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Nutrition préventive

15 novembre 2021

Par Anne Claire Nonnotte

Elsevier

Jean-Michel Lecerf

Points forts

  • Les données épidémiologiques permettent d'affirmer le rôle de la nutrition dans le maintien de l'état de santé.

  • Les mécanismes impliqués dans la physiopathologie de nombreuses pathologies sont en partie modulés par des facteurs nutritionnels.

  • Le microbiote est un acteur important dans ces mécanismes. Il est lui-même fortement influencé par l'alimentation.

  • On peut dégager des recommandations nutritionnelles sur la variété et la qualité des aliments.

  • Un modèle d'inspiration méditerranéenne est considéré aujourd'hui comme le plus favorable

La nutrition préventive n'est pas une notion récente, puisque Hippocrate, près de cinq siècles avant J.-C. affirmait « que ton aliment soit ton médicament ». Les textes bibliques tels l'Ecclésiaste (37, 27–31) contiennent de précieux préceptes, repris plus tard avec l'école de Salerne au XIe siècle : tous prônent la modération. Les excès ont en effet toujours été considérés comme nocifs pour la nature humaine. De ce fait, l'objet de la nutrition a été longtemps l'étude des déficits et des carences, tant il est vrai que la sous nutrition et la monotonie alimentaire étaient endémiques, puis son objet est progressivement devenu l'étude de la suralimentation considérée comme seule responsable des maladies de « surcharge ».

Aujourd'hui le concept de nutrition préventive repose sur un nombre considérable de données scientifiques [1]. À côté de la quantité, il met surtout en valeur d'une part la qualité des aliments et, d'autre part, la variété alimentaire.

Des études à la prévention

Ce sont les études épidémiologiques (et les outils de recueil et d'analyse associés : informatique, statistique et aujourd'hui big data et intelligence artificielle) qui ont fait le plus progresser la connaissance permettant de passer du cas clinique, de l'individu, à la population. Les études dites « écologiques » observent et décrivent des groupes d'individus et des habitudes «moyennes » dans ces populations : elles suggèrent qu'il puisse y avoir un facteur environnemental, au sens large, expliquant les différences de morbimortalité entre populations. Les études de migration sont très intéressantes car elles s'affranchissent du fait que les études écologiques peuvent révéler aussi des facteurs génétiques : en migrant les populations gardent leur identité génétique et adoptent souvent le mode de vie des populations d'accueil. Toutefois, l'alimentation n'est pas le seul changement observé. Les études transversales, ou cross-sectional, concernent cette fois les individus et cherchent à répertorier les facteurs ou les causes associés, sans pouvoir identifier une relation de cause à effet. Les études de Cas-témoins comparent des sujets atteints et des sujets dits « sains », mais sont entachées de nombreux biais tels la causalité inverse ou les changements de mode de vie liés à la pathologie, de sorte que leur valeur