Rééducation des patients douloureux
18 mars 2022
Par Monique Remillieux
Nous vous invitons à découvrir un extrait de l'ouvrage Rééducation des patients douloureux. S’ouvre dans une nouvelle fenêtre Adoptant une approche multidimensionnelle de la prise en charge du patient douloureux, ce volume est découpé en 4 grandes parties et 24 chapitres : introduction et pré-requis sur la douleur, les différentes dimensions de la douleur, les approches thérapeutiques modulatrices et les propositions de raisonnement et illustrations d’application. Ces éléments pourront aider le lecteur à prendre en charge des patients douloureux dans les différents champs de la kinésithérapie et physiothérapie en utilisant une approche réflexive centrée sur l’unicité de chacun.
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Nous vous invitons à découvrir le chapitre 1
Pourquoi aborder spécifiquement la thématique de la douleur ?
T. Osinski, A. Pallot
La connaissance éveille vos capacités, l’expérience enrichit vos compétences.
(Alain Leblay)
Plan du chapitre
Présentation générale du livre
Généralités sur la douleur
Utilisation du livre
Référence
Présentation générale du livre
À la lecture de ce livre, vous aurez l’opportunité (et nous espérons, le plaisir) d’aborder la douleur dans nombre de ses dimensions. Il est entendu que, malgré notre effort pour fournir un travail riche et pertinent, il est impossible d’être exhaustif, ni même de donner réponse à toutes les interrogations. Cela s’explique par la contrainte d’un ouvrage matériel aux limites (dé)finies face à une littérature extrêmement riche par son contenu, sa diversité et son dynamisme, mais également par le souhait de s’adresser principalement à des professionnels ou futurs professionnels de santé (PS) et particulièrement ceux du champ de la rééducation-réadaptation (R-R). À cette fin, il ne sera pas abordé dans le détail les éléments de pharmacologie, génétique ou d’examen complémentaire car nous les pensons plus adaptés dans un ouvrage médical où le diagnostic d’une atteinte organique a bien plus de sens que dans le domaine de la R-R d’où nous venons. Pour autant, nous ne nous interdirons pas d’évoquer ces sujets, entre autres tant qu’ils peuvent être utiles à l’exercice d’une pratique raisonnée.
La volonté qui anima la conception de cet ouvrage était de ne pas répliquer la forme attendue de plusieurs livres sur le domaine de la douleur. Cela s’explique par une vision de la douleur qui en fait un objet conscient incarné de l’être humain que nous pensons être profondément social. De plus, nous sommes persuadés que les professionnels de la R-R n’ont pas la même nature de relation avec le patient que peuvent avoir d’autres professions de santé. De même, cet ouvrage, quoique intelligible par chacun qui a pu suivre une formation initiale de PS, n’a pas été pensé comme un ouvrage de vulgarisation grand public, même si nous espérons qu’il puisse servir de base aux professionnels pour l’éducation des patients et, plus largement, de la société.
L’abord et la compréhension de la plainte douloureuse d’une personne en R-R doivent se faire, selon nous, en tentant de cerner chez le patient ce qui peut expliquer le symptôme, quelles interactions ce symptôme entretient avec le comportement du patient et quelles interactions la personne douloureuse entretient avec son environnement. Dans cette démarche de raisonnement, le diagnostic biomédical a de l’intérêt mais ne saura être central. De ce fait, dans cet ouvrage, nous nous intéresserons aux mécanismes de la nociception, de la perception douloureuse et du comportement dans la douleur. Par conséquent, la table des matières n’a pas été pensée par pathologie ou type de douleur, mais par dimension ou niveau d’interaction. De même, nous n’avons pas constitué de catalogue thérapeutique qui ne saurait être valide dans le temps et serait, à nos yeux, moins pertinent qu’une compréhension de la multidimensionnalité de la douleur.
L’ouvrage a pour objectif d’aborder la douleur à travers différents points de vue tels que :
les aspects historiques et sociétaux ;
les aspects psychocognitifs de la perception et du comportement ;
les notions de neurophysiologie en lien avec la nociception.
Les données seront présentées à contre-pied de ce qui peut être fréquemment fait dans les ouvrages généralistes sur la douleur. En effet, nous pensons qu’il n’est pas utile de prioriser la neurophysiologie de la nociception car nous sommes convaincus que la pratique du soin en R-R bénéficie plus d’un abord global du patient, ce qui, selon nous, doit reposer sur une compréhension de certaines données des neurosciences comportementales et psychocognitives. C’est le fait d’avoir déjà expérimenté de la douleur sans avoir consulté qui nous fait penser que la cognition et le comportement sont des choses prédominantes dans la prise en soin d’un patient se plaignant de douleur. Conscients aussi de l’influence des autres (ou de la société) sur nos actions, nous proposons une progression au cours du livre allant des facteurs sociaux vers les facteurs neurophysiologiques de la plainte douloureuse.
