Recommandations et indications thérapeutiques des traitements interventionnels des varices des membres inférieurs
France | 13 février 2023
Par Anne-Claire N.
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Recommandations et indications thérapeutiques des traitements interventionnels des varices des membres inférieurs
V. Crébassa, O. Hartung
Vincent Crébassa Médecin vasculaire, service de chirurgie vasculaire, CHU Nord, Marseille.Service de médecine vasculaire, Clinique du Millénaire, Montpellier. Olivier Hartung Chirurgien des hôpitaux, service de chirurgie vasculaire, CHU Nord, Marseille
Les affections veineuses chroniques (AVCh) recouvrent les stades cliniques 1 à 6 de la classification CEAP (voir chapitre 6), et l'insuffisance veineuse chronique recouvre uniquement les stades 3 à 6. La maladie veineuse représente toutes les anomalies chroniques veineuses responsables de symptômes ou de signes.
Le stade (C0s) est symptomatique sans signe clinique visible. Il démontre que cette maladie débute sans varice ni stase, sans anomalie valvulaire ou pariétale ni reflux. Les varices ne seraient alors que la conséquence d'un autre mécanisme lié à un mauvais renouvellement de l'élastine pariétale veineuse du fait d'un emballement de sa dégradation physiologique par la métalloprotéase matricielle (matrix metalloproteinase ou MMP) de type 3 [1]. L'élastine est alors remplacée partiellement mais inéluctablement par du collagène (fibre plus résistive), expliquant la perte d'élasticité et la transformation de la veine en varice. Cette augmentation des MMP3 est retrouvée chez les patients variqueux, tant dans leurs parois veineuses que dans leur peau [2].
Les dernières recommandations internationales préconisent les veinotoniques qui ont une action régulatrice sur l'excès d'action des MMP3 à l'instar des pansements (nano-oligosaccharide factor ou NOSF) qui bloquent la cascade des MMP par application locale. Ces veinotoniques (flavonoïdes et extraits de ruscus) préviendraient le développement et la progression des AVCh [3].
Nous rappelons ici l'utilité de la compression, tant à visée antalgique que pour la prévention des complications, telle la thrombose à tous les stades de l'AVCh ; elle peut être une alternative à toutes les thérapeutiques interventionnelles (figure 8.1). Nous rappelons qu'en cas de reflux antérograde (voir chapitre 7) il est indiqué de conserver les axes saphènes avec des traitements sélectifs : ablation sélective des varices sous anesthésie locale (ASVAL), cure conservatrice hémodynamique de l'insuffisance veineuse ambulatoire (CHIVA), échosclérose liquide ou mousse (voir chapitre 10).
Indications thérapeutiques des traitements interventionnels
Recommandations de la pertinence des soins par les sociétés de médecine vasculaire pour les traitements endovasculaires thermiques et chimiques des varices saphènes et de leurs récidives [4]
Les diamètres de référence sont les diamètres internes mesurés à mi-cuisse pour la grande veine saphène (GVS) ou à mi-mollet pour la petite veine saphène (PVS), en dehors de toute ectasie, en coupe transversale, patient en position debout. Toutes ces procédures doivent être réalisées avec l'échographie aussi bien en pré- qu'en per- ou post-thérapeutique immédiate. Un traitement par échosclérothérapie doit être accompagné d'un compte rendu comportant :
le(s) site(s) d'injection ;
le type et la forme de sclérosant utilisé ;
la (les) concentration(s) ainsi que les volumes de sclérosant injectés ;
une imagerie de la varice traitée juste avant la procédure et immédiatement après. Un diamètre supérieur à 8 mm doit faire proposer en première intention une ablation thermique si elle est réalisable, mais une échosclérothérapie reste possible selon le contexte avec un taux d'occlusion définitive inférieur (tableau 8.1).
Un diamètre de moins de 4 mm doit faire proposer en première intention une échosclérothérapie à la mousse si elle est réalisable. Une ablation thermique reste une option possible bien que significativement plus onéreuse.
En cas de contre-indication à la mousse, l'ablation thermique doit être préférée si elle est réalisable.
La forme mousse est préférée à la forme liquide pour les traitements des varices saphènes ou de leurs récidives (sauf cas particuliers et contre-indications). En cas de haut risque thrombotique (épisodes thromboemboliques répétés, thrombophilies sévères connues, cancer actif et état d'hypercoagulabilité), il est préférable de proposer une ablation thermique si elle est réalisable ; l'échosclérothérapie reste possible selon le contexte, mais un rapport bénéfice–risque individuel doit être évalué et une thromboprophylaxie adaptée doit être effectuée.
Il n'y a pas lieu de proposer une chirurgie conventionnelle (crossectomie éveinage par stripping), sauf dans de très rares exceptions en cas de volumineuses ectasies dysmorphiques du tronc et/ou de la jonction saphène. La chirurgie mini-invasive sous anesthésie locale ou par tumescence n'est pas concernée par cette recommandation. En cas de traitement par échosclérothérapie, deux échecs consécutifs du traitement initial d'une GVS ou un échec du traitement initial d'une PVS doivent conduire à réévaluer la situation et les solutions thérapeutiques alternatives en connaissance de la balance bénéfice–risque.
En cas de traitement par ablation thermique par laser ou radiofréquence, l'anesthésie locale par tumescence est obligatoire. L'anesthésie générale ou locorégionale (rachia-nesthésie ou bloc crural) est contre-indiquée, sauf rares exceptions pour lesquelles la tumescence échoguidée reste obligatoire.
En cas d'ablation thermique de la PVS, il est préférable d'utiliser un laser endoveineux en première intention, la radiofréquence segmentaire 7 cm est déconseillée. La radiofréquence bipolaire ou monopolaire et la radiofréquence segmentaire 3 cm sont des options possibles.
