Economie de la santé par A.Beresniak et G.Duru
France | 12 août 2023
Experts en stratégies de la santé Par Monique R | 27 08 2020
L’ouvrage Économie de la santé S’ouvre dans une nouvelle fenêtre présente les enjeux de l’économie de la santé et les méthodes et outils de l’évaluation médico-économique, pour estimer la valeur des innovations en santé et rechercher aussi un équilibre entre solidarité et liberté.
Plan de l’ouvrage
Les systèmes de santé dans l'Union européenne.
La planification de la santé.
Étude de l'offre et de la demande de santé.
Les dépenses de santé.
Le contrôle des coûts.
Les méthodes et les outils de l'évaluation médico-économique.
L'environnement idéologique.
Nous vous proposons de découvrir un extrait du chapitre 4 Dépenses de santé : l'introduction et la partie Évaluation des coûts de la maladie.
Dépenses de santé
Évolution générale des dépenses de santé
Problématique des tarifications
Systèmes d’information hospitaliers
Évaluation des coûts de la maladie
Prix de la vie humaine
Introduction
La progression des dépenses de santé inquiète plus les sociétés que la progression des autres types de consommation, probablement parce que le financement de la santé, essentiellement collectif, sera de plus en plus difficile à assurer sans limites, surtout pour les États à faible croissance économique.
Si la plupart des analyses économiques dénoncent la progression constante des dépenses de santé, le secteur de la santé est un levier majeur du développement économique :
par le développement d’un secteur industriel important du médicament et des équipements médicaux qui exploite un marché favorable aux exportations ;
par l’allongement de la durée de vie active des individus qui améliore la productivité du travail ;
par le développement de nombreux emplois directement ou indirectement liés à la santé.
Évaluation des coûts de la maladie
L’évaluation des coûts de la maladie est un domaine très important de l’économie de la santé car ce concept prend en compte les conséquences globales de la maladie sur la société.
L’évaluation d’un coût par pathologie permet aussi de comparer les maladies entre elles et d’établir éventuellement des priorités dans le cadre d’une planification sanitaire.
Ce type d’étude est aussi très important pour démontrer que les dépenses de santé, si elles sont adéquates, ne constituent pas seulement des dépenses « à perte » pour la société, mais peuvent aussi être considérées comme un « investissement » financier.
Par exemple, s’il est trouvé que le coût total des maladies sexuellement transmissibles pour la société est de X euros, un programme de prévention par affichage coûtant Y euros et permettant de baisser l’incidence de la maladie de 10 % entraîne une économie pour la société de X × 10 % (qui est souvent de très loin supérieur à Y !). La société a donc potentiellement gagné (en fait elle a économisé) :
(X × 10 %) − Y euros
Coûts directs
Comme il est impossible de calculer la somme des coûts réels de chaque cas de maladie, un coût moyen ou médian par malade est souvent élaboré. Pour ce faire, une enquête très soignée doit être eff ectuée pour comptabiliser tous les coûts liés à la maladie sur un échantillon de malades.
Ces coûts directs représentent ceux des soins, des consultations, des médicaments, de l’hospitalisation, les frais de transport, etc. ; le plus délicat étant de prendre en compte aussi le coût d’amortissement des valeurs mobilières et immobilières qui ont servi plus ou moins directement pour les soins aux malades.
L’utilisation des éventuelles tarifications officielles n’est pas recommandée car celles-ci ne refl ètent que très imparfaitement les coûts réels des services. Une analyse minutieuse du temps passé par les personnels de santé et la prise en compte des coûts d’achat des fournitures et médicaments sont des moyens beaucoup plus précis que l’utilisation isolée d’un barème.
