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Chirurgie urologique

15 août 2023

Voies d'abord et interventions complexes

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Énucléation endoscopique anatomique de la prostate

Grégoire Robert

Grégoire Robert Professeur des universités en urologie à l'université de Bordeaux, Praticien hospitalier dans le service d'urologie, andrologie et transplantation rénale du CHU de Bordeaux

Indications, critères de choix

Bien que développée initialement avec le laser holmium, l'énucléation endoscopique de la prostate peut être réalisée avec différentes sources d'énergie laser (holmium, thulium ou Greenligh) et avec un courant bipolaire. Pour ne pas compliquer la lecture de ce chapitre, nous ne décrirons ici que la technique d'énucléation au laser holmium, qui reste la plus couramment pratiquée et la mieux validée. Cette technique chirurgicale peut être proposée quel que soit le volume prostatique. Néanmoins, une prostate de petit volume (< 30 cc) rend l'énucléation plus difficile et expose à un risque accru de sclérose du col ; il peut dans ce cas être préférable de réaliser une résection du col vésical ou une simple incision cervicoprostatique. À l'inverse, une prostate de très gros volume (> 100 cc) rend également l'intervention plus difficile et plus longue ; le plan d'énucléation est habituellement facile à repérer mais le volume de l'adénome gêne les mouvements de l'endoscope et la surface d'énucléation à parcourir est plus importante. Dans l'idéal, et surtout pendant la phase d'apprentissage, il est préférable de sélectionner des patients dont le volume prostatique se situe entre 50 et 80 cc. La qualité d'hémostase étant meilleure qu'avec les techniques conventionnelles, il est possible d'opérer des patients sous traitement antiagrégant ou anticoagulant sans obligation d'interrompre les traitements. Néanmoins, les complications hémorragiques restent plus fréquentes dans cette population.

Installation du patient et disposition de la salle d'intervention

Le patient est installé en décubitus dorsal, en position de la taille, sous rachianesthésie ou sous anesthésie générale. Une antibioprophylaxie adaptée est réalisée. Un gel lubrifiant est introduit dans l'urètre puis on procède à une urétrocystoscopie afin de visualiser l'urètre, la vessie et la position des méats urétéraux. La cystoscopie permet également d'apprécier l'anatomie prostatique (position des apex et du veru montanum, protrusion intravésicale ou présence d'un lobe médian). Une fois introduite dans la vessie, la gaine externe du cystoscope est maintenue en place pour tout le reste de l'intervention.

Réglages du générateur holmium

Selon le fabriquant, les plages de réglage du générateur varient considérablement. Le principe reste d'utiliser des hautes fréquences et haute énergie pour l'énucléation (40 à 50 Hz ; 1,5 à 2 J) et des fréquences plus basses avec énergie plus faible pour l'hémostase (20 à 30 Hz ; 0,5 à 1 J).

Température du liquide d'irrigation

Le volume de liquide d'irrigation utilisé peut être assez conséquent. Afin de limiter les déperditions caloriques du patient, il est conseillé d'utiliser du sérum physiologique réchauffé à 37 °C.

Positionnement de la fibre par rapport à l'endoscope

Le chariot porte-fibre permet de fixer la fibre en bonne position. Cette dernière peut s'user progressivement en cours de procédure et sa longueur doit être adaptée pour ne pas endommager les instruments. En pratique, elle est positionnée à quelques millimètres de l'extrémité de la gaine. Un bon repère est de se placer à un tiers de l'image endoscopique.

Matériel

Cette intervention nécessite un matériel spécifique comportant un générateur laser, une fibre laser, un résecteur porte-fibre et un morcellateur. Afin de pouvoir introduire confortablement la fibre laser et le morcellateur, il est préférable d'utiliser une caméra droite plutôt qu'une caméra pendulaire. L'utilisation d'une caméra pendulaire peut gêner l'introduction de la fibre laser et oblige à tenir l'endoscope incliné de 20 à 30° lors de la morcellation, ce qui peut gêner les mouvements de l'opérateur. Il existe différents types de chariots porte-fibre. Certains sont munis de poussoirs pour refouler le lobe prostatique ou de protections pour éviter d'endommager la fibre laser. Ce ne sont que des artifices techniques qui ne sont pas indispensables à la bonne conduite de l'intervention.