Recommandations de la pertinence des soins par la Société européenne de chirurgie vasculaire pour les traitements des varices saphènes et de leurs récidives [5]
La Société européenne de chirurgie vasculaire préconise le traitement interventionnel des patients C2s (recommandation de classe I, niveau B) et des patients C4-6 (classe I, niveau C). Chez les patients C3, il convient d'éliminer auparavant les autres causes d'œdème (classe IIa, niveau C). Leurs recommandations sont les suivantes :
une prise en charge par technique thermique en première intention (classe I, niveau A) sans différence entre laser endoveineux et radiofréquence (classe I, niveau B) ;
échosclérose à la mousse (ESM) en cas de diamètre inférieur à 6 mm (classe IIb, niveau B) : une efficacité plus faible a été rapportée avec l'ESM chez les patients avec une GVS > 6 mm que chez ceux avec une GVS < 6 mm (mesuré à mi-cuisse, en position debout) ; les auteurs reconnaissent cependant que les techniques de mousse n'étaient pas pratiquées de façon optimale ni similaire dans les études retenues pour cette recommandation (figure 8.2)
crossectomie associée a une ablation thermique (AT) si le diamètre à proximité de la jonction saphénofémorale (JSF) est de 30 mm ou plus ;
la colle peut être utilisée jusqu'à un diamètre de 20 mm pour GVS, PVS et veine saphène accessoire antérieure de cuisse (VSAAC) mais le taux de recanalisation s'accroît après 8 mm ainsi que les moignons résiduels. Ainsi, chez les patients présentant une incompétence veineuse superficielle d'un tronc saphène nécessitant un traitement, la fermeture par colle doit être envisagée lorsqu'une technique non thermique non tumescente est préférée (classe IIa, niveau A) comme alternative aux techniques thermiques ;
le bénéfice de la technique MOCA (mechanochemical ablation) n'est pas encore formellement établi, mais elle peut être utilisée, si une technique non thermique non tumescente est préférée (classe IIb, niveau A). Les résultats d'occlusion à 3 ans sont inférieurs aux AT ;
la chirurgie par stripping ± crossectomie ne doit être envisagée qu'en cas de non-disponibilité des techniques endoveineuses thermiques (classe IIa, niveau A).Le traitement par voie endoveineuse, avec ou sans phlé-bectomies, devrait être réalisé en ambulatoire (classe I, niveau C).
Concernant la PVS, le traitement par AT constitue la technique de référence (classe I niveau A) en évitant les lésions nerveuses (classe I, niveau B) (figure 8.3).
Pour traiter la VSAAC, peuvent être envisagées les techniques d'AT (classe IIa, niveau C) aussi bien que l'ESM (classe IIb, niveau C) (figure 8.4).
Phlébectomies synchrones ou différées ? La Société européenne de chirurgie vasculaire recommande un traitement simultané des collatérales superficielles lors du traitement de la VSAAC (classe IIa, niveau B). Dans les autres cas, ces phlébectomies peuvent être différées si les varices ne sont pas trop importantes, aucun diamètre n'étant fixé à ce jour. Rappelons ici la nécessité d'une évaluation hémodynamique du reflux avant tout traitement, car en cas de reflux antérograde, il n'est pas nécessaire de traiter la saphène en premier. En cas de reflux rétrograde, le tronc saphène alimente les collatérales qui, si elles ne sont pas trop volumineuses et anciennes, pourront diminuer de diamètre et retrouver leur continence (voir chapitre 7). Concernant les récidives, un traitement par AT ou ESM est préféré (classe IIa, niveau B) et l'exploration chirurgicale n'est pas recommandée (classe III, niveau B). En l'absence de reflux tronculaire, un traitement par ESM ou phlébectomies est préféré (classe IIa, niveau C).
Conclusion
Ces recommandations ne tiennent compte que des diamètres des varices saphènes et uniquement de ceux-ci. Elles ne tiennent pas compte des nuances hémodynamiques des reflux, notamment des reflux antérogrades qui ne nécessitent pas de traitement des saphènes mais uniquement de leurs collatérales. Toutes les limites et règles énoncées sont cependant pondérées par l'expérience du praticien dans chaque pratique. Il faut noter que les techniques d'ablation par voie endo-veineuse et d'ESM sont globalement plus recommandées que la chirurgie traditionnelle. En débutant, il est donc fondamental de respecter ces recommandations et de justifier tout changement de décision par un raisonnement médical construit, le choix du patient et une expérience spécifique de la technique choisie.
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Références
[1] Sansilvestri-Morel P, Rupin A, Badier-Commander C, Kern P, Fabiani JN, Verbeuren TJ, Vanhoutte PM. Imbalance in the synthesis of col-lagen type I and collagen type III in smooth muscle cells derived from human varicose veins. J Vasc Res 2001 ;38. 560-56. [2] Sansilvestri-Morel P, Fioretti F, Rupin A, enni K, Fabiani JN, Godeau G, Verbeuren TJ. Comparison of extracellular matrix in skin and saphenous veins from patients with varicose veins: does the skin reflect venous matrix changes? Clinical Science 2007 ;112:229–39. [3] Nicolaides AN, Allegra C, Bergan J, Bradbury A, Cairols M, Carpen-tier P, et al. Management of chronic venous disorders of the lower limbs. Int Angiol 2008 ;27(1):1–59. [4] Hamel-Desnos C, Miserey G. Choosing wisly summury for chemical of thermal ablation in the treatment of incompetent saphenous veins and recurrences. Phlebologie 2018 ;71(4):11–2. [5] De Maeseneer MG, Kakkos SK, Aherne T, Baekgaard N, Black S, Blomgren L, et al. Editor's Choice - European Society for Vascular Surgery (ESVS) 2