Sexualité et Grossesse
France | 30 décembre 2021
Par Anne-Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir un extrait du Manuel de sexologie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Sexualité et grossesse
Patrice Lopès
C'est au cours de la grossesse que l'on peut le mieux modéliser le concept d'une sexualité dénuée d'objectifs reproductifs. En effet, poser la question de la sexualité pendant la grossesse c'est réveiller toutes les ambiguïtés, les craintes, les tabous de la sexualité quand seuls le désir et le plaisir en constituent la finalité, et ce d'autant que la présence du fœtus peut être considérée comme le témoin d'un acte que l'on a toujours voulu considérer comme intime. L'intérêt pour cet enfant à naître peut, consciemment ou non, générer des inquiétudes, des angoisses de possibles complications et modifie fréquemment le comportement sexuel des couples. La sexualité ne doit plus être un tabou pendant la grossesse. Les modifications anatomiques, physiologiques et psychologiques doivent être connues. Les conseils sont nécessaires pour amplifier l'harmonie du couple et éviter certaines difficultés ou complications. Les difficultés générées par le post-partum seront au mieux anticipées si l'on parle de la sexualité au cours de la grossesse.
Considérations ethnologiques
Selon les ethnies, les croyances et la culture, le comportement sexuel pendant la grossesse peut varier avec des objectifs divers :
pour certaines ethnies [12], les rapports sexuels favorisent le développement de l'enfant : – dans la tribu Azandé (peuple d'Afrique central), le sperme est considéré comme un facteur important de la croissance du fœtus, – pour les Samoz (Burkina Faso), le sperme se transforme en sang et enrichi la circulation du futur enfant. Les rapports sexuels pendant les sept premiers mois de la grossesse sont encouragés, – chez les Dogons (Mali), il est indispensable de coucher avec la future mère pour que l'enfant grossisse, – chez les Esquimaux, plus l'homme fait l'amour à sa femme enceinte, plus l'enfant lui ressemblera ;
à l'inverse, d'autres traditions ethniques soulignent que les rapports sexuels sont dangereux pour la mère ou pour l'enfant : – chez les Ewés (Togo), il est interdit d'avoir des rapports sexuels sinon cela peut provoquer un risque de fausse couche spontanée ou d'avoir un enfant mort-né, – pour la dynastie Tchow (Chine), le mari ne doit pas s'approcher de son épouse 3 mois avant et 3 mois après l'accouchement.
Influence des religions
Religion catholique : traditionnellement, les rapports sexuels sont interdits, car le but principal doit être la procréation. Le cardinal Huguccio (1210) autorisait néanmoins les rapports sexuels au motif de prévenir l'adultère. Pour saint Thomas d'Aquin : «Tout acte sexuel doit être conjugal et tout acte conjugual un acte de procréation.» Pour Jansénius, l'acte charnel est bestial si sa finalité n'est pas la procréation.
Religion musulmane : selon le Coran, le coït est prohibé avec une femme en période de menstrues ou de couches légale. Le mari peut l'embrasser, s'étendre à côté d'elle et jouir de l'ensemble de son corps sauf de la partie comprise entre le nombril et les genoux.
Religion juive : selon le Talmud, les rapports sexuels sont interdits au 1er trimestre, nocifs au 2e trimestre et bénéfiques au 3e trimestre.
En fait, l'interprétation des textes religieux peut être variable amenant à des prises de position parfois contradictoires (cf. chapitre 11, sous-chapitre Sexualité et religion).
Modifications anatomiques, physio- et psychologiques pendant la grossesse
Modifications hormonales
Au cours de la grossesse, les taux d'estrogènes et de progestérone augmentent fortement, de même on constate une augmentation des taux de prolactine. L'ocytocine sera sécrétée en début de travail, mais les récepteurs à l'ocytocine sont plus nombreux en cours de grossesse.
Modifications anatomiques
Elles se font sous l'influence des sécrétions hormonales :
les seins augmentent rapidement de volume dès le début de grossesse, donnant à la poitrine des formes flatteuses plus érotiques;
l'utérus augmente progressivement de volume, le fond utérin déborde de la symphyse pubienne dès 12 semaines d'aménorrhée et arrive au niveau de l'ombilic vers 5 mois de grossesse, avec en fin de grossesse une hauteur utérine moyenne chiffrée à 33 cm. Cet utérus peut comprimer les vaisseaux prérachidiens : aorte et veine cave inférieure et expliquer les malaises que peut présenter la femme lorsqu'elle reste en position de décubitus dorsal. Dès 5 mois de grossesse, la position sexuelle dite «du missionnaire» est donc à déconseiller;
l'hypervascularisation pelvienne, l'hypervolémie et l'hyperpression veineuse expliquent la congestion pelvienne, vaginale et vulvaire. En fin de grossesse, la vulve et le vagin sont gonflés, œdématiés ce qui modifie les réactions sexuelles.
