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Revascularisation – extrait de l’ouvrage Chirurgie de la main. L’urgence

France | 29 février 2016

En avant-première, nous vous présentons un extrait du chapitre 8 de l’ouvrage Chirurgie de la main l’urgence qui paraîtra le 2 mars 2016, par Michel Merle et Gilles Dautel.

Ce chapitre a été écrit par G. Dautel, Professeur des universités, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice de l’appareil locomoteur, CHU de Nancy

Le diagnostic de dévascularisation, qu’il se fasse sur un ou plusieurs doigts ou sur la main, doit être porté dès l’admission du blessé car il définit le degré d’urgence. Le temps de revascularisation comporte le rétablissement de l’apport artériel et du flux de retour veineux. Il est entrepris une fois assurée la stabilisation du squelette. C’est l’ostéosynthèse qui en restaurant la longueur définit la taille des éventuels pontages à utiliser.

La stratégie de reconstruction doit être toutefois entièrement définie avant le début de l’intervention. Rien ne sert en effet d’utiliser de longs pontages veineux pour rétablir le flux artériel, si une solution n’a pas été trouvée pour assurer la couverture cutanée de ces pontages.

Diagnostic d’une dévascularisation

Ischémie artérielle

Les signes cliniques qui indiquent la dévascularisation (pâleur, froideur, ralentissement de disposition du pouls capillaire) sont parfois difficiles à rechercher en urgence, en raison de la douleur et de la présence de sang ou de caillots masquant la coloration cutanée. La recherche d’un collapsus pulpaire peut aider au diagnostic. Pincée entre le pouce et l’index de l’examinateur, la pulpe d’un doigt dévascularisé ne se réexpend que très lentement. Ce phénomène traduit la vidange du système capacitif veinulaire pulpaire, système dont le remplissage n’est plus assuré du fait de l’interruption de l’apport artériel.

L’existence d’une hémorragie extériorisée et son importance ne sont que des signes indirects et insuffisants. En cas de section franche, transversale d’une artère collatérale, un spasme survient rapidement qui interrompt l’écoulement sanguin. En cas de traumatisme palmaire d’un doigt avec dévascularisation, la section des deux artères collatérales s’accompagne systématiquement d’une section des deux nerfs collatéraux palmaires en raison des rapports anatomiques respectifs de ces deux éléments pédiculaires. Dans ce cas, l’anesthésie pulpaire est systématique. Pour les mêmes raisons ces traumatismes digitaux palmaires avec dévascularisation s’accompagnent toujours de lésions de l’appareil fléchisseur extrinsèque. En cas de traumatisme plus proximal, à hauteur du poignet, la dévascularisation suppose une plaie simultanée de l’artère radiale et de l’artère cubitale, circonstances qui se rencontrent dans les larges délabrements palmaires. Là encore des lésions associées, tendineuses, nerveuses sont habituellement présentes.

Souffrance veineuse

En cas d’amputation subtotale au niveau d’un doigt, la persistance d’un étroit pont cutané suffit souvent à assurer le retour veineux. Cette charnière cutanée devra impérativement être préservée car elle protège une ou deux veines superficielles. Lorsque la lésion est plus proximale, il est rare qu’un tel pont cutané suffise au retour veineux. Il devra là encore être préservé mais ne dispensera pas d’un geste microchirurgical pour restaurer le retour veineux. Cliniquement la surcharge veineuse n’est manifeste que si le flux artériel est lui préservé. Ces circonstances (flux artériel préservé, interruption de retour veineux) ne se rencontrent que rarement. Le cas le plus classique est représenté par le doigt dit « d’alliance » ou ring finger. Au stade IIA de la classification de Nissenbaum [11] modifiée d’après Urbaniak [15], les lésions prédominent à la face dorsale mais le réseau veineux superficiel est interrompu de manière circonférentielle. Le doigt en cause apparaît bleu, turgescent, avec un pouls capillaire rapide.

