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Les différents modèles systémiques

1 juin 2023

Par Anne Claire Nonnotte

Les Thérapies familiales systémiques

Les différents modèles systémiques

Obest plerumque iis, qui discere volunt, auctoritas eorum qui docent [Le plus souvent, qui veut s’instruire est gêné par l’autorité de ceux qui enseignent] Cicéron, De la nature des Dieux, I, VLe précédent chapitre tentait de comprendre l’élaboration du modèle systémique, construit grâce à des apports multi- et transdisciplinaires. Celui-ci complexifie la question davantage encore puisqu’il montre l’existence non pas d’un mais de plusieurs modèles possibles. Selon le milieu étudié (famille dont un des membres est psychotique, milieu marginal de toxicomanes, bande d’adolescents délinquants, etc.), les découvertes des chercheurs ont été très différentes, et l’on pourrait ajouter : selon la personnalité du chercheur lui-même, ses rencontres, les opportunités qu’il a eu la chance ou l’habileté de saisir. Citons seulement deux exemples, mais ô combien significatifs : le groupe de Palo Alto, initialement composé de chercheurs qui pour la plupart n’étaient pas psychiatres, a centré ses travaux sur l’étude des familles de schizophrènes, c’est-à-dire sur des systèmes clos sur eux-mêmes, caractérisés par un fonctionnement cybernétique homéostatique. Salvador Minuchin, à l’opposé, a exploré le système ouvert des adolescents délinquants issus de familles désinsérées, en situation financière particulièrement précaire et socialement exclues. Les deux ont été à l’origine de découvertes fabuleuses, dont tous les tenants et les aboutissants ne sont pas encore complètement exploités. Il s’en suit une très grande richesse théorique, volontiers déroutante pour les néophytes. L’important est ici peut être moins d’engranger une somme de connaissances – dont les conclusions sont d’ailleurs toutes relatives, fluctuantes et éphémères au fur et à mesure d’autres découvertes – que de saisir la méthodologie ayant permis d’y aboutir, ainsi que de s’imprégner du courant de pensée qui est le plus en phase avec ce que l’on ressent soi-même et que l’on sera, de ce fait, le mieux à même d’exploiter au quotidien de sa pratique clinique personnelle.

École de Palo Alto et thérapies brèves

Les figures emblématiques de ce que l’on a appelé l’École de Palo Alto sont Gregory Bateson, John Weakland, Don Jackson, Jay Haley, ainsi que Richard Fisch, et William Fry. En fait, le groupe, qui a été « à géométrie variable » au fil du temps, doit également beaucoup à Ray Birdwhistell ainsi qu’à Edward Hall, tous deux anthropologues. Par la suite, d’autres auteurs éminents poursuivront ces travaux ; mentionnons plus particulièrement les noms prestigieux de Janet Beavin, Albert Scheflen et Paul Watzlawick.

Contexte historique d’émergence de la pensée systémique à Palo Alto

On a souvent parlé de « collège invisible » pour rendre compte de l’émergence de la pensée systémique, simultanément à des endroits différents, du fait de plusieurs auteurs qui, bien que ne se fréquentant pas initialement, étaient arrivés aux mêmes conclusions scientifiques (peut-être parlerait-on plutôt de nos jours de « réseau intellectuel » ?)1. On a dit aussi que tout s’était passé comme si les idées scientifiques avaient été suffisamment « mûres » pour s’épanouir dans des lieux différents, parfois fort éloignés2. Mais cette vision de l’histoire amoindrit selon nous le mérite de Gregory Bateson, leader du groupe de chercheurs à l’origine de travaux remarquables sur la communication qui ont eu un point de départ très précis, et non multiple : la ville américaine de Palo Alto3. En 1927, Gregory Bateson, de sa place d’anthropologue étudiant les coupeurs de tête et Iatmul de Nouvelle-Guinée, se rendit rapidement compte de l’importance des réactions de l’entourage dans la façon dont l’individu se comportait. Ces réactions pouvaient amener l’individu à changer complètement de comportement, comme s’il effectuait, grâce aux autres, un retour sur lui-même : le concept d’autorégulation comportementale était né, et avec lui le mécanisme de feed-back (ou rétroaction, rétrocontrôle)4. Par la suite, les échanges intellectuels fructueux qu’il eut avec Jurgen Ruesch, le psychiatre qui l’avait invité pour un enseignement d’anthropologie médicale à la clinique Langley Porter Neuropsychiatric Clinic de San Francisco, le stimulèrent dans ses recherches sur la communication5.

