Prothèse trapézo-métacarpienne
France | 5 janvier 2022
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Prothèse trapézo-métacarpienne
Préambule
La chirurgie de la rhizarthrose a été révolutionnée par la mise au point d'implant comme pour les autres articulations [1–3]. Cependant, contrairement aux autres sites du membre porteur ou du membre thoracique, il existe une alternative simple, reproductible et ancienne : la trapézectomie.
Au fil du temps, des adjonctions (ligamentoplasties, interposition) ont tenté de diminuer, sans y parvenir vraiment, les inconvénients de cette intervention de référence : baisse de force, délai d'obtention de l'antalgie long, retentissement sur la cinématique du carpe [4– 7]. Mais les concepteurs de prothèses ont eux aussi fait évoluer les implants pour éviter les principales complications car l'avantage des prothèses demeure la rapidité d'obtention d'un pouce indolore stable et fort : 90 % des patients oublient leur pouce en six à huit semaines [8– 10]. Ces implants dérivent tous de la prothèse de La Caffinière [1], «prothèse de hanche miniature» qui permet d'obtenir un pouce stable et fort. Cependant il n'existe que peu de travaux dont la méthodologie permette de démontrer, quel que soit le sexe, qu'une technique est supérieure à une autre ; par contre il existe deux fois plus de complications dans les trapézectomies associées aux stabilisations par rapport aux trapézectomies seules. Par ailleurs les séries rétrospectives non comparatives de différentes prothèses, décrivant une technique et un implant, rapportent les mêmes résultats fonctionnels. La comparaison non randomisée entre «trapézectomie» et «prothèses» n'apportant qu'une différence : au bout d'un certain temps (pas le même), la grande majorité des patients est satisfaite et seules les complications sont différentes : en choisissant la technique (trapézectomie ou prothèse), on choisit ses complications [11–13]. La contre-indication formelle de la prothèse trapézométacarpienne (TMC) demeure le trapèze trop petit (profondeur < 6 mm), situation exceptionnelle. La principale complication demeure la luxation de l'implant deuxième problème qu'est le descellement diminue avec le temps et l'amélioration des concepts : 22 % dans les années 1980, 4 % dans les années 1990. Si une prothèse ne se luxait pas et repoussait les limites du descellement, elle pourrait devenir la solution de référence. C'est dans cet esprit que plusieurs groupes de concepteurs ont conçu des implants plutôt non cimentés, indissociables (semi-contraints, qui se clipsent), dissociables à double mobilité ou non, mais empêchant la luxation, et de volume suffisant pour recevoir un revêtement en polyéthylène plus épais pour ralentir l'usure [9]. La fracture du trapèze est exceptionnelle, mais classique en peropératoire. La méconnaissance de la zone à risque (plutôt latérale) et l'absence de centrage lors du fraisage sont les principales causes de fractures peropératoire. L'utilisation de l'amplificateur de brillance est une aide logique en attendant des outils plus sophistiqués de planification pré et peropératoire. La stabilité d'un trapèze dépend du rapport entre le stock osseux et sa qualité, d'une part, et l'implant et de son ancillaire, d'autre part. Les prothèses trapézo-métacarpiennes permettent donc de résoudre le problème d'un pouce douloureux et inutilisable à cause d'une rhizarthrose, centrée ou non, associée ou non à une arthrose scapho-trapézo-trapézoidienne en redonnant un pouce stable et fort dans la vie quotidienne. Dès que l'évaluation des patients se fera de façon hebdomadaire pendant les trois premiers mois, la supériorité des prothèses apparaîtra. Et la trapézectomie deviendra la solution de référence… pour les reprises de prothèses que l'on ne peut pas réimplanter.
Notions de base
Les familles de prothèses couplées
Il existe aujourd'hui plusieurs types d'implants et on peut classer les prothèses couplées disponibles en trois types : les prothèses dissociables (ressemblant à une prothèse de hanche classique, prothèse rotule avec un couple métalpolyéthylène), les prothèses dissociables à double mobilité (récemment apparues sur le marché) et les prothèses indissociables (ou semi-contraintes qui se clipsent) (figures 5.1 et 5.2).
Ces différents implants ont des avantages et des inconvénients, mais l'évolution dans le temps des concept a pour but d'éviter la luxation et le descellement (tableau 5.1).
L'analyse de la littérature permet aujourd'hui de comprendre pourquoi certains des implants ont peu à peu disparu à cause de leurs complications (figure 5.3).
Les points clés de la technique
Si chaque implant détermine la technique chirurgicale, il existe des principes communs aux trois types d'implants : 1. la voix d'abord doit permettre d'exposer parfaitement le trapèze et le métacarpien ; 2. la libération de la base métacarpienne est un point fondamental car elle va permettre de visualiser le trapèze… même si la coupe va dépendre de l'implant choisi ; 3. la préparation du métacarpe ne pose en général que peu de problèmes et le but n'est pas d'implanter la plus grosse tige possible, mais la première qui tient le mieux ; 4. la préparation du trapèze réalisée idéalement au moteur permettra de creuser une cavité aux dimensions de l'implant trapézien ; 5. comme pour toutes les articulations, une prothèse serrée générera des complications; à court terme : douleurs, syndrome régional douloureux complexe, tendinite de De Quervain, et à long terme : usure précoce. C'est la conséquence d'une mauvaise exposition à cause d'une coupe métacarpiennne trop faible souvent observée en début d'expérience; 6. l'apport peropératoire de l'amplificateur de brillance n'est pas inutile, au moins pendant la courbe d'apprentissage.