Modifications nerveuses
Il existe au cours de la grossesse un état de dénervation, en particulier au niveau des jonctions neuromusculaires, avec en miroir une augmentation de la réceptivité. La distension périnéale de l'accouchement peut aggraver les lésions anatomiques et entraîner une neuropathie de distension expliquant une diminution de la réceptivité vulvovaginale lors de la reprise des rapports sexuels après l'accouchement.
Modifications psychologiques
Elles sont très importantes en modifiant le statut de femme en celui de future mère. Le fœtus peut être considéré comme la tierce personne pouvant altérer l'intimité du couple. Pour la femme comme pour l'homme, un refus des rapports sexuels peut ainsi s'exprimer. La sexualité avant la grossesse conditionne très fortement les relations sexuelles pendant la grossesse.
Modifications physiologiques
Les sages-femmes et médecins vont constater des modifications générales physiologiques différentes en fonction de l'âge gestationnel. Au cours du 1er trimestre, la femme peut être très gênée par les nausées ou des vomissements. Son état général est souvent marqué par une hypersomnie et un grand état de fatigue. Les femmes notent souvent une modification du goût et de l'odorat. Au cours du 2e trimestre, l'état général s'améliore, sur le plan sexuel est rapportée une congestion pelvienne (turgescence clitoridienne et vulvaire) avec amélioration de la lubrification vaginale. Au cours du 3e trimestre, l'état de congestion pelvienne est maximal, dû à l'hypervolémie et à l'hyperpression veineuse, la vulve est gonflée, le vagin congestionné. Du fait de la compression des gros vaisseaux, la femme risque de faire des malaises en position couchée sur le dos.
Sexualité et grossesse
La grossesse modifie la sexualité
Par les modifications anatomiques
La grossesse est marquée par une augmentation de la sensibilité, de la tension et du volume mammaire.
On note également une augmentation de la taille de l'utérus qui devient abdominal dès le 3e mois de la grossesse et constitue une gêne potentielle dès le 2e trimestre et surtout au 3e trimestre de la grossesse. La compression de la veine cave inférieure par l'utérus gravide explique la congestion vaginale et vulvaire.
Particularités fonctionnelles :
les zones érogènes primaires deviennent moins accessibles;
les zones érogènes secondaires ont des réactions différentes : les seins sont tendus et plus sensibles. Les phases de réactions sexuelles au cours du rapport peuvent changer :
au cours de la phase d'excitation, une modification du désir et de la lubrification est notée. Diminution aux 1er et 3e trimestres, augmentation au 2
e
trimestre de la grossesse.
la phase en plateau a une durée prolongée (rôle de la progestérone);
la phase orgasmique est parfois plus difficile à atteindre ;
la phase de résolution se traduit par un complet état de bien-être
Par les modifications physiologiques
L'inflation hormonale œstroprogestative modifie la réceptivité. Les paramètres biologiques changent, la volémie augmente, le rythme cardiaque s'accélère.
Par les modifications psychologiques
Elles font intervenir la peur d'une fausse couche, les peurs pour l'enfant à naître, les facteurs relationnels. Les influences religieuses et culturelles jouent un rôle important dans les modifications du comportement du couple. Cependant, au cours de la grossesse, le désir sexuel reste le même pour 60 % des femmes [13].