Références

1 L’expression de « collège invisible » de penseurs scientifiques est de Derek J. de Solla Price, in : Little Science, Big Science, Columbia University Press, New York, 1963. 2 Il semble que ce soit la conception linéaire du mathématicien Shannon qui ait fédéré contre elle ceux qui allaient devenir les premiers systémiciens. L’ouvrage de Claude E. Shannon et de Warren Weaver paru en 1949 (The Mathematical Theory of Communication, University of Illinois Press, Urbana) n’aurait probablement pas été critiqué s’il s’était borné à l’étude des mécanismes de transmission en jeu dans le domaine des télécommunications téléphoniques. Vouloir généraliser ce modèle linéaire à l’ensemble de la communication interhumaine a soulevé la fructueuse opposition que l’on sait. 3 Ville située au sud de San Francisco, en Californie. La ville de Philadelphie (côte Est des États-Unis) a également joué un rôle de premier plan dans le développement de la pensée systémique. On oppose, un peu schématiquement d’ailleurs, les recherches menées sur la côte Ouest (à Palo Alto avec Bateson et son équipe, puis plus tard celles de Virginia Satir), aux recherches menées sur la côte Est (par Frieda Fromm-Reichman, Harry Stack Sullivan, Murray Bowen, etc., tous très marqués par le courant psychanalytique, ainsi que par Nagy au Eastern Pensylvania Psychiatric Institute de Philadelphie). 4 L’utilisation galvaudée de cette expression de feed-back a conduit à des contresens, ainsi que l’écrit Jacques Durand (1981) : « Le concept de feed-back a rencontré un succès considérable de sorte qu’il tend à être utilisé, de façon excessive, chaque fois qu’il y a communication réciproque. Une communication réciproque est un dialogue, elle n’est pas nécessairement un feed-back. La notion de feed-back implique que l’information en retour est intégrée à un processus de décision, qu’elle renseigne un agent sur le résultat de son action antérieure et oriente une action correctrice » [à l’instar de l’écriture manuelle, autocorrigée par la lecture à mesure de l’écrivain]. 5 Il en résulta un ouvrage important : Ruesch J., Bateson G., Communication. The Social Matrix of Psychiatry, Norton, New York, 1951.

Il sut percevoir l’existence de différentes formes d’échanges (langage verbal et langage non verbal), de paradoxes dans ces échanges (idée qui allait aboutir au concept de double contrainte), et de différences de niveaux logiques (en référence à la théorie de Russell sur les types logiques). Bateson eut rapidement l’intuition que la communication représentait un tout intégré, indissociable du tissu social qui lui sert de matrice, de support relationnel. Désireux d’étudier en profondeur le rôle des paradoxes de l’abstraction dans la communication, il chercha à former une équipe et s’entoura d’amis ayant chacun une formation différente : de chimiste (puis d’anthropologue) pour John Weakland, d’étudiant en communication sociale sur des films de fiction pour Jay Haley, de psychiatre pour William Fry (remplacé ensuite par Donald D. Jackson). Voulant appliquer le paradoxe de Whitehead et Russel sur la « classe des classes », il conduisit une série de recherches sur les familles de schizophrènes, au Veterans Administration Hospital de Menlo, un hôpital pour anciens combattants. Là, observant la façon dont les patients communiquent avec leurs parents, leurs mères en particulier, ils élaborèrent les bases de ce qui allait devenir la métacommunication (c’est-à-dire la façon dont il est possible de communiquer sur une communication) et dans la foulée le fameux concept de double contrainte, fondé sur la confusion des niveaux logiques communicationnels, et conclurent qu’une maladie mentale grave, ici la schizophrénie, pouvait être le fait de troubles importants de la communication ; en améliorant ces derniers, tout espoir thérapeutique est alors permis ! On imagine l’impact scientifique de cette conception interactionnelle de la maladie mentale : une nouvelle épistémologie venait de naître (Bateson et al., 1956)6. Le petit groupe de chercheurs est alors reconnu comme tel, et s’anime peu à peu d’une volonté thérapeutique, les transformant ainsi lentement en cliniciens7.

