Stratégies de lutte contre les punaises de lit
Paris | 20 novembre 2023
Quasiment disparues de notre environnement depuis les années 1950, les punaises de lit font un retour en force depuis une vingtaine d’années. La multiplication des voyages internationaux et les résistances croissantes aux insecticides expliquent cette recrudescence. Les méthodes de lutte contre cet envahisseur sont complexes. Chaque stratégie doit s’adapter au contexte environnemental et humain.
Résumé
Quasiment disparues de notre environnement depuis les années 1950, les punaises de lit font un retour en force depuis une vingtaine d’années. La multiplication des voyages internationaux et les résistances croissantes aux insecticides expliquent cette recrudescence. Les méthodes de lutte contre cet envahisseur sont complexes. Chaque stratégie doit s’adapter au contexte environnemental et humain.
La punaise de lit (Cimex lectularius ) est un hétéroptère de la famille des Cimicidae. Il s’agit de l’un des plus anciens parasites de l’être humain. C’est un insecte de taille comparable à un pépin de pomme aplati, avec un corps d’aspect ovalaire, normalement brunâtre, qui ne possède pas d’aile, mais dont le déplacement est assez rapide. Elle se nourrit la nuit, principalement de sang humain, mais ne transmet pas de maladie aux personnes qu’elle pique. Pendant le premier mois d’invasion d’une habitation, ces nuisances sont peu ou pas perçues, mais par la suite, les punaises de lit peuvent être à l’origine de troubles du sommeil, d’anxiété, d’isolement social, etc. Elles investissent toutes les catégories d’hébergement et la propreté d’un lieu ne garantit pas à elle seule une protection contre les colonisations.
Bed bug control strategies
Almost disappeared from our environment since the 1950’s, bed bugs have made a strong comeback in the last twenty years. The increase in international travel and growing resistance to insecticides explain this resurgence. The control methods against this invader are complex. Each strategy must be adapted to the environmental and human context.
Mots clés : environnement, insecticide, punaise de lit, résistance
Keywords : bedbug, environment, insecticide, resistance
Épidémiologie
Depuis plus de vingt ans, les punaises de lit font un retour en force dans certaines grandes villes françaises. La chambre syndicale des industries de désinfection, désinsectisation et dératisation dénombrait près de 180 000 sites infectés en 2016, 400 000 en 2018 et plus de 520 000 en 2019, soit une hausse de plus de 30 %. Paris, Marseille, Lyon, Toulouse, Nice, Nantes, Montpellier, Strasbourg, Bordeaux, Rennes sont toutes touchées et aucune région ne semble épargnée par le fléau [1].
Cette recrudescence n’est pas propre à la France puisque aux États-Unis, par exemple, la punaise de lit fait des ravages à New York, Los Angeles, Chicago, Baltimore, Washington DC, Detroit et dans plusieurs autres grandes villes. Le parasite est également présent au Canada, à Montréal, Toronto, Vancouver et Ottawa.
La hausse des infestations s’explique probablement par l’accroissement des voyages internationaux, mais également par le développement des résistances aux insecticides.
Morphologie et habitat
Les punaises de lit sont assez faciles à identifier à l’œil nu.
Elles sont généralement brunes lorsqu’elles sont à jeun et deviennent rouges à brun plus foncé après un repas sanguin. De forme ovale, elles mesurent 4 à 7 mm de longueur. Contrairement aux puces, elles ne sautent pas et ne volent pas, mais se déplacent néanmoins rapidement, à la vitesse d’une fourmi. Leurs œufs sont blanchâtres, de la grosseur d’une tête d’épingle et disposés en grappes, fixées un peu partout, dans des espaces étroits. Ils éclosent environ dix à quatorze jours après avoir été pondus.
Si l’environnement leur convient, les punaises de lit peuvent vivre cinq à six mois et même survivre près d’une année lorsqu’elles se mettent en état de dormance. Elles sont lucifuges et privilégient les endroits peu accessibles. Leur activité, qui consiste à partir à la recherche de victimes sur lesquelles elles pourront se nourrir, est essentiellement nocturne.
Tous types de lieux peuvent être concernés : maisons individuelles, immeubles, hôtels, hôpitaux et même avions [2].
Au début d’une infestation, les punaises de lit ont tendance à rester dissimulées près de l’endroit où elles se nourrissent, avant de se disperser et d’aller se cacher ailleurs dans la chambre à coucher, puis de se déplacer éventuellement dans les autres pièces. Les principaux sites colonisés sont :
le matelas et ses coutures, le sommier et les ourlets des articles de literie ;
la tête de lit, le mobilier de chambre et les tiroirs ;
les vêtements, les sacs à dos ou à main et les valises ;
les chaises, les fauteuils roulants, les sofas et les housses ;
les tapis et les rideaux ;
les moulures et les cadres de fenêtres ou de portes ;
l’arrière des plinthes chauffantes et des prises électriques ;
la tapisserie décollée, les cadres et les affiches ;
les fissures dans le plâtre, le bois et le plancher ;
les papiers, les livres, les radios et les horloges.