Évolution de la sexualité en fonction de l'âge gestationnel
Globalement, la sexualité diminue en fréquence et en intensité au cours de la grossesse [14]. Au 1er trimestre de la grossesse, les nausées voire des vomissements, l'hypersomnie et les modifications du goût et de l'odorat modifient la sexualité du couple. L'asthénie et la somnolence du 1er trimestre peuvent favoriser une diminution du désir. Le temps de latence orgasmique peut être augmenté. Le conjoint informé de ces modifications doit se montrer proche et affectueux. L'échographie permet maintenant de prendre rapidement conscience de la présence du futur bébé, ce qui ne doit pas modifier la sexualité, car le rapport sexuel ne le dérange pas. Le 2e trimestre de la grossesse constitue une période privilégiée d'épanouissement physique et psychique. Le ventre s'est arrondi, mais ne constitue pas un obstacle à une vie sexuelle intense et harmonieuse d'autant que la libido peut s'intensifier. Le pouvoir de séduction de la femme est amplifié. Sur le plan physique, la congestion veineuse vaginale s'associe à une lubrification vaginale plus importante. En dehors de pathologies particulières, il n'y a pas de contre-indications à la sexualité. Au cours du 3e trimestre, les statistiques concernant la sexualité objectivent une diminution des rapports sexuels. Au CHU de Nantes, la diminution de la fréquence des rapports sexuels est observée pour deux tiers des femmes et au 9e mois chez 88,1 % d'entre elles. Certes, le volume utérin impose une adaptation des positions sexuelles, mais en dehors de risques d'accouchement prématuré, la sexualité est permise. La position couchée sur le dos n'est pas recommandée, car elle favorise les malaises par compression de la veine cave inférieure. Les positions de côté ou en genu-pectoral doivent être conseillées. Dans l'enquête réalisée par Anne Costiou [15], les femmes enceintes signalaient une augmentation de l'épanouissement sexuel au cours de la grossesse pour 26,6 %, une non-modification pour 45,3 % et une diminution du plaisir pour 28,1 %; 60,8 % des couples ont modifié leur position sexuelle pour adopter la position sur le côté pour 79,4 % d'entre elles. Pour De Judicibus [16], l'état dépressif est un important prédicteur de la diminution du désir et du plaisir sexuels au cours de la grossesse. Si la grossesse peut s'accompagner d'une entente érotique plus forte, elle peut également être révélatrice de problèmes conjugaux, relationnels et sexuels. Les problèmes d'identité du corps et de comportement psychologique sont notés chez 14,1 % des femmes qui se trouvent moins belles et moins attirantes. La grossesse peut être l'excuse, facile à trouver, au refus de la sensualité de l'autre. Le corps transformé de la femme enceinte peut gêner l'homme et favoriser la confusion entre ce corps et l'objet de ses désirs. Le blocage est d'autant plus facile que les conséquences néfastes pour l'évolution de la grossesse sont évoquées. Un sentiment de jalousie peut déjà opposer l'homme à ce duo femme–enfant. L'entente, le dialogue, les échanges doivent, au sein du couple, évoquer toutes ces éventualités. L'enfant présent dans l'utérus est la preuve du lien, la concrétisation humaine de l'acte d'amour passé. Cette perception permet de réitérer l'acte sexuel sans culpabilité. Pour Orji, la fréquence des rapports sexuels est diminuée chez 64 % des femmes enceintes, alors qu'elle est augmentée que chez 4 % d'entre elles. Les raisons de la diminution des rapports sexuels pendant la grossesse sont : nausées vomissements du 1er trimestre (30 %); peur de la fausse couche (12 %); peur de faire mal au bébé (12 %); fatigue physique (20 %); perte d'intérêt pour la sexualité (10 %); inconfort (6 %); peur d'une rupture des membranes (8 %); peur d'une infection (8 %); fatigue physique (10 %). Dans l'enquête réalisée au CHU de Nantes, 47 % des femmes disent avoir été gênées par le volume abdominal.
La sexualité peut retentir sur la grossesse
Beaucoup de risques restent potentiels sans validation scientifique, la tendance étant vers la restriction et l'empêchement de la sexualité. Dans le monde animal mammifère, la sexualité est souvent saisonnière et liée à l'œstrus. Au cours de la gestation, la femelle se refuse habituellement au mâle. Dans l'espèce humaine, l'acte procréatif est dissocié de l'acte sexuel, mais certaines idées fausses persistent :
le risque de fausse couche spontanée du 1er trimestre n'est pas influencé par la sexualité ;
le risque de fausse couche tardive ne peut être exclu, un rapport sexuel pouvant être l'élément déclenchant à partir d'une situation compromettant le devenir de la grossesse : modifications précoces du col utérin (raccourcissement, perte de tonicité), risque de rupture des membranes;
les hémorragies cervicales sont possibles chez les femmes ayant un ectropion inflammatoire ou une tumeur cervicale (bénigne : polype, voire maligne : cancer du col de l'utérus);
les risques infectieux sont majorés avec risque de développer des condylomes ou des mycoses;
les risques d'accouchement prématuré peuvent être majorés chez les femmes ayant des contractions utérines. L'activité coïtale peut favoriser ces contractions, la distension vaginale peut entraîner la sécrétion d'ocytocine (réflexe de Ferguson). Environ 25 % des femmes ressentent des contractions après l'orgasme [15] ;
déclenchement du travail : il est souvent admis que les rapports sexuels puissent déclencher l'accouchement, en fait les essais d'intervention n'ont pas validé cette hypothèse. Peng Chiong Tan a publié en 2007 [17] une enquête randomisée effectuée en Malaisie auprès de femmes malaises, indiennes et chinoises. Deux groupes ont été tirés au sort : le groupe où il était conseillé d'avoir des rapports sexuels (n = 108), et un groupe pour lequel aucun conseil n'était donné (n = 102). Il s'agissait de grossesses après 37 SA, avec fœtus unique en présentation céphalique et sans anomalies, sans antécédents de césarienne. Le taux de mise en travail n'a pas été différent selon le groupe : 55,6 % dans le groupe rapport sexuel versus 52,0 % dans le groupe témoin (p = 0,68). Utiliser les rapports sexuels pour déclencher le travail spontanément en fin de grossesse n'est donc pas scientifiquement validé.