réside dans la cohérence de nombreuses études entre elles. Les études prospectives sont les plus fructueuses car elles ne sélectionnent pas les individus au départ, puis les suivent plus ou moins longtemps; mais les sujets développant une maladie peuvent être différents au départ pour d'autres raisons que l'alimentation : c'est pourquoi les épidémiologistes réalisent des ajustements sur les facteurs confondants. Toutefois, d'une part il est souvent difficile de les recueillir, d'autre part, la liste n'est jamais exhaustive. Elles ont l'avantage de refléter la « vraie vie ». L'analyse conjointe de toutes les données, éventuellement renforcée par des méta-analyses (avec les limites et biais que l'on connaît aussi), permet d'identifier des facteurs de risque sans affirmer la relation de cause à effet. Théoriquement, les études d'intervention contrôlées, randomisées, en double aveugle contre placebo permettent de confirmer cette relation causale. Mais, en nutrition, le double aveugle n'est guère possible (sauf pour les compléments alimentaires ou des aliments dont seul le mode de production a été modifié). Si un effet est observé, on peut considérer qu'il est réel; cependant, si l'étude est négative, cela prouve seulement que dans les conditions de l'étude il n'y a pas d'effet, mais avec une durée, une dose, une population différente (par exemple, une population à risque ou ayant un déficit), un effet pourrait être observé. Les études d'intervention ne sont pas comme on l'a longtemps dit le mot de la fin. C'est dire à quel point l'interprétation des études épidémiologiques doit être prudente, y compris sur le plan statistique [2,3]. En effet, avec de très grands effectifs, il est fréquent d'observer de très fortes significativités (par exemple : p < 0,0001) mais un risque relatif faible du type 1,10 ou 1,15, par exemple. Prudence et modestie sont les clés de la prévention. Ainsi, l'épidémiologie émet des hypothèses mais pas des certitudes, même si des techniques telles que la randomisation mendélienne permettent d'aller plus loin. Il faudra aussi une plausibilité mécanistique basée sur les études expérimentales in vitro, ex vivo, in vivo, sur des modèles cellulaires, animaux, ou sur des études cliniques humaines. La somme de toutes ces approches permet d'approcher la connaissance. Il faudra un degré de prudence de plus sur les recommandations… En effet, la variabilité interindividuelle est considérable pour des raisons génétiques, épigénétiques, biologiques (dont le microbiote), éducatives, culturelles… multiples. Les exceptions se multiplient, les paradoxes existent, dont certains finissent par trouver leur explication. Au final la prévention, et plus précisément la nutrition préventive, ne va exprimer que la probabilité d'éviter une pathologie ou, pour parler plus simplement, le fait «de mettre plus de chance » de son côté. Mais ce n'est jamais une certitude, et ce n'est qu'une réduction du risque… statistiquement. Il y a cependant suffisamment de données pour que l'on puisse formuler de nombreux conseils.