Enfin, évaluer les coûts directs par stade de la maladie suggère souvent qu’il peut être rentable de ne pas laisser une maladie chronique évoluer
Coût de l’arthrite rhumatoïde en France
Une étude* de type « coût de la maladie » a été réalisée concernant l’arthrite rhumatoïde en France tenant compte des niveaux d’activité de la maladie. Trois niveaux de la maladie ont été définis selon le score clinique DAS28 (Disease Activity Score) : DAS28 < 2,6 = rémission, DAS28 < 3,2 = faible activité et DAS28 > 3,2 = haute activité.Huit catégories de coûts ont été prises en compte : visites chez le médecin, laboratoire, hospitalisations, imagerie médicale, kinésithérapie, soins infirmiers, aides adaptatives et transport.Il a ainsi établi que les coûts à 6 mois étaient de 771 euros chez les patients en rémission, 905 euros chez les patients à faible activité de la maladie et de 1 215 euros chez les patients à forte activité de la maladie, suggérant l’intérêt économique de traiter la maladie le plus tôt possible.* Beresniak A, Gossec L, Goupille P, et al. Direct cost-modeling of rhumatoid arthritis according to disease activity categories in France. J Rheumatol 2011 ; 38(3) : 439-45.
A lire aussi : Introduction au débriefing un extrait de l'ouvrage La simulation en santé – Le débriefing clés en mains
Coûts indirects
Une maladie a un impact économique beaucoup plus important que celui des simples frais médicaux. Un patient malade est en effet presque toujours contraint de suspendre son activité professionnelle pendant une durée variable, ce qui est préjudiciable pour l’employeur et indirectement pour la société. Par ailleurs, la maladie est responsable de nombreux frais ou pertes de temps annexes pour le malade ou son entourage (frais de garde des enfants, frais de visites au patient, déplacements, etc.). Or, toutes ces dépenses doivent être prises en compte dans le coût total de la maladie. Elles constituent des coûts indirects et sont considérées par les économistes comme un véritable coût social par pertes potentielles de production.
Parallèlement à son coût médical direct, la maladie a donc un coût indirect qui est la somme exprimée en unité monétaire du travail potentiel qu’aurait pu effectuer le patient s’il n’avait pas été malade. Bien entendu, ces coûts concernent surtout les catégories de population ayant une fonction productive pour la société, c’est-à-dire la population dite active.
Plusieurs méthodes de calcul ont été proposées pour tenter d’approcher ces pertes productives liées à la maladie.
Par exemple, certaines méthodes dites du capital humain utilisent le montant du produit national brut (PNB) par tête d’habitant. Le PNB étant le montant de tout ce qui est produit dans une société en services et en biens pendant une année donnée, il est très facile d’en déduire par un calcul de prorata et d’extrapolation le montant moyen de la production par individu pendant un temps donné. Cette méthode a l’avantage d’être très simple, donc utilisable pour pratiquer des comparaisons internationales ou entre pathologies. Toutefois, elle ne détermine pas les coûts indirects réels car les maladies ne se répartissent pas toutes de la même façon dans la population et le degré d’activité n’est pas le même pour tous les malades. Une autre méthode consiste à dresser une liste la plus exhaustive possible des frais annexes inhérents à la maladie en se fondant sur le montant du salaire du malade. Les salaires horaires moyens d’une femme de ménage, d’une baby-sitter, d’un chauff eur de taxi, etc. peuvent aussi être utilisés pour évaluer la valeur du temps perdu par l’entourage du malade, pour s’occuper de l’entretien du domicile de celui-ci pendant son absence, pour garder les enfants ou pour les déplacements. Peuvent aussi entrer en compte ce que les auteurs anglo-saxons appellent les coûts intangibles . Il s’agit d’essayer d’évaluer les eff ets de la maladie sur différents aspects de la vie comme le moral du patient ou de son entourage, l’angoisse, les pertes affectives, la souffrance, l’impossibilité de pratiquer des loisirs, etc. Ces effets, liés à la perte du bien-être, sont bien réels mais sont très difficiles à évaluer en termes monétaires, ce qui explique qu’ils sont souvent oubliés dans les différentes études sur le coût des maladies, bien qu’ils soient très communément estimés en médecine légale pour estimer des dommages et intérêts.
