Prise en charge des troubles de la personnalité par les TCCE

• Partie 1 Définitions et notions de base Fiches 1 à 24

• Partie 2 Modèles des troubles de la personnalité Fiches 25 à 57

• Partie 3 Traits et troubles de la personnalité Fiches 58 à 106

• Partie 4 Troubles et traits de personnalité associés et comorbides psychiatriques Fiches 107 à 125

• Partie 5 Principaux courants psychothérapeutiques des troubles de la personnalité Fiches 126 à 151

• Partie 6 Principes et outils de la TCCE des troubles de la personnalité Fiches 152 à 172

• Partie 7 TCCE des troubles et traits de personnalité Fiches 173 à 184

Avant-propos de l'auteur, Dominique Servant

Nous sommes confrontés en psychologie clinique et en psychiatrie à beaucoup de patients qui souffrent de troubles de la personnalité. Ils ne répondent que très rarement à l’ensemble des critères d’un trouble unique mais souvent à un ou plusieurs traits. De plus, bon nombre d’entre eux présentent plusieurs traits appartenant à différentes catégories, ce qui aboutit à des tableaux cliniques très variés. Le diagnostic est souvent difficile et la prise en charge s’avère complexe et longue. Une évaluation clinique approfondie à la fois catégorielle et dimensionnelle est indispensable comme préalable à la prise en charge des patients. La psychothérapie, assez peu étudiée dans ces troubles, est l’approche thérapeutique recommandée en première intention. Différents courants psychothérapeutiques ont depuis plus d’un siècle cherché à mieux comprendre l’origine et les mécanismes des troubles de la personnalité et des méthodes permettant de les changer durablement. Aujourd’hui, beaucoup de psychothérapeutes reconnaissent que dans leur pratique aucune méthode ne peut répondre à toutes les demandes, aux différents troubles et à tous les patients. L’approche psychothérapeutique des troubles de la personnalité privilégiée dans cet ouvrage puise dans plusieurs grands courants de psychothérapie : les TCC (thérapies comportementales et cognitives), la principale influence, mais aussi les approches psychodynamique, humaniste, basées sur l’attachement, centrées sur les émotions et interpersonnelles… Elle fait référence à de nombreux outils exposés dans plusieurs ouvrages de la collection Pratiques en psychothérapie traitant de la thérapie des schémas (Pascal, 2018), de la psychothérapie du trouble borderline (Ducasse et Brand-Arpon, 2019), des thérapies comportementales cognitives et émotionnelles (TCCE) (Lecomte et Servant, 2020). Elle est complétée par des outils centrés sur la perception et la compréhension de soi et des autres, les schémas affectifs et relationnels associés aux différents troubles. Un élément central de la psychothérapie des troubles de la personnalité qui est abordé est la relation thérapeutique basée sur l’alliance, l’expérience et le ressenti partagée du patient et du thérapeute. S’il paraît impossible de couvrir de façon exhaustive tous les thèmes de cet immense sujet, l’ouvrage présente les éléments fondamentaux et essentiels pour aider le psychothérapeute dans la prise en charge des patients souffrant de troubles de la personnalité.

Découvrez une fiche de l'ouvrage

La première partie de l'ouvrage Définitions et notions de base comprend 3 chapitres

1. Tempérament, caractère, personnalité : bref historique

2. Troubles de la personnalité

3. Approche dimensionnelle

Le chapitre 3 Approche dimensionnelle se compose de 8 fiches

• Fiche 17 Traits de personnalité en psychologie

• Fiche 18 Modèle à cinq facteurs ou modèle OCEAN

• Fiche 19 Critiques du modèle catégoriel

• Fiche 20 Approche dimensionnelle du DSM-5-TR¹

• Fiche 21 Inventaire des dimensions de personnalité (PID-5)

• Fiche 22 Approche dimensionnelle de la CIM-11

• Fiche 23 Dimensions de personnalité selon la CIM-11

• Fiche 24 Points pratiques concernant les approches actuelles catégorielle et dimensionnelle