L'évaluation des résultats des prothèses
C'est le recul qui est le juge de paix dans les évaluations des implants articulaires et les prothèses trapézo-métacarpiennes n'échappent pas à cette vérité car en fonction du patient, du type prothèse, des outils d'évaluation et du recul, la prothèse ne «montre pas» forcément les mêmes performances. Vissers et al. ont montré qu'à dix ans de recul minimum, le quart des prothèses avait nécessité une chirurgie secondaire… Cela illustre la nécessité de suivre longtemps nos patients, mais aussi d'évaluer leurs gênes à court et à long termes… après cinq ans les ennuis peuvent survenir, surtout dans des sous-groupes particuliers : les patients manuels de force, les cupules de petite taille, les cols de petit diamètre [14] (figure 5.4).
But de l'intervention
L'objectif de l'intervention est de faire disparaître les douleurs tout en gardant un pouce mobile stable et fort pour les gestes de la vie quotidienne, avec obtention de cette autonomie fonctionnelle et cette indolence la plus rapide possible.
Quand poser l'indication opératoire?
L'indication opératoire est proposée devant une rhizarthrose ou une arthrose péritrapézienne résistante à au moins deux infiltrations et parce que le patient ne supporte plus la douleur et/ou le manque de force de la pince et si la gêne est plus importante que l'appréhension d'une chirurgie… Dans ces cas l'indication opératoire doit être proposée et argumentée car elle est gagnante.
En cas d'arthrose péritrapézienne?
Pendant longtemps l'existence d'une arthrose scapho-trapézo-trapézoïdienne (STT) était une contre-indication à la mise en place d'une prothèse TMC en cas de rhizarthrose associée (arthrose péritrapézienne). En fait la mise en place d'une prothèse permet à l'étage trapézo-métacarpien de retrouver de la mobilité, ce qui en théorie peut ralentir l'évolution arthrosique à l'étage sus-jacent. En cas d'arthrose péritrapézienne, il faut traiter la zone du conflit le plus symptomatique sans créer plus de complications spécifiques à chaque technique ou adjuvant. Le choix thérapeutique est de savoir si l'on doit traiter les deux pathologies, celle qui semble la plus symptomatique ou la rhizarthrose d'abord. Même si l'excision du trapèze paraît logique pour guérir les deux pathologies voisines, si elles sont autant symptomatiques (douleur plutôt dorsale à la pince pour la rhizarthrose – douleur plutôt palmaire en hyperextension contre résistance pour la STT). Si une trapézectomie est réalisée, il faut sans doute lui associer une résection partielle du trapézoïde [15] ; cependant elle expose malgré tout aux complications qu'on lui connaît. Dans notre expérience le traitement premier de la rhizarthrose par prothèse reste une stratégie gagnante, car dans 9 cas sur 10 c'est la rhizarthrose qui est symptomatique. Un geste sur l'articulation trapézo-métacarpienne premier (arthroplastie trapézo-métacarpienne, interposition par des implants en pyrocarbone) a montré de bons résultats sans aggravation de l'arthrose scapho trapézienne. Un geste d'interposition combiné peut aussi être réalisé [16].
Et chez «l'homme» ou un(e) patient(e) travailleur manuel ?
Vanmierlo et al. ont montré que chez 14 hommes, la moitié des implants avait présenté des complications nécessitant une réintervention dans la moitié des cas toujours à partir de 4 ans; mais dans la série rapportée il s'agissait d'une conjonction de facteurs : le garçon en question était un manuel de force, la prothèse implantée nécessitait un col prothétique de grande taille, plutôt long et dont le diamètre était très fin ; plus que le sexe et le genre, ce sont les occupations manuelles et les travaux manuels répétitifs lourds qui peuvent entraîner des dommages prothétiques et raccourcir la survie de l'implant [17] ; il faut impliquer et expliquer aux patients que plus on utilise le pouce opéré d'une prothèse, plus effectivement la prothèse est soumise à des sollicitations et une usure plus rapide.
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Les auteurs :
Jean-Michel Cognet., chirurgien orthopédiste, ancien chef de clinique, ancien praticien hospitalier des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, SOS Mains Champagne-Ardenne, clinique Courlancy, Reims. Michel Levadoux., chirurgien orthopédiste, chirurgien des Hôpitaux des Armées, professeur agrégé du Val-de-Grâce, ancien chef de service du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'hôpital d'instruction des Armées Sainte-Anne, Toulon. Laurent Obert., professeur des universités-praticien hospitalier, chef de service du service d'orthopédie, de traumatologie, de chirurgie plastique, reconstructrice et Assistance Main, CHRU Besancon, membre de l'Académie nationale de chirurgie. Jean Goubau., docteur en médecine, professeur en chirurgie Orthopédique et Traumatogie à la Faculté de Médecine de la VUB (Vrije Universiteit Brussel), Chirurgie de la Main, du Poignet et micro vasculaire, Service d'Orthopédie et Traumatologie, Hôpital Universitaire à Bruxelles (VUB) et à Maria Middelares Ziekenhuis, Gand, Belgique. Jérôme Garret., chirurgien orthopédiste, ancien chef de clinique des Hôpitaux universitaire de Lyon, chirurgie du membre supérieur, clinique du Parc, Lyon
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M.Levadoux, L.Obert, J.Goubau, J Garret, J-M.Cognet, ISBN 9782294769245 2020
Extrait de l'ouvrage
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La main non traumatique 10 interventions courantes S’ouvre dans une nouvelle fenêtre J-M.Cognet, M.Levadoux, L.Obert, J.Goubau, J Garret, Association Les Amis d'Epicure et de Galien ISBN 9782294769238 2020
Extrait de l'ouvrage
Références
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