Gériatrie–Gérontopsychiatrie
France | 17 juin 2019
LES CAHIERS INFIRMIERS
Par Monique R
Nous vous proposons le chapitre 6 de l'ouvrage Gériatrie-Gérontopsychiatrie S’ouvre dans une nouvelle fenêtre dans la collection LES CAHIERS INFIRMIERS.
Chapitre 6
Déshydratation
Définition
La déshydratation aiguë est un déficit volémique par déséquilibre hydro-électrolytique. En pratique, c’est un manque d’eau et/ou de sodium.
Physiopathologie
L’eau est le principal constituant de notre organisme. Elle est répartie en deux secteurs :
le secteur intracellulaire : il représente, chez le sujet âgé, 50 % de l’eau totale (60 % chez le sujet jeune). C’est l’eau contenue dans les cellules ;
le secteur extracellulaire : il représente, chez le sujet âgé, 50 % de l’eau totale (40 % chez le sujet jeune). C’est l’eau contenue dans le plasma, les liquides interstitiels, les liquides digestifs, le liquide céphalorachidien.
L’eau diffuse librement entre les deux secteurs. C’est la loi de l’osmose : il s’agit d’un transfert passif du compartiment à faible concentration vers celui à forte concentration.
Pour maintenir un bon état d’hydratation, il faut que le bilan entrée/sortie d’eau et de sodium soit nul.
L’entrée d’eau est régulée par la soif. La sortie d’eau est régulée essentiellement au niveau du rein par élimination urinaire et aussi par la respiration, la sudation, les selles.
L’entrée de sodium est majoritairement faite par les apports alimentaires : aliments et adjonction de sel. La sortie se fait principalement par les urines et la sueur excessive.
Le vieillissement diminue les capacités de réserve de l’organisme, ce qui a pour conséquence de rendre plus difficile l’adaptation de l’organisme et à le rendre plus vulnérable en cas d’agression. La soif est particulièrement altérée par le vieillissement.
A lire aussi, dans la même collection LES CAHIERS INFIRMIERS : le Chapitre 6 Hémorragie digestive de l'ouvrage Hépato-gastro-entérologie.
Classification
Déshydratation extracellulaire : déficit en sodium supérieur au déficit en eau entraînant une hémoconcentration (augmentation des protides et hématocrite).
Déshydratation intracellulaire : déficit en eau supérieur au déficit en sodium entraînant une hypernatrémie.
Déshydratation globale, c’est-à-dire extra- et intracellulaire : déficit proportionnel en eau et en sodium.
Étiologies
Déshydratation secondaire à des affections :
diarrhées ;
vomissements ;
aspiration digestive ;
brûlure ;
hyperthermie ;
diabète décompensé ;
insuffisance surrénale ;
syndrome de levée d’obstacle ;
hyperventilation.
Causes environnementales/iatrogènes :
canicule ;
diurétiques, laxatifs, préparation coloscopie ;
jeûne pour examen/chirurgie ;
régime sans sel (inutile chez le sujet âgé).
Causes fonctionnelles :
mobilité réduite (arthrose, fracture, AVC, diminution de la capacité visuelle, contention, diminution des capacités cognitives…) ;
inconscience, coma ;
difficulté de coordination des gestes ;
troubles de la déglutition.
Degré de gravité
Les degrés de gravité de déshydratation sont présentés dans le tableau 6.1.
Tableau 6.1 Degrés de gravité de la déshydratation
Déshydratation mineure | Déshydratation modérée | Déshydratation sévère | |
---|---|---|---|
Perte pondérale | < 5 % | 5 à 10 % | > 10 % |
État général | Sensation de soif | Irritabilité, confusion | Asthénie générale, somnolence |
Fréquence cardiaque | Pouls normal | Pouls rapide | Pouls rapide et faible |
Respiration | Normale | Profonde | Profonde et rapide |
Pression artérielle | Normale | Normale | Basse |
Diurèse | Légèrement réduite | Réduite | Aucune |
Bouche | Légèrement sèche | Sèche | Très sèche |
Yeux | Normaux | Enfoncés | Très enfoncés |
L’examen de la peau (recherche du pli cutané) n’a pas de valeur chez le sujet âgé, car il a une perte de l’élasticité physiologique. Chaque sujet âgé a un pli cutané quel que soit son état d’hydratation.
