Troubles de l’attention
6 septembre 2023
Par Anne Claire Nonnotte
Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage L'adulte avec un trouble dys-exécutif S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Troubles de l’attention
Brefs rappels théoriques
Organisation de l’attention
Nous l’avons déjà souligné ailleurs : l’attention, d’une manière générale, n’est pas une fonction « unitaire » et sans doute, si nous voulions être plus rigoureux, nous faudrait-il plutôt parler d’attentions. « Capacité de sélectionner un événement ou une pensée et de la maintenir dans son champ de conscience » [1], elle se « compose » en premier lieu de deux secteurs qu’il est possible de repérer clairement en fonction des informations traitées (visuelles et visuospatiales ou auditivo-verbales) ainsi que de trois sous-systèmes qui, quoique distincts, n’en demeurent pas moins richement interconnectés. Dans cet ensemble complexe, tel ou tel secteur ou sous-système, peut être « touché » sans que les autres ne le soient. Par ailleurs, l’attention comporte également plusieurs dimensions selon que l’on évoque son intensité ou sa sélectivité. Là encore, l’une, voire les deux peuvent être impactées spécifiquement ou préférentiellement au décours de certaines pathologies (dans le cas de troubles « a ») ou lors du développement de l’enfant (dans le cas de troubles « dys »).
Les différents types d’attention
Par ailleurs, il importe de distinguer deux « types » d’attention selon les circonstances où celle-ci est amenée à se mobiliser.
En premier lieu, l’attention peut être déclenchée par ce que nous pouvons appeller un événement « saillant1 » de notre environnement, le plus souvent – mais pas exclusivement – de « nature » sensorielle (un bruit fort et/ou inattendu, un mouvement, une lumière vive, une parole qui nous sollicite de manière intempestive, etc.). On nomme cette attention «attention exogène ». Elle a pour caractéristique d’interrompre – de manière irrépressible et sur une durée très courte – la réalisation de l’activité entamée.
Mais on doit aussi parler d’une « attention endogène » qui est au vrai ce que le sens commun a tendance à désigner sous le terme générique d’attention, c’est-à-dire un « acte » volontaire, intentionnel. À la différence de l’« attention exogène », celle-ci peut s’exercer sur un temps plus long selon les capacités du sujet et l’intérêt qu’il porte – plus ou moins – aux stimuli présents dans son environnement. C’est cette attention qui nous permet le maintien dans la réalisation d’une tâche le temps nécessaire, l’accomplissement d’un projet dans sa totalité, qu’il s’agisse d’une action, d’une pensée, d’un raisonnement, d’un dialogue, etc. Sans elle, et surtout sans sa mise en œuvre « réussie », le sujet et son environnement sont condamnés à se livrer « pieds et poings liés » à tous les stimuli rencontrés. C’est cette même attention (endogène) qui a vocation à se développer progressivement au détriment de la première2 . Condition essentielle non seulement des apprentissages mais des comportements adaptés, son déficit, à la fois présent dans le TDA/H et dans le syndrome dys-exécutif, peut manquer pas de produire des effets délétères chez les sujets qui les présentent…
Attention soutenue ou concentration
Cette « forme » correspond à la capacité du sujet à maintenir son attention – quels que soient l’environnement et ses possibles distracteurs – dans la durée. Se concentrer ne suppose donc pas seulement d’être attentif mais de pouvoir le demeurer le temps nécessaire à la réalisation d’une tâche, l’accomplissement d’un projet. En ce sens, rappelons que si cette capacité est variable d’un individu à un autre, elle n’est, de surcroît, pas sans limites. Certaines d’entre elles sont ainsi propres au sujet lui-même ; d’autres sont dépendantes de conditions « externes » que l’on peut le plus souvent rattacher à l’intérêt pris par le sujet à l’effectuation de la tâche. Celles-ci ne sont donc pas sans lien avec son éducation et le déclenchement des systèmes dits de récompense3. Or cette forme d’attention est particulièrement déficitaire chez le sujet dys-exécutif S’ouvre dans une nouvelle fenêtre, déficit qui justifie ainsi les divers comportements déjà évoqués plus haut : difficultés à écouter l’autre de manière continue et suivie, à observer les éléments signifiants sur le temps nécessaire à l’élaboration de sa compréhension, etc. Là encore, l’environnement qui ignore le déficit présenté par le sujet dys-exécutif ne peut que mal interpréter les attitudes du sujet. Enfant, il se retrouve ainsi constamment intimé de se concentrer, sommé d’être attentif comme si la simple (bonne) volonté pouvait suffire à le permettre… mais même si son statut d’adulte le protège plus tard de ce type d’injonction, il demeure tenu pour responsable de son comportement.