Références

6 Ce texte princeps sera d’ailleurs repris par Bateson (1980) in : Vers une écologie de l’esprit, t. II, Le Seuil, Paris. La « double contrainte » – ou « double lien » (double bind) – rassemble classiquement les caractéristiques suivantes : au moins deux personnes (dont une « victime  »), une expérience qui se répète, une injonction primaire (en général verbale, avec une menace de punition affective), une injonction secondaire (contrecarrant la précédente à un niveau d’abstraction plus élevé), une injonction tertiaire interdisant à la «  victime  » de solutionner le problème, et rendant forclose toute échappatoire logique à la « victime ». La double contrainte schizogénique ainsi décrite traduit donc l’expérience douloureuse du lien vital qui retient la « victime » à l’« agresseur ». Par la suite, un auteur comme Milton Erickson parlera de « double lien thérapeutique » pour évoquer une technique stratégique très particulière, construite dans un contexte thérapeutique spécifique, et susceptible d’être interrompue à tout moment par le patient. En fait, il semblerait que Bateson n’ait pas été vraiment satisfait de la tournure clinique que prenaient progressivement les événements. Chercheur dans l’âme, il se sentait étouffer dans le milieu psychiatrique (bien que rémunérateur de ses travaux, et peut-être aussi justement à cause de cela : les recherches sur la schizophrénie étaient en vogue à l’époque et les subventions d’obtention pas trop difficile). Il préféra aller explorer d’autres horizons : par exemple en 1962 tenter de comprendre le langage des dauphins, aux Iles Vierges (Petites Antilles), puis à Hawaii. Ce qui l’intéressait surtout, c’était d’étudier le comportement individuel au sein d’un groupe social, quel qu’il soit, la maladie mentale ne représentant qu’un exemple parmi d’autres

Bateson a également su puiser à la source de l’enseignement des grands scientifiques qu’il rencontra lors de conférences à la Fondation Josiah Macy, tels Norbert Wierner pour la cybernétique et John von Neumann pour les mathématiques. Ces savants, précurseurs des phénomènes d’automation et de notre robotique moderne, étaient fascinés par l’analogie possible entre l’homme et la machine, ce qui explique leur démarche. Le Mental Research Institute fut fondé (sans Bateson) à Palo Alto en novembre 1958 par Jackson, qui en devint le premier directeur8 . C’était un des tout premiers établissements psychothérapiques combinant la recherche (théorique et appliquée), l’enseignement et les soins. Ces derniers avaient pour support ce que l’on appelait alors « la psychothérapie menée conjointement avec les familles » Parallèlement à tout cela, la rencontre avec Milton Erickson sera capitale, car elle permettra à Weakland, et surtout à Haley, de mieux comprendre le phénomène des différents niveaux d’échanges, sur lequel repose la pratique de l’hypnose. De la confrontation de leurs recherches cliniques avec la pratique de l’hypnose éricksonienne, naîtront les idées mises en pratique au futur Centre de thérapie brève9.

Théorie de la double contrainte

Rappelons que le principe de la double contrainte10 a été découvert par Bateson, Jackson, Haley et Weakland à partir d’observations d’interrelations entre des patients schizophrènes et leurs mères11, et qui a été complété un peu plus tard du qualificatif de réciproque par Haley (la double contrainte réciproque) pour rétablir la notion de circularité absente de la première publication. Bateson était particulièrement attaché à cette théorie, dont les applications extrapsychiatriques très larges le fascinaient. Par la suite, la théorie a un peu déçu, en ce sens que, contrairement aux observations princeps, il n’était pas toujours possible de retrouver le phénomène de double contrainte tel qu’il avait été décrit dans toutes les familles de schizophrènes. De plus, relier un désordre communicationnel à un type de pathologie est une vision réductrice, qui ne rend pas compte d’autres phénomènes beaucoup plus complexes. Matteo Selvini (1985) écrit sans complaisance que « ce n’est pas un hasard si la théorie du double lien fut élaborée avant que ne soit entreprise une pratique de recherche clinique systématique. La théorie  du double lien fut en effet le fruit d’une spéculation de type essentiellement déductif, œuvre d’un groupe d’experts, spécialistes de branches très diverses des sciences du comportement. Quand, une fois terminée la période de pure élaboration conceptuelle, vers 1959, le groupe se pose le problème des applications plus spécifiques du modèle théorique à la famille et à la clinique, les limites du modèle communicationnel apparurent clairement ». C’est alors que Haley publie son deuxième article sur le concept de la double contrainte en exposant le principe de la réciprocité de cette modalité relationnelle (la double contrainte réciproque).

