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Suivi thérapeutique pharmacologique des médicaments thiopuriques

France | 23 mai 2022

Par Anne-Claire Nonnotte

Suivi thérapeutique pharmacologique des médicaments thiopuriques

Suivi thérapeutique pharmacologique des médicaments thiopuriques

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Suivi thérapeutique pharmacologique des médicaments thiopuriques

1 janvier 2021 - Bolon Larger, M., PhD; Boulieu, R., PhD Biologie médicale, Volume 15, Numéro 4, Page 1-5

Résumé

Les médicaments thiopuriques sont largement utilisés en thérapeutique pour la prévention du rejet de greffe, les traitements des maladies auto-immunes et le plus souvent dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Leur métabolisme est soumis à de nombreuses enzymes, dont la thiopurine-méthyl-transférase, qui présente un polymorphisme génétique. Dès l’instauration du traitement, la détermination du phénotype ou génotype de la thiopurine-méthyl-transférase va permettre d’adapter les doses d’azathioprine. Des études complémentaires doivent être réalisées pour préciser l’intérêt de NUDT15 pour optimiser les posologies d’azathioprine. Une relation entre les concentrations érythrocytaires en nucléotides de la 6-thioguanine et l’efficacité et la toxicité du traitement a pu être mise en évidence, ainsi qu’entre les concentrations en nucléotides de la méthyl-6-mercaptopurine et la toxicité. Ainsi, un suivi thérapeutique pharmacologique est recommandé pour évaluer l’observance et dans certaines situations cliniques: échec thérapeutique, apparition d’effets indésirables, associations avec des médicaments pouvant modifier l’activité thiopurine-méthyl-transférase. En fonction des méthodes de dosage utilisées, des différences de concentrations en nucléotides sont observées. Ainsi, lors de la réalisation d’un suivi thérapeutique pharmacologique, il convient de préciser la méthode de dosage employée. Il est également recommandé d’utiliser toujours la même méthode pour le suivi thérapeutique pharmacologique longitudinal des médicaments thiopuriques.

Introduction

Les médicaments thiopuriques (Tableau 1) sont des immunomodulateurs largement utilisés en thérapeutique. L’azathioprine est indiquée en transplantation d’organes pour la prévention du greffon et dans les maladies dysimmunitaires (lupus, polyarthrite, hépatite auto-immune, etc.). Son utilisation la plus fréquente est retrouvée dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques intestinales modérées à sévères chez les patients nécessitant une corticothérapie. La 6-mercaptopurine et la thioguanine sont indiquées dans le traitement des leucémies aiguës myéloïdes et/ou lymphoïdes. Les effets indésirables rencontrés avec ces molécules sont des troubles gastro-intestinaux, des réactions systémiques, des allergies, des pancréatites. Ces effets sont indépendants de la dose de médicament administrée. Il existe également des effets indésirables dose-dépendants comme une myélotoxicité ou une hépatotoxicité .

TABLEAU 1

Médicaments thiopuriques utilisés en pratique clinique.

DCI

Spécialité

Présentation

Azathioprine

Imurel®

Comprimé pelliculé 25 mg, 50 mg Poudre pour solution injectable (intraveineuse) 50 mg

6-Mercaptopurine

Purinethol® Xaluprine®

Comprimé 50 mg Suspension orale 20 mg/ml

Thioguanine

Lanvis®

Comprimé 40 mg

DCI: dénomination commune internationale.

