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Troubles d’apprentissages en mathématiques

31 décembre 2021

Une méthode éprouvée pour accompagner les enfants en diffculté d'apprentissage des mathémathiques.

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Troubles d’apprentissages en mathématiques

Diagnostiquez la dyscalculie et les troubles de la cognition mathématique

Pour cela, il faudrait auparavant définir ce qu’on entend par dyscalculie. Étymologiquement, il s’agirait d’un dysfonctionnement dans la maîtrise du calcul (dys-calcul), mais envisageons d’abord de définir ce qu’est le calcul.

Au sens restreint, le terme « calcul » renvoie à l’activité qui consiste à opérer sur des nombres. La dyscalculie serait ainsi un trouble spécifique de l’aptitude à calculer sur les nombres, sans troubles de la compréhension. Mais au sens large, la notion de « calcul » recouvre toute activité cognitive où il s’agit de traiter des informations afin de trouver un résultat. La dyscalculie apparaît alors comme un trouble plus global touchant la mise en place de la cognition mathématique. Rappelons que le terme de dyscalculie n’est pas universellement accepté et utilisé pour désigner le trouble ! Le terme dyscalculie renvoie à la classification de la 4e édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSMIV). Et ce terme n’apparaît plus dans le DSM-5 (édité en 2013 ; traduction française parue en 2016).

Selon le DSM-IV-TR (2003) et la 11e édition de la Classification internationale des maladies (CIM-11), classifications qui parlent des troubles spécifiques de l’acquisition de l’arithmétique, il faut trois critères pour le diagnostic de troubles du calcul :

  1. les aptitudes arithmétiques (évaluées par des tests standardisés) sont nettement au-dessous du niveau escompté (compte tenu de l’âge, du niveau intellectuel et de l’enseignement approprié)

  2. la perturbation interfère de façon significative dans la réussite scolaire ou dans les activités de la vie courante faisant appel aux mathématiques

  3. s’il existe un déficit sensoriel, les difficultés en mathématiques dépassent celles habituellement associées à celui-ci.

Dans le DSM-5, on parle de trouble des apprentissages en mathématiques (TAM). Quatre critères doivent être présents :

  • difficultés à percevoir « le sens du nombre » ;

  • difficultés à comprendre des données chiffrées (lecture du nombre) ;

  • difficultés à effectuer un calcul ;

  • difficultés de raisonnement.

Il est donc actuellement « malaisé » de distinguer entre dyscalculie de développement et difficultés d’apprentissage (inversement certains auteurs parlent de « dyscalculies transitoires » pour des difficultés que l’on qualifierait plutôt de simple retard d’apprentissage). Deux bons critères d’inclusion sont à signaler et peuvent renseigner le clinicien : la faiblesse des acquisitions numériques et arithmétiques et la persistance des difficultés au cours de la scolarité. L’application de ces critères soulève cependant plusieurs problèmes méthodologiques. Ainsi, selon Van Hout et al (2001), il convient de : 1. chercher une cause repérable, qui peut être extrinsèque (environnement familial ou éducatif défavorable ou défectueux) ou propre à l’individu (retard mental, trouble sensoriel, neurologique ou psychiatrique) ; 2. distinguer les troubles transitoires, qui seraient caractérisés par des erreurs ressemblant à celles des enfants plus jeunes, des troubles durables, qui comporteraient des erreurs pathologiques, non rencontrées au cours du développement normal. La difficulté, c’est qu’actuellement, nous sommes loin de posséder une liste consensuelle d’erreurs pathologiques. Ainsi, différentes classifications DES dyscalculies développementales ont été proposées. De plus, le terme de trouble renvoie en neuropsychologie du développement à une déviance (statistique) ou atteinte d’un module de traitement cognitif (en référence à la théorie modulaire du traitement de l’information cognitive). Dans leur nomenclature, le DSM-5 et la CIM-11 ne parlent en aucun cas de trouble logicomathématique. La notion de logicomathématique renvoie à la théorie des stades décrite par Piaget et sur la présence d’une structure logique nécessaire pour construire le nombre. La description du développement par stades exclut la notion de « trouble ». L’enfant est ainsi soit en retard dans son acquisition, soit en avance, soit en équilibre cognitif dans le stade. Les deux classifications internationales ne parlent pas plus de trouble de la cognition mathématique2, même si ce terme renvoie à des difficultés massives et persistantes de l’ensemble des habiletés numériques et mathématiques et a été reconnu dans la nomenclature générale des actes professionnels en orthophonie. Michèle Mazeau (2003) préfère parler quant à elle de trouble de la cognition numérique. Elle décrit les dyscalculies avant tout comme des symptômes qui doivent être investigués de façon à repérer à la fois les compétences sollicitées dans une tâche donnée et les difficultés inhérentes à chaque enfant. Le diagnostic se réfère alors à : 1. une dyspraxie visuospatiale (troubles du regard/ troubles du dénombrement) ; 2. une dyscalculie spatiale « pure » (agnosie digitale/indistinction droite-gauche) ; 3. des troubles structurels du langage (dysphasie), avec troubles du langage oral/écrit, trouble de la combinatoire, trouble de la syntaxe) ; 4. un non-accès aux concepts (de nombre, de quantité, etc.), en référence au niveau de développement cognitif.