En conclusion, certains risques allégués à la sexualité sont faux, en particulier, les rapports sexuels ne sont pas responsables de fausses couches du 1er trimestre de la grossesse. L'orgasme n'est habituellement pas responsable de contractions utérines aux 1er et 2e trimestres de la grossesse. Les rapports sexuels peuvent occasionner des contractions utérines, et dans certaines conditions de risque d'accouchement prématuré, ils doivent être évités. Le col utérin est plus fragile et la douceur est recommandée lors de la pénétration pour éviter des saignements provoqués. Certaines pathologies obstétricales doivent faire éviter la pénétration : antécédents d'accouchement prématuré, grossesses multiples, rupture prématurée des membranes, placenta inséré bas.
La prise en charge des problèmes sexuels doit être différée du temps de la grossesse à la période postnatale. Cependant, en parler au cours de la grossesse, c'est faire de la prévention. La grossesse doit faire l'objet de conseils :
pour la grossesse d'évolution normale, la sexualité peut être vécue en toute liberté. Le professionnel de santé doit informer sur les modifications anatomiques et physiologiques retentissant sur la sexualité et conseiller sur les positions sexuelles;
si l a grossesse est à risque, les rapports sexuels sont contre-indiqués en cas de menace de fausse couche, de menace d'accouchement prématuré et de rupture prématurée des membranes. La pénétration sexuelle sera évitée devant une grossesse multiple après 22 SA. Le médecin pourra proposer les alternatives sexuelles sans pénétration.
Naissance et jouissance
Dans le travail de Thierry Postel [18], la jouissance obstétricale a été mise en évidence et concerne moins de 2 % des accouchements. Cette jouissance obstétricale peut être définie comme un haut niveau de plaisir d'origine corporelle déclenché par le travail obstétrical. La sensation, fugace, surgit souvent au décours d'une poussée, alors que les douleurs s'apaisent soudainement. Elle évoque généralement une jouissance sexuelle, bien que parfois inconnue. Elle prend son origine majoritairement dans la compression et l'étirement du périnée antérieur à l'occasion du dégagement de la tête de l'enfant. Elle reste cependant peu fréquente et ne peut servir de prétexte à exclure l'accouchement sous péridurale. La distension périnéale peut occasionner une neuropathie d'étirement et être responsable d'une diminution du plaisir après l'accouchement. L'épisiotomie retarde souvent la reprise des rapports sexuels. L'étude de Khajehei [19] a comparé la sexualité après accouchement par voie basse et après césarienne. La sexualité après une césarienne est reprise plus précocement (10 jours versus 40 jours si épisiotomie) avec moins de problèmes locaux, mais la différence n'est pas significative. Les auteurs notent pour l'accouchement par voie basse une diminution de la libido dans 80 % des cas, une insatisfaction sexuelle pour 65 % des couples et une perte de sensibilité vaginale chez 55 % des femmes. Dans le groupe «césarienne», les auteurs notent 85 % de sécheresse vaginale, 60 % d'insatisfaction sexuelle et 35 % de baisse de la libido. C'est après l'accouchement que se révèlent le plus souvent les problèmes sexuels et leur origine est plurifactorielles.
Sexualité et post-partum
La sexualité du post-partum confronte le couple à des difficultés qu'il faut anticiper en parlant de l'évolution de la sexualité avant l'accouchement ou lors de la visite de sortie de la maternité.