Métabolisme de l’azathioprine

L’azathioprine est une prodrogue rapidement métabolisée en 6-mercaptopurine. La 6-mercaptopurine est ensuite transformée dans l’organisme selon trois voies de métabolisation: une méthylation en position 6 par la thiopurine-méthyltransférase (TPMT), une hydroxylation puis métabolisation en acide 6-thio-urique via la xanthine oxydase, et enfin une formation de nucléotides de la 6-thioguanine (6-TGN), responsables de l’efficacité thérapeutique, sous la dépendance de l’hypoxanthine-guanine-phosphoribosyl-transférase (HGPRT), l’inosine monophosphate deshydrogénase (IMPDH) et la guanosine monophosphate synthetase . L’effet immunosuppresseur des nucléotides de la 6-TGN est dû en partie à la liaison des nucléotides triphosphates à la protéine Rac1 entraînant une apoptose des lymphocytes T et une altération de la formation du complexe entre les lymphocytes T et les cellules présentatrices de l’antigène. Le complexe 6-TGN triphosphate-Rac1 est converti en complexe 6-TGN diphosphate-Rac1 inactif qui s’accumule dans les cellules. La liaison du 6-TGTP à Rac1 bloque l’activité de Vav (guanine nucleotide exchange factor), entraînant une interruption de la cascade de signalisation et une diminution de l’inflammation. Une diminution de l’activation du facteur de transcription NF-κB est également observée. . Le métabolisme de l’azathioprine est présenté sur la Figure 1.

FIGURE 1

Métabolisme de l’azathioprine (adapté de Roberts et al. ). AZA: azathioprine; 6-MeMP: 6-methylmercaptopurine; 6-MeTGMP: 6-methylthioguanine monophosphate; 6-MeTITP: 6-methylthioinosine triphosphate; 6-TGDP: 6-thioguanine diphosphate; 6-TGMP: 6-thioguanine monophosphate; 6-TIDP: 6-thioinosine diphosphate; 6-TITP: 6-thioinosine triphosphate; 6-TU: 6-thiouric acid; 6-TXMP: 6-thioxanthosine monophosphate; 8-OHTG: 8-hydroxythioguanine; AOX1: aldehyde oxidase 1; GST: glutathione S-transferase; ITPAse: inosine triphosphate pyrophosphatase.