Principaux temps opératoires

Plusieurs techniques d'énucléation ont été décrites : en deux blocs, en trois blocs, en monobloc. La technique en trois blocs est la plus ancienne et la plus consensuelle ; elle est décrite ici dans sa version la plus classique. Selon son expérience, chaque opérateur pourra développer l'une ou l'autre de ces techniques et en mélanger certains aspects techniques.

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Technique en trois blocs

La technique standard, décrite dès 1995 par Peter Gilling et Mark Fraundorfer, est une technique d'énucléation en trois blocs. En l'absence de lobe médian, la technique en trois blocs est modifiée pour une technique en deux blocs.

Bloc postérieur incluant le lobe médian

L'intervention débute par la réalisation de deux incisions cervicoprostatiques de part et d'autre du lobe médian (à 5 h et 7 h). Ces incisions doivent être suffisamment profondes pour rejoindre le plan capsulaire. Elles se dirigent vers le veru montanum et se rejoignent sur la ligne médiane immédiatement avant ce dernier. Une fois les deux incisions réalisées, le tissu adénomateux situé entre ces deux incisions est énucléé de manière rétrograde en le refoulant vers le col vésical avec l'endoscope. Celui-ci peut être retourné à 180° pour mieux apprécier le plan de décollement. Les attaches muqueuses du col vésical sont sectionnées au laser. L'hémostase est assurée au fur et à mesure en insistant sur le col vésical. Le lobe médian et toute la partie postérieure de l'adénome sont ainsi basculés dans la vessie. Il faut alors prendre garde à ne pas léser les méats urétéraux. Lorsque la prostate est de petite taille (< 30 cc), l'ablation de cette partie de l'adénome peut suffire à restaurer un jet mictionnel de qualité tout en limitant les risques de sclérose du col vésical.

Apex prostatiques

L'énucléation des lobes latéraux débute à l'apex par la réalisation d'incisions arciformes de la muqueuse de l'urètre prostatique. On place l'endoscope au niveau du veru montanum, on repère les reliefs des apex et on incise la muqueuse depuis la face postérieure vers la face antérieure en prenant soin de ne pas descendre en dessous du niveau du veru montanum (figure 4.1). À la face antérieure, l'incision peut se décaler légèrement vers le col vésical pour éviter de léser les fibres antérieures du sphincter. L'objectif de cette incision muqueuse est double : éviter des tensions inutiles sur le sphincter et l'urètre, et assurer un repère visuel à ne pas dépasser.

Figure 4.1

Lobe gauche

Une fois l'incision arciforme réalisée, on introduit l'extrémité de l'endoscope entre l'adénome et la capsule. Le plan d'énucléation est facilement repéré à la face postérieure, sur le côté du veru montanum. On refoule ensuite progressivement l'adénome vers la lumière urétrale. Les vaisseaux perforants sont coagulés au fur et à mesure. La capsule est facilement repérée par son aspect blanc nacré et par la présence de vaisseaux sanguins qui la parcourent (figure 4.2).

Figure 4.2

Le plan d'énucléation développé au niveau de l'apex doit être prolongé sur sa face latérale (jusqu'à 3 h pour le lobe gauche). On procède ensuite à une incision médiane antérieure entre les deux lobes. Cette incision est poursuivie jusqu'à la capsule afin de retrouver un plan d'énucléation. Ce plan est développé latéralement (de midi à 3 h) jusqu'à retrouver le plan initié par voie postérieure. Une fois ces deux incisions rejointes, le lobe est progressivement libéré (figures 4.3 à 4.5) en le refoulant vers le col vésical.

Figure 4.3 & 4.4

Les attaches du col vésical sont sectionnées en dernier, permettant ainsi au lobe de basculer dans la vessie (figure 4.6).

Figure 4.5 & 4.6

Lobe droit

Une fois le lobe gauche énucléé, l'énucléation du lobe droit est facilitée. On dispose en effet de plus de place dans la loge prostatique et les repères visuels sont plus faciles à définir. On développe le plan postérieur et le plan latéral jusqu'à 9 h. Puis on poursuit la libération du plan antérieur jusqu'à rejoindre le plan postérieur. Le lobe est ensuite basculé dans la vessie et les attaches du col vésical sont sectionnées.

Hémostase

Avant de passer à l'étape de morcellation, il faut s'assurer que la qualité de l'hémostase est optimale : on diminue la pression du liquide d'irrigation (en abaissant les poches d'irrigation) et on coagule de manière élective les vaisseaux sanguins visibles sur l'ensemble de la loge prostatique. Le liquide d'irrigation doit être clair à la fin de ce temps d'hémostase.