Dans la littérature, le terme de « dyscalculie de développement » (DD) a été introduit par Kosc (1974), puis utilisé par Badian (1983), Shalev et GrossTsur (1998) et Butterworth (2005). Kosc est le premier à décrire la dyscalculie développementale comme « un trouble structurel des habiletés mathématiques dont l’origine est génétique ou liée à un problème congénital […], et qui se présente sans un trouble plus général des fonctions mentales ». Pour Temple (1992), la dyscalculie développementale serait « un trouble des compétences numériques et des habiletés arithmétiques qui se manifesterait chez des enfants d’intelligence normale qui ne présentent pas de déficits neurologiques acquis ». Trois caractéristiques découlent de ces deux définitions : 1. le domaine visé est relativement large ; 2. le trouble s’inscrit dans un contexte d’intelligence normale ; 3. le problème de la base biologique du trouble est posé et introduit la distinction entre dyscalculie acquise (acalculie) et dyscalculie développementale. D’autres auteurs parlent de difficultés en arithmétiques ( arithmetic difficulties) ou encore de troubles des apprentissages en mathématiques ( learning disabilities in mathematics). Le praticien se retrouvera certainement dans la définition plus consensuelle proposée par Barouillet et Camos (2006) : « on entend par dyscalculie développementale les troubles sévères des apprentissages numériques sans atteinte organique ou déficience mentale identifiée. »

. Le terme de cognition mathématique renvoie à l’ouvrage de Barouillet & Camos (2006).

Fréquence de la dyscalculie développementale

La prévalence de la dyscalculie varie entre 1 et 6,5 % de la population selon les sources. Cette différence assez importante nous semble avant tout dépendre des tests utilisés et des critères d’inclusion que se sont donnés les équipes de recherche. En effet, quels critères va-t-on retenir comme difficultés spécifiques en arithmétique ? À Cuba, Reigosa et al. (2008) ont relevé un taux de 3,2 % sur une population de 16 097 enfants (écoles urbaines et rurales) (leurs outils d’évaluation étaient constitués de batteries neuropsychologiques et non de tests spécifiques). En France, Vannetzel et al. (2009) ont étudié 1 558 dossiers du centre de référence pour les troubles des apprentissages de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Ils y trouvent un signalement de « difficultés en mathématiques » pour 201 cas. Selon leurs critères (sur l’ensemble des dossiers), « seul 1,1 % d’entre eux correspondrait aux critères diagnostiques… » Et comme le soulignent ces mêmes auteurs, « il semblerait donc que la notion de dyscalculie soit l’objet d’importantes confusions, en ce qui concerne les critères de sélection et les méthodes diagnostiques ». Jean-Paul Fisher a travaillé sur les résultats des évaluations nationales françaises et a relevé un taux de 1,4 % sur 10 669 dossiers d’enfants de CE2 et 6 e. En 2010, il étudie 10 213 adultes de 18 à 65 ans. Selon sa recherche, 2,95 % auraient une dyscalculie (dont 0,55 % de dyscalculies profondes). Or, précise l’auteur, « chez les préadolescents, le taux n’est que de 1,1 % ». Il semblerait donc que cette « inaptitude à l’arithmétique » soit non pas innée, mais acquise : après tout, à mesure que l’on avance en âge, on abandonne toute pratique… Avec les ordinateurs, calculatrices, et… feuilles d’impôts préremplies, « le raisonnement arithmétique n’est presque plus nécessaire dans la vie quotidienne ».