Signes cliniques
Les variations de l’eau totale peuvent être appréciées dans la pratique clinique en suivant simplement l’évolution de la courbe de poids.
Signes cliniques de déshydratation extracellulaire :
cernes oculaires ;
baisse de la pression artérielle ;
accélération de la fréquence cardiaque ;
baisse du poids.
Signes cliniques de déshydratation intracellulaire :
muqueuses sèches ;
soif intense ;
hypotonie des globes oculaires ;
hyperthermie ;
somnolence.
Signes de gravité = état de choc hypovolémique :
hypotension artérielle ;
tachycardie : phénomène d’adaptation visant à améliorer le transport en oxygène ;
polypnée (tachypnée) : phénomène d’adaptation visant à améliorer le transport en oxygène ;
marbrures : liées à une diminution du débit sanguin cutané ;
froideur des téguments : liée à une diminution du débit sanguin cutané ;
cyanose : liée à une diminution du débit sanguin cutané ;
oligurie : liée à une diminution du débit sanguin rénal ;
sueurs : phénomène d’adaptation ;
trouble de la conscience (angoisse, agitation, désorientation, délire, somnolence, coma) : lié à une réduction du débit sanguin cérébral.
Examens complémentaires
Ionogramme sanguin :
la natrémie est le marqueur du secteur intracellulaire. La norme est entre 135 et 145 mmol/L ; au-delà de 145 mmol/L, il y a déshydratation ;
les protides sont le marqueur du secteur extracellulaire. Une augmentation des protides par rapport au bilan précédent est en faveur d’une hémoconcentration = déshydratation ;
fonction rénale = créatinine et urée, À la recherche d’insuffisance rénale (élévation des paramètres).
Numération formule sanguine (NFS) : recherche une augmentation de l’hématocrite.
Glycémie : l’hyperglycémie entraîne une augmentation de la natrémie vraie, il est donc nécessaire de tenir compte de la glycémie pour connaître la « vraie » natrémie du patient. Correction à l’aide de la formule suivante : Nac = Namesurée + 0,3 x (G - 5) si Gly en mmol/L.
Complications
Les complications sont croissantes en fonction de l’importance de la déshydratation et le terrain sous-jacent de fragilité du patient. Ce sont la soif, l’insuffisance rénale aiguë, les convulsions, le coma ou le choc hypovolémique.
L’infirmier(e) joue un rôle crucial de prévention, de dépistage et de thérapeutique auprès de cette population (encadré 6.1). ENCADRÉ 6.1
Démarche clinique infirmière
Déshydratation
Rôle propre infirmier
Assurer les apports quotidiens suffisants et adaptés
Assurer des apports liquidiens de 1,5 L/jour, adaptés aux goûts du patient (sirop, jus de pomme…) en petite quantité, avec stimulation fréquente.
Laisser la carafe à portée de main.
Privilégier l’eau pétillante ou l’eau gélifiée en cas de troubles de la déglutition.
Travailler en collaboration avec l’ergothérapeute pour optimiser l’environnement (plateau antidérapant, verre avec anse, grosse fourchette…).
Détecter les situations à risque
L’accès à l’eau est plus complexe en cas de mobilité réduite, troubles de conscience, jeûne…
Augmenter les apports en cas de température extérieure élevée, fièvre, prise de laxatifs ou diurétiques…
Repérer les signes cliniques précoces de déshydratation
Soif, bouche sèche, diminution de la diurèse…
Surveiller le poids.
Quantifier la diurèse si possible (souvent ce n’est pas réalisable).
Alerter en cas de modification de comportement.
Repérer les signes de gravité
Hypotension artérielle, tachycardie, polypnée, marbrures, cyanose, oligurie, sueurs, trouble de conscience.
Alerter immédiatement en cas de présence de ces signes.