Références

8 Il s’adjoint d’abord les services de Virginia Satir, assistante sociale, et de Jules Riskin, psychiatre, puis en 1961 de Paul Watzlawick, et en 1962 de John Weakland et Jay Haley. 9 Le MRI devient en 1967 le Brief Therapy Center, lieu de recherches cliniques davantage que de soins. 10 Double contrainte est une traduction possible de l’expression anglaise double bind, également traduite en double lien, et parfois en double entrave ou en double injonction. Au départ, le concept basique du double lien était celui d’une interaction en duo (twoperson interaction) sur le modèle de celle de la mère et de son enfant ; la théorie s’est ensuite élargie à la description des schèmes d’une communication en trio (three-party interaction), comme par exemple les interactions père-mère-enfant, médecin-infirmierpatient, ou encore psychiatre-psychothérapeute-patient. 11 L’expression de double bind, créée par Bateson en 1956, constitue la clé de voûte de tout un système de pensée résultant d’observations anthropologiques minutieuses de ce chercheur sur les messages paradoxaux émis dans les jeux animaux et chez l’homme dans des situations particulières, telles que la relation hypnotique ou l’utilisation de l’humour. L’article princeps de Gregory Bateson, Don D. Jackson, Jay Haley et John H. Weakland, fait état de messages paradoxaux fréquents par des familles dont un des membres est schizophrène. Le patient s’y trouverait soumis à des injonctions paradoxales qui, parce qu’itératives et survenant dans un climat émotionnel particulier, conduisent à sa décompensation psychique ; le patient est donc compris ici comme étant la victime d’un système de communication gravement dysfonctionnelle.

Dès sa création, ce concept communicationnel a donc fait l’objet de graves malentendus. Don D. Jackson (1981) a reconnu qu’il était maladroit de ne pas insister suffisamment sur l’aspect interactif des choses, qui eût donc minimisé l’importance de l’élément inducteur pathogène : « Le premier article publié sur la question ne faisait pas assez ressortir le fait que la relation dite de double contrainte ne suppose ni “tyran” ni “victime”, mais plutôt deux tyrans-victimes. Cela va de soi si l’on considère qu’il est impossible de répondre à une double contrainte sinon par un message aussi paradoxal, voire plus, et que, donc, si aucune des parties n’échappe à cette relation, on doit s’attendre à ce que celle-ci se perpétue, jusqu’à ce qu’il ne soit même plus question de savoir comment tout avait commencé ». La double contrainte a également souvent été confondue, à tort, avec le dilemme, moteur psychologique historique bien connu des grandes tragédies classiques de la littérature, allant parfois jusqu’au crime passionnel. Si dans les deux cas il y a risque existentiel sévère pour au moins un des protagonistes, il existe des critères distinctifs12.

  • La double contrainte n’est pas le dilemme : dans ce dernier, le sujet est confronté à un choix existentiel particulièrement difficile à faire car répondant à deux désirs opposés et totalement contradictoires ; pensons par exemple à Chimène tiraillée entre son amour pour Rodrigue et la fidélité morale qu’elle doit à son père : comment faire sa vie avec l’assassin de son propre père ? Ici Chimène à la fois aime et déteste le Cid, dans une bipolarité affective (dont l’expression est verbale, versifiée, et « contradictoire » en ce sens qu’elle dit une chose et son contraire) qui n’est pas l’ambivalence (ce terme s’entendant au sens que la psychiatrie classique lui a conféré, c’est-à-dire renvoyant à une pathologie de type schizophrénique).

  • Dans la double contrainte, il ne peut y avoir de choix adapté car les deux messages ne sont pas sur le même plan. Dans l’exemple précédent, l’amour et la haine se combattaient l’un l’autre, sur un même plan sentimental. Imaginons une situation où deux messages ne soient pas sur le même plan, l’un étant verbal et l’autre non verbal : une mère par exemple qui à la fois gronde son enfant, et lui sourit affectueusement. Ce dernier reçoit deux messages opposés : le message verbal est critique, rejetant, alors que le message non verbal est apaisant et affectueux. C’est parce qu’il y a non-congruence entre ces deux messages se situant sur des plans différents (l’un verbal, l’autre analogique) que l’enfant, ne sachant auquel se fier, est contraint de vivre un malaise, dont les conséquences psychopathologiques en cas de répétition peuvent s’avérer désastreuses. De plus en pareil cas, l’enfant n’a pas en général la possibilité de prendre le recul suffisant pour parler de ce qu’il est amené à ressentir. Il ne demande pas non plus à sa mère de se positionner clairement : est-il puni ou gratifié ? Sa réaction comportementale sera teintée de l’ambiguïté ressentie, laquelle aura un effet similaire sur la mère, en retour. On remarquera que, dans les deux exemples choisis ici, il est question d’affectivité, c’est-à-dire de relation interpersonnelle intense qui est d’une importance capitale pour la suite des événements vitaux et en particulier pour les attitudes et comportements à adopter de manière cohérente et adaptative.