En revanche, elles ne peuvent pas grimper facilement sur le métal et les surfaces polies [3].
Infestation
Les punaises de lit peuvent se propager via des vêtements ou des meubles chinés dans des recycleries. Les trous destinés à accueillir la tuyauterie, les conduits de chauffage et les fils électriques qui passent d’un appartement à l’autre favorisent leur invasion. Les bagages peuvent également permettre aux parasites qui ont investi les hôtels ou les chambres d’hôtes, par exemple, de coloniser les domiciles (encadré 1). De même, les voyages internationaux sont assez favorables à leur dissémination, particulièrement en région tropicale où il est possible d’entrer en contact avec Cimex hemipterus , qui est de la même famille que Cimex lectularius . Cette espèce exotique d’adapte à nos climats et son comportement est très semblable à la variété européenne
La punaise de lit se déplace donc de deux manières, active et passive :
elle marche à la recherche d’un repas sanguin, la chaleur et le dégagement de gaz carbonique aux heures sombres étant des plus attractifs ;
elle migre par l’intermédiaire du linge et des valises vers de nouveaux sites, ce qui est facilité par sa capacité à survivre à plusieurs mois de jeûne [2].
Contrairement à certaines idées reçues, une bonne hygiène dans une habitation n’assure pas une protection totale contre une première infestation. En effet, la dispersion des punaises de lit s’effectue généralement de manière accidentelle. Il faut donc rassurer les personnes concernées sur ce point. Cela étant dit, plus la problématique est prise en charge rapidement par des professionnels de la désinsectisation, plus il sera facile de la traiter. Il faut déconseiller toute improvisation dans le traitement de l’environnement, au risque de voir les punaises se disperser et le problème s’aggraver, ce qui engendrera in fine des frais plus élevés.
Signes évocateurs
Les punaises de lit sont relativement discrètes en début d’infestation.
Ces parasites se nourrissent principalement la nuit, alors que leur victime est profondément endormie. Ils injectent, en outre, un anesthésiant qui rend leurs piqûres indolores. Détestant la lumière, ils retournent rapidement se cacher dans les matelas, les sommiers, les meubles ou tout autre endroit approprié dans la chambre à coucher. Il est rare qu’une personne se rende compte rapidement de l’infestation dont elle est victime. Il peut se passer plusieurs mois avant que les symptômes s’aggravent.
Certains indices permettent néanmoins d’alerter sur leur présence :
l’aspect des piqûres, qui sont comparables à celles des moustiques et qui provoquent des démangeaisons ;
le fait qu’elles concernent les parties du corps laissées découvertes pendant les heures de sommeil ; les premières piqûres peuvent être regroupées ou alignées si la personne a dormi dans un endroit fortement infesté, avant d’investir de plus larges zones ;
la découverte de petites taches noires sur les draps, le matelas ou le sommier, qui sont les excréments des parasites ;
la présence de punaises de lit vivantes ou mortes, de peaux d’insectes qui ont mué ou d’œufs près du dormeur.
Trois sortes de pièges permettent de mettre en évidence la présence de punaises :
les pièges attractifs chauffants sont munis d’une chaufferette à usage unique ou d’une résistance chauffante qui attire la punaise, qui est ensuite collée par de la glu ou tuée par un insecticide. Ces dispositifs perdent en efficacité lorsqu’ils sont disposés dans une chambre occupée, le corps humain étant plus attractif (masse calorique et dégagement de dioxyde de carbone important) ;
les pièges attractifs au gaz carbonique, qui sont aussi moins performants dès lors qu’une personne est présente dans la pièce ;
le piège attractif à phéromones spécifiques au sujet duquel les recherches en cours sont prometteuses.
Il est aussi possible de trouver sur le marché des pièges et des moniteurs à punaises de lit qui permettent de détecter leur présence sur une plus longue période [3].
Des services de détection canine ont été développés. Les chiens auxquels il est fait appel auraient une capacité de repérage de plus de 95 %.
Piqûres
Si la piqûre de punaise de lit est souvent indolore, des démangeaisons et des traces rouges apparaissent classiquement une à deux heures plus tard. Trois ou quatre piqûres alignées ou groupées au même endroit sont alors observées, généralement sur les bras, les jambes et le dos. Elles peuvent provoquer un tableau clinique variable, ainsi que des angoisses psychosociales importantes (encadré 2).
La réaction cutanée dépend de la sensibilité de l’individu :
certaines personnes ne savent même pas qu’elles ont été piquées ;
chez d’autres, les traces disparaissent au bout de quelques heures ou jours sans traitement ;
dans certains cas, plus rares, on observe des réactions allergiques, une urticaire géante, une urticaire papuleuse ou des éruptions bulleuses parfois hémorragiques, voire une infection secondaire due au grattage, provoquant éventuellement un impétigo ou une cellulite. Si les démangeaisons sont persistantes, il est important de consulter un médecin qui pourra prescrire une crème pour les calmer. Il est, bien entendu, toujours préférable de ne pas gratter les lésions afin de ne pas les surinfecter. Dans la majorité des cas, le traitement est uniquement symptomatique. Toutefois, des dermocorticoïdes topiques de classe III ou IV peuvent être appliqués en cas de prurit important.