Principes généraux du temps chirurgical de revascularisation digitale

Délai

Paradoxalement, l’urgence est ici plus grande qu’en cas d’amputation totale. Le fragment dévascularisé est en effet livré à des conditions d’ischémie dite « chaude » car il est en pratique difficile de le réfrigérer.

Cette réfrigération est même déconseillée car quelles qu’en soient ses modalités, elle risque de refroidir également le moignon proximal, facteur de spasmes parfois prolongés. Il est souhaitable, dans ces conditions d’ischémie chaude, que la revascularisation intervienne avant la 6e heure. La présence ou l’absence de tissu musculaire squelettique au niveau du fragment dévascularisé est l’un des facteurs réglant cette intolérance à l’ischémie.

Ainsi les dévascularisations digitales s’accommoderont mieux d’une ischémie prolongée que les lésions plus proximales, au poignet, sources d’une souffrance des muscles intrinsèques.

Chronologie

Lorsqu’on est confronté à un traumatisme complexe, associant des lésions cutanées, pédiculaires et tendineuses, le temps de revascularisation fait suite au temps d’ostéosynthèse. Il est en effet plus facile de procéder à ce temps microchirurgical lorsque la longueur est restaurée et le squelette stabilisé. Cette règle vaut pour le cas habituel où la dévascularisation s’accompagne de lésions palmaires. L’abord des éléments pédiculaires s’effectuera lui aussi par voie palmaire, agrandissant la plaie initiale. Nous avons l’habitude de réparer d’abord les éléments pédiculaires avant de procéder à la suture des tendons fléchisseurs. Il est en effet plus facile d’installer le doigt à revasculariser en position d’extension de la MP et des IP avant toute suture tendineuse. C’est dans cette position d’extension que devra être calculée la longueur d’un éventuel pontage.

Revascularisation par suture artérielle directe

Chaque fois que les conditions locales l’autorisent, la revascularisation fera appel à une suture directe, terminoterminale. Les deux axes artériels doivent être examinés successivement sous microscope. Une recoupe perpendiculaire à l’axe du vaisseau s’effectue aux microciseaux en éliminant la zone de contusion. Au terme de ce parage et après adventicectomie circonférentielle (voir chapitre 15), l’examen doit retrouver une paroi saine, de tonus normal, sans délamination pariétale.

Lorsque le parage a été limité en étendue, ce qui est le cas dans les sections franches, le rétablissement du flux artériel va pouvoir être assuré par une simple suture terminoterminale. La dissection de chacune des deux extrémités vasculaires proximale et distale rend possible cette suture sans tension excessive. Lorsque les deux axes collatéraux palmaires peuvent être réparés par suture directe terminoterminale, nous avons l’habitude d’anastomoser les deux artères. Il est rare que ces deux artères restent perméables à long terme.

Le plus souvent seule l’une des deux anastomoses assurera la survie du doigt [13]. Les seules constatations locales (calibre du vaisseau, qualité de l’anastomose) ne permettent pas de prédire avec certitude quel côté assumera ce rôle. Lorsqu’une seule des deux artères collatérales est accessible à une suture directe, c’est à elle qu’il appartiendra d’assurer seule, l’apport artériel au doigt blessé. Il est rare en effet d’associer pour un même doigt, une suture d’un côté et un pontage de l’autre. Ceci ne serait à envisager que si la suture concernait une artère collatérale mineure, d’un calibre très inférieur à celui de l’artère collatérale controlatérale. Enfin lorsqu’une suture directe n’est possible sur aucune des deux artères collatérales, la possibilité d’une suture croisée doit être envisagée. Cet artifice devient possible lorsque la section sur les deux axes pédiculaires siège à des niveaux différents.

Celle des deux artères collatérales dont l’interruption est la plus distale peut être disséquée jusqu’à lui permettre d’être déroutée, franchissant la ligne médiane du doigt pour être anastomosée au moignon distal de l’autre artère collatérale. Cet artifice évite les aléas d’un pontage. Il ne saurait toutefois être conseillé que si aucun geste complémentaire palmaire (ténolyses, greffes nerveuses…) n’est prévisible dans le futur car les risques seraient grands d’une blessure accidentelle de cette artère, en situation hétérotopique.

