Pathologies du compartiment postérieur
France | 6 octobre 2017
Par Anne Claire Nonnotte
Nous vous proposons de lire un extrait du chapitre 8 de l’ouvrage d’ A. Cotten sur l’Imagerie musculosquelettique – Pathologies locorégionales S’ouvre dans une nouvelle fenêtre,
G. Lefebvre, C. Fontaine, R. Guillin, X. Demondion, A. Cotten
Elles sont essentiellement composées de cinq pathologies (encadré 8.1).
Pathologies distales du muscle triceps brachial
Les chefs long, médial et latéral du muscle triceps brachial se réunissent en un tendon commun sur l’olécrâne. Les fibres médiales possèdent une topographie profonde constante, une composante essentiellement musculaire à leur insertion et une insertion distale distincte des autres chefs, bien que cette dernière donnée soit discutée [4, 6, 43]. Un 4e chef accessoire à la partie médiale du bras a été rapporté [22, 64, 70].
Tendinopathie distale
C’est la tendinopathie la plus rare du coude. Sa traduction clinique est variable, de la tendinose asymptomatique à la rupture complète. Elle résulte d’une hypersollicitation chronique, notamment chez les sportifs de lancer (« épicondylite postérieure ») ou d’une atteinte rhumatismale de l’enthèse. Les symptômes sont communs avec ceux des autres tendinopathies : douleur liée à l’activité, exacerbation lors de l’extension contre résistance, sans perte de force [17, 26, 48].
En radiographie, un enthésophyte olécrânien est parfois visible (situé dans la portion centrale et superficielle du tendon tricipital) (fig. 8.1). Il est peu spécifique, car souvent observé chez les travailleurs manuels ou en cas d’antécédent traumatique, de bursite olécrânienne ou de goutte [52]. Sa fréquence augmente également avec l’âge [7].
En échographie, le tendon est épaissi, hétérogène avec des plages hypoéchogènes (fig. 8.2) [39, 41]. En IRM, le tendon épaissi présente un signal intermédiaire en T1 ou T2 [26]. On se méfiera des altérations de signal liées à des dépôts calciques ou des ossifications au sein du tendon, et des striations longitudinales intratendineuses hyperintenses, physiologiques car liées à l’interposition de graisse entre les fibres tendineuses [54, 68].
Rupture distale
La rupture est rare (moins de 1 % des lésions tendineuses du membre supérieur) [3]. Elle est complète ou partielle et affecte alors principalement les fibres latérales superficielles [65] plutôt que les fibres médiales profondes [4]. Elle se situe préférentiellement à l’insertion osseuse olécrânienne, moins souvent à la jonction myotendineuse [72].
Clinique
Elle se manifeste par une douleur supra-olécrânienne brutale, une limitation de la mobilité active du coude en extension et parfois par un défect palpable en cas de rupture complète [23, 32, 53]. Le diagnostic est souvent manqué à la phase aiguë de par la tuméfaction et la douleur. L’extension active peut rester présente du fait d’expansions tricipitales sur la crête de l’ulna en dedans, sur le fascia du muscle extenseur ulnaire du carpe en dehors, sur le fascia antébrachial distalement, et sur l’insertion du muscle anconé en profondeur [4, 28, 43]. Les ruptures partielles sont parfois très bien tolérées, même s’il ne reste qu’un faible contingent de fibres tendineuses ; elles sont volontiers accompagnées d’une pseudo-bursite olécrânienne, par extravasation souscutanée du liquide articulaire du coude. Un cas de compression aiguë du nerf ulnaire par l’hématome associé a été rapporté [20]. La rupture distale est observée essentiellement dans le cadre d’un traumatisme sportif (haltérophilie, tennis, football) de haute intensité, affectant un tendon sain [40, 65]. Elle est habituellement secondaire à une chute sur la main avec le bras tendu, ou à un traumatisme direct. Une contraction excentrique brutale contre résistance du muscle triceps brachial a été impliquée chez les athlètes professionnels [75]. On citera également d’autres étiologies fragilisant le tendon : prises médicamenteuses (corticothérapie ou infiltration locale, prise d’anabolisants [18, 61]), maladies locales (infections [40, 53], bursite olécrânienne [18, 61]) ou systémiques (hyperparathyroïdie secondaire, insuffisance rénale chronique [36, 47, 69, 71], polyarthrite rhumatoïde, maladies du tissu conjonctif). L’atteinte bilatérale, exceptionnelle, a essentiellement été rapportée chez des patients dialysés [36, 47, 69].
