La motivation en TCC
France | 5 février 2021
Par Anne-Claire N.
Nous vous proposons de découvrir la fiche 13 de l'ouvrage La motivation et l'entretien motivationnel en 30 fiches S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
La motivation en TCC
La TCC est une thérapie de l’action et du changement, elle est donc forcément exigeante, elle demande un certain effort de la part du patient et du thérapeute. Pour lui donner ses chances de réussir, il faut que patient et thérapeute travaillent ensemble et qu’ils aient les mêmes objectifs. Parfois c’est le cas, et la thérapie est alors une réussite, voire un plaisir pour les deux, mais dans la plupart des cas, le travail thérapeutique s’achoppe à des problèmes, dont la motivation du patient. Le comportementalisme, dans son esprit scientifique, nous amène à sortir des notions vagues : Il n’est pas motivé… Elle manque de motivation … Il est ambivalent… pour adopter une « attitude TCC », c’est-à-dire une posture faite de science et d’empathie, ne portant de jugement ni sur le patient ni sur soi. Le thérapeute regardera le manque de motivation comme un problème à résoudre. La conceptualisation tiendra alors compte de ce problème, et l’analyse fonctionnelle portera en priorité sur les comportements relevant d’un manque de motivation. Il faut donc raisonner en termes de comportement de motivation ou de démotivation et définir le manque de motivation de façon opérationnelle : quels sont les signes qui nous permettent de dire que le patient manque de motivation ? Par exemple, le patient ne vient pas aux séances de thérapie, ne réalise pas les tâches prescrites ou ne prend pas le traitement prescrit en même temps que la TCC, etc. Dans notre méthodologie, la motivation est un élément essentiel de la formulation, mais elle peut devenir elle-même objectif thérapeutique : de commun accord avec son patient, le thérapeute TCC l’aide à voir quels sont les changements qui seraient les plus utiles pour lui, à y établir une hiérarchie, à évaluer le « coût » du changement évoqué, à repérer et à trouver les moyens pour y parvenir, à voir la place de ce changement par rapport aux valeurs et forces et autres éléments susceptibles d’aider le patient dans ce processus. La question ne se pose jamais, ne doit jamais être posée en termes d’« être motivé ou pas motivé », les situations complexes de la vie ne se présentent pas en tout ou rien. La motivation est un processus dynamique, complexe et évolutif. L’hypothèse de départ des TCC est qu’un comportement qui persiste remplit forcément une fonction, c’est-à-dire qu’il sert à quelque chose dans la vie du sujet.
À moins qu’un comportement ne soit dangereux pour le patient ou pour autrui, il faut se garder de l’éteindre avant d’avoir compris ses fonctions et appris au patient un comportement de remplacement. Nous le verrons plus loin dans la présente fiche à la lumière du modèle des deux facteurs. La TCC utilise toujours des renforçateurs pour apprendre au patient de nouveaux comportements. Chez les patients ayant une intelligence normale, et qui perçoivent le bénéfice du nouveau comportement visé, les renforçateurs sont en général symboliques et anticipés. Par exemple, une patiente souffrant d’agoraphobie peut anticiper le plaisir et l’épanouissement social qu’elle obtiendra grâce à un nouveau comportement (sortir de chez elle sans avoir peur) que la TCC est susceptible de lui apprendre. C’est cet épanouissement anticipé qui sera son principal renforçateur. En plus, elle peut décider d’elle-même, seule ou en collaboration avec son thérapeute, de se renforcer symboliquement (se féliciter, sentir combien elle est contente) ou physiquement (manger une part de son gâteau préféré) chaque fois qu’elle accomplit un exercice d’exposition ( encadré 13.1 ).
Alliance thérapeutique
La TCC fait la part belle à la relation thérapeutique, souvent appelée l’alliance thérapeutique car le thérapeute travaille avec son allié, le patient. L’alliance s’étend aux proches du patient si celui-ci est encore enfant ou s’il est porteur d’un handicap mental qui le rend dépendant de son entourage. Même chez un adulte ayant toutes ses facultés mentales, le thérapeute, en accord avec son patient, peut voir des membres de la famille pour mieux comprendre la situation et pour que la famille comprenne mieux la souffrance du patient et le déroulement de la thérapie.
L’enseignement de la TCC y insiste et engage le thérapeute à adopter un style chaleureux et authentique qui renforce la confiance du patient. L’alliance thérapeutique a par elle-même un effet bénéfique, comme dans toute forme de psychothérapie. En TCC, elle permet en plus d’utiliser nos techniques puissantes et de motiver le patient. Un patient qui fait confiance à son thérapeute et qui se sent à l’aise pendant les séances de thérapie sera plus enclin à faire les efforts et les exercices nécessaires.