Le schème communicationnel du double lien a été décrit ainsi par John Weakland en 1960 : « Un sujet est confronté à une communication importante comportant une paire de messages, de niveaux ou de types logiques différents, conjoints mais non congruents l’un l’autre. Quitter le terrain est interdit. Suivie de l’établissement d’une communication plus satisfaisante, l’échappatoire ouvrirait une voie latente pour une réponse courante et adéquate. Son absence découle habituellement de la dépendance à l’égard de la (ou des) personne(s) émettant les messages contradictoires. […] Deux messages significatifs contradictoires signifient deux injonctions comportementales non congruentes, puisque chaque injonction exige une réponse comportementale. L’absence de reconnaissance et de réponse à la dualité et à la non-congruence des messages reçus induit […] l’échec à discriminer le niveau du message à recevoir, […] la confusion subjective conséquente, avec désordre des idées et des affects […] ». Weakland explique qu’il s’en suit une très grande difficulté, pour le récepteur du message, pour donner une réponse adéquate, à cause du déguisement, du déni ou de l’inhibition inhérente ou conjointe à la paire de messages contradictoires.Claude Brodeur (1981) a proposé la figure [+ | –] pour symboliser la double contrainte : « On reconnaît aisément, dans les signes + et –, les deux messages contradictoires ; la barre | entre ces deux signes vient indiquer l’impossibilité absolue d’une métacommunication sur l’un et l’autre de ces deux messages contradictoires ».

Références

12 Jacques Miermont (1994) relève que «  les personnes en jeu sont prises dans des effets transcontextuels (intrication de niveaux individuels, familiaux et sociaux), par l’émission-réception de messages antinomiques empêchant toute prise de décision, y compris celle d’échapper au risque vital. Le double bind décrit une situation traumatique régulièrement répétée telle qu’elle est observée par un “tiers” présent-absent de la situation (proche, clinicien, thérapeute), sous la forme d’une interaction qui lie au moins deux personnes qui sont prises dans des effets d’injonction coercitive. Il s’agit habituellement d’un parent en position complémentaire haute (la mère le plus souvent) qui adresse des ordres à un enfant en position complémentaire basse ».

Dans une perspective psychosociologique, telle que l’a développée David Cooper (1978) par exemple, la double contrainte peut être auto-entretenue par la société elle-même qui tout à la fois proclame l’autonomie de chaque individu et le maintient dans un carcan (« société schizophrénigène »). On a largement insisté sur l’aspect destructeur, voire psychotisant, du processus de double contrainte. Gregory Bateson a pourtant relevé un aspect pouvant être positif, celui obligeant le sujet à développer une « double perspective », sorte de diplopie psychologique créatrice cultivée par le sujet qui, sans cela, sombrerait dans la psychose. Plus tard, Mony Elkaïm a imaginé un modèle constitué de cycles formés de doubles contraintes réciproques, par exemple dans lequel « une personne demande à une autre quelque chose qu’à la fois elle souhaite et ne parvient pas à croire possible », écrit-il dans son ouvrage au titre évocateur de « Si tu m’aimes, ne m’aime pas ».

Techniques mises au point au Brief Therapy Center

Le Centre de « thérapie brève » (ainsi appelé car les patients sélectionnés ne participent qu’à une dizaine de séances) propose des stratégies thérapeutiques interventionnistes originales inspirées de l’hypnose telle que la pratiquait Milton Erickson. Y officient alors Donald D. Jackson, Jay Haley et John Weakland, Virginia Satir, Richard Fisch (formé à l’hypnose par Weakland et à la systémie par Satir), Paul Watzlawick, Arthur Bodin. Mais la petite équipe se désagrège à partir de 1967, et surtout en 1968 lorsque survient le décès de Jackson. « Au début, la méthode d’intervention est […] une sorte d’hybride entre les idées systémiques, l’approche familiale de Virginia Satir, le modèle stratégique de Jay Haley et les techniques idiosyncrasiques de Jackson et d’Erickson – approche chaotique qui fonctionne un peu par essais et erreurs et dans laquelle les contraintes et le hasard vont peu à peu structurer la pratique », écrivent très justement Jean-Jacques Wittezaele et Teresa Garcia (1995). Mais les recherches vont si vite et si loin que l’orthodoxie systémique naissante se trouve déjà remise en question, ce qui déstabilise d’autres thérapeutes et crée des scissions. On s’interroge par exemple sur le cadre de l’entretien, sur la nécessité de la participation systématique des deux conjoints à une thérapie conjugale, sur l’objectif minimal attendu comme résultat thérapeutique. On cherche surtout à comprendre comment fonctionne la relation patient-thérapeute, comment le second peut intervenir efficacement sur le premier, autrement dit, comment trouver des applications thérapeutiques à la sacro-sainte question : comment l’interaction interhumaine peut-elle engendrer du changement à la fois au niveau comportemental et au niveau du vécu ? Il y eut quelques malentendus au sujet de l’expression même de thérapie brève : l’idée initiale était de proposer aux patients des interventions psychothérapiques en un temps relativement court, parce qu’elles s’avéraient efficaces. Il ne s’agissait pas forcément d’« intervention de crise ». De plus, ce n’était pas parce que le patient, ou sa famille, ne possédaient pas les capacités jugées nécessaires à la poursuite d’un traitement de longue durée que ce dernier s’en trouvait réduit. Il s’agissait d’un choix personnel des thérapeutes, agissant dans le cadre d’une méthodologie de travail très élaborée et appliquée dans des indications bien précises13.