Il existe une grande variabilité interindividuelle des concentrations érythrocytaires en 6-TGN et en nucléotides de la méthyl-6-mercaptopurine (Me-6-MPN) . La variabilité interindividuelle peut s’expliquer par différents facteurs, comme l’existence de polymorphismes enzymatiques. Trente-neuf mutations ont été identifiées pouvant entraîner une modification de l’activité en TPMT. Parmi elles, les mutations TPMT*3A et TPMT*2 sont les plus fréquentes dans la population caucasienne, alors que la mutation TPMT*3B est majoritaire chez les Asiatiques, les Africains ou les Afro-américains . Dans la population asiatique, les mutations du gène qui code pour la TPMT sont rares et ont peu de conséquences en pratique clinique . Dans la population caucasienne, trois statuts génétiques ont pu être distingués: 89 % de la population sont des homozygotes sauvages, 11 % sont hétérozygotes avec une non-expression de la TPMT normale, 0,3 % sont des homozygotes mutés pour lesquels la TPMT n’est pas exprimée. Trois phénotypes ont été historiquement retrouvés: patients à activité TPMT normale, patients avec activité TPMT intermédiaire et patients déficients en activité TPMT. Chouchana et al. ont mis en évidence un quatrième phénotype de patients, présentant une activité TPMT ultrarapide. Dans leur étude portant sur 4911 patients, 0,7 % ont une activité faible, 10,4 % ont une activité intermédiaire, 76,1 % ont une activité TPMT normale et 12,7 % ont une activité ultrarapide . Une absence d’activité en TPMT entraîne un risque important de toxicité hématologique . En effet, la méthylation de la 6-MP par la TPMT étant diminuée voire absente, la 6-MP est métabolisée en dérivés actifs avec une augmentation importante de la concentration érythrocytaire en 6-TGN, à l’origine de la myélotoxicité . Des études ont également montré que les patients dont l’activité TPMT était diminuée présentaient un risque de rechute moindre que les patients homozygotes normaux. L’activité TPMT est influencée par le sexe des patients. Une légère augmentation de l’activité est observée chez les hommes (12,3 ± 3,3 vs 12,1 ± 3,3 U/ml; p < 0,01) . L’activité TPMT peut également être modifiée par certains médicaments: ainsi, les aminosalicylés ou le furosémide inhibent la TPMT. Une adaptation de posologie est donc nécessaire en cas d’association d’azathioprine ou de ses dérivés avec ces médicaments. L’allopurinol, en bloquant la xanthine oxydase, augmente le risque de myélotoxicité. Enfin, lors de l’administration concomitante d’infliximab, une augmentation des concentrations érythrocytaires de 6-TGN est observée du fait d’une diminution de la clairance de l’azathioprine, probablement en améliorant la fonction des cellules endothéliales .L’activité TPMT peut également être modifiée du fait du polymorphisme observé avec le gène PACSIN2 qui code pour une protéine qui interagit avec Rac1. Plusieurs autres gènes ont été mis en évidence, pouvant expliquer une résistance au traitement par azathioprine, mais les mécanismes de résistances restent peu compris .Un polymorphisme génétique est également observé avec l’inosine triphosphate pyrophosphatase (ITPA). Les patients porteurs de la mutation IVS2 +21AC ont des concentrations en 6-TGN significativement plus élevées que les patients homozygotes normaux, entraînant une augmentation significative des thrombopénies (p = 0,003) . Des mutations sont plus fréquemment observées dans la population asiatique que dans la population caucasienne .NUDT15 est un gène prédominant chez les patients asiatiques, qui code pour une enzyme responsable de l’hydrolyse des nucléosides diphosphates. Cette enzyme en déphosphorylant les métabolites thiopuriques actifs, empêche la liaison des TGTP à Rac1 et leur incorporation à l’acide désoxyribonucléique (ADN). Les variants du NUDT15 ont un effet défavorable sur le métabolisme thiopurique et donc sur la réponse clinique. Chez les porteurs de variants homozygotes, 10 % de la dose standard de mercaptopurine devra être administrée . Des études ont également été réalisées chez des patients européens pour lesquels une toxicité hématologique importante a été observée. Une mutation du gène NUDT15 a été rapportée chez 13 % des patients. L’association d’une mutation de NUDT15 et d’un déficit en activité TPMT augmente la probabilité de développer une toxicité hématologique lors d’un traitement par des médicaments thiopuriques . L’apparition de la toxicité hématologique est plus rapide chez les patients portant un variant NUDT15 . Les polymorphismes de la TPMT et de NUDT15 permettent d’expliquer environ 50 % des cas de toxicité hématologique chez les patients européens traités par azathioprine . Des recommandations ont été proposées concernant l’adaptation de posologie de l’azathioprine en prenant en compte à la fois la variabilité pharmacogénétique de la TPMT et de NUDT15. Chez les patients hétérozygotes sur le NUDT15, 30 à 80 % de la dose standard est préconisée. En cas de déficit concomitant en activité TPMT, les posologies devront encore être réduites .

