Nævus conjonctIval
13 avril 2022
Par Anne-Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Oncologie oculaire S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Rapport SFO 2022
Nævus conjonctIval
C. Levy-Gabriel
Le nævus est la plus fréquente des tumeurs de la surface oculaire. Il est constitué de cellules mélanocytaires næviques arrangées en thèques. Les cellules mélanocytaires ne présentent pas d'atypie cytonucléaire. Le nævus a une architecture bien limitée à contours réguliers.
Types de nævus
En fonction de la localisation des thèques næviques, on distingue les nævus jonctionnels (contingent mélanocytaire intra-épithé-lial), les nævus sous-épithéliaux (contingent mélanocytaire exclusivement dans le chorion de la muqueuse conjonctivale) et les nævus composés (comportant un contingent mélanocytaire à la fois dans le chorion et au niveau de l'épithélium). La formation de kystes épithéliaux issus de récessus de la muqueuse conjonctivale entourés par la prolifération nævique est fréquente, en particulier en cas de nævus composé (nævus kystique de Parinaud). Une réaction inflammatoire périlésionnelle peut également être présente. Le nævus jonctionnel s'observe surtout chez l'enfant, rarement chez l'adulte (fig. 6-3 à 6-13). Le nævus composé est plus fréquent ; il se voit surtout chez l'enfant et l'adulte jeune [1]. Le nævus sous-épithélial se voit essentiellement chez l'adulte.
Clinique
Sur le plan clinique, le nævus peut parfois être visible dès les premiers mois de vie, mais dans la plupart des cas il n'est visualisé par l'entourage que plus tard, au cours de la première ou deuxième décennie. Chez le petit enfant, la pigmentation est souvent peu visible voire totalement absente. Le nævus apparaît alors comme une lésion rosée très discrètement en relief. Il va ensuite se pigmenter progressivement pendant l'enfance et surtout l'adolescence. Seuls 50 à 65 % des nævus ont un aspect totalement pigmenté. Des kystes intralésionnels peuvent être visualisés en lampe à fente ou, encore mieux, avec un OCT du segment antérieur [2]. Leur présence plaide en faveur de la bénignité de la lésion. En cas de lésion peu pigmentée, il est possible de visualiser un fin réseau vasculaire au sein de la lésion. Deux ou trois vaisseaux dilatés nourriciers peuvent aussi être présents au pourtour du nævus. Dans deux tiers des cas, le nævus est localisé au niveau de la conjonctive bulbaire dans l'aire de la fente palpébrale. La localisation caronculaire ou au niveau du repli semi-lunaire est moins fréquente (31 %), et les nævus sont très rares au niveau de la conjonctive palpébrale (moins de 3 %) [3–5]. Le diamètre du nævus peut varier de 0,2 mm à 30 mm (en moyenne 4 mm). Les lésions géantes dont le diamètre est supérieur à 10 mm ne représentent que 5 % des cas [6].
Évolution et prise en charge
Les nævus sont des lésions stables dans le temps, mais des modifications discrètes et très lentes de la pigmentation ou de la taille peuvent s'observer [4, 5] pendant la jeunesse et la puberté. Chez l'enfant, la pigmentation progressive d'un nævus initialement achrome peut donner alors une fausse impression d'apparition récente ou de croissance. Le risque de transformation maligne est extrêmement faible, inférieur à 1 % [4, 7]. La meilleure attitude consiste donc en une surveillance régulière avec réalisation de photographies comparatives. L'exérèse chirurgicale est réalisée en cas de modification objective et suspecte, surtout si cette modification survient à l'âge adulte. Elle peut aussi être réalisée à la demande du patient pour des raisons esthétiques. L'exérèse doit alors toujours être réalisée en totalité, avec une no touch technique (fig. 6-14 à 6-20). Les études génomiques des nævus conjonctivaux ont montré la présence de mutations BRAF ou NRAS mutuellement exclusives. Ce profil génomique s'apparente donc à celui des nævus cutanés, et est très différent de celui des nævus choroïdiens [8].
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Christine Levy-Gabriel est Ophtalmologiste, service d'oncologie oculaire, département d'oncologie chirurgicale, Institut Curie, Paris