Imagerie En radiographie, sur le profil, on cherche une fracture-avulsion de la pointe de l’olécrâne [18, 23] (fig. 8.3). Une fracture associée de la tête radiale sera également systématiquement cherchée (même mécanisme lésionnel) [40, 42].
En échographie, le tendon est exploré dans les plans transversal et longitudinal par voie postérieure au repos (coude fléchi à 90°) et lors de manœuvres dynamiques (flexion/extension, abduction/adduction) [18, 65]. En cas de rupture complète, le moignon tendineux est rétracté, ondulé et entouré de liquide ou d’un hématome hypoéchogène. En cas de rupture partielle, on observe une tuméfaction fusiforme avec rétraction des fibres latérales superficielles et respect de l’insertion des fibres médiales profondes [37, 39, 55, 65]. Un fragment osseux est souvent associé à ces ruptures partielles [18, 65]. Sa taille moyenne est de 1,2 cm (0,4–1,9 cm) et sa rétraction proximale d’au moins 2,4 cm [18]. Il correspond à l’avulsion de l’extrémité de l’olécrâne [65] ou d’un enthésophyte [2, 18]. L’IRM est l’imagerie de choix pour le diagnostic [29, 67, 76] et la planification opératoire [56]. La rupture complète se définit par un large intervalle liquidien entre l’olécrâne et le tendon (fig. 8.4), une rupture partielle par une interruption partielle des fibres (coexistence de fibres rompues et intactes) (cf. fig. 8.3b). On peut également observer un œdème osseux de l’olécrâne, un œdème du muscle triceps brachial et de sa jonction myotendineuse, et une bursopathie olécrânienne [26, 40].
Traitement La rupture complète nécessite une réparation chirurgicale immédiate par réinsertion transosseuse du moignon [8, 32, 53, 75]. Les lésions partielles peuvent bénéficier d’un traitement fonctionnel (courte période d’immobilisation suivie d’exercices de renforcement musculaire) mais une intervention chirurgicale peut être nécessaire chez les sportifs.
Ressaut du chef médial du muscle triceps brachial
Il s’agit du passage du chef médial du muscle triceps brachial en dedans de l’épicondyle médial au cours de la flexion du coude. Il est favorisé par une anomalie d’insertion médiale du chef accessoire ou par une hypertrophie du muscle [19, 58]. Il peut alors entraîner le nerf ulnaire vers l’avant, à l’origine parfois d’une neuropathie. La méconnaissance de cette association est une cause d’échec d’interventions chirurgicales portant sur le nerf ulnaire [58].
La réalisation de coupes échographiques [66] ou IRM [60] en flexion permet d’objectiver le positionnement antérieur anormal de la portion médiale du muscle triceps brachial par rapport à l’épicondyle médial. Un passage brusque peut être à l’origine d’un ressaut perceptible et visible en échographie dynamique, parfois associé à celui du nerf ulnaire [35]. Plus rarement, le même phénomène est observé avec le passage du muscle triceps brachial en avant de l’épicondyle latéral [59].
Conflit postéromédial
Il est observé notamment chez les sportifs de lancer, exposés à des mouvements répétitifs d’hyperextension, de valgus et de supination. Il en résulte un conflit entre la partie postéromédiale proximale de l’olécrâne et la face médiale de la fosse olécrânienne (fig. 8.5) [1, 14, 21]. Ce conflit peut être associé à une instabilité en valgus, qu’il importera de chercher (cf. page 177). On peut observer : ■ en radiographie/scanner : une ostéophytose au pourtour des zones intéressées par le conflit, et des corps étrangers ; ■ en IRM : une synovite locale, un oedème tricipital distal, une chondromalacie ou une chondrolyse focale huméro-olécrânienne postéromédiale, un oedème sous-chondral en regard.
On signalera également un cas rapporté de conflit postérieur du coussinet adipeux postérieur détaché et hypertrophié [30]. Le traitement initial est conservateur (arrêt de l’activité sportive, AINS, exercices de renforcement musculaire), parfois complété d’une injection de corticostéroïdes. En cas d’échec, un débridement arthroscopique ou chirurgical de la région huméro-olécrânienne peut être proposé [21].
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Anne Cotten : Professeur des universités – praticien hospitalier, chef du service de radiologie et d’imagerie musculosquelettique, hôpital Roger Salengro, CHRU de Lille
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Imagerie médicale : PRÉCIS S’ouvre dans une nouvelle fenêtre