Des mécanismes aux constituants des aliments

Les processus physiopathologiques impliqués dans un grand nombre de pathologies sont toujours intriqués. Curieusement, cependant, ils se recoupent pour des affections pourtant apparemment très distinctes. Les processus de cancérogenèse impliquent une mutation (étape d'initiation) puis une multiplication (étape de promotion) des cellules initiées. Puis il y a une phase d'extension et, enfin, de métastases. La mutation est liée à des agressions cellulaires impliquant les effets du stress oxydatif (ou d'autres agressions) sur l'ADN. Mais le rôle de l'inflammation et le rôle du microbiote sont partie prenante, au moins dans la cancérogenèse colique. Les pathologies cardiométaboliques, l'obésité et la survenue du diabète en particulier, sont très fortement liées aux processus oxydatifs avec l'importance du caractère athérogène des lipoprotéines de basse densité (low-density lipoprotein [LDL]) oxydés, mais aussi le rôle majeur de l'inflammation dans la vulnérabilité de la plaque d'athérome, facteur de rupture de cette plaque et d'accident thrombotique. On connaît le rôle majeur du microbiote dans la composante inflammatoire systémique mais aussi dans la genèse de l'obésité et du diabète. Les pathologies neurodégénératives (en fait neuro-inflammatoires comme la maladie d'Alzheimer mais aussi la maladie de Parkinson, la dépression) impliquent très largement les processus inflammatoires, les modifications des neurotransmetteurs, le microbiote, etc. Cet ouvrage montre aussi à quel point les dysbioses, l'hyperperméabilité intestinale, les modifications du système immunitaire, l'inflammation systémique sont impliqués dans les maladies intestinales chroniques inflammatoires, probablement dans les rhumatismes inflammatoires, dans les allergies, peut-être dans l'hypersensibilité non cœliaque au gluten, l'autisme, la fibromyalgie, etc. Quant au vieillissement accéléré, on invoque le raccourcissement des télomères, le stress oxydatif; rien n'exclut la perte de diversité du microbiote qui y est associée… Tous sont en partie sous l'effet de l'alimentation ou de facteurs nutritionnels, en interaction avec des prédispositions génétiques et d'autres éléments du mode de vie : rythmes, sommeil, sédentarité, stress, tabac, alcool et à nouveau surpoids. Sans entamer ici une approche physiopathologique hiérarchisant et mettant en place une chronologie des mécanismes toujours intriqués, on peut simplement énumérer quelques acquis concernant les facteurs nutritionnels impliqués dans le stress oxydatif et l'inflammation bas grade [1]. Le stress oxydatif susceptible d'altérer protéines, lipides et ADN dépend d'une balance entre les espèces oxygènes réactives produites à la fois physiologiquement et sous l'effet d'agressions : rayonnements ionisants, ultraviolets, tabac, pollution, sport excessif, etc. et les systèmes endogènes et exogènes à effet dit « antioxydant » [4]. Ils dépendent aussi en partie de l'alimentation avec des micronutriments spécifiques (vitamine E, C, β-carotène, zinc, sélénium, etc.), des microconstituants tels que polyphénols et caroténoïdes, mais aussi glutathion… À l'inverse, un excès de fer, un index glycémique élevé, un excès de fructose, un apport très excessif en acides gras polyinsaturés, les produits de Maillard exogènes liés à l'interaction glucides-protéines, lors du chauffage notamment, l'obésité abdominale générant des LDL petites et denses très oxydables et l'inflammation sont des facteurs de stress oxydatif. Cependant, si les études épidémiologiques d'observation ont bien mis en évidence le rôle favorable d'une alimentation riche en aliments contenant des composés à effet antioxydant, les études d'intervention avec des vitamines dites « à effet antioxydant » n'ont pas montré d'effet réel de prévention [5]. Les processus inflammatoires sont également sous dépendance multiple, en partie alimentaire. On décrit une alimentation dite anti-inflammatoire [6]. L'effet anti-inflammatoire des acides gras polyinsaturés à longue chaîne oméga-3 (EPA et DHA) est bien établi. Le rôle de la vitamine D l'est moins. Celui de l'obésité abdominale et d'une dysbiose est évident. Le rôle négatif des acides gras saturés ne concerne que leur excès. Une alimentation comportant un excès d'aliments ultratransformés est très probable, en partie du fait du raffinage et de la perte de l'effet matrice. Une alimentation riche en aliments avec des microconstituants et micronutriments à effet antioxydant semble bénéfique sur les processus inflammatoires. Le rôle des glucides est surtout établi sur la balance énergétique, l'adiposité abdominale et la formation de LDL petites et denses mais ne semble pas avoir d'effet direct sur l'inflammation; toutefois, l'apport excessif de fructose pur ou sous forme de saccharose est délétère sur le stress oxydatif et l'inflammation. Mais les études d'intervention avec une alimentation dite « anti-inflammatoire » n'ont pas encore fait leur preuve, par exemple dans les rhumatismes inflammatoires chroniques [7].