Nombre d’enfants (d’intelligence normale) qui présentent des difficultés d’apprentissage de l’arithmétique présentent aussi des difficultés d’apprentissage du langage écrit. Mais la dyscalculie existe aussi à titre de trouble isolé. Elle ne peut donc pas être pensée comme une simple conséquence de difficultés langagières (orale et écrite). Il est donc important de distinguer la dyscalculie avec difficultés en lecture de la dyscalculie avec difficultés dans la sphère non verbale. Selon le rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) paru en 2007, peu d’enfants seraient des dyscalculiques purs, présentant des troubles spécifiques qui n’auraient à voir ni avec le langage, ni avec l’attention : « La prévalence de la dyscalculie est fréquemment considérée comme équivalente à celle de la dyslexie. Cependant, les études les plus rigoureuses suggèrent que la dyscalculie, en tant que trouble isolé, est plus rare que la dyslexie. Il n’existe à notre connaissance pas d’étude épidémiologique de la dyscalculie en France. Il y a cependant peu de raisons de penser que sa prévalence y diffère beaucoup des autres pays, la langue semblant avoir peu d’impact sur le trouble comme en atteste la convergence des résultats obtenus dans différents pays. » Les études sur la dyscalculie n’en sont qu’à leurs débuts et notre degré de connaissance dans ce domaine ne peut être comparé à celui que nous avons acquis concernant la dyslexie. Comme nous l’avons vu, il n’existe même pas de définition ni de critère diagnostique universellement admis de la dyscalculie. Le plus souvent, sont considérés dyscalculiques les enfants obtenant une performance s’éloignant fortement de la moyenne des enfants de leur âge à une batterie d’évaluation standardisée, alors que le niveau intellectuel ne s’écarte pas trop de la normale. Mais, rappelons-le, ces critères ne permettent pas de distinguer la dyscalculie de ce que d’autres auteurs appellent les learning disabilities in mathematics. Toujours dans le rapport Inserm, « un autre point d’accord concerne l’évolution du trouble. Bien que peu d’études se soient penchées sur cette question, toutes rapportent que la dyscalculie est un trouble persistant. Toutefois, les formes « pures » où les difficultés en arithmétique sont les plus isolées sont aussi les plus instables, principalement chez les jeunes enfants à l’entrée de l’école primaire. Ainsi, certains considèrent ces formes isolées comme un retard de développement plus qu’une véritable différence entre individus ». Ainsi, il n’existe pas de consensus en ce qui concerne le profil cognitif accompagnant la dyscalculie. Notons néanmoins une différence de ce qui semble s’observer pour la dyslexie, puisque la dyscalculie affecte de façon équivalente les garçons et les filles. De plus, on remarque une association fréquente avec les troubles de l’attention (un quart des enfants dyscalculiques). À quelques exceptions près, la plupart des auteurs rapportent aussi de faibles capacités en mémoire de travail chez les enfants dyscalculiques. Et il est fréquemment considéré que la dyscalculie s’accompagne de déficits sur le plan visuospatial sans pour autant que ce point fasse l’unanimité.

En résumé, nos connaissances concernant la dyscalculie sont lacunaires et incertaines. Ceci est dû à la fois au faible nombre d’études, relativement à la dyslexie par exemple, qui lui sont consacrées, mais aussi à l’ampleur et à la difficulté même de l’objet d’étude, le nombre et l’arithmétique, sans parler des mathématiques, recouvrant des activités très diverses qui impliquent un grand nombre de fonctions cognitives différentes. Toutefois, les difficultés d’étude que pose la dyscalculie pourraient être compensées par le fait qu’elle n’est pas seulement un trouble des apprentissages. En effet, comme l’a montré la psychologie cognitive, il existe chez les êtres humains un développement spontané des activités numériques et de leur compréhension qui fait que, bien avant les premiers apprentissages systématiques, l’enfant a constitué un répertoire de savoirs et savoir-faire concernant le nombre et ses utilisations. Brian Butterworth émet alors l’hypothèse que les enfants dyscalculiques auraient une difficulté innée avec le concept de numérosité. Les praticiens reconnaissent que l’enfant dyscalculique éprouve une difficulté à opérer des calculs simples. Cette difficulté est classiquement interprétée comme un déficit de récupération des faits arithmétiques en mémoire à long terme. En fait, Catherine Thevenot a montré (2017) que les résultats des problèmes additifs simples (3 + 2 = ?) ne sont pas récupérés en mémoire en long terme (MLT), mais plutôt résolus grâce à des procédures de comptage très rapides et inconscientes. L’enfant dyscalculique présenterait avant tout un défaut d’automatisation des procédures de comptage. L’enfant sans difficulté développe peu à peu des stratégies gagnantes. Ainsi, il devient de plus en plus efficace pour exécuter et sélectionner les stratégies. En revanche, l’enfant dyscalculique utilise peu de stratégies et moins efficacement (Roquet et al., 2017). Il présenterait ainsi une altération des variations stratégiques dans l’utilisation des procédures de comptage. Ceci serait lié parallèlement à une altération des processus de contrôle cognitif (inhibition et flexibilité cognitive notamment).

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Alain Ménissier est Orthophoniste et formateur

Dyscalculie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre. Comprendre et intervenir sur les difficultés en résolution des problèmes , 1re édition, d’Alain Ménissier. © 2022 Elsevier Masson SAS

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