Évidemment, comme tout ouvrage, nous ne pouvons pas embrasser l’ensemble des données diffusées dans la littérature (pharmacologie, etc.). De même, les outils ou approches thérapeutiques évoqués n’ont pas tous la même efficacité clinique théorique (celle-ci étant d’ailleurs dynamique dans le temps via la progression des données de la science), mais leur présentation sert de bases réflexives sur les principes théoriques et leur apport dans le raisonnement clinique. Les exemples et contextes de soins seront souvent axés sur des affections musculosquelettiques car c’est dans cette population que la douleur est le symptôme le plus « important » de la consultation/plainte. Les populations d’autres champs (neurologique, pédiatrique, gériatrique, psychiatrique, cardiorespiratoire, etc.) ne seront pas abordées spécifiquement dans le détail. Néanmoins, le lecteur pourra entièrement adapter par analogie les éléments qu’il lira ici dans ces autres champs.
Généralités sur la douleur
La douleur est une expérience consciente ; nous ne pouvons pas imaginer une douleur dont nous ne soyons pas conscients. La vision que nous allons proposer essaie de s’intégrer dans une certaine compréhension de l’évolution. Ainsi, si nous nous interrogeons sur ce qui peut aider un organisme à survivre suffisamment longtemps pour se reproduire et faire en sorte que son mode de fonctionnement se pérennise, voire se développe, il est possible que nous en arrivions à la conclusion que pouvoir assurer sa pérennité et son intégrité est une capacité utile.
Qu’est-ce qui pourrait être utile pour assurer la pérennité et l’intégrité d’un organisme ? Probablement l’existence en son sein d’un système capable de détecter une atteinte à son intégrité et d’agir de façon ad hoc face à cela. Une telle mécanique complexe semblerait bien être un possible avantage évolutif. Mais agir uniquement suite à la détection d’une atteinte de soi n’est probablement pas aussi efficace que de pouvoir prédire un risque et d’éviter le risque d’une atteinte de l’organisme. Un tel système serait déjà performant probablement (et le deviendrait plus encore) s’il était capable de s’adapter et de devenir plus sensible si une partie du corps est lésée et nécessite plus d’attention et de protection. Intuitivement, nous pouvons aussi imaginer qu’un tel système doit être capable de se coordonner à l’ensemble des autres systèmes de l’organisme afin qu’une fois un danger détecté, l’organisme puisse, selon son expérience, décider de la pertinence (ou non) de ce danger, puis faire en sorte d’agir de façon efficace par rapport à ce danger afin d’éviter la lésion ou, si la lésion n’a pas pu être évitée, de trouver une façon de protéger particulièrement cette partie de l’organisme qui aurait besoin de cicatriser. Au-delà de posséder la capacité d’un tel système d’alarme de détecter des lésions ou dangers pour l’organisme, d’interagir avec les autres systèmes (afin de permettre la mise en protection et faciliter la cicatrisation) et de pouvoir s’adapter afin de donner des informations reflétant les variations de l’état de l’organisme, l’organisme gagnerait probablement à pouvoir faire en sorte que le danger détecté devienne son ultime priorité et puisse asservir le reste de l’organisme à l’objectif de protection. Mais tout organisme a aussi besoin de stabilité pour assurer sa pérennité. De fait, avoir la possibilité de réguler un tel système (voire de l’inhiber) semble aussi très avantageux d’un point de vue évolutif afin :
que l’organisme puisse apprendre et savoir donner une valeur juste, non excessive, à un danger ;
qu’il puisse agir même en cas de risque pour son intégrité (exemple : ne plus s’alimenter car un danger – ou une lésion – a été détecté dans le système d’assimilation de l’énergie nécessaire à la survie pourrait devenir rapidement non productif – moins d’énergie, mort de l’organisme, etc.).
Dans cette expérience de pensée, nous sommes arrivés à nous dire qu’un organisme gagnerait à posséder un système de détection de danger et de lésion de son intégrité avec les capacités suivantes :
détection d’atteinte à son intégrité ;
détection d’un danger de façon non spécifique, seul le risque compte ;
interaction avec les autres systèmes afin de faciliter la cicatrisation ;
sensibilisation pour rendre compte d’une augmentation du risque ou du besoin de protection ;
modération quand une erreur est faite ou qu’il existe des priorités plus importantes.