Plusieurs éléments contribuent à altérer la sexualité :
des éléments physiologiques comme la chute des estrogènes, l'inhibition de la fonction ovarienne par l'allaitement et ses pics de prolactine. La distension vaginovulvaire de l'accouchement peut avoir entraîné des microlésions nerveuses responsables d'une diminution de la sensibilité vulvovaginale (neuropathie d'étirement);
la fatigue de l'accouchement, les réveils occasionnés par le nouveau-né, les douleurs occasionnées par l'épisiotomie ne favorisent pas une sexualité épanouie ;
les soins à prodiguer au nouveau-né, ses fréquents réveils nocturnes, l'allaitement sont de nature à éloigner de fait la femme de son compagnon. L'homme peut même exprimer inconsciemment un sentiment de jalousie vis-à-vis de cet enfant qui accapare le sein et le temps de sa compagne. En fait, si 60 % des couples suivis au CHU de Nantes ont repris les rapports sexuels dans le mois qui suit l'accouchement, l'intensité du plaisir est souvent amoindrie et il faut en informer les couples pour éviter la spirale du doute ;
la dépression du post-partum (post-partum blues) peut s'amplifier et être cause de dysfonctions sexuelles.
Il faut informer les couples que l'allaitement peut différer, amoindrir, émousser chez la femme le désir et le plaisir. L'hypo-œstrogénie générée par l'allaitement est de plus explicative d'une diminution de la lubrification vaginale. Au-delà des explications psychologiques qui mettent en avant le fait que le statut de mère peut masquer (temporairement fort heureusement) le statut de femme, cela peut expliquer certaines difficultés à renouer avec une sexualité épanouie. En cas de difficulté sexuelle amenant à consulter, le sexologue peut appliquer l'approche médico-psycho-sociale et du couple (MPSC) pour solutionner le problème (figure 4.1). Le sexologue construit devant le couple un cercle divisé en quatre parties :
les problèmes médicaux évoqués ci-dessus sont rappelés et doivent contribuer à déculpabiliser la femme ayant accouché ;
il faut réanalyser les implications personnelles de la femme en envisageant son passé (éducation, religion, expériences, traumatismes) et le présent : tendance dépressive ;
le contexte social doit également être analysé. Les problèmes familiaux avec les parents ou les enfants peuvent resurgir. L'enfant né peut avoir distendu les liens avec les amis et provoquer des difficultés. La maternité peut compromettre la carrière professionnelle de la femme et provoquer des tensions familiales;
le rôle du couple est central. Le mari peut avoir peur de faire mal à la femme et certains accouchements peuvent avoir été vécus comme traumatisant par le compagnon. L'homme ne doit pas voir en sa femme plus une mère qu'une compagne et cette situation peut révéler une dysfonction conjugale préalable. Du fait de la diminution fréquente du désir et du plaisir sexuel, le compagnon peut attribuer, à tort, ce constat comme un manque d'amour de sa femme. Là encore, le rôle du thérapeute sera surtout de réassurer le couple. Comme le disait Marc Ganem [20] : « Il nous faut aider les femmes à vivre leur grossesse et leur sexualité, aider les hommes à vivre leur statut de père et d'amant.»
Conclusion
Une information scientifiquement fondée concernant la sexualité au cours de la grossesse est nécessaire. Compte tenu de la faiblesse des enquêtes épidémiologiques actuelles, des progrès sont attendus. Il faut rassurer sur la faiblesse des risques liés à la sexualité au cours de la grossesse normale et il faut savoir conseiller sur les positions sexuelles, rappeler que la sexualité ne se réduit pas à la pénétration vaginale. Le dépistage de la dépression au cours de la grossesse et du post-partum paraît fondamental. Il est rare qu'une thérapie sexologique soit nécessaire au cours de la grossesse et du post-partum, cependant des entretiens psychologiques peuvent contribuer à améliorer l'harmonie du couple au cours de la grossesse. La grossesse peut être un révélateur de dysfonctionnements sexuels antérieurs. Si la grossesse est d'évolution normale, la sexualité peut être vécue en toute liberté. Plus la grossesse avance en âge, plus la douceur et la tendresse doivent être la préoccupation des couples. En cas de grossesse à risque, les rapports sexuels sont à éviter si un lien a été établi entre sexualité et contraction utérine.
