Ménopause : Prise en charge des bouffées de chaleur atypiques
France | 7 novembre 2019
Par Anne-Claire N
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Prise en charge des bouffées de chaleur atypiques
Lorraine Maitrot-Mantelet
PLAN DU CHAPITRE
Comment reconnaître les bouffées de chaleur atypiques ? Étiologies Démarche diagnostique Prise en charge thérapeutique
Comment reconnaître les bouffées de chaleur atypiques ?
La « classique » bouffée de chaleur (BDC) constitue le trouble fonctionnel le plus fréquent de la ménopause. Ce trouble neurovégétatif correspond aux conséquences cérébrales directes de l'hypoestrogénie via l'augmentation de la FSH. Son expression, sa durée, sa date d'apparition et son intensité sont très variables d'une femme à l'autre. Le maximum de fréquence des BDC se situe un à deux ans après la ménopause ; la durée des symptômes est très variable selon les femmes, et, en moyenne, d'environ 7 ans, mais les BDC peuvent parfois être observées jusqu'à 20 ans après l'installation de la ménopause [1, 2]. Dans le cadre du syndrome climatérique de la ménopause, les BDC sont diurnes et/ou nocturnes, survenant le plus souvent sans signe prémonitoire, et sont favorisées par les émotions et les températures élevées. Elles sont caractérisées par l'apparition soudaine d'une sensation de chaleur accompagnée de sueurs, entravant le sommeil, pouvant aller jusqu'à la bouffée vasomotrice invalidante. La prescription d'un traitement hormonal de la ménopause (THM) adapté est habituellement efficace sur les BDC post-ménopausiques. Il n'y a pas de consensus sur la définition des BDC atypiques. Les rares études publiées dans la littérature ne permettent pas de statuer sur des critères précis.
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En pratique, les BDC peuvent être considérées comme atypiques dans plusieurs circonstances :
lorsqu'elles ne cèdent pas sous hormonothérapie estrogénique, malgré une adaptation des doses, des schémas et des molécules ;
lorsqu'elles apparaissent ou réapparaissent à distance de la ménopause ;
lorsqu'il existe des modifications des bouffées de chaleur habituelles ;
lorsqu'elles sont associées à d'autres signes fonctionnels, tels des céphalées, des palpitations, des malaises, des diarrhées ou des poussées hypertensives.
Les bouffées de chaleur réapparaissant à distance de la ménopause, non soulagées par un THM adapté ou accompagnées d'autres signes fonctionnels doivent être considérées comme atypiques.
Étiologies
La survenue de BDC atypiques doit faire rechercher une étiologie sous-jacente [3], principalement :
iatrogène : un certain nombre de médicaments pourvoyeurs de bouffées de chaleur sont répertoriés dans le tableau 5.1 ;
exogène : aliments à base de nitrite ou de sulfite, nourriture épicée, glutamate de sodium, consommation d'alcool ou de boissons chaudes ;
endocrinienne : hyperthyroïdie, hyperparathyroïdie, insulinorésistance, hypoglycémie fonctionnelle ou acromégalie ;
tumorale : lymphome, gammapathie monoclonale, phéochromocytome, carcinome médullaire de la thyroïde, carcinome rénale à cellules claires ; plus rarement, un syndrome carcinoïde de l'intestin grêle ou du poumon ou une tumeur pancréatique (VIPome) ;
infectieuse : tuberculose ou autres pathologies infectieuses chroniques causes de fièvre ;
neurologique : maladie de Parkinson, lésions médullaires, tumeurs cérébrales comprimant le troisième ventricule, épilepsie.
L'étiologie, plus rarement, est :
dermatologique : rosacée au stade vasculaire [4] ;
systémique : mastocytose liée à l'accumulation ou à la prolifération anormale de mastocytes dans un ou plusieurs organes, avec libération d'histamine [5].