Microbiote et alimentation

Il ne s'agit pas ici de répéter l'ensemble des facteurs impliqués dans la constitution d'un «bon» microbiote, s'il existe. La diversité du microbiote, dite «diversité α», est un indicateur favorable d'un «bon» microbiote. Les événements périnataux jouent un rôle majeur. Mais on ne peut exclure aussi le passage du microbiote maternel vers le fœtus in utero. L'accouchement par voie basse et l'allaitement maternel sont sans doute les événements précoces les plus importants et sur lesquels il est relativement accessible d'agir. On connaît également à la suite, et surtout précocement sur le microbiote en constitution, le rôle négatif de l'administration, parfois excessive, d'antibiotiques. Tout au long de la vie, les xénobiotiques (certains additifs, édulcorants, contaminants, médicaments) jouent également un rôle. De façon directe, enfin, l'alimentation influe très fortement sur la composition et la diversité du microbiote [8], sous l'effet des acides gras, mais surtout de l'immense famille des fibres, dont les prébiotiques (inuline et fructo-oligosaccharides [FOS], xylo-oligosaccharides [XOS], galacto-oligosaccharides [GOS]). Inuline et fructo-oligosaccharides sont largement présents dans un grand nombre de légumes (chicorée, betterave, salsifis, topinambour, artichauts, oignons, etc.) [9]. Xylo-oligosaccharides sont présents dans certaines fractions de l'enveloppe des céréales (complètes), tandis que les galacto-oligosaccharides se retrouvent dans les légumes secs et les laits des mammifères. De même, le lactose, lorsqu'il n'est pas hydrolysé (ce qui est le cas chez les sujets ayant un déficit partiel en lactase), est un prébiotique. Certaines fibres non fermentescibles (c'est le cas de la cellulose et de la lignine) ne sont pas des prébiotiques. Les fibres fermentescibles (hémicelluloses, dont les β-glucanes, pectines, etc.), outre leurs effets métaboliques sur l'absorption des glucides et des lipides, peuvent influencer le microbiote. Elles sont largement répandues dans le règne végétal (légumes, fruits, céréales complètes, légumes secs, oléagineux, etc.). Le rôle des probiotiques, et en l'occurrence des aliments fermentés (laits fermentés [yaourts, kéfir, etc.], pain, fromage, boissons fermentées, choucroute, kimchi, soja fermenté [tofu, shōyu], saucisson, tempeh, etc.) est également important [10]. On sait maintenant formellement que les bactéries lactiques du yaourt s'incorporent au microbiote humain [11]. On ne connaît pas le rôle de la fermentation alcoolique (vin, bière) sur le microbiote. Globalement, tous les aliments végétaux sont porteurs d'un microbiote : celui-ci est influencé par celui du sol, lui-même modifié par les techniques agronomiques et agrochimiques [12]. Le microbiote humain est rapidement modifiable par une modification des habitudes alimentaires, en 2 à 3 semaines. Cependant, il semble exister une forte résilience avec un retour au microbiote initial au bout de quelques mois, malgré la poursuite des changements alimentaires [13]. Ceci mérite d'être confirmé. Enfin, le microbiote peut être altéré par les changements de rythmes (travail de nuit); la sédentarité, le tabac, le stress ont également un impact sur le microbiote dans un sens qui paraît défavorable.

Quelle alimentation préventive ?

Un certain nombre de faits se dégagent sur les propriétés puis sur le rôle des aliments sur l'organisme et sur la santé à partir, d'une part, des études épidémiologiques, d'autre part, de la nature et la composition des aliments et, enfin, des mécanismes d'action supposés ou établis de leurs constituants [1]