Contrairement à l’approche psychanalytique, l’alliance thérapeutique en TCC n’est pas modélisée comme un processus inconscient ou comme un procédé curatif à part entière. L’alliance est vue comme un phénomène complexe qui naît parfois spontanément et reste positif tout au long de la collaboration entre thérapeute et patient ; alors que dans certains cas cette alliance fait défaut ou pose des difficultés, elle devient alors objet d’étude et se prête à l’analyse fonctionnelle. Dans tous les cas, elle est considérée comme un cadre indispensable à la mise en œuvre de la thérapie.
Le thérapeute formule les difficultés de la relation thérapeutique en termes de comportements problématiques ; ainsi, quand le patient ne vient plus aux séances de thérapie, cette situation sera regardée comme un comportement problématique (« ne pas venir aux séances de thérapie ») et fera l’objet de l’analyse fonctionnelle. Nous en donnons de nombreux exemples dans la feuille de route du praticien. Par exemple, si le patient se méfie du thérapeute, son attitude ne sera pas considérée comme une position paranoïaque ou une forme de « résistance », mais simplement comme un comportement problématique qui mérite d’être observé, compris et étudié.
Modèle des deux facteurs
Une erreur courante chez qui pensent connaître le comportementalisme est de croire que les conséquences aversives d’un comportement diminuent automatiquement sa fréquence. Or, dans la vraie vie il se passe souvent le contraire, les conséquences aversives contribuent à augmenter la probabilité de réapparition du comportement. Une des raisons possibles en est que le comportement étudié est un comportement d’échappement qui est devenu une stratégie généralisée pour faire face aux émotions pénibles (ou au mélange d’émotions, de pensées et de sensations physiques qu’on appelle communément le stress). Ce cercle vicieux a été modélisé par Mowrer sous le nom du modèle des deux facteurs ( figure 13.1 ). Ce modèle tente d’expliquer l’apparition puis le maintien de certains troubles psychiques. Prenons l’exemple de Michel, homme vivant avec sa femme, et qui souffre d’une agoraphobie. La théorie dit qu’un apprentissage répondant s’est fait dans le passé par l’association fortuite d’un stimulus neutre (être à l’extérieur) et d’une réponse physiologique (anxiété provoquée par un événement quelconque), si bien que toute sortie de la maison provoque une anxiété insoutenable. Cet homme a ensuite appris à soulager son anxiété par la consommation d’alcool. Le corps apprend ensuite de façon opérante que dans une situation d’anxiété, notamment provoquée par le fait de se trouver loin du domicile, le meilleur moyen pour échapper à cette anxiété est de boire de l’alcool. Michel entre donc chaque fois dans un bistrot et boit rapidement 1 ou 2 litres de bière, ce qui a pour effet de calmer l’anxiété, mais aussi d’altérer l’état de conscience de Michel, qui, quand il rentre à la maison, récolte les reproches amers de sa femme. La femme de Michel espère que ses remontrances (tu te bousilles la santé, pense à nos enfants, tu es un irresponsable…) ramèneront son mari dans le droit chemin, mais elles ne font qu’augmenter l’anxiété. Et comme le meilleur remède de l’anxiété est de boire…
Ce modèle nous aide à comprendre la source du décalage entre la vision du patient d’un côté et celle du thérapeute et de l’entourage de l’autre. Le thérapeute se focalise souvent sur les renforçateurs du comportement gênant (que nous désignerons plus loin par +S+ pour les renforçateurs positifs et par –S– pour les renforçateurs négatifs), tandis que le patient demande avant tout d’échapper aux conséquences aversives de son comportement, c’est-à-dire comment faire face au mécontentement de son entourage, aux problèmes de santé, à l’isolement social, etc., et éventuellement à l’angoisse, à la tristesse, au stress, etc. (les réponses conditionnelles).
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Ayman Murad Psychiatre et praticien hospitalier au Centre Hospitalier de Rouffach, chargé d’enseignement à l’université de Strasbourg et membre et enseignant à l’AFTCC (Association Française des Thérapies Comportementales et Cognitives)
Aurélie Fritsch Psychologue, professeur associée au département de psychologie à l’université de Strasbourg et membre de l’AFTCC (Association Française des Thérapies Comportementales et Cognitives)
© 2021 Elsevier Masson SAS
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