Attention sélective
L’une des autres caractéristiques essentielles de l’attention est sa capacité à sélectionner parmi les informations qui parviennent au sujet celles qui sont pertinentes en fonction du projet qu’il a élaboré. Nous voici renvoyés au tri, autre mot pour évoquer le filtre indispensable qui doit être mis en œuvre au sein du très grand nombre de stimuli auxquels il est confronté – internes comme externes. Ce rôle de filtre est fondamental. De son bon, versus mauvais, fonctionnement, dépend en effet la capacité du sujet à ne pas se laisser « déborder » par des données qui, quoique « saillantes », n’en sont pas moins possiblement inadéquates. Notre système cognitif, incapable d’en traiter plusieurs à la fois – c’est le problème de la multitâche que ne connaissent que trop « bien » les dys en général S’ouvre dans une nouvelle fenêtre– doit donc sélectionner parmi elles celles qui sont, ou non, les plus pertinentes. Pour rendre compte de cette dimension essentielle, l’analogie la plus fréquemment utilisée est celle de la « torche » ou du « projecteur » tant il s’agit bien en effet de « mettre en lumière » les seuls éléments utiles à l’action entamée (pratique mais également intellectuelle) et de laisser dans l’ombre ceux qui n’ont pas besoin d’être « convoqués » (c.-à-d. ceux qui ont statut de distracteurs). On l’imagine sans peine : la mise en œuvre efficace d’un tel processus ne peut qu’être coûteuse sur le plan cognitif. Autant dire, quasi inabordable pour le sujet souffrant d’une pathologie exécutive…
L’attention : un processus dynamique
Autre idée reçue : l’attention, d’autant lorsqu’elle est « soutenue » et à laquelle renvoie le terme de « concentration », présenterait un caractère de fixité, le sujet s’attachant à un sujet et ne le quittant pas. Or, ainsi qu’on a pu justement le dire : « l’attention, une fois capturée, ne reste pas vissée à sa cible ; car une bonne attention est une attention fluide et non rigide, qui sait à l’occasion se laisser capturer pour se tenir au courant du monde » [2]. Le sujet présentant des troubles en ce domaine – notre dys-exécutif ! – risque donc d’échouer à « passer » d’une cible à une autre, comme littéralement « scotché » à l’une ou à l’autre, sans que le critère de leur pertinence ne soit forcément respecté et, in fine, se montre incapable de la fluidité et de la souplesse pourtant nécessaires à la poursuite cohérente d’un projet. Pas question pour autant de confondre souplesse, fluidité et distraction ! Être distrait, c’est être en quelque sorte « rapté », emporté au gré des stimuli qui nous ont « hameçonnés » pour des raisons qui nous échappent le plus souvent. Rien à voir, donc, avec le fait de s’adapter de manière continue, en temps réel pour ainsi dire, au déroulé de l’action ou du raisonnement afin d’en suivre l’ordre. Ce mécanisme, on peut le comprendre, est également plus que complexe et forcément coûteux sur le plan cognitif. Pas d’étonnement à ce qu’il soit, de fait, plus fragile. La dys-exécution des sujets dont nous parlons en témoigne…
Attention partagée
Nous avons souligné plus haut le fait que les capacités des sujets sur le plan attentionnel étaient variables et limitées. Ce fait a pour conséquence que lorsque ceux-ci sont amenés à réaliser une tâche complexe impliquant plusieurs sous-tâches qui semblent requérir un traitement simultané, ils se trouvent systématiquement en situation de double, voire de triple tâche. Or, nous savons aujourd’hui qu’un tel « défi » est impossible non seulement pour le sujet dysexécutif mais aussi pour le sujet tout-venant et ce, contrairement aux idées reçues. Une telle situation ne peut donc qu’être dommageable en ce qu’elle ne peut qu’en compromettre la réussite. Il s’agit donc d’établir des priorités en prenant en compte les ressources attentionnelles dont le sujet dispose afin qu’elles soient réparties en fonction des difficultés présentées. En ce domaine essentiel, qui influe aussi bien sur les apprentissages que sur le comportement, le sujet dys-exécutif est là encore très fortement gêné. Si aucune des tâches (ou sous-tâches) à effectuer n’est automatisée – ce qui permet de ne pas mobiliser de capacités attentionnelles importantes, voire aucune –, l’ensemble des tâches échoue systématiquement alors que leur séparation et leur hiérarchisation par un travail de séquençage auraient permis leur réussite…