Modèle théorique conceptuel de la thérapie stratégique

Pour répondre à de telles interrogations, l’équipe du Centre de thérapie brève a été amenée à élaborer un modèle théorique conceptuel, toujours d’actualité, qui repose sur des postulats que l’on peut résumer ainsi :

  • le thérapeute doit avoir effectué un travail sur lui-même suffisant, lui permettant de se rendre compte de ses propres présupposés en matière de santé mentale. Autrement dit, tant que le thérapeute n’aura pas réellement pris conscience à quel point ses propres représentations psychiques des problèmes de santé conditionnent sa façon de voir les choses, il restera bloqué dans une seule vision du monde possible et, n’arrivant pas à changer la sienne, il sera bien incapable d’aider les autres à en changer ; pire, il renforcera les problèmes ;

  • c’est le blocage dans une seule façon de voir les choses qui explique qu’il y ait problème. Si le patient, ou sa famille, avaient la possibilité d’envisager les choses autrement, ils ne recourraient pas systématiquement à la même solution inadéquate. Cette répétition dans la voie inappropriée crée la souffrance, dont le symptôme témoigne par son émergence ;

  • le recours encore et toujours à la même solution inappropriée est finalement entretenu par les réactions du patient et son contexte relationnel. Autrement dit, sans changement venant du patient ou du contexte relationnel, aucune amélioration – autre que spontanée – n’est possible. En revanche, une modification du comportement qui entretient le problème (du fait du patient ou de son entourage) permettra une amélioration clinique.

Références

13 Pour une bibliographie générale du courant de pensée de l’École de Palo Alto, on pourra consulter en français : Bateson G. (1977, 1980) : Vers une écologie de l’esprit, Le Seuil, Paris & (1984) : La Nature et la pensée, même éditeur. – Fisch R., Weakland J.H., Segal L. (1986) : Tactiques du changement, Le Seuil, Paris. – Garcia T., Wittezaele J.J. (1992) : À la recherche de l’école de Palo Alto, Le Seuil, Paris. – Haley J. (1984) : Milton H. Erickson : un thérapeute hors du commun, EPI, Paris. – Ruesch J., Bateson G. (1988) : Communication et Société, Le Seuil, Paris. – Watzlawick P. (1978) : La Réalité de la réalité, Le Seuil, Paris & (1980) : Le Langage du changement, Le Seuil, Paris, & (1984) : Faites vous-même votre malheur, Le Seuil, Paris, & (1987) : Guide non conformiste pour l’usage de l’Amérique, Le Seuil, Paris, & (1988) : L’Invention de la réalité, Le Seuil, Paris, & (1988) : Comment réussir à échouer, Le Seuil, Paris, & (1991) : Les cheveux du baron de Münchhausen, Le Seuil, Paris. – Watzlawick P., Helmick-Beavin J., Jackson D. (1972) : Une logique de la communication, Le Seuil, Paris. – Watzlawick P., Weakland J.H., Fisch R. (1975) : Changements : paradoxes et psychothérapie, Le Seuil, Paris. – Watzlawick P., Weakland J.H. (1981) : Sur l’interaction, Le Seuil, Paris. – Winkin Y. (1981) : La Nouvelle Communication, Le Seuil, Paris (ouvrage collectif rassemblant des textes de Bateson, Birdwhistell, Goffman, Hall, Jackson, Scheflen, Sigman, Watzlawick).