Morcellation (figures 4.7 et 4.8)

On retire le résecteur porte-fibre et on introduit le néphroscope. Le principe de sécurité consiste à assurer une bonne réplétion vésicale durant toute la morcellation : on met en place deux lignes d'irrigation distinctes reliées à deux entrées distinctes sur le néphroscope, dont on ferme le canal de sortie. Le morcellateur est testé à l'extérieur du patient puis introduit dans le canal opérateur du néphroscope. On se positionne d'abord au niveau du trigone. Les lobes prostatiques tombent par déclivité dans cette zone et il est facile de les repérer et de les aspirer au contact de l'extrémité du morcellateur. Dès qu'un lobe est saisi par l'aspiration, on éloigne les couteaux du morcellateur de la paroi vésicale en avançant l'endoscope au milieu de la vessie. C'est uniquement une fois positionné au milieu de la vessie et après s'être assuré de la bonne réplétion vésicale que l'on actionne les couteaux du morcellateur. La procédure est répétée pour chacun des trois lobes. En fin d'intervention, on vide totalement la vessie pour s'assurer de l'absence de fragments résiduels et de la bonne qualité de l'hémostase. Une sonde à trois voies est mise en place, avec une irrigation vésicale si nécessaire.

Figure 4.7 & 4.8

Technique dite en monobloc

L'avantage principal de cette technique est un gain de temps par rapport à la technique standard. Elle limite également le nombre d'incisions et le risque d'énucléation dans plusieurs plans parallèles. L'énucléation débute au niveau de l'apex prostatique gauche. On incise la muqueuse de l'urètre prostatique le long du veru montanum. L'extrémité de l'endoscope est insérée dans cette incision et permet immédiatement de trouver le plan d'énucléation à la face postérieure. Ce plan est poursuivi autour de l'apex prostatique gauche et à la face latérale. L'objectif est ensuite de prolonger cette énucléation mécanique depuis le côté gauche vers la face antérieure puis au-dessus du lobe prostatique droit. On procède surtout à une énucléation mécanique mais le laser permet de sectionner les vaisseaux perforants et d'assurer l'hémostase au fur et à mesure de la progression. Il est primordial de mener la dissection antérieure le plus loin possible au-dessus du lobe prostatique droit en redescendant si possible jusqu'à 9 h. Une fois ce plan antérieur et latéral largement développé, on positionne l'endoscope à midi et on progresse vers le col vésical au-dessus de l'adénome. L'endoscope doit être maintenu dans un axe horizontal pour ne pas provoquer de saignement des plexus veineux antérieurs. Une action mécanique permet de progresser rapidement vers le col vésical et d'ouvrir la muqueuse vésicale à midi. Une fois que la muqueuse vésicale est ouverte, on poursuit l'incision du col vésical vers la droite et vers la gauche au-dessus des lobes prostatiques. On revient ensuite progressivement en arrière en suivant le plan du col vésical pour terminer la libération de la face latérale du lobe prostatique gauche. On reprend la dissection sous l'apex prostatique droit au niveau du veru montanum. On contourne l'apex et on remonte immédiatement vers le plan latéral préalablement disséqué. Si la dissection antérieure a été menée assez loin, on le retrouve très rapidement. Dès que les deux plans sont rejoints on termine la libération des attaches latérales du lobe droit depuis le col vésical vers l'apex. Les lobes prostatiques restent alors accrochés par un pont muqueux antérieur et par le plan postérieur. Pour inciser le pont muqueux antérieur, on effectue une rotation complète autour de l'apex dans le plan de l'énucléation déjà libéré et on enroule ainsi la muqueuse urétrale autour de l'endoscope. On l'incise ensuite en reculant progressivement l'endoscope et en amenant le pont muqueux au milieu de l'urètre, très à distance du plan musculaire sphinctérien. Une fois ces dernières attaches muqueuses sectionnées, les lobes prostatiques ne sont plus retenus que par leur face postérieure. On fait donc progressivement basculer les lobes dans la vessie en incisant ces dernières attaches postérieures depuis l'apex vers le col vésical. Le propre poids des lobes prostatiques horizontalise la coque prostatique et évite de perforer la capsule et de passer sous le trigone. On prend soin de ne pas léser les orifices urétéraux lors de la section des dernières fibres du col vésical.