Découvrez ci-après la fiche 17

Traits de personnalité en psychologie

À partir des années 1930 en marge de la psychanalyse plusieurs psychologues se sont intéressés aux traits de personnalité. Gordon Allport (1897-1967) souligne le caractère unique de chaque individu et l’importance du contexte présent, par opposition à l’histoire passée, pour comprendre la personnalité. Il définit la personnalité comme « l’organisation dynamique interne des systèmes psychophysiques de l’individu qui détermine son adaptation unique à son environnement ». Il soutient que les traits constituent l’unité scientifique fondamentale de mesure de la personnalité. Selon Allport, un trait est un « système neuropsychique généralisé et focalisé ayant la capacité de rendre différents stimuli fonctionnellement équivalents et d’activer et guider de façon cohérente (ou équivalente) plusieurs formes de comportement adaptatif et expressif » (1937). Il identifie des milliers de traits de personnalité (sous forme d’adjectifs) et les regroupe en trois catégories : ■ traits cardinaux : un trait cardinal domine la personnalité à travers le temps et les situations. Un trait cardinal est la composante la plus importante de la personnalité ; par exemple, l’ambition, l’abnégation, etc. ; ■ traits centraux : ce sont cinq à dix traits qui sont stables dans le temps et dans les situations. Ce sont les éléments constitutifs de la personnalité. Par exemple, la convivialité, la méchanceté, le bonheur, etc. La plupart des théories de la personnalité se concentrent sur la description ou l’explication des traits centraux ; ■ traits secondaires : ces traits ne sont évidents que dans certaines situations et sont moins importants que les traits centraux. Guilford (1959) considérait aussi la personnalité comme « le patron unique de traits de la personne ». Pour Raymond Cattell (1905-1998) la personnalité est « ce qui permet de prédire comment une personne va réagir ou se comporter dans une situation donnée », mais c’est surtout « la combinaison de l’ensemble des traits chez un individu ». Les traits sont « des structures mentales héréditaires qui expliquent le comportement et la cohérence du comportement dans différentes situations ». Cattell a repris les milliers de traits décrits par Allport et les a condensés en 16 traits principaux en utilisant la méthode statistique d’analyse factorielle qu’il a été un des premiers à utiliser pour explorer les dimensions fondamentales de la personnalité, de la motivation et des capacités cognitives. Il a appelé ces facteurs « traits sources » parce qu’il pensait qu’ils fournissaient la source sous-jacente des comportements de surface que nous considérons comme la personnalité. Le test 16 PF5 (Sixteen Personality Factor Questionnaire, 5^th edition) qui découle de ce travail est toujours utilisé aujourd’hui dans sa dernière version et a été traduit et validé en français (Bouvard, 2025). Hans Eysenck (1916-1997) considère aussi la personnalité comme étant « une combinaison de traits que la personne manifeste dans différentes situations et qui demeure stable dans le temps ». Mais à la différence des modèles de Guilford et de Cattell basés sur l’étude de sujets normaux, le sien dérive initialement de l’analyse factorielle d’un questionnaire utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale pour évaluer la personnalité de sujets atteints d’états névrotiques divers. Il a proposé que le modèle de Cattell contenait trop de facteurs similaires les uns aux autres et qu’un modèle simple à deux facteurs pourrait englober les 16 traits. Dans son livre Dimensions of Personality (1948), Eysenck propose un modèle à deux dimensions orthogonales : névrosisme-stabilité émotionnelle et introversion-extraversion, applicable aussi bien à la personnalité normale qu’aux personnalités pathologiques. Dans ses nombreux travaux ultérieurs, il introduisit une troisième dimension, le psychoticisme et étudia les rapports de son modèle avec ceux proposés par d’autres auteurs.

À propos du terme névrosisme utilisé par Eysenck S’appuyant sur des travaux antérieurs de Slater (1943), qui utilisait le terme de constitution névrotique, Eysenck, pourtant critique des théories freudiennes dès les années 1940, regretta d’avoir employé ce terme et nota qu’il serait sans doute préférable à certains égards d’utiliser une sorte d’étiquette neutre. Néanmoins, il a observé que les individus avec un diagnostic de névrose occupaient l’extrême pathologique du trait de personnalité du névrosisme.

Le névrosisme est généralement défini comme la tendance à éprouver des émotions négatives fréquentes et intenses en réponse à diverses sources de stress. Les émotions négatives sont généralement interprétées au sens large comme l’anxiété, la peur, l’irritabilité, la colère, la tristesse, etc., mais la plus grande attention a été accordée à l’expérience de l’anxiété ou humeur dépressive. Accompagnant cette émotivité négative exagérée, il y a la perception omniprésente que le monde est un endroit dangereux et menaçant, ainsi que les croyances quant à l’incapacité de gérer ou de faire face à des défis, des événements stressants. Ces croyances se manifestent souvent en termes de focalisation accrue sur la critique, soit autogénérée ou alimentée par d’autres, confirmant un sens général de l’insuffisance et de manque de contrôle sur les événements (Barlow et al., 2014 ; Eysenck, 1947 ; Eysenck, 1981). L’extraversion est caractérisée par un comportement expansif, une tendance à l’échange, aux contacts sociaux. À l’inverse, l’introversion a un caractère effacé, introverti et un contrôle de leurs sentiments. Eysenck a soutenu que ces traits étaient associés à des différences biologiques innées. Par exemple, les extravertis ont besoin de plus de stimulation que les introvertis parce qu’ils ont des niveaux d’éveil du système nerveux au repos inférieurs à ceux des introvertis. Il a élaboré un autoquestionnaire de 100 items : questionnaire de personnalité d’Eysenck forme révisée (Eysenck Personality Questionnaire-Revised, EPQ-R) et une forme révisée plus courte à 48 items (Short Form EPQ) (Eysenck et al., 1985). Ces instruments ont été traduits et validés en français (Bouvard, 2025).

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