Grandes règles de la thérapie stratégique

Pour mériter son nom, la thérapie stratégique doit suivre un certain nombre de règles, dont la finalité est de conduire le patient ou la famille à renoncer aux tentatives inadéquates de résolution spontanée du problème14. En premier lieu, il s’agit de savoir avec qui l’on va travailler : le patient (porteur du symptôme) n’étant pas le seul membre de l’entourage qui souffre ou qui demande une aide15, et les troubles du patient ne se comprenant que dans une perspective élargie à la famille, il importe de savoir si l’on peut compter sur la présence d’autres membres de la famille pour avancer dans la thérapie. Il conviendra de se mettre d’accord avec le patient et sa famille sur les objectifs réels à atteindre, dans un futur proche. Il s’agit là d’une sorte de contrat synallagmatique, dans lequel s’engagent les parties (thérapeutes, patient désigné, famille du patient ou entourage proche). Pour rassurer le  patient et son entourage, le thérapeute fixera un objectif minimal de changement, voire fera une prescription paradoxale d’absence de changement (tout en gardant présent à l’esprit le souci d’aller plus loin). Dans tous les cas, l’objectif sera limité, « raisonnable », acceptable par le patient, expliqué à l’aide d’exemples, et toujours précis, explicite et concret. L’idéal est d’arriver à ce que ce soit le patient qui formule lui-même le petit changement qu’il s’autorisera à faire. Si un thérapeute doit essayer de faire parler le patient (ou le « plaignant ») de ce qui ne va pas – il s’agit là d’une règle générale commune à n’importe quelle thérapie – le thérapeute stratégique doit s’efforcer d’amener dans ce discours le maximum d’éléments concrets, empruntés à la vie quotidienne, source irremplaçable d’informations sur le style de vie, la façon de voir les choses, les valeurs, la manière dont des problèmes similaires ont pu être résolus, etc. Le recours à des généralisations globalisantes est ici considéré comme stérile, inutile et n’apportant que très peu d’informations personnelles sur les sujets à aider. Le repérage minutieux des efforts déjà effectués pour solutionner le problème évitera au thérapeute de s’engager dans des impasses, et surtout lui donnera une idée des compétences de la famille à trouver elle-même des tentatives de solution16. Pour que l’expression de thérapie stratégique garde tout son sens, il est impératif que le thérapeute ait la maîtrise du cadre de son intervention, même s’il donne au patient ou à la famille l’illusion d’une perte de contrôle ou d’une incompétence. L’attitude du thérapeute consistant à adopter un profil bas va dans ce sens. Une telle stratégie développe donc indirectement la créativité du patient : on lui ferme des portes (les impasses dans lesquelles il s’était précédemment engagé) et on lui demande de trouver d’autres portes, dont on lui assure la présence. On cherche ainsi à développer en lui différentes stratégies d’approche de son problème, et donc de conduites pour le résoudre. Dans ce but, certaines techniques spécifiques – davantage dans l’utilisation qui en est faite que dans le recours à celles-ci – s’avèrent indispensables.

Références

14 On amènera le patient ou la famille à se rendre compte qu’il est plus adapté de « faire autrement » plutôt que de « faire davantage » : le changement proposé sera qualitatif (sur un autre niveau) et non quantitatif (sur le même niveau, en accroissant les efforts). Le changement de niveau se comprend aisément par la métaphore de la voiture : pour rouler plus vite, il faut passer de la première à la deuxième, et ainsi de suite jusqu’en cinquième vitesse ; mais pour aller encore plus vite, alors c’est le moteur, ou la voiture, qu’il faut changer [le remplacement du chauffeur ne serait pas un très bon exemple…].

15 Le membre de l’entourage qui se plaint (le « plaignant ») est celui qui souhaite que survienne un changement. Ce sera donc avec lui, tout au moins dans un premier temps, que le thérapeute cherchera à s’allier. 16 Ce n’est pas tant le repérage des solutions inopérantes tentées par la famille qui intéresse le thérapeute, que l’analyse, à un métaniveau relationnel, du style de vie de la famille et de chacun de ses membres.