Rôle infirmier sur prescription médicale
Prise en charge diagnostique : ionogramme sanguin, urée, créatininémie.
Prise en charge étiologique.
Réhydratation : - orale : faire boire ; - intraveineuse : la quantité nécessaire est calculée en fonction du déficit hydrique. Pour cela, le poids et la natrémie sont nécessaires.
Prévention de la récidive : perfusion sous-cutanée.
Perfusion sous-cutanée
Elle permet un apport limité d’hydratation, elle a donc un rôle essentiellement de prévention de la déshydratation. Elle se réalise sur prescription médicale (figure 6.1 et encadré 6.2).
Figure 6.1 Pose d’une perfusion sous-cutanée. Source : Dr Baudry.
ENCADRÉ 6.2
Protocole de soins
Perfusion sous-cutanée
Avant la pose
►Informer le patient en expliquant le déroulement et l’intérêt du geste.
►Désinfecter la peau avec de l’alcool.
► Utiliser des solutés type glucose 5 % : ceci évite douleur, nécrose. ► Il est formellement contre-indiqué d'injecter du potassium par voie sous-cutanée. Le risque de nécrose est majeur. ► Ne pas ajouter de médicaments au soluté de réhydratation.
La pose
Poser la perfusion sur les sites adaptés. Les sites d’injection privilégiés sont :
►la face antérieure de l’abdomen ;
► les flancs ;
► la face antérieure des cuisses ;
►le site interscapulaire : il peut être intéressant chez le sujet confus, afin d’éviter d’arracher le dispositif.Il faut éviter de piquer dans des zones œdématiées ou des zones où l’hypoderme est trop mince.Il est nécessaire d’assurer une rotation des sites d’injection.Bien connaître les contre-indications de ce geste. La perfusion sous-cutanée est contre-indiquée en cas de :►troubles majeurs de la coagulation ;►infections diffuses.La pratiquer avec prudence chez les patients sous anticoagulant, selon l’Observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (OMEDIT). C’est-à-dire qu’il faut bien comprimer après le retrait du cathlon.
Après la pose
Surveiller le bon déroulement de la perfusion :
►absence de fuite ou de reflux ;
►surveillance de l’état cutané local ;
► régler le débit. Le débit maximum est de 1,5 L/24 h ou 1 L/12 h, ceci limite donc la quantité de réhydratation possible ;
► maintien de la bonne position du cathéter.
Retirer la perfusion en cas de signe de mauvaise tolérance. Les signes de mauvaise tolérance sont :
► douleur ;
► rougeur ;
► crépitement à la palpation ;
► hématome.
En cas de douleur ou d’œdème, il est recommandé d’adapter la vitesse de perfusion (un petit gonflement après la pose est normal).
Changer le cathlon au maximum dans les 6 jours.
Pour la pratique, on retiendra
■ Identifier les situations à risque de déshydratation : troubles cognitifs, perte de mobilité, affection aiguë, jeûne, forte chaleur, diarrhées, vomissements. ■ Assurer les apports quotidiens, adaptés aux goûts du patient, en petite quantité, avec stimulation fréquente. ■ Lutter contre la fièvre et la chaleur. ■ Dépister les troubles de déglutition et adapter les textures. ■ Surveiller le poids. ■ Alerter en cas de modification de comportement.
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Gériatrie–Gérontopsychiatrie © 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
Les cahiers infirmiers Sous la direction de Gabriel Perlemuter, professeur des universités-praticien hospitalier et Laurence Rousseau-Pitard, cadre de santé paramédical infirmier. À la mémoire de Léon Perlemuter et Jacques Quevauvilliers.
Auteur
Christiane Verny Praticien hospitalier, service de gériatrie, hôpital Bicêtre, AP-HP, Le Kremlin-Bicêtre
Geriatrie-Gerontopsychiatrie Les Cahiers Infirmiers Christiane Verny ISBN: 9782294758935 Paru le 5 juin 2019 En savoir plus S’ouvre dans une nouvelle fenêtre LES CAHIERS INFIRMIERS Bonnes pratiques infirmières en fiches Voir les articles de la rubrique IFSI/Infirmier