Un tel système existe chez l’être humain. La nociception est un sens qui a la possibilité de détecter des stimuli (internes ou externes) inhabituellement intenses et de s’adapter à l’état de l’organisme. De plus, il est capable de réagir à une atteinte de l’organisme. Ce système est constitué de fibres sensitives globalement polymodales et de haut seuil, ce qui signifie qu’elles vont être activées par des stimulations intenses qu’importe la nature du stimulus. Quand elles sont activées, elles vont transmettre un message électrique, codé en train d’ondes, aux neurones de la moelle épinière qui, s’ils sont suffisamment excités, s’activeront et entraîneront des réactions locales et une transmission d’information vers différents centres cérébraux et sous-cérébraux. Ainsi, les réactions locales permettent un ajustement du corps (par exemple le réflexe de retrait qui est mis en jeu lorsque nous retirons notre pied d’une punaise que nous n’avions pas vue au sol et sur laquelle nous venons de marcher). Par la suite, la transmission vers les centres supérieurs permet de potentiellement solliciter la conscience. Or, la conscience nous apparaît comme un puissant mécanisme, qui a le pouvoir d’asservir les autres systèmes et de coordonner l’organisme vers une tâche précise. L’introspection permet de s’en convaincre ; toute personne qui se souvient d’avoir eu envie d’aller aux toilettes pendant un film au cinéma, mais qui a été prise par l’action, se souvient qu’en réalité si la conscience est absorbée par le fait de décortiquer l’histoire du film, elle peut faire en sorte de taire l’envie d’uriner à tel point que nous ne pensons à aller aux toilettes qu’une fois rentrés chez nous. L’accès des informations issues de la nociception à la conscience doit, selon nous, se faire selon les modalités proposées par Dehaene et al. [1], c’est-à-dire par une intégration diffuse dans le cerveau de différentes informations et via un canal unique qui empêche d’être conscient de plusieurs construits à la fois ; même si la capacité du système d’alterner entre différentes tâches suffisamment rapidement pour ne pas se rendre compte de sa lenteur (et aussi de ne pas en tenir compte dans sa représentation du monde) nous donne souvent l’impression que nous faisons plusieurs choses en même temps car nous n’avons pas souvenir en réalité d’avoir interrompu une tâche pour en continuer une autre. Un complexe système d’inhibition diffus est présent dans les différents niveaux du système nerveux qui est responsable de la perception consciente ; il assure la priorité entre les perceptions et le fait (si possible) d’avoir une réponse cohérente par rapport à la stimulation.
Cette introduction à la neurophysiologie de la douleur a pour objectif de proposer une vision générale des mécanismes de la nociception et de la perception douloureuse. La volonté est de penser la douleur comme inscrite dans un processus d’évolution darwinienne en lui donnant ainsi une fonction et un intérêt. Nous reviendrons dans certains chapitres sur les données scientifiques qui sous-tendent ces propositions.
Utilisation du livre
Comme dit précédemment, l’abord de la douleur dans cet ouvrage n’a pas la volonté d’aboutir à un diagnostic médical d’une structure ou d’un élément biologique responsable de la sémiologie du patient. Non pas que le diagnostic médical soit inutile pour la R-R, mais le corps des professionnels de la R-R n’a pas le même objet de travail que celui des professionnels médicaux. À notre avis, il faut penser la R-R (et particulièrement la kinésithérapie) comme ayant pour objet la fonction du patient pour qu’il assume ses participations individuelles et sociales. Il est évident qu’une considération éthique sur le bien-être et la qualité de vie peut être envisagée pour autant, mais ce n’est pas la place des professionnels de la R-R dans la société. Ces distinctions nous semblent importantes car la fonction d’un corps de professionnels conditionne l’objet de son action, et donc de sa réflexion. Ainsi, en étant une profession centrée sur la fonction et les participations individuelles et sociales, il nous faut penser comment l’expérience de la douleur influence ces paramètres de vie. À cette fin, voici l’organisation de cet ouvrage et les éléments explicatifs de son utilisation par le lecteur.
Partie I – Introduction à la douleur
Le lecteur trouvera ici les informations introductives à la douleur afin de comprendre :
pourquoi il a été intéressant d’individualiser un ouvrage sur le symptôme « douleur » ;
comment pouvoir lire le livre selon ses souhaits et besoins ;
l’atout de l’utilisation d’une démarche evidence-based practice pour les patients douloureux ;
les origines de la compréhension de la douleur et son état actuel des connaissances.