Grandes techniques stratégiques

Si l’art du questionnement est fondateur de nombreuses thérapies, il revêt ici une importance particulière, en ce sens qu’il conduit directement à la clarification du problème, de ce fait à moitié résolu lorsqu’il est convenablement posé. De plus, l’orientation des questions par le thérapeute peut induire chez le patient ou la famille d’autres voies de résolution insoupçonnées jusqu’alors. L’adoption d’une position basse par le thérapeute permet au patient de réaliser que c’est bien lui, et lui seul, qui, de sa place de patient, détient la clé de la solution. Le thérapeute n’est là que pour le guider dans sa recherche17. Le message du thérapeute au patient peut être du style : « Je ne sais pas si je vais arriver à vous aider, mais je vous promets toute mon aide… ». Par sa modestie, le thérapeute se réserve le droit à l’échec, mais s’investit sérieusement dans la prise en charge, ce qui exprime d’ailleurs tout à fait la logique de la déontologie médicale ; celle-ci indique l’existence d’une obligation, non de résultats, mais de moyens. De même, son pessimisme calculé sera de bon aloi face à des patients qui, ayant déjà consulté plusieurs thérapeutes, s’attendent à un nouvel échec. Le non-renforcement des solutions déjà tentées par des poncifs, maintes fois entendus, n’ont finalement servi qu’à pérenniser le problème. Par exemple, secouer énergiquement un déprimé n’apporte que rarement une guérison : cela a déjà dû être tenté par l’entourage à de nombreuses reprises ; on peut penser que, si le patient en est encore là, adopter la même attitude avec lui s’avèrera inefficace ; mieux vaudra alors l’écouter se plaindre, compatir,  lui demander d’autres informations sur ses moments de souffrance, sur ses préoccupations, et décentrer le problème. Les solutions trouvées par la famille sont le problème en ce sens qu’elles constituent une solution homéostatique de non-changement.

Techniques tactiques les plus fréquemment usitées en pratique

Après le tour d’horizon des grandes techniques stratégiques de la thérapie stratégique, envisageons les moyens tactiques pour les appliquer. La distinction entre stratégie et tactique sera ici de la même nature que celle ayant cours dans les jeux de réflexion du type Dames ou Échecs : la stratégie s’y conçoit comme un plan global d’action, et la tactique comme des coups, des pièges, des gambits et des forcing (art combinatoire). La pratique des injonctions comportementales est ici la clé de voûte de la thérapie. Par la technique dite des directives paradoxales, le thérapeute assigne au patient une tâche à accomplir prenant le contre-pied de ce que ce dernier avait l’habitude de faire18. Dans cette optique, une prescription de non-changement (c’est-à-dire de statu quo sur la situation actuelle) peut relever d’une directive de type paradoxal19. Cela n’est bien sûr possible que lorsque le thérapeute a créé une alliance thérapeutique solide avec le patient. La technique du recadrage, essentielle en thérapie systémique, consiste à proposer à un interlocuteur une autre façon de voir les choses simplement en changeant le contexte cognitif ou émotionnel. Le thérapeute propose ainsi au patient un nouveau cadre conceptuel du problème, permettant d’entrevoir des solutions possibles.

17 Une telle attitude se situe aux antipodes d’une pratique expertale, dans laquelle l’expert (qui n’a alors pas un rôle thérapeutique) est placé par une instance tierce (l’instance demandeuse que l’expertise ait lieu, pas forcément la personne qui demande l’expertise à l’expert) en position haute, de « juge » d’une situation donnée. 18 Par exemple, en demandant à un insomniaque de noter scrupuleusement l’heure et ses sensations sur un carnet spécialement prévu à cet effet, tous les quarts d’heure ; il sera possible de présenter la consigne au patient sous l’angle d’une recherche de renseignements médicaux sur la lutte qu’il mène contre son insomnie ; le prix à payer par le patient pour respecter la consigne sera donc de rester éveillé durant toute la nuit ; mais, au bout du compte, il se rendra compte de l’importance des soucis qui l’empêchent de trouver du repos, et acceptera probablement d’en parler au thérapeute. La solution adoptée jusqu’alors par le patient de chercher à tout prix le sommeil est transformée par la consigne de profiter du non-sommeil pour recueillir de précieux renseignements. 19 Expliquer à un patient qu’il vaut mieux se contenter de la situation présente, pour ne pas lui faire encourir les risques d’un changement incertain (« On sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on aura » ou « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras ») n’est évidemment concevable que dans le cadre d’une optique de thérapie stratégique. La technique dite des dangers de l’amélioration met en lumière, pour mieux le combattre, le misonéisme du système (refus de tout changement afin de maintenir l’homéostasie coûte que coûte). Le thérapeute pourra également freiner le changement lorsqu’il sentira que les choses vont trop vite pour la famille (qui ne s’y retrouve plus dans la nouvelle donne des cartes), ou au contraire de manière tout à fait paradoxale lorsqu’il perçoit des résistances telles qu’il vaut mieux les amplifier plutôt que de les combattre de front et sur leur propre terrain.Vous venez de découvrir un extrait de l'ouvrage Les thérapies familiales systémiquesS’ouvre dans une nouvelle fenêtre

Karine et Thierry Albernhe Préface de Mony ElkaïmKarine Albernhe est pédopsychiatre en CMPP et formatrice en thérapies familiales à Avignon. Thierry Albernhe est pédopsychiatre et ancien chef de pôle de psychiatrie infanto-juvénile© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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