Aucune série n'a été publiée sur les étiologies des BDC atypiques. Dans un abstract récent présenté au dernier congrès de l'International Menopause Society (IMS), en juin 2018 à Vancouver, l'analyse d'une série de 31 femmes françaises ménopausées ayant eu un bilan complet pour des bouffées de chaleur atypiques a retrouvé 5 causes majeures, parmi lesquelles un phéochromocytome, une tumeur carcinoïde digestive, une tumeur carcinoïde bronchique, une hyperparathyroïdie et une mastocytose. Parmi les 31 patientes, 13 avaient un syndrome métabolique associé ou non à une insulinorésistance [6].
L'existence de bouffées de chaleur atypiques doit faire rechercher une étiologie sous-jacente, notamment une prise médicamenteuse, des pathologies bénignes (endocriniennes, métaboliques, infectieuses, neurologiques, dermatologiques ou systémiques) ou malignes (hématologiques ou carcinoïdes).
Démarche diagnostique
L'interrogatoire doit préciser la sémiologie des bouffées de chaleur, leur fréquence, leur horaire, leur durée, leur intensité, l'existence d'un éventuel facteur déclenchant (effort, repas ou stress). Après avoir éliminé une origine alimentaire ou médicamenteuse, il faut rechercher l'existence de signes associés : céphalées, flush, palpitations, malaises, diarrhées, poussée hypertensive, situation à risque de contage tuberculeux. L'examen clinique doit rechercher une fièvre, une hypertension artérielle, des palpitations, une altération de l'état général ; un examen pulmonaire, abdominal, thyroïdien, neurologique, cutané et un examen des aires ganglionnaires sont nécessaires. Les examens complémentaires à réaliser en première intention sont une numération formule sanguine (NFS), une CRP, un dosage de LDH, une électrophorèse des protéines plasmatiques, un bilan thyroïdien, un dosage de PTH, de thyrocalcitonine, des catécholamines urinaires, une glycémie et une insulinémie à jeun et postprandiale. Enfin une radiographie de thorax peut compléter le bilan. Sur un point d'appel clinique ou si le bilan de première intention est négatif, un bilan plus spécialisé devra être réalisé, comprenant un dosage de l'insulin- like growth factor-1 (IGF-1), des marqueurs de tumeur neuro-endocrine, une hyperglycémie provoquée per os (HGPO) sur la glycémie et l'insulinémie, un quantiféron et, éventuellement, une tomodensitométrie (TDM) thoraco-abdominopelvienne (tableau 5.2).
Des explorations de biologie et d'imagerie sont indiquées en cas de bouffées de chaleur atypiques. Le bilan à réaliser est orienté par l'anamnèse et l'examen clinique.
Prise en charge thérapeutique
Le traitement est avant tout étiologique, lorsque le bilan est positif. Lorsque le bilan est négatif, une adaptation du traitement hormonal de la ménopause pourra être proposée. En cas de contre-indication au THM, les alternatives non hormonales pourront être proposées.
© 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Lorraine Maitrot-Mantelet, praticien hospitalier, unité de gynécologie endocrinienne, hôpital Cochin- Port-Royal, AP-HP, Paris.
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Références
[1] Santoro N. Perimenopause : From Research to Practice. J Womens Health 2016 ; 25 : 332–9. [2] Ne Avis, Crawford SL, Greendale G, Bromberger JT, Everson-Rose SA, Gold EB, et al. Duration of menopausal vasomotor symptoms over the menopause transition. JAMA Intern Med 2015 ; 175 : 531–9. [3] Mohyi D, Tabassi K, Simon J. Differential diagnosis of hot flashes. Maturitas 1997 ; 27 : 203–14. [4] Baldwin HE. Diagnosis and treatment of rosacea : state of art. J Drugs Dermatol 2012 ; 11 : 725–30. [5] Akim C. Mast cell activation syndromes. J Allergy Clin Immunol 2017 ; 140 : 349–55. [6] Marcio Alexandre H. Rodrigues. A series of postmenopausal women with atypical hot flashes. IMS 16th World Congress on Menopause, Vancouver, 6–9 June 2018.