Partie II – Les différentes dimensions de la douleur
La douleur sera présentée sous les diverses dimensions dans lesquelles elle a une existence. Nous avons volontairement choisi d’aller du « mégascopique » (dimension sociétale) vers le « microscopique » (dimension sensorielle). Comme évoqué en amont dans ce chapitre, cela permet d’aborder la douleur par un point de vue autre que ce qui est couramment fait actuellement dans les différents cursus ou ouvrages. Le lecteur pourra alors, au gré de ses besoins et envies, rechercher les informations qu’il souhaite dans les chapitres suivants :
dimension sociétale (afin de comprendre les interactions des éléments culturels et sociétaux avec la douleur d’un individu) ;
dimension comportementale et psychocognitive (afin d’appréhender pourquoi une personne peut devenir un patient et comment elle peut mettre en place une démarche qui la maintient dans son état) ;
dimension perceptive (afin de se représenter comment l’activité du tissu neuronal permet une expérience consciente douloureuse) ;
dimension physiologique systémique (afin d’envisager la nociception et la douleur comme des événements non isolés et ne pouvant pas être compris dans leur importance avec une vision simplement sensorielle) ;
dimension sensorielle (afin d’appréhender des bases de neurophysiologie pouvant expliquer pour partie une plainte douloureuse).
Partie III – Les approches thérapeutiques modulatrices
Sont regroupées ici différentes thérapeutiques utilisables par le clinicien pour prendre en charge la douleur d’un patient. Ces moyens sont présentés un à un, mais leurs effets modulatoires concernent un ou plusieurs de ces éléments :
risque de génération des afférences ;
modulation inconsciente de l’intégration ;
modulation consciente de l’intégration ;
perception du corps ;
comportement.
Partie IV – Raisonner et appliquer
Dans cette partie, sont abordés :
des notions de raisonnement utiles à une prise en charge réflexive des patients douloureux ;
des exemples de résolutions de cas clinique ;
certains outils diagnostiques à utiliser sur le terrain.
Cela permettra d’expliquer comment réunir au mieux la plupart des notions vues avant et de donner quelques exemples démonstratifs.
Ce livre est pensé pour aider les professionnels de la rééducation-réadaptation dans la compréhension des phénomènes douloureux et la prise en charge des patients souffrant de douleur.
Les chapitres sont conçus par dimension pour être lus de façon indépendante et permettre de développer une vision globale.
Cet ouvrage demeure parcellaire tant son sujet est vaste.
Des propositions sont faites dans une volonté de logique facilitant l’autonomie du praticien.
Référence
Les références peuvent être consultées en ligne à l’adressesuivante : www.em-consulte.com/e-complements/477053/douleur-ue-367181923/table-des-matieres/ S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Rééducation des patients douloureux © 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Auteurs : Thomas Osinski et Adrien Pallot
Thomas Osinski est kinésithérapeute, consultant douleur (hôpital de Garches), formateur à l’IFMK EFOM (Paris)
Adrien Pallot est kinésithérapeute, référent pédagogique et enseignant à l’IFMK CEERRF, enseignant dans les IFMK Assas, IRFSS Limoges et EFOM, responsable d’UE et enseignant à l’Institut d’ingénierie de la santé (Université de Picardie).Ils ont rédigé cet ouvrage, sous la direction d’Adrien Pallot.
La collection
Les ouvrages de la collection Les indispensables en kinésithérapie et physiothérapie, sous la direction d’Adrien Pallot, font écho à la réforme de 2015 des études de kinésithérapie en France, leur contenu étant réparti par rapport aux Unités d’Enseignement (UE) et Unités d’Intégration (UI) définies dans le nouveau programme. Répondant ainsi aux besoins des étudiants, ils seront également un outil utile à tout professionnel désireux de rester à jour.Chaque ouvrage propose, pour chaque champ de compétences professionnelles du kinésithérapeute, une démarche raisonnée basée sur l’identification des signes et symptômes du patient, puis sur leur intégration réflexive d’après le modèle bio-psycho-social Cette démarche, largement inspirée de la Classification Internationale du Fonctionnement et du Handicap, répond à l’approche par compétences instaurée par la réforme, et permet au (futur) professionnel d’apporter les meilleures réponses et soins possibles au patient.Les ouvrages de cette collection proposent, dans une maquette en couleur, des contenus solides, de haut niveau reposant sur la démarche d’evidence based practice, étayés de nombreux encadrés, illustrations et focus sur les notions essentielles/importantes.
Rééducation des patients douloureux Eléments pour une pratique clinique raisonnée Thomas Osinski, Adrien Pallot ISBN 9782294770531 2022 Etudiants kiné, vos livres pour réussir S’ouvre dans une nouvelle fenêtre