Attention et émotions
D’une manière générale, il faut souligner le lien de dépendance entre les émotions, quelles qu’elles soient (positives ou négatives), et le fonctionnement attentionnel du sujet susceptible de les éprouver. Être motivé pour une action, un projet, désireux de les réaliser, anticiper le plaisir ou, à l’inverse, avoir peur de s’y risquer craignant ses conséquences négatives possibles… toutes ces situations plaident dans le sens de cette dépendance. Chacun, du reste, peut l’expérimenter. Les stimuli fortement marqués sur le plan émotionnel constituent en effet autant d’éléments saillants qui ne peuvent que retenir l’attention du sujet. En conséquence, être capable de les inhiber lorsque cela est nécessaire s’avère déterminant pour garantir une bonne réalisation de l’action entreprise. Derrière de telles situations se cache le rôle crucial de l’anticipation – d’une satisfaction, d’une déception, etc. – qui participe à l’augmentation de la saillance de certains éléments qui ne peuvent que favoriser la « capture » du sujet. Ainsi que nous l’avons dit ailleurs : « le système attentionnel repose sur de vastes réseaux frontaux pariétaux reliés aux régions limbiques (traitement des émotions) et aux noyaux gris centraux (en particulier l’amygdale, surtout en cas de peur ou de danger) » [3].
Conséquences des déficits attentionnels
Situation 1 – Tout commencer, ne rien finir
L’adulte dys-exécutif, désormais rompu à certaines tâches élémentaires de la vie domestique, est parvenu après plusieurs années de répétition à répondre à la sollicitation de ses proches, voire à prendre de lui-même des initiatives comme passer l’aspirateur dans certaines pièces de la maison sans oublier d’épousseter les meubles, disposer dans le tambour de la machine à laver le linge et la vider lorsque le cycle est terminé, se raser, se peigner, etc. Au fil du temps, le sujet a appris à initier spontanément ces actes et il n’est plus forcément nécessaire de le solliciter. Et pourtant… Certaines pièces ont échappé au ménage ! Pour ne rien dire de certains meubles, ou même parties du meuble. N’ayant pas attendu la fin du cycle de la machine à laver, se souvenant qu’il devrait ensuite la vider afin d’aller disposer les vêtements retirés sur le « fil » du jardin ou le séchoir du grenier, il a cherché, déterminé, à ouvrir coûte que coûte, la porte du hublot, pourtant verrouillée par sécurité, au risque de l’endommager. Habitué à se raser tous les matins, le jeune homme s’est bien impliqué dans la tâche spontanément mais a oublié de nombreuses parties du visage (menton, cou, etc.). Il a allumé le four, y a déposé le plat prévu pour le repas et il a oublié de l’éteindre… Bref, dans aucune de ces tâches, il n’est allé « au bout »…
Analyse
Comment les proches sont-ils conduits à interpréter ces actes ? Et quelles réactions sont susceptibles de s’ensuivre ? Le sujet néglige-t-il sa tâche par désintérêt ou, pis, par irresponsabilité ? Se moque-t-il des consignes ? À moins qu’il ne prenne simplement plaisir à les transgresser ! De la réponse apportée à ces questions dépend l’attitude adoptée par l’environnement. On imagine du reste que celle-ci est conditionnée en partie par l’âge du sujet. Enfant, il est en effet très probable qu’il s’est fait sermonner, d’autant si ses troubles n’avaient pas encore fait l’objet d’un diagnostic ! Mais que dire, que faire, face à l’adulte qu’il est devenu mais dont le comportement n’a pourtant guère changé ? Une fois encore, le risque est grand de ne pas décoder correctement son échec et de contribuer ainsi par une réaction inappropriée à le dévaloriser.