  • * Les aliments végétaux : – les légumes et les fruits possèdent de nombreux atouts : faible teneur énergétique, richesse en fibres variées, densité nutritionnelle élevée en potassium (régulation de la pression artérielle), en vitamines C, B₉, en caroténoïdes (légumes rouges, oranges, jaunes, verts) et en polyphénols aux effets antioxydants, en glucosinolates (effet détoxiquant, et anticancérigène des choux), ou autres composés souffrés (ail, oignon). Certains apportent des prébiotiques (artichaut, topinambour, chicorée, oignon, etc.). La pomme de terre fait partie des légumes; mais une diversité de légumes et de fruits est nécessaire. La présence de nitrates serait favorable sur le plan cardiovasculaire, comme donneur de monoxyde d'azote (NO); – on recommande habituellement 5 portions de fruits et légumes par jour, soit 400 à 500 g/j. On peut aussi préciser « la moitié » de l'assiette. Légumes et fruits locaux, de saison, bio doivent être privilégiés pour des raisons environnementales, mais il n'y a pas d'arguments nutritionnels forts. La cueillette à maturité, si possible, est préférable, au moins pour le goût; – les céréales ont des atouts, surtout si elles sont peu (semi-complètes) ou pas (complètes) raffinées. De même, le pain : de préférence complet (type 110) ou intégral (type 150) ou semi-complet (type 80). On évitera une consommation exclusive de pain blanc. Le raffinage exclut une majorité de fibres contenues dans le son mais aussi toutes les spécificités de l'aleurone (ou couche «merveilleuse ») et du germe. Quelle que soit la teneur en fibres, le pain a un index glycémique élevé ce qui induit une charge glycémique élevée. Les fibres des céréales sont surtout des hémicelluloses, mais elles contiennent aussi des fructanes (FOS) et des XOS. Les céréales complètes sont une source de magnésium, de vitamine B₁, de vitamine E (germe), d'acides gras essentiels (germe), de protéines végétales et bien sûr de glucides. Elles apportent également des lignanes aux effets phytoœstrogénique faibles. On rapproche des céréales (blé, riz, avoine, orge, seigle, millet, etc.) les pseudocéréales (sarrasin, quinoa et amarante); – les légumes secs : leur teneur relativement élevée en protéines végétales (20 à 25 % sur le poids sec et 8 à 10 % sur le poids cuit) en fait un substitut des protéines animales, surtout si elles sont combinées à d'autres sources de protéines car elles sont déficitaires en méthionine (acide aminé soufré). Elles contiennent des fibres (guar, etc.), des GOS qui, du fait de leur fermentescibilité, peuvent être source d'intolérance digestive. Elles ont une moindre teneur en glucides que les céréales. Le soja est aussi une légumineuse d'un point de vue botanique. Bien que ce soit une des graines les plus riches en protéines (40 %), lorsqu'il est consommé sous forme de tofu il ne contient que 10 à 12 % de protéines et 3,5 % sous forme de jus de soja ou tonyu. En Asie, il est souvent consommé fermenté. Sa préparation élimine une partie des GOS. Contrairement au lait, il ne contient pas de lactose. Il est surtout consommé dans les régimes végétariens. La graine de soja est riche en lipides et contient de l'acide linoléique (oméga-6) et de l'acide α linolénique (oméga-3); – les fruits secs oléagineux (noix, amandes, noisettes, arachides, auxquelles on pourrait rajouter l'avocat) sont également des sources de lipides et, dans une moindre mesure, de protéines, de fibres et de magnésium. Leur consommation est encouragée, excepté sous forme de cacahuètes salées!

  • Les produits animaux : – ils peuvent faire partie de la nutrition préventive, les produits laitiers en particulier, notamment ceux fermentés (fromages, yaourts). Les yaourts ont des propriétés spécifiques grâce à leurs ferments lactiques [14,15]. Ils sont ainsi naturellement sources de probiotiques. Le lactose qu'ils contiennent est hydrolysé par une lactase (β-galactosidase) active tout au long du tractus digestif. Le lactose du lait n'est pas digéré en cas de déficit en lactase et devient un prébiotique. Les fromages fermentés contiennent une micrabondante et bénéfique sur le microbiote intestinal [16]. Les bénéfices pour la santé des produits laitiers sont considérables sur la santé cardiométabolique et ostéomusculaire notamment, au-delà de leur richesse en calcium, grâce à leur plus de 2 000 constituants (iode, phosphore, vitamine B₂, glutathion, protéines du lactosérum) et à un effet matrice qui rend compte de l'absence d'effet délétère de leurs acides gras saturés; – la viande et les produits carnés ont des atouts nutritionnels (richesse en protéines, en fer, zinc, vitamines B dont la vitamine B₁₂). Cependant, leur consommation ne doit pas être excessive et on doit veiller à leur mode de cuisson.

  • Le poisson et les produits de la pêche sont aussi riches en protéines que les produits carnés; ils sont sources d'acides gras polyinsaturés oméga-3 à longue chaîne (EPA et DHA), le DHA étant un acide gras indispensable, et de micronutriments (iode, sélénium, vitamines D et B sauf B₉). Les poissons gras sont particulièrement riches en acides gras oméga-3 et en vitamine D.

  • Corps gras : ils ont aussi une place en nutrition préventive à condition de les varier (beurre, huiles végétales). L'huile d'olive vierge a des atouts du fait de son insaponifiable (riche en polyphénols); elle résiste bien au chauffage, mais il convient de l'associer à des huiles contenant de l'acide α linolénique (noix, colza, soja, germe de blé, cameline, périlla, lin).

Quel mode alimentaire ?