Détermination des concentrations en nucléotides thiopuriques

Différentes méthodes de détermination des concentrations érythrocytaires des nucléotides thiopuriques ont été publiées dans la littérature.Après prélèvement sur tube hépariné, centrifugation et lavage, les érythrocytes sont conservés à–80 °C. L’acide sulfurique est utilisé par Lennard et al. pour déprotéiniser et hydrolyser les 6-TGN en 6-TG puis deux extractions sont réalisées pour libérer la base purique alors que l’acide perchlorique est utilisé par Dervieux et al. puis l’hydrolyse de la base est réalisée après incubation à 100 °C pendant 45 minutes. Un contrôle qualité externe a été proposé récemment par la société SKML (www.skml.nl). La méthode développée par Lennard et al.  pour doser les nucléotides de la 6-TGN a été très utilisée en pratique clinique pour établir les fourchettes thérapeutiques et optimiser les posologies. La méthode développée par Dervieux et Boulieu  permet de déterminer simultanément les concentrations érythrocytaires en nucléotides de la 6-TGN et les nucléotides de la Me-6-MPN. Les concentrations érythrocytaires en nucléotides de la 6-TGN déterminées selon la méthode Dervieux sont 2,6 fois plus importantes que celles déterminées par la méthode Lennard .Du fait de la variabilité des méthodes précédentes concernant l’hydrolyse, Kirchherr et al. ont développé une méthode de dosage des 6-TGN et Me-6-MPN dans le sang total par LC/MSMS avec une correction du résultat en fonction de l’hémoglobine .De par les différences de concentrations en nucléotides observées en fonction de la méthode de dosage, il importe donc lors de la réalisation d’un suivi thérapeutique pharmacologique de bien préciser la méthode de dosage utilisée .Simsek et al. soulignent cependant que les méthodes développées permettent de doser les nucléotides dans les érythrocytes alors que le site d’action est représenté par les leucocytes. Le métabolisme des médicaments thiopuriques dans les érythrocytes et les leucocytes est différent, certaines enzymes comme l’IMPDH étant peu fonctionnelles dans les érythrocytes. Ceci pourrait expliquer la relation faible entre les concentrations érythrocytaires en 6-TGN et l’efficacité, le dosage ne reflétant pas l’action des thiopuriques au niveau du site d’action . Enfin, ces méthodes ne permettent pas d’identifier séparément les nucléotides mono-, di- ou triphosphate . Les nucléotides sous forme triphosphate sont majoritaires et sont responsables de l’efficacité, alors que chez les patients dont les nucléotides sous forme diphosphate sont diminués, la réponse clinique est également diminuée. Les méthodes développées pour identifier séparément les différentes formes de nucléotides sont trop complexes pour être mises en œuvre en pratique clinique. Elles requièrent en effet des étapes supplémentaires d’oxydation et présentent une faible précision (50–80 %) .Une étude chez des patients atteints de leucémie a montré une relation positive entre la survie sans rechute et la concentration en 6-TGN dans l’ADN. De la même façon, la concentration érythrocytaire en 6-TGN est reliée à la concentration en 6-TGN dans l’ADN. Les auteurs suggèrent la nécessité de réaliser des essais cliniques pour optimiser l’adaptation des posologies d’azathioprine en fonction de la concentration en 6-TGN dans l’ADN plutôt qu’en se basant sur la numération leucocytaire .

Relation dose d’azathioprine– concentration en nucléotides thiopuriques et relation concentration en nucléotides thiopuriques–effet

Relation entre la dose d’azathioprine et les concentrations en nucléotides thiopuriques

Il existe une relation positive entre la dose d’azathioprine adaptée au poids et les concentrations en métabolites thiopuriques chez des enfants atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) [6, 8]. Un allongement de la durée du traitement par azathioprine, une diminution de l’âge des patients, une augmentation de l’activité TPMT, l’absence d’un traitement par infliximab sont corrélés avec des concentrations plus basses en 6- TGN chez les enfants atteints de MICI [8]. La diminution de l’âge, le sexe masculin, la diminution des ALAT et l’absence de leucopénie sont associés à des concentrations basses en Me-6-MPN [8, 10]. La durée du traitement par azathioprine, l’augmentation des ALAT et le sexe féminin sont corrélés à un ratio des concentrations Me-6-MPN/6-TGN augmenté [8].Chez les patients asiatiques, une diminution des posologies d’azathioprine est préconisée allant de 1 à 2 mg/kg par jour pour avoir une réponse clinique contre 1,5 à 2,5 mg/kg par jour dans la population caucasienne [3].