Situation 2 – Les tâches de ménage ou d’entretien
Ainsi, tout attelé à – concentré sur – sa tâche de ménage, il revient au sujet (stimulus interne) que la semaine dernière il avait oublié la salle de bain et que cela lui avait été « signalé ». Cette fois, c’est donc par cette pièce de l’appartement qu’il va commencer et à laquelle il va consacrer toute son attention : le sol, bien sûr mais aussi la cabine de douche et la robinetterie… Mais tout occupé cette fois par son souci de bien faire et de corriger son erreur, il néglige le salon. Ou concentré sur le fait de ne pas oublier de dépoussiérer les meubles de sa chambre, voilà qu’il en oublie d’aspirer son tapis… Il entend bien cette fois mener sa tâche jusqu’à son terme. Placer le linge dans la machine est une chose, en choisir le programme adapté, une autre mais ces deux tâches restent tout aussi essentielles : retirer celuici du tambour puis procéder à son étendage. Pris en défaut sur ces deux derniers temps la fois précédente, la sortie du linge du tambour se mue en une donnée saillante qui l’accapare tout entier au point de lui faire occulter une autre condition importante qui suppose le respect d’une durée : l’attente de la fin du programme avant de tenter d’ouvrir la machine… bloquant ainsi pour plusieurs minutes la porte ou le hublot…
Situation 3 – Ne pas perdre le fil !
Le sujet dys-exécutif – dont l’attention endogène n’a pas pris le pas sur son attention exogène comme c’est le cas pour un sujet indemne – voit sa vie quotidienne régulièrement perturbée. Nous l’avons déjà souligné, le moindre stimulus externe (sensoriel) ou interne (une idée, etc.) constitue autant d’occasions de lui faire « oublier » son projet, d’en sauter une étape, d’en modifier la position dans l’ensemble du déroulement. Le voilà de ce fait susceptible d’encourir non seulement ces « sorties de route » dont nous parlions plus haut, mais aussi des focalisations intempestives sur de simples éléments de détail qui lui font perdre le fil. À lui et à ses interlocuteurs. Le voilà capté par des données non essentielles, « sans importance », voire hors sujet, dissociées du contexte général de l’action mais dont, visiblement, il peine à se détacher. En d’autres termes, sous le joug de tous les distracteurs possibles, internes comme externes, sensoriels comme idéiques qui, pour lui, sont autant d’éléments saillants qui, outre le fait de compromettre la réalisation efficace de son action, impactent ses compétences sociales et nuisent à sa communication. Ainsi, au décours d’une discussion dans laquelle il s’était pourtant engagé, le simple bruit de la voiture qui passe dans la rue voisine, le retentissement de la sonnerie du téléphone de son interlocuteur, le rappel S’ouvre dans une nouvelle fenêtrequi lui vient à cette même occasion de ne pas oublier de programmer le sien pour le lendemain matin… et le voilà qui lève la tête. Se lève pour aller chercher le sien propre… brisant le fil de la conversation.