Une des solutions utilisables pour évaluer ce pretium doloris s’inspire de certains principes de justice appliqués au temps du roi Salomon au Xe siècle avant J.-C. En effet, comme le préconise le célèbre médecin philosophe de Cordoue Maïmonide (1135-1204) : « Les juges estiment la dette d’un coupable à la hauteur de ce que la victime ou sa famille aurait été disposée à payer pour éviter le malheur causé ».
De la même façon, pour évaluer pratiquement en unités monétaires les conséquences de la maladie sur la qualité de la vie, il est possible de réaliser une enquête sur un échantillon adapté de la population étudiée. Cette enquête a pour objectif de connaître quelle somme les individus accepteraient de débourser pour éviter un eff et donné : type de souffrance donné pour sacrifier les loisirs, etc. Le montant de cette somme sera alors celui estimé pour cet effet dans le calcul des coûts indirects (méthode de la propension à payer ou willingness to pay).
Malgré les difficultés de la prise en compte effective de toutes les conséquences d’une affection pathologique, l’évaluation des coûts indirects a le mérite de prendre en compte le rôle social de l’individu et les conséquences profondes des maladies dans les sociétés.
Impossibles à calculer avec précision, ces considérations présupposent une vision de la société axée sur la production. Cette approche de la finalité de la société humaine est très discutable, mais a le mérite d’élaborer par une évaluation en termes d’argent des comparaisons de concepts aussi différents que la guérison, la souffrance, le temps, l’ennui, etc.
La somme des coûts directs et indirects représente le coût total de la maladie pour la Société . Il est possible de le calculer par patient ou par maladie dans une unité de lieu comme une région ou un pays.
Connaître le coût de chaque maladie permet de réaliser des comparaisons entre pathologies ou, pour une même pathologie, entre pays (il est recommandé d’utiliser dans ce cas une monnaie virtuelle appelée parité de pouvoir d’achat [PPR]). Une autre approche consiste à comparer les maladies par leur poids dans la société, c’est-à-dire par leur impact négatif, renvoyant à la notion anglo-saxonne de burden of disease. Des unités de mesure ont été proposées spécifiquement pour cette approche comme le DALY (disability-adjusted life years) qui sera expliqué dans un prochain chapitre.
Dans la mesure où les méthodologies utilisées sont les mêmes (ce qui est rare…), ces comparaisons sont précieuses pour cerner l’impact de la maladie dans la société ainsi que pour guider les décisions de politique sanitaire. Le concept de coût de la maladie renvoie directement à la fonction de l’individu dans la société.
Vous venez de lire un extrait de l'ouvrage Économie de la santé.
Économie de la santé © 2020 Elsevier Masson SAS Tous droits réservés.
Les auteurs Ariel Beresniak, docteur en médecine, spécialiste en santé publique et médecine sociale, docteur en sciences économiques, habilité à diriger des recherches
Gérard Duru, docteur en mathématiques, docteur ès sciences, directeur de recherche au CNRS, fondateur de la formation doctorale « Méthodes d’analyse des systèmes de santé »
Avec la collaboration de :
Jean-Paul Auray, docteur en mathématiques, docteur ès sciences, ex-directeur de recherche au CNRS.
Stéphane Bonnevay, docteur en informatique, habilité à diriger des recherches, maître de conférence à l’université Claude-Bernard Lyon 1 PolyTech, Lyon.
Michel Lamure, docteur en mathématiques, docteur ès sciences, ex-professeur des universités.
Roland Sambuc, docteur en médecine, docteur en sciences économiques, professeur d’épidémiologie, économie de la santé et prévention au CHU et à l’Université d’Aix Marseille.
Économie de la santé Ariel Beresniak et Gérard Duru ISBN 9782294769214 2020
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