FocusGestion de l'apex

L'apex est la région la plus sensible pour la continence postopératoire. Il peut être traité de différentes manières. L'incision première de la muqueuse urétrale permet d'éviter toute traction sur l'urètre membraneux lors de la suite de l'énucléation, mais elle expose à un risque de lésion sphinctérienne directe par le faisceau laser si le geste n'est pas bien contrôlé. Il est donc préférable d'inciser la muqueuse en regard du lobe prostatique plutôt qu'en regard de l'urètre. L'incision du pont muqueux antérieur après énucléation des deux lobes prostatiques en monobloc protège entièrement le sphincter de toute lésion directe, mais elle expose à un certain degré de traction lors de l'énucléation. Que l'on choisisse l'une ou l'autre de ces techniques, il existe un risque d'incontinence urinaire transitoire postopératoire qui récupère habituellement en quelques semaines ou quelques mois.

Variations anatomiques susceptibles d'influer sur le geste chirurgical

Lobe médian

Lorsque le lobe médian est très développé, il peut être traité séparément du reste de la glande. On procède à deux incisions cervicoprostatiques de part et d'autre (à 5 h et 7 h) puis à son énucléation rétrograde sans tenter de s'enfoncer en profondeur dans l'épaisseur du bloc postérieur. Une fois énucléé, l'espace de travail obtenu permet de réaliser la suite de l'intervention « en bloc » ou par une technique en trois ou deux blocs.

Proximité des méats urétéraux

Le laser holmium est un laser de contact et il n'y a pas de risque de lésion des méats à condition de bien les repérer et d'éviter un contact direct. Il faut néanmoins être prudent, en particulier :

  • lorsque l'on débute l'incision cervicoprostatique à 5 h et 7 h : les contraintes exercées sur le col peuvent parfois induire un mouvement de ressaut et placer la fibre au contact d'un méat ;

  • lorsque l'on sectionne les attaches du col vésical, quel que soit le temps opératoire ;

  • lorsque l'on termine une énucléation en monobloc, au cours du temps postérieur, car l'adénome peut basculer audessus de la barre inter-urétérale et gêner le repérage des méats, qui peuvent être très proches du col.

Trucs et astuces

Difficultés de morcellation

Lorsque le lobe prostatique est dense, la morcellation peut être difficile avec un lobe qui se détache régulièrement du morcellateur. Une solution peut alors consister à positionner le lobe et l'extrémité du morcellateur dans la loge prostatique plutôt qu'au milieu de la vessie. Le lobe prostatique se trouve alors contraint dans ses mouvements et la morcellation peut se faire plus rapidement (figure 4.8).

Coagulation

La coagulation est une étape primordiale pour réaliser la morcellation dans de bonnes conditions de visibilité et donc de sécurité, et assurer des suites opératoires simples (figure 4.5). Pour être efficace, il faut chauffer les tissus sans les vaporiser : on diminue l'énergie et la fréquence de tir du laser et on recherche une distance de tir optimale. Celle-ci doit permettre d'obtenir un blanchiment et une rétractation du tissu coagulé. On règle cette distance en s'approchant progressivement jusqu'à obtenir l'effet souhaité. La distance optimale est un légèrement inférieure à 2 mm.

Énucléation laser ou énucléation mécanique

L'énucléation mécanique permet une dissection anatomique de l'adénome et évite le plus souvent les erreurs de plan ou les perforations capsulaires (figure 4.2). Par contre, elle expose à des risques de saignement plus importants pendant ou après l'intervention. L'énucléation au laser privilégie l'hémostase mais expose à un risque accru de perforation capsulaire ou d'erreur de plan de dissection. Afin de combiner les avantages de ces deux techniques, une énucléation hybride peut être proposée alternant l'énucléation mécanique et laser en fonction de la progression de l'intervention (figure 4.4).

Pièges à éviter

Perforation sous-trigonaleLors de la dissection du plan postérieur de l'adénome, le danger est de perforer la capsule prostatique en arrière du col. Pour éviter cette difficulté, il faut prendre le temps de bien repérer le niveau du col vésical qui définit la direction de l'incision à réaliser. Lorsque la prostate est de gros volume, la direction peut être très verticale. Une bonne libération des faces latérales permet aux lobes de commencer à basculer dans la vessie, ce qui soulève la partie postérieure de la capsule prostatique en l'horizontalisant.

Points clés de la prise en charge postopératoire

  • L'irrigation est interrompue dès que possible et la sonde vésicale peut être le plus souvent retirée dès le lendemain de l'intervention.

  • L'intervention est réalisable en chirurgie ambulatoire.

Chirurgie urologique S’ouvre dans une nouvelle fenêtre © 2020, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

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