Relation entre les concentrations en nucléotides thiopuriques et la clinique

Les résultats des études qui ont évalué la relation entre la concentration érythrocytaire en 6-TGN et l’efficacité sont discordants . Les concentrations en 6-TGN sont significativement supérieures chez les patients répondeurs par rapport à ceux pour lequel le traitement n’est pas efficace, alors qu’aucun lien n’a été mis en évidence entre les concentrations en Me-6-MPN ou le rapport des concentrations Me-6-MPN/6-TGN et l’efficacité du traitement . Plusieurs revues de la littérature notent une relation positive entre des concentrations érythrocytaires en 6-TGN supérieures à 230–260 pmoles/8 × 108 Erc et l’efficacité thérapeutique chez l’adulte . D’autres travaux ne mettent pas en évidence cette relation. Ceci peut être expliqué par les méthodes de dosage différentes qui fragilisent la comparaison des différentes études . En particulier, Kirchherr et al. proposent des fourchettes thérapeutiques différentes correspondant à une méthode de dosage par LC/MSMS. Chez les patients atteints de MICI, les concentrations recommandées en 6-TGN sont de 300 à 550 pmoles/0,2 ml (pour une hémoglobine à 120 g/l) . Des concentrations en 6-TGN infrathérapeutiques peuvent s’expliquer par une hyperméthylation, avec une métabolisation préférentielle en dérivés méthylés et entraîner une résistance au traitement . On observe chez 20 % des patients traités par azathioprine une production prépondérante de nucléotides de la Me-6-MPN aux dépens des nucléotides de la 6-TGN avec un rapport Me-6-MPN/6-TGN supérieur à 20 et une augmentation du risque d’hépatotoxicité et une résistance au traitement. Chez 95 % de ces patients, l’activité TPMT est normale ou intermédiaire. Une étude réalisée chez des patients dont le rapport Me-6-MPN/6-TGN est supérieur à 100 a permis d’identifier un polymorphisme non synonyme du gène codant pour la Guanine Monophosphate Synthetase, entraînant une diminution de l’activité enzymatique. Cette mutation ne suffit pas à expliquer à elle seule l’augmentation importante du rapport Me-6-MPN/6-TGN. D’autres facteurs environnementaux et génétiques entrent probablement en jeu également . Chez les patients pédiatriques, traités par azathioprine pour une MICI, dont l’activité TPMT est normale et pour lesquels la maladie reste active malgré un traitement par azathioprine bien conduit, des concentrations en 6-TGN supérieures à 405 pmoles/8 × 108 Erc sont prédictives d’une résistance au traitement . Une fourchette thérapeutique de 230 à 450 pmoles/8 × 108 Erc est fréquemment retrouvée dans la littérature, même si les seuils peuvent varier en fonction des études compte tenu des méthodes de dosage utilisées . Une étude a montré que la fourchette thérapeutique pouvait être abaissée à 180–355 pmoles/8 × 108 Erc chez des patients adultes chinois .

Relation entre l’activité TPMT et les concentrations en nucléotides thiopuriques

Le lien entre l’activité TPMT et les concentrations érythrocytaires en nucléotides de la méthyl-6MP est moins bien établi. Des patients présentant des activités normales ou fortes en TPMT peuvent présenter des concentrations élevées en Me-6-MPN. Des concentrations en 6-TGN supérieures à 450 pmoles/8 × 108 Erc sont corrélées à un risque de myélotoxicité. Cependant, chez les patients présentant une myélotoxicité, les concentrations en 6-TGN ne sont pas significativement supérieures aux autres patients . Des concentrations élevées en Me-6-MPN peuvent également expliquer une toxicité hématologique . La relation entre les concentrations en Me-6-MPN et la toxicité hépatique est controversée. Une étude portant sur 92 enfants a montré une augmentation du risque d’hépatotoxicité pour des concentrations en Me-6-MPN supérieures à 5700 pmoles/8 × 108 Erc . Kirchherr et al. rapportent 16 cas de patients dont les concentrations en Me-6-MPN étaient supérieures à 10 000 pmoles/8 × 108 Erc et dont aucun n’a développé d’hépatotoxicité .

Une analyse multivariée réalisée chez des enfants atteints de MICI a mis en évidence certains facteurs prédictifs d’une réponse thérapeutique comme une activité basse en TPMT, une leucopénie, l’absence de lymphopénie, un nombre de plaquettes bas et une concentration en aspartate amino-transférase (ASAT) supérieure à deux fois la normale .