La nutrition préventive repose sur un bon choix d'aliments, lui-même basé sur trois principes [1] :

  • il n'y a pas d'aliment parfait (excepté le lait maternel à 6 mois!) de sorte que la variété est la clé ;

  • il n'y a pas de mauvais aliment : seuls les excès sont mauvais, d'où le principe de modération;

  • il n'y a pas d'aliment indispensable (seuls les nutriments le sont) mais tous sont utiles! L'équilibre alimentaire repose pour sa part sur trois autres piliers [17] :

  • l'aspect quantitatif de la ration énergétique qui dépend de la balance énergétique et donc en grande partie de l'activité physique ; un poids stable signe une balance énergétique équilibrée ;

  • l'aspect qualitatif qui dépend de la variété des aliments +++;

  • la qualité intrinsèque des aliments qu'il convient de ne pas dénaturer par un raffinage excessif ou inapproprié (huiles, céréales), par un simple assemblage de nutriments et d'additifs parfois inutiles (les ultratransformés) [18], et par une cuisson agressive générant des composés de Maillard, des amines hétérocycliques (viande, poisson) ou des hydrocarbures aromatiques polycycliques (barbecue au charbon de bois) [19].

Il est plus facile de décrire une alimentation déséquilibrée telle que la western diet, riche en sucres et boissons sucrées, en ultratransformés, en céréales raffinées, trop riche en produits carnés et trop pauvre en produits végétaux. Le régime végétarien semble s'opposer point par point à la western diet. Il a des atouts : richesse en fruits et légumes, en céréales et en légumineuses. Mais l'absence de produits de la pêche conduit à un déficit en EPA, DHA qui ne peut être corrigé que par l'apport en micro-algue (schizochytrium, etc.) [20] et en iode. Le régime végétalien qui exclut tous les produits animaux est déficitaire en calcium, fer, zinc, iode, en EPA-DHA et induit une carence en vitamine B₁₂. En outre, chez l'enfant, son faible apport en protéines ralentit la croissance [21]. Le régime méditerranéen traditionnel est le mode alimentaire qui répond le mieux à la nutrition préventive [22] car il n'exclut aucun aliment mais privilégie les fruits et légumes, les légumes secs, les céréales et les oléagineux (et donc les protéines végétales) sans exclure les produits laitiers (fermentés ou non), les produits carnés en petite quantité, les produits de la pêche. La présence d'huile d'olive (parfois de noix ou d'argan) est habituelle ; l'usage des épices est copieux. On recommandera une limitation des produits sucrés au profit des fruits. Les aliments ultratransformés n'ont pas leur place et de ce fait on accorde une place importante à la cuisine. Ce type d'alimentation est associé à un microbiote de qualité, abondant et varié [23]. Les études épidémiologiques montrent toutes un bénéfice pour la prévention des maladies cardiométaboliques et dégénératives [22].

Conclusion

La nutrition préventive n'est pas qu'un concept, c'est une réalité vers laquelle on peut tendre. Mais les choix alimentaires ne sont pas dictés, tant s'en faut, seulement par des impératifs nutritionnels. Ils sont sous la dépendance de multiples facteurs socio-économiques, comportementaux, psychologiques et affectifs, éducatifs et culturels. Leur prise en compte est indispensable pour réaliser des changements durables. C'est le rôle des scientifiques et des nutritionnistes de montrer la voie. La santé du microbiote est un nouveau marqueur mais aussi, probablement, facteur et acteur de cette nutrition préventive.

Microbiote intestinal et santé humaine S’ouvre dans une nouvelle fenêtre © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Jean-Michel Lecerf, Service Nutrition et Activité Physique, Centre Prévention Santé Longévité, institut Pasteur de Lille