Revascularisation par pontage veineux

Lorsqu’aucune suture directe n’est possible, et en dehors des rares cas relevant d’une suture croisée, la revascularisation devra faire appel à un pontage veineux. Le site donneur est représenté par les veines superficielles de la face palmaire de l’avant-bras. L’une de ces veines longitudinales est sélectionnée. La dissection réalise l’hémostase soigneuse de toutes les veinules transversales par clip ou ligature. Un lavage au sérum hépariné permet de contrôler cette hémostase et de vérifier l’étanchéité du pontage. Celui-ci est retourné de 180° afin de tenir compte de la présence des valvules, il est ensuite recoupé à la demande. Le calcul de la longueur du pontage à utiliser doit être attentif. Trop long, il aboutira après mise en charge à un effet « king-king » responsable de thrombose. Trop court, il imposera des sutures sous tension, source de fuite et de thrombose. Ces veines superficielles se rétractent considérablement une fois libérées du site donneur. L’idéal est de mesurer exactement leur longueur avant prélèvement, puis de restaurer par traction axiale cette longueur avant de procéder à la recoupe définitive. La double suture terminoterminale qui rétablit la continuité de l’axe artériel doit « gérer » l’incongruence de calibre (figures 8.1 à 8.3).

Figure 8.1 Réalisation d’un pontage veineux à partir du réseau veineux superficiel palmaire de l’avant-bras. a. Repérage des éléments du système veineux superficiel à l’avant-bras. 1 : veine radiale superficielle ; 2 : veine cubitale superficielle ; 3 : réseau veineux palmaire superficiel de l’avant-bras ; 4 : tracé de l’incision. b. Incision cutanée et préparation du pontage par ligature des collatérales. c. Inversion du pontage puis lavage au sérum hépariné pour contrôler l’étanchéité.

Figure 8.2 Utilisation d’un pontage veineux. a. Thrombose bilatérale des artères collatérales palmaires d’un index lors d’un traumatisme par écrasement. b. Réalisation d’un pontage court sur l’artère collatérale ulnaire de ce doigt.

Figure 8.3 Lésion par écrasement en zone 2, dévascularisation. a. Aspect des lésions initiales. b. Aspect du pédicule collatéral radial avant la résection du fragment artériel thrombosé. Le segment veineux prélevé et destiné au pontage est visible en haut. c. Pontage in situ. Le segment réséqué de l’artère collatérale est visible sur le fond de couleur en dessous de l’artère réparée.

C’est surtout au niveau de l’anastomose distale que cette incongruence est manifeste en raison du retournement du greffon veineux.

La répartition des points lors de la suture microchirurgicale revêt ici une importance capitale (voir chapitre 15). Il n’y a pas de règle intangible dictant l’ordre dans lequel les sutures doivent être effectuées. Nous avons l’habitude de débuter par la suture distale, techniquement la plus exigeante. Le greffon encore libre pourra alors être manipulé pour faciliter la réalisation de cette première suture. Après réalisation de ce pontage, l’autre artère collatérale est clippée ou ligaturée à chacune de ses deux extrémités.

De la même façon qu’une suture « croisée » pouvait être la seule suture directe possible, certains cas peuvent imposer la réalisation d’un pontage « croisé » (figure 8.4). C’est le cas lorsque les extrémités vasculaires proximale et distale les plus favorables se situent de côtés différents du doigt. La même prudence s’impose lorsqu’on use de cet artifice alors qu’un geste chirurgical secondaire est prévu.

Figure 8.4 Réalisation d’un pontage artériel direct et croisé pour la revascularisation digitale.

Références

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  11. Nissenbaum M. Class II A ring avulsion injuries : an absolute indication for microvascular repair. J Hand Surg 1984 ; 9A : 810–5.

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  15. Urbaniak JR, Evans JP, Bright DS. Microvascular management of ring avulsion injuries. J Hand Surg 1981 ; 6(1) : 25–30.

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