grossesse
Les données scientifiques actuelles montrent que l'activité physique régulière pendant une grossesse à faible risque induit des effets bénéfiques pour la femme enceinte et ne présente pas de risque pour le foetus. Ainsi, en l'absence de contre-indication, les femmes enceintes doivent être encouragées à avoir une activité physique régulière pendant la grossesse afin de continuer à profiter des mêmes bénéfices pour leur santé pendant la grossesse qu'avant la grossesse.
Effets bénéfiques de l'activité physique modérée chez la femme enceinte
Les relations entre exercice et grossesse sont résumées dans une méta-analyse de Lokey et al. [15]. Celle-ci ne montre pas d'effet péjoratif de l'activité physique modérée sur les paramètres suivants : durée de la grossesse, durée de l'accouchement, poids de naissance de l'enfant. Cette méta-analyse a aussi été étendue à un groupe de femmes très sportives pendant la grossesse (activité physique 3 à 6 fois/semaine à une intensité supérieure à 140–152 bpm de fréquence cardiaque pendant 30–60 min) : aucune différence sur les paramètres précédemment décrits n'a été mise en évidence par rapport aux femmes qui n'ont pas d'activité physique. Bien au contraire, les effets bénéfiques de l'activité physique modérée chez la femme enceinte sont maintenant bien démontrés et peuvent être résumés comme suit [16] :
diminution de l'incidence de la dépression et de l'anxiété et augmentation de l'estime de soi ;
diminution significative de l'incidence (25–33 %) de l'hypertension gravidique et de la pré-éclampsie avec un effet dose-réponse ;
diminution du risque de diabète gestationnel de 25 à 70 % chez des femmes à haut risque ;
diminution de la prise de poids au cours de la grossesse et perte de poids plus rapide en post-partum ;
les quelques études réalisées sur l'activité physique pendant la grossesse et le risque de prématurité sont encourageantes, ne rapportant pas d'augmentation du risque de prématurité, voire, pour les deux seules grandes études de cohortes réalisées à ce jour, un risque de prématurité légèrement diminué chez les femmes ayant une activité physique régulière pendant la grossesse [17, 18] ;
amélioration du bien-être global de la femme enceinte.
Compte tenu de ces données, l'activité physique régulière est maintenant recommandée pendant la grossesse. Les contre-indications sont présentées dans l'encadré 19.1.
Recommandations générales d'activité physique pendant une grossesse à risque faible
Les recommandations d'activité physique chez la femme enceinte ont beaucoup évolué depuis 30 ans et s'élargissent actuellement à des activités de type endurance et renforcement musculaire. Ainsi, les femmes qui ont une activité physique régulière avant la grossesse doivent être encouragées à poursuivre cette activité physique à un volume supérieur ou égal à 50 % du volume pré-gestationnel et les femmes qui n'ont pas d'activité physique régulière avant la grossesse devraient être encouragées à augmenter leur activité physique pour arriver à au moins 20–30 min de marche 3 à 5 fois par semaine. Les activités les plus recommandées sont la marche et la natation. Néanmoins un large éventail d'activités physiques est possible. Les seuls sports contre-indiqués sont la plongée sous-marine, les sports en ambiances hypoxiques, hyperthermiques ou hyperbares, les sports à risque de traumatisme abdominal : sports de contact ou sports à fort risque de choc ou de traumatisme (équitation, ski de descente, sports mécaniques, certains sports aquatiques tels que plongeon, ski nautique, surf, skysurf) [19]. La participation à des sports collectifs à risque de collision est aussi déconseillée : basket-ball, handball, football, etc. La randonnée en montagne jusqu'à une altitude de 2 000 mètres est sans danger. En revanche, s'engager dans des activités physiques à une altitude plus élevée peut s'accompagner de complications. Si la grossesse est à risque, les femmes doivent consulter leur gynécologue et la prescription d'activité physique ou sa contre-indication se fera au cas par cas. Pour les sportives de haut niveau qui veulent maintenir un niveau d'activité physique élevé (et donc plus important que les recommandations), cette activité physique intense doit être réalisée avec un suivi médical rapproché.
Recommandations en post-partum
La reprise du sport après l'accouchement doit tenir compte des modifications anatomiques et physiologiques liées à la grossesse, des conditions de l'accouchement, des habitudes antérieures et des souhaits de la patiente. La plupart des modifications morphologiques et physiologiques de la grossesse persistent jusqu'à 4 à 6 semaines après l'accouchement. En post-partum, il est recommandé 1 à 2 semaines après l'accouchement, une reprise progressive de l'activité aérobie qui sera poursuivie jusqu'à la consultation post-natale (4 à 6 semaines après l'accouchement) si cette activité n'induit pas de fatigue excessive ni de douleur et si des saignements vaginaux sont peu importants. Dès que la consultation postnatale aura eu lieu, et à condition qu'elle soit normale, la course à pied et le renforcement musculaire des abdominaux pourront être repris. Ces recommandations ne sont valables que s'il n'y a pas eu de traumatisme périnéal au moment de l'accouchement et donc dans des conditions où le tonus des muscles périnéaux est normal. Cependant il existe une très grande variabilité d'une femme à l'autre, certaines femmes pouvant reprendre une activité physique quelques jours seulement après l'accouchement. Certaines lésions du périnée doivent être dépistées (en particulier après épisiotomies et/ou lors d'accouchements assistés par une technique d'extraction instrumentale par forceps) et bénéficier d'une rééducation adaptée. Dans tous les cas, la rééducation du périnée ne doit pas être oubliée ni reportée au-delà de la 8e semaine post-natale. Quand la rééducation du périnée est terminée, l'entraînement aérobie peut être progressivement augmenté, le renforcement musculaire des abdominaux et dorso-lombaires repris ainsi que les exercices à forts impacts (sauts, course à pied).
Allaitement
Il n'est pas contre-indiqué chez la femme désirant reprendre l'entraînement. L'activité sportive n'a pas de retentissement négatif sur la lactation (quantité, qualité du lait).
M. Duclos
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