Vous venez de découvrir un extrait du Manuel de Sexologie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
P. Lopès, professeur émérite des universités, gynécologue, ancien responsable du DIU de sexologie des sept CHU du Grand-Ouest, centre hospitalier et universitaire, Nantes.
Manuel de sexologie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre © 2021, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Je découvre le livre S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Découvrez l'ensemble des articles en Gynécologie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Références Physiologie de la réaction sexuelle féminine [1] Mah K, Binik YM. Are orgasms in the mind or the body? Psychosocial versus physiological correlates of orgasmic pleasure and satisfaction. J Sex Marital Ther 2005;31(3):187–200. [2] Sipski ML, Arenas A. Female sexual function after spinal cord injury. Prog Brain Res 2006;152:441–7. [3] Dennerstein L. Melbourne Women's Midlife Health Project; 2001. Physiologie de la sexualité féminine [4] Freud S. La vie sexuelle. «Sur la sexualité féminine» Bibliothèque de psychanalyse. Paris: PUF; 1931. [5] Freud S. Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse, XXXIIIe conférence, «La féminité». Paris: Gallimard; 1932. [6] André J. Aux origines féminines de la sexualité. Bibliothèque de psychanalyse. Paris: PUF; 1995. [7] Chasseguet-Smirgel J. La sexualité féminine. Paris: Payot; 1964. [8] Colson MH. Les mystères du point G. Revue Sexualités Humaines 2010;5:5. (éditions Métawalk), avril, mai, juin 2010;5:5. [9] Gautier X. Sorcières. Sorcières 1976;1. [10] Brenot P. Les femmes, le sexe et l'amour. Paris: Les Arènes; 2012. [11] Schaeffer J. Le travail de féminin dans la sexualité de couple. Le Journal des Psychologues, juillet-août 2012. hors-série:28. Sexualité et grossesse [12] Doucet-Jeffray N, Miton-Conrath S, Le Mauff P, Senand R. Quelle sexualité pour les hommes pendant la grossesse. Rev Exercer 2004;71:111–9. [13] Orji EO, et al. Sexuality among pregnant women in South West Nigeria. J Obstet Gynaecol Mar 2002;22(2):166–8. [14] Aslan G, Aslan D, Kizilyar A, Ispahi C, Esen A. A prospective analysis of sexual functions during pregnancy. Int J Impot Res 2005;17(2):154–7. [15] Costiou A. Modifications du comportement sexuel et risques pour la grossesse [mémoire d'étudiante sagefemme]. CHU de Nantes 1995. [16] De Judicibus MA, McCabe MP. Psychological factors and the sexuality of pregnant and postpartum women. J Sex Res 2002 May;39(2):94–103. [17] Tan PC, et al. Effect of coital activity on onset of labor in women scheduled for labor induction. Obstet Gynecol 2007;110:820–6. [18] Postel T. Naissance et Jouissance [mémoire pour le DIU de sexologie]. Nantes 2012. [19] Khajehei M, Ziyadou S, Safari RM, Tabatabaee H, Kashefi F. A comparaison of sexual outcomes in primiparous women experiencing vaginal and caesarean births. Indian J Community Med 2009;34:126–30. [20] Ganem M. La sexualité du couple pendant la grossesse. Éditions Filipacchi 1992;220. Ménopause et sexualité : les aspects organiques [21] Bottiglioni F, De Aloysio D. Female sexual activity as a function of climateric conditions and age. Maturitas 1982;1:27–32. [22] Avis NE, Mc Kinlay SM. The Massachusetts Women's Health Study. An epidemiologic investigation of the menopause. J Am Med Womens Assoc 1995;50(2):45–9. 63. [23] Schiffren JL, Monz BU, Russo PA, Segretti A, Johannes CB. Sexual problems and distress in united states women. Prevalence and correlates Obstet Gynecol 2008;112:970–8. [24] Bozon M, Enoch E. Brazil: the rapid demographic transition of a heterogeneous country. Popul Soc (Paris) 1999;345:1–4. [25] Hays J, Ockene JK, Brunner RL, Kotchen JM, et al. for the Women's Health Initiative. Effects of estrogen plus progestin on health-related quality of life. NEngl J Med 2003;348:1839–54. [26] Shifren JL, Braunstein GD, Simon JA, Casson PR, et al. Transdermal testosterone treatment in women with impaired sexual function after oophorectomy. N Engl J Med 2000;343:682–8 [27] Lachowsky M, Winaver D. Aspects psychosomatiques de la consultation en gynécologie. Issy-lesMoulineaux: Masson; 2007. p. 89–103.