Strabismes paralytiques
31 octobre 2022
Par Anne-Claire Nonnotte
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Strabismes paralytiques
H. Kaufmann, H. Steffen
5.4.1 Principes opératoires généraux
En cas de paralysie d'un ou plusieurs muscles oculomoteurs, le degré du champ de fusion, le torticolis, le comportement de fixation et parfois des notions esthétiques orientent vers le type d'intervention.Les interventions pour strabisme paralytique représentent 10 à 20% du nombre total de chirurgies de strabisme, se répartissant comme suit selon le nerf atteint [143] :
26 % de parésie complète ou partielle du n. III;
30 % de parésies du n. IV (sans compter les parésies congénitales);
28 % de parésies du n. VI;
16 % de syndromes de rétraction (Duane)
Le moment de l'opération dépend avant tout du type et de la cause de la paralysie des muscles oculaires. La décision d'intervenir chirurgicalement ne devrait être prise que lorsqu'il n'y a plus de probabilité de rémission spontanée et qu'un traitement non chirurgical (comme par exemple avec des prismes) n'est pas possible ou n'est pas souhaité par le patient. En cas de rémission spontanée, l'amélioration de la parésie suit une évolution rapide. Il existe des cas où l'angle strabique reste inchangé pendant des mois pour ensuite disparaître en quelques jours. L'évolution des différents paramètres de la paralysie au cours des premières semaines ne permet guère de tirer des conclusions sur le profil évolutif à long terme. Le siège de la lésion d'un nerf oculomoteur S’ouvre dans une nouvelle fenêtre influence le délai puisque la régénération axonale aura plus ou moins de distance à parcourir (cf. section 4.2.1). En cas d'atteinte ischémique du n.IV, une amélioration spontanée au-delà de sixmois est improbable, tandis qu'une paralysie d'origine traumatique du n. VI peut régénérer même après plus de douze mois. La règle générale de ne pas opérer une paralysie oculomotrice avant douze mois a fait ses preuves. Si une intervention est faite plus tôt, les procédures devraient être limitées à des techniques (recul, avancement, résection) pour lesquelles une reprise est possible sans difficultés majeures, si le muscle parétique retrouve une fonction normale et se trouve donc entravée par l'opération réalisée précédemment
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Considérations complémentaires sur le moment de l'opération
Le débat sur les inconvénients d'une opération prématurée est controversé. Il est probable qu'une vision binoculaire normale permette de maintenir une fonction normale s'il y a une rémission spontanée après une intervention conventionnelle. Une intervention prématurée ne serait alors pas nocive, mais inutile. Dans tous les cas, il faut cependant éviter une transposition musculaire réalisée trop tôt. Les transpositions musculaires entraînent toujours des modifications fonctionnelles des muscles transposés qui ne peuvent pas être compensées en cas de rémission spontanée. Une opération précoce peut être justifiée s'il y a des arguments importants pour la réaliser (par exemple, souhait urgent du patient, risque de perte de la vision binoculaire chez un enfant) et que le patient est en mesure de donner son consentement en connaissant tous les avantages et inconvénients possibles d'une telle démarche.
L'injection de toxine botulique (cf. section 5.6) peut être envisagée comme mesure temporaire en attendant le moment de l'opération [247]. Durant cette période d'attente, l'injection de toxine botulique peut réduire l'angle strabique et la diplopie à un niveau mieux supporté par le patient et, dans une paralysie du VI, éviter la contracture du droit médial qui pourrait fixer l'angle d'ésotropie malgré la récupération neurologique.
Principes d'action de la chirurgie
On distingue trois principes d'action différents du traitement chirurgical :
opérations visant à améliorer la position de l'œil paralysé;
opérations reposant sur le principe de la contre-parésie sur l'œil non paralysé;
opérations de déplacement des insertions (transpositions musculaires).
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Remarques sur la terminologie
On utilise généralement en français le terme de paralysie lorsque l'atteinte est complète et de parésie lorsque l'atteinte est incomplète. Un œil dont la motilité est réduite par une paralysie oculomotrice est organiquement sain. Le terme d'«œil paralysé» est cependant usuel et également utilisé ici. A. Graefe [104] entend par une opération de substitution l'avancement du muscle parétique. Elle n'est pas en mesure de rétablir la force contractile, mais elle peut améliorer l'effet de la diminution de la force en modifiant le point d'application de la force du muscle sur le globe. Le recul de l'antagoniste est appelé opération équilibrante, car il en résulte un nouvel équilibre entre la force réduite du muscle parétique et celle de son antagoniste. Ce que nous appelons aujourd'hui le principe opératoire de la contre-parésie est appelé par A. Graefe l'«opération compensatoire»
Le principe d'action chirurgicale de l'amélioration de la position de l'œil parétique a pour but de trouver une position du globe oculaire qui est plus favorable (figure 5.20a). Cet objectif est atteint par un raccourcissement (résection, avancement, plissement) du muscle parétique et un recul de son antagoniste. L'opération combinée est l'intervention de premier choix à condition que la position primaire soit incluse dans le champ d'excursion monoculaire de l'œil parétique et qu'en position primaire (avec l'œil non parétique fixant), il y ait une déviation importante. Même dans les cas avec une motilité passive limitée lorsqu'un traitement causal de la pathologie n'est pas possible (par exemple, après une fracture de l'orbite ancienne ou des lésions musculaires traumatiques), l'opération combinée au niveau de l'œil parétique permet un bon résultat.