Analyse des situations 2 et 3
Bien sûr, qui pourrait jurer n’avoir jamais vécu de telles situations sans qu’il y ait lieu de les imputer à un trouble quelconque4 ? Qu’on ne s’y méprenne donc pas : il ne s’agit pas ici de confondre un simple écart ponctuel à la « norme » avec le champ de la pathologie. Seulement d’aider les proches à ne pas mal interpréter un tel comportement chez ceux qui en sont réellement affectés. Ces exemples ne sont donc convoqués ici que pour revenir et insister sur un point essentiel : le déficit des fonctions attentionnelles ne peut être isolé de la fameuse inhibition dont nous n’avons pas cessé de souligner le rôle majeur depuis le début de cet ouvrage au point de faire de ses pannes l’une des caractéristiques fondamentales du syndrome dys-exécutif. Oui, être attentif c’est aussi inhiber, filtrer et donc hiérarchiser. Et en cela se défaire du pouvoir et de la domination de tous les automatismes ou des sollicitations prégnantes générant le phénomène déjà évoqué d’« aimantation ». Dès lors, le sujet affecté par ces troubles – et qui ne peut qu’échouer à contenir les distracteurs et à résister à l’irruption d’éléments aussi intempestifs qu’illégitimes – ne peut que très laborieusement orienter son action, sa pensée, son raisonnement, les mener à leur terme de manière efficace. Enfin, qu’il nous soit permis de noter que la question de l’attirance du sujet dys-exécutif pour le détail est souvent mal comprise. Car si, indéniablement, le percevoir peut constituer un atout dans certaines situations – dont nombre de sujets qui ne présentent pas ces troubles sont bien souvent privés… –, il reste que l’interprétation qui en est faite n’est pas toujours pertinente. Voir, observer, se river sur un détail, contrairement à ce que pense le plus souvent l’opinion, n’est pas le signe d’un intérêt « maniaque », « obsessionnel » du sujet pour un élément jugé par surcroît sans intérêt réel par son environnement. Voir, observer, se river sur un détail, c’est d’abord isoler un élément de son contexte d’ensemble, là où se tient le sens même d’un phénomène ou d’une action. En d’autres termes, c’est se priver de ce dont a besoin la pensée pour se déployer de manière cohérente : l’articulation d’éléments à l’origine « épars » et sans liens et que le sujet dans sa réflexion et sa perception a justement à tramer. En ce sens, le sujet dys-exécutif paraît cumuler tous les déficits : inhibition, planification, flexibilité mentale et attention sans qu’aucune de ces fonctions ne doive être considérée isolément comme la seule et unique cause de ses difficultés.
Quelle aide?
Aides médicamenteuses
Rappelons en préalable qu’aucun traitement curatif n’existe à ce jour contre ces troubles [3]. Le but des prescriptions qui sont amenées à être effectuées n’est donc pas de guérir mais d’aider le sujet et son entourage à mieux les gérer, et ainsi limiter la gêne et le handicap. Pour autant, le fait que les fonctions attentionnelles soient ici toujours perturbées laisse ouvertes certaines perspectives dont l’une d’entre elles est déjà explorée dans le cadre du TDA/H. On sait en effet que le fonctionnement des circuits préfrontaux dépend en grande partie d’un neurotransmetteur : la dopamine. Par ailleurs, cette dopamine est également fortement impliquée dans les apprentissages moteurs ; or nous avons déjà souligné le fait que les déficits exécutifs étaient très fréquemment corrélés aux troubles praxiques (TDC) et aux habiletés gestuelles [4]. Des études montrent même une reconfiguration de certains circuits neuronaux, voire une restauration de l’activité [5]. On pourrait néanmoins objecter que le déficit des mécanismes attentionnels, bien que faisant partie du tableau général de la dys-exécution, n’en constitue qu’un « volet ». Pour autant, les effets d’un traitement par méthylphénidate sont observés bien au-delà de la simple attention et se traduisent par moins d’agitation du sujet, moins d’impulsivité, une plus grande capacité d’inhibition avec les conséquences sociales positives qui ne peuvent qu’en découler. Sans constituer une solution curative « définitive », sa prescription, à la condition d’être effectuée dans le respect des règles fixées, peut donc systématiquement être envisagée (encadré 4.1).
Enfin, des compléments alimentaires (magnésium, fer, zinc, oméga-3), utilisés seuls ou en complément du traitement médicamenteux, permettent semble-t-il des améliorations notables, en particulier chez les sujets présentant un faible taux sanguin de l’un ou plusieurs de ces éléments. À ce stade, des études scientifiques sont en cours pour confirmer l’intérêt de ces prescriptions.
Remédiations non médicamenteuses5
Des remédiations6 autres que médicamenteuses sont également possibles sans pour autant devoir s’y substituer.
