Mesures de la glycémie chez une personne atteinte de troubles cognitifs
7 septembre 2022
Par Anne Claire Nonnotte
ous vous proposons de découvrir un article du numéro de Juin de la revue Soins Aides-Soignantes S’ouvre dans une nouvelle fenêtre sur la Mesure de la glycémie chez une personne atteinte de troubles cognitifs
Mesure de la glycémie chez une personne atteinte de troubles cognitifs
Suzie Roland : Formatrice à la retraite, Florence Traverso ⁎ : Cadre de santé en HAD c/o Soins Aides-soignantes, 65 rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France *Auteur correspondant.
Résumé
La personne atteinte de troubles cognitifs doit se voir garantir les mêmes droits que les autres usagers z L’aide-soignant doit recueillir son consentement avant les soins et adapter sa communication z Illustration avec la mesure de la glycémie capillaire.
Mots clés : consentement, glycémie capillaire, maladie d’Alzheimer, refus de soin
L’arrêté du 10 juin 2021 redéfinit le référentiel de la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant [1] en élargissant le champ de compétences de ce métier. Le professionnel formé est notamment habilité à la mesure de la glycémie par captation capillaire. Cet acte peut devenir compliqué pour le soignant quand la personne est atteinte de troubles cognitifs, qui peuvent entraîner :
une difficulté à obtenir le consentement de la personne ;
une difficulté à dispenser le soin.
La prise en charge d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer est très spécifique. Elle doit prendre en compte de nombreux “traits de caractère” et risques au quotidien : angoisse, agressivité, dangers liés à l’utilisation inappropriée d’objets du quotidien, etc. Le professionnel de santé doit analyser et adapter son attitude afin d’apaiser et de stimuler la personne.
Situation clinique
M. T., âgé de 75 ans, vit en structure d’hébergement médicalisé depuis deux ans. Il est entré car le maintien à domicile devenait difficile (apparition de troubles cognitifs) ; depuis, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer a été posé. Il présente également un diabète de type 2 non stabilisé.
Depuis quelques jours, M. T. est très fatigué et se montre irrité. Lundi matin, le médecin, informé de son état, prescrit une surveillance du diabète et demande à l’aide-soignante de mesurer sa glycémie capillaire le lendemain matin, avant le petit déjeuner.
Le lendemain, au moment des transmissions, l’aide-soignante de nuit signale que M. T. a été très agité et qu’il a réclamé à boire plusieurs fois. Il est 7 h 30 ; l’aide-soignante de jour se dirige vers la chambre de M. T. afin de le prévenir du prochain contrôle de sa glycémie capillaire. Il ne réagit pas à cette information. L’aide-soignante sort de la chambre et se rend dans la salle de soins pour préparer le matériel nécessaire.
À son retour dans la chambre, M. T. lui demande ce qu’elle vient faire. L’aide-soignante lui rappelle qu’elle va contrôler son sucre dans le sang en le piquant au bout du doigt. Elle lui précise qu’il a déjà reçu ce soin la semaine précédente. M. T. la regarde et ne semble pas comprendre ce qui se passe. Elle lui prend la main, mais le résident la retire brutalement et montre de l’énervement.
L’aide-soignante essaie de lui expliquer à nouveau le soin en insistant sur l’importance de le réaliser, en vain. M. T. devient agressif. L’aide-soignante sort de la chambre et demande de l’aide à une collègue afin de tenter de le convaincre d’accepter le soin.
Devant un nouveau refus, l’infirmière hausse le ton et lui dit qu’elle est obligée de faire le prélèvement. Les deux professionnelles décident d’agir, sans lui laisser le choix, car elles comprennent qu’aucune négociation n’est possible. L’aide-soignante lui tient la main et l’infirmière procède au geste. M. T. est furieux. L’aide-soignante lui apporte son petit déjeuner ; il se calme alors.
Analyse au cours des transmissions
Lors des transmissions de l’après-midi, l’aide-soignante relate les faits et les difficultés rencontrées avec M. T. N’étant pas satisfaite du déroulement du soin, elle se pose plusieurs questions : Le soin était-il vraiment nécessaire ? A-t-elle eu une bonne attitude ? A-t-elle pris en compte les transmissions de la nuit ? A-t-elle été démunie car c’était la première fois qu’elle voyait M. T. dans cet état ? A-t-elle suffisamment de connaissances pour prendre en soins un patient atteint de troubles cognitifs ?
Après réflexion, l’aide-soignante a eu l’impression d’avoir imposé le soin à M. T. et donc de ne pas avoir respecté son consentement. En effet, dans la maladie d’Alzheimer, les professionnels de santé doivent prendre en compte les conséquences de la maladie (trouble du comportement, dégradation du raisonnement, perte de mémoire). Elle en conclut qu’elle n’a pas assez de ressources vis-à-vis de cette pathologie.
Compte tenu de la situation, il lui est conseillé de mettre en place une communication adaptée aux personnes atteintes d’une démence de type Alzheimer :
communication verbale : - adopter une voix calme, chaleureuse, - parler clairement et posément, - faire des phrases courtes et claires, - parler calmement et lentement, - utiliser l’humour, afin de faire rire la personne pour diminuer l’anxiété, en fonction du stade de la démence, - poser une question à la fois, - expliquer simplement le soin et le bien-fondé de celui-ci, - laisser à la personne le temps de formuler sa réponse ;
communication non verbale : - se mettre face à face, afin de capter l’attention, - établir une relation de confiance, par le toucher (prendre la main), - créer une ambiance calme.
Si la réalisation du soin est toujours difficile malgré les méthodes de communication utilisées, il est possible de :
demander à une collègue de prendre le relais ;
reporter le soin ;
en parler en équipe pluridisciplinaire pour savoir si le soin est indispensable.
Consentement au soin
La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (appelée également loi Kouchner) a modifié la relation soignant-soigné, en plaçant le patient au cœur des soins. En effet, cette loi stipule que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qui lui sont fournies, les décisions concernant sa santé [… ] et qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne, et ce consentement peut être retiré à tout moment » (article L1111-4 du Code de santé publique) [2].
La charte Alzheimer, éthique et société de 2011 précise : « Les personnes souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée [… ] doivent bénéficier des mêmes droits que tout citoyen dans l’accès à des soins compétents et de qualité, à la compensation de leurs handicaps, au respect de leur dignité et à l’écoute de leurs attentes » [3].
L’article L1111-2 du Code de la santé publique encadre quant à lui le droit à l’information : « Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus » [4].
Conclusion
Dans le cadre de pathologies entraînant des troubles cognitifs, il faut se demander si le refus de soins est réel ou s’il est la conséquence des troubles cognitifs. Une évaluation collégiale des capacités de la personne à émettre un consentement est indispensable. Elle prend en compte l’aspect législatif et éthique, la réflexion pluridisciplinaire, une réponse adaptée à la situation et une mise en œuvre de propositions possibles.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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Soins Aides-Soignantes S’ouvre dans une nouvelle fenêtre Volume 19, numéro 106 (mai 2022)
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Références
[1] Arrêté du 10 juin 2021 relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’aide-soignant et portant diverses dispositions relatives aux modalités de fonctionnement des instituts de formation paramédicaux. JORFTEXT000043646160. [2] Loi n˚ 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. JORFTEXT000000227015. [3] Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. Charte Alzheimer. Éthique et société. 2011. Charte%20Alzheimer%20E%cc%81thique%20et%20socie%cc%81te%cc%81.pdf. [4] Code de la santé publique – Article L1111-2. LEGIARTI000031927568.Pour en savoir plusLoi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. JORFTEXT000000430707.