Le principe de la contre-parésie sur l'œil non parétique repose sur l'affaiblissement du synergiste controlatéral du muscle parétique. Le but de l'intervention est de déplacer le champ de fusion dans une direction du regard plus favorable ou bien d'agrandir celui-ci. Le principe consiste d'une part en une transformation de la parésie oculomotrice en une parésie du regard (c'est-à-dire une diminution de l'angle secondaire), d'autre part en une augmentation de l'innervation du muscle parétique selon la loi de Hering si l'œil non parétique prend la fixation (c'est-à-dire une diminution de l'angle primaire). L'intervention la plus logique et la plus efficace dans ce contexte est la myopexie de Cüppers, c'est-à-dire une diminution de l'arc de contact du synergiste controlatéral. Le fil sur le droit médial controlatéral diminue la force de rotation du muscle. Pour obtenir une certaine rotation, la commande cérébrale doit envoyer plus d'influx dans ce muscle, et donc dans le même temps, selon la loi de Hering, il y aura plus d'influx envoyé dans le droit latéral parésié. Elle est surtout efficace si le champ de vision monoculaire de l'œil parésié dépasse largement la position primaire et qu'en position primaire avec l'œil non parétique fixant, il y a une déviation modérée (figure 5.20b). Un recul du synergiste controlatéral est également efficace comme « contre-parésie» ; par contre, l'effet parétique est moins important alors que l'effet sur la position primaire est plus important par rapport à une myopexie. Les mêmes considérations s'appliquent pour une opération combinée au niveau de l'œil non parétique qui est normalement effectuée comme deuxième intervention. Elle est utile lorsqu'après une opération sur l'œil parétique, la motilité de ce dernier est satisfaisante, mais qu'il persiste encore une déviation en position primaire.
Résumé
Chirurgie en cas de parésie L'opération de l'œil parétique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre est à privilégier si :
la capacité d'excursion de l'œil parétique est mauvaise;
l'angle de strabisme est important dans l'ensemble du champ de vision.
Le principe opératoire de la contre-parésie est à privilégier si :
la capacité d'excursion de l'œil parétique est bonne ;
l'angle strabique en position primaire est petit;
l'incomitance de cet angle strabique est grande.
Les deux principes opératoires nécessitent une fonction résiduelle du muscle parétique. Ils ne sont donc recommandés qu'en cas de parésie mais pas en cas de paralysie. Ils sont suffisants, si l'œil parétique peut atteindre la position primaire.
Il convient de déterminer au cas par cas quel principe opératoire est à privilégier et dans quelle mesure les différentes techniques peuvent être combinées. En revanche, les paralysies des muscles oculaires présentent un défi thérapeutique bien plus important. Dans ces cas, le muscle paralysé n'a aucune fonction ou, à la limite, une fonction résiduelle minime. Les méthodes chirurgicales valables pour les parésies n'auront aucun succès, car un muscle paralysé ne bougera pas un œil et une augmentation de l'innervation par une contreparésie n'a aucun effet. Les paralysies nécessitent uniquement une transposition musculaire en dernier recours (figure 5.20c). Elle n'est que rarement nécessaire
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Remarque sur la terminologie
Cette définition de la parésie/paralysie n'obéit pas à de stricts critères physiopathologiques. Un muscle droit latéral qui peut déplacer le globe jusqu'à 5° avant la position primaire a sans aucun doute perdu la plus grande partie de sa capacité fonctionnelle, mais n'est pas forcément paralysé. Une distinction fiable entre une paralysie et une parésie n'est cliniquement pas possible. Pour l'indication opératoire, l'évaluation du champ de vision monoculaire (ou champ d'excursion de l'œil, à ne pas confondre avec le champ visuel) est toutefois suffisante. Même si le globe arrive encore à sortir d'une position d'adduction complète de 10°, il est recommandé de planifier la chirurgie comme pour une paralysie.
La neurotisation d'un muscle oculaire paralytique a pour but de rétablir une innervation du muscle en suturant dessus un muscle encore fonctionnel. La neurotisation d'un muscle droit latéral paralysé par le muscle oblique inférieur suturé dessus [4] ne permettrait cependant, au mieux, qu'une contraction du muscle droit latéral lors de la contraction du muscle oblique inférieur. Aucun succès chirurgical utile n'est à attendre de cette procédure. Le remplacement d'un muscle oculaire paralysé par des implants élastiques a également été proposé. Bien que des cicatrices importantes apparaissent après ces procédures, elles peuvent s'avérer utiles si la maladie de base entraîne d'autres parésies oculomotrices qui interdiraient une transposition de ces muscles [167, 169].
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Les auteurs de cet extrait
Pr Heimo Steffen, Hôpitaux Universitaires de Genève, département de neurosciences cliniques, service d'ophtalmologie, Genève, Suisse
Prof. Dr. med. Herbert Kaufmann, Westanlage 13, 35390 Gießen
Références
[104] Graefe A. Motilitätsstörungen. In: Graefe-Saemisch. Handbuch der gesamten Augenheilkunde. 2. Aufl. Band VIII, Kap. XI; 1898. [143] Kaufmann H. Periphere Augenmuskelparesen. In: Lund OE, Waubke TN, editors. Neuroophthalmologie. Stuttgart: Enke; 1993 [167] Kolling GH. Funktioneller Ersatz eines paralytischen M. rect. lat. durch eine elastische Silikonschlinge. Z prakt Augenheilkd 1997;18:285–8 [169] Kolling GH. Zur Therapie der Abduzensparalyse. Ophthalmologe 2002;98:1169–75 [247] Roggenkämper P, Nüßgens Z. Botulinus-Toxin-Injektion als Test bei Gefahr postoperativer Diplopie. Z prakt Augenheilkd 1991;12:301
Strabismes S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, sous la coordination de Heimo Steffen et Herbert Kaufmann, traduction : Heimo Steffen et Nicolas Gravier. © 2022, Elsevier Masson SAS.
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