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Références

[1] Lecerf JM, Schlienger JL. Nutrition préventive et thérapeutique. Elsevier Masson: Issy-les-Moulineaux; 2020. [2] Stoop P. Santé et alimentation : attention aux faux-semblants. Notes de l'Académiques d'Agriculture de France N₃AF 2020; 1–20. [3] Monnier L, Colette C, Schlienger JL, et al. Les métaanalyses en recherche clinique : forces et faiblesses. Med Mal Metab 2020; 14:239–49. [4] Aune D, Keum NN, Giovannucci E, et al. Dietary intake and blood concentrations of antioxidants and the risk of cardiovascular disease, total cancer, and all-cause mortality: A systematic review and doseresponse meta-analysis of prospective studies. Am J Clin Nutr 2018; 108:1069–91. [5] Bleys J, Miller ER, Pastor-Barriuso R, et al. Vitaminmineral supplementation and the progression of atherosclerosis: A meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Clin Nutr 2006; 84:880–7. [6] Barbaresko J, Koch M, Schulze MB, et al. Dietary pattern analysis and biomarkers of low-grade inflammation: A systematic literature review. Nutr Rev 2013; 71:511–27. [7] Vadell AKE, Bärebring L, Hulander E, et al. Antiinflammatory Diet in Rheumatoid Arthritis (ADIRA) - A randomized, controlled crossover trial indicating effects on disease activity. Am J Clin Nutr 2020; 111:1203–13. [8] Han Y, Xiao H. Whole Food-Based Approaches to Modulating Gut Microbiota and Associated Diseases. Annu Rev Food Sci Technol 2020; 11:119–43. [9] Reimer RA, Soto-Vaca A, Nicolucci AC, et al. Effect of chicory inulin-type fructan-containing snack bars on the human gut microbiota in low dietary fiber consumers in a randomized crossover trial. Am J Clin Nutr 2020; 111:1286–96. [10] Stiemsma LT, Nakamura RE, Nguyen JG, et al. Does Consumption of Fermented Foods Modify the Human Gut Microbiota? J Nutr 2020; 150:1680–92. [11] Pasolli E, De Filippis F, Mauriello IE, et al. Largescale genome-wide analysis links lactic acid bacteria from food with the gut microbiome. Nat Commun 2020 ;11:1–12. [12] Hirt H. Healthy soils for healthy plants for healthy humans. EMBO Rep 2020 ;21. e51069. [13] Fragiadakis GK, Wastyk HC, Robinson JL, et al. Long-term dietary intervention reveals resilience of the gut microbiota despite changes in diet and weight. Am J Clin Nutr 2020; 111:1127–36. [14] Companys J, Pla-Pagà L, Calderón-Pérez L, et al. Fermented Dairy Products, Probiotic Supplementation, and Cardiometabolic Diseases: A Systematic Review and Meta-analysis. Adv Nutr 2020; 11:834–63. [15] Fardet A, Rock E. In vitro and in vivo antioxidant potential of milks, yoghurts, fermented milks and cheeses: A narrative review of evidence. Nutr Res Rev 2018; 31:52–70. [16] Foligne B. Utilité nutritionnelle et fonctionnelle de la biodiversité des ferments fromagers. Prat Nutr 2020; 64:38–42. [17] Lecerf JM. Les grands principes de l'équilibre alimentaire. In: Coxam V, Chardigny JM, editors. (éd.). Aliments fonctionnels dans un système alimentaire sain et durable. Sciences et techniques Agroalimentaires. Paris: Lavoisier-Tec & Doc; 2019. p. 15–27. [18] Lecerf JM. Les aliments hyper-transformés : un nouveau concept discuté. Med Mal Metab 2018; 12:381–6. [19] Lecerf JM. Cuisson et cancer : pourquoi pas? Lett Cancerol 2012; 21:24–30. [20] Lecerf JM. Les régimes végétariens et végétaliens : bons pour la santé? Med Prat 2017; 235–46. [21] Lecerf JM. Les jus végétaux. Prat Nutr 2019; 60:38–41. [22] Dinu M, Pagliai G, Casini A, et al. Mediterranean diet and multiple health outcomes: An umbrella review of meta-analyses of observational studies and randomised trials. Eur J Clin Nutr 2018; 72:30–43. [23] De Filippis F, Pellegrini N, Vannini L, et al. Highlevel adherence to a Mediterranean diet beneficially impacts the gut microbiota and associated metabolome. Gut 2016; 65:1812–21