Ainsi, certaines, dites cognitives, peuvent proposer au sujet7 un entraînement progressif, notamment en matière d’inhibition mais également de planification. Dans cet esprit, certains logiciels peuvent constituer des supports tout à fait pertinents et efficaces.
D’autres approches, dites cette fois métacognitives, sont également cumulables. Il s’agit d’aider le sujet à prendre conscience des mécanismes qu’il déploie lorsqu’il s’efforce de réaliser une tâche dans le but que la bonne connaissance de ceux-ci favorise leur contrôle.
Enfin des remédiations de type sensorimoteur, outre les stimulations diverses les plus classiques (auditives, visuelles, vestibulaires, kinesthésiques), intègrent de plus en plus la question de la gestion de l’attention et de l’inhibition via des activités de relaxation ou de yoga [7]. Concernant ce dernier, certaines études ont été conduites avec pour but d’améliorer les capacités exécutives des sujets qui sont déficitaires sur ce plan. Notons cependant qu’à la différence de certaines propositions évoquées supra, celles-ci sont plus « globales » et ne ciblent pas tel ou tel module spécifiquement (planification, mémoire de travail, etc.) et que la plupart d’entre elles, pour être mises en place dans un contexte écologique, évitent le problème de la fameuse transposition dont nous avons parlé chapitre 2.
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L'auteur
Alain Moret Professeur de philosophie à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) de l’Université de Bourgogne, membre du comité scientifique de la FFDys (Fédération française des dys)
1. Nous entendons ce mot au sens que lui donne Jean-Philippe Lachaux qui le définit comme une « capacité à attirer » [2]. 2. Pour autant, l’attention exogène ne saurait disparaître ! 3. Nous revenons sur ce point rapidement lorsqu’il sera question du lien entre attention et émotions. 4. Nous laissons ici volontairement de côté les pathologies de type dégénératif (maladie d’Alzheimer, notamment) qui, bien qu’affectant ces mêmes fonctions de manière irréversible, constituent autant d’exemples approchants de ces gênes sérieusement handicapantes 5. Pour tout ce passage, nous renvoyons là encore à notre ouvrage [3] où le lecteur trouvera une présentation synthétique des différentes remédiations possibles p. 41-5. 6. Pour exemple, on peut trouver un répertoire d’outils mais plutôt à destination des enfants, conçus pour développer la gestion cognitive de l’attention, la mémoire de travail, etc. : www.memoaction.com, https://cenop.ca et [6]. 7. En général, ces prescriptions sont effectuées à destination des enfants et des adolescents mais elles gardent toute leur pertinence dans le cas des adultes. Seules les modalités de prise du traitement sont amenées à varier.
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Références
[1] Rousseaux M, Cabaret M, Bernati T, Saj A, Kozlowski O. Interaction entre fonctions exécutives et attention. In: Pradat-Diehl P, Azouvi P, Brun V. Fonctions exécutives et rééducation. Paris : Masson ; 2006. [2] Lachaux JP. Le cerveau attentif. Paris : Odile Jacob ; 2011. [3] Moret A, Mazeau M. Le syndrome dys-exécutif chez l’enfant et l’adolescent. Répercussions scolaires et comportementales, 2e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2019. [4] Kelly C, De Zubicaray G, Di Marino A, Copland DA, Reiss PT, Klein DF, et al. L-dopa modulates functional connectivity in triatal cognitive and motor networks : a doubleblind placebo-controlled study. J Neurosci 2009 ; 29(22) : 7364–78. [5] Sergeant JA. Modeling attention-deficit/hyperactivity disorder, a critical appraisal of the cognitive-energic model. Biol Psychiatry Rep 2005 ; 57(11) : 1248–55. [6] Lussier F. 100 idées pour mieux gérer les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) pour aider les enseignants. les parents et les enfants. Paris : Tom Pousse ; 2011. [7] Veillette F. Effets du yoga et de la méditation sur le fonctionnement cognitif et les habiletés de pleine conscience chez des enfants en milieu scolaire. Thèse de doctorat en psychologie – Recherche et intervention. Université de Laval, Québec ; 2021.