Aucune transmission de maladies à l’être humain par une punaise n’a été décrite à ce jour.
Traitements
Plusieurs traitements contre les punaises de lit sont disponibles. L’efficacité, la rapidité du résultat, la rémanence et la toxicité des produits, ainsi que le coût varient énormément selon les méthodes de désinsectisation.
Avant toute chose, il faut éviter de disperser les punaises de lit, ce qui rendrait leur élimination plus ardue et diminuerait les chances de succès du traitement. Il est donc déconseillé de bouger les meubles qui semblent infestés (lit, sofa).
La lutte mécanique, c’est-à-dire sans utilisation d’insecticide, est fortement recommandée dans un premier temps dans le but de réduire le nombre d’insectes présents :
utiliser un aspirateur muni d’un bec suceur pour capturer les œufs et les insectes, nettoyer ensuite son conduit et obturer son sac ou l’emballer dans un sac en plastique qui sera jeté dans une poubelle extérieure pour éviter de contaminer d’autres sites (cette technique diminue la charge parasitaire dans l’environnement mais ne permet pas une éradication complète) ;
laver les vêtements, les oreillers et le linge de maison possiblement infestés à la machine, à 60°C ;
procéder, si possible, à un nettoyage à la vapeur à 120°C, ce qui permet de détruire les parasites nichés dans les recoins et les tissus d’ameublement, quel que soit leur stade de développement ;
recourir au nettoyage professionnel à haute pression, notamment au niveau des vide-ordures et de certains conduits d’aération ;
obturer les fissures et les fentes (plinthes, cadres de lit en bois et murs), réparer ou ôter le papier mural qui se décolle et resserrer les plaques d’interrupteur ;
utiliser de la terre de diatomée, un produit naturel dont l’effet insecticide est mécanique puisque ses particules tranchantes agissent comme des rasoirs microscopiques. La terre disposée sur le passage des insectes se fixe sur leur cuticule, provoquant des lésions conduisant à leur mort par déshydratation. Il faut néanmoins être vigilant car cette poudre ne doit pas être respirée par l’être humain. Ainsi, après l’avoir appliquée dans les endroits préconisés, il convient de passer minutieusement l’aspirateur aux alentours pour supprimer les excédents.
La lutte chimique est plus délicate. Il est toujours préférable que le site soit traité par un professionnel, qui devra intervenir deux fois au minimum, à environ deux semaines d’intervalle. Le second passage permettra de tuer les larves sorties des œufs ou les adultes qui n’ont pas été éradiqués lors du premier traitement. Après avoir suivi les recommandations relatives à la lutte mécanique, le professionnel utilisera éventuellement un “insecticide choc” sur les points fortement infestés et obligatoirement un insecticide rémanent dans tous les recoins (matelas, boiseries, fissures, tapisseries décollées). Le traitement des murs et des sols n’est pas conseillé dans les situations classiques. Les insecticides de la famille des pyréthrinoïdes sont les plus utilisés, mais les cas de résistance sont de plus en plus nombreux [5, 4].
Conclusion
Aristote mentionnait déjà les punaises de lit dans ses écrits au ive siècle av. J.-C. et des fossiles de ces insectes ont été retrouvés dans les tombes de l’Égypte antique. Aujourd’hui encore, cet ectoparasite est très présent dans notre environnement et nos habitations. La prévention reste déterminante afin d’éviter toute invasion car la présence des punaises de lit est souvent détectée tardivement. Une désinsectisation inappropriée renforce les résistances. Il peut être conseillé de faire appel à un professionnel qui saura mettre en place une stratégie de lutte ciblée.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références
[1] Chambre syndicale 3D. www.cs3d.fr/. [2] Agence régionale de santé Occitanie. Punaises de lit. 28 juillet 2021. www.occitanie.ars.sante.fr/punaises-de-lit-1. [3] Delaunay P, Berenger JM, Izri A, et al. Les punaises de lit Cimex lectularius et Cimex hemipterus. Biologie, lutte et santé publique. 2e éd. Centre national d’expertise sur les vecteurs. Octobre 2015. https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/punaise_de_lit_livret_delaunay_2015.pdf. [4] Zhu F., Gujar H., Gordon J.R., et al. Bed bugs evolved unique adaptive strategy to resist pyrethroid insecticides Sci Rep 2013 ; 3 : 1456 [5] Durand R., Cannet A., Berdjane Z., et al. Infestation by pyrethroids resistant bed bugs in the suburb of Paris France. Parasite 2012 ; 19 (4) : 381-387 [cross-ref]
Bertrand Courtioux : Professeur des universités
Inserm U1094, IRD U270, Épidémiologie des maladies chroniques en zone tropicale, Institut d’épidémiologie et de neurologie tropicale, OmegaHealth, Faculté de pharmacie, 2 rue du Docteur-Marcland, 87025 Limoges cedex, France
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