L’ajout d’allopurinol à la dose de 100 à 300 mg par jour et la diminution de la dose standard d’azathioprine (de 17 à 50 %) chez des patients dont le rapport des concentrations Me-6-MPN/6-TGN est supérieur à 20 entraîne une diminution des concentrations de Me-6-MPN, une augmentation des concentrations de 6-TGN et une réduction du ratio Me-6-MPN/6-TGN. Une meilleure réponse au traitement a été observée et les doses de corticoïdes ont pu être diminuées .

Rac1 pourrait être un marqueur précoce de l’efficacité d’un traitement par azathioprine. Une diminution de l’expression de Rac1 est corrélée avec l’efficacité du traitement. Des études complémentaires sont nécessaires pour une application en pratique clinique .

Recommandations - Conclusion

L’Association américaine de gastroentérologie recommande de déterminer l’activité TPMT avant de débuter un traitement par azathioprine. Ainsi, dès l’instauration du traitement, les posologies pourront être adaptées au phénotype ou génotype TPMT, du fait des différences de concentrations éythrocytaires en 6-TGN retrouvées en fonction de l’activité TPMT. Chez les patients déficitaires en TPMT, l’azathioprine est à éviter ou la posologie doit être débutée avec 10 % de la dose standard. Chez les patients à activité TPMT intermédiaire, la posologie d’azathioprine doit être diminuée de moitié . Les concentrations érythrocytaires en nucléotides thiopuriques doivent être étroitement surveillées chez les patients déficitaires en TPMT .

Concernant NUDT15, aucune adaptation de posologie n’est requise chez les métaboliseurs normaux. Chez les patients à activité intermédiaire, une diminution de la posologie doit être réalisée afin de diminuer le risque d’effets indésirables. Chez les patients déficitaires, une alternative thérapeutique devra être proposée .

Chez les patients en échec thérapeutique, dont les concentrations érythrocytaires en 6-TGN sont basses, une augmentation de la dose d’azathioprine peut être réalisée afin d’accroître les concentrations en métabolites thiopuriques. De par la relation entre les concentrations érythrocytaires de 6-TGN et l’efficacité et la toxicité du traitement, ainsi que la relation entre la concentration érythrocytaire des Me-6-MPN et la toxicité, un suivi thérapeutique pharmacologique est recommandé pour évaluer l’observance du patient, en cas d’échec thérapeutique ou d’apparition d’effets indésirables  et en cas d’administration simultanée de médicament pouvant influencer l’activité TPMT. D’autres marqueurs biologiques (numération sanguine ou concentration en ASAT) peuvent également aider à prédire l’efficacité du traitement par azathioprine .

Points essentiels

  • Réaliser un phénotypage ou génotypage de la TPMT avant l’instauration d’un traitement par azathioprine.

  • Adapter les doses d’azathioprine à l’activité TPMT.

  • Suivi thérapeutique pharmacologique recommandé pour évaluer l’observance, en cas d’échec thérapeutique ou d’apparition d’effets indésirables et en cas d’administration simultanée de médicament pouvant influencer l’activité TPMT.

  • Nécessité d’étudier l’intérêt d’une détermination de NUDT15 en pratique clinique pour optimiser le traitement par azathioprine.

Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

M. Bolon Larger, PhD. Laboratoire de pharmacie clinique, pharmacocinétique et d’évaluation du médicament, Université de Lyon, 8, avenue Rockefeller, 69373 Lyon cedex 8, France. Service pharmaceutique, Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Est, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron cedex, France. R. Boulieu, PhD ([email protected]). Laboratoire de pharmacie clinique, pharmacocinétique et d’évaluation du médicament, Université de Lyon, 8, avenue Rockefeller, 69373 Lyon cedex 8, France. Laboratoire de biochimie et biologie moléculaire, pharmacocinétique clinique, Hospices civils de Lyon, Groupement hospitalier Sud, 165, chemin du Grand Revoyet, 69495 Pierre-Bénite, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bolon Larger M, Boulieu R. Suivi thérapeutique pharmacologique des médicaments thiopuriques. EMC - Biologie médicale 2021;16(1):1-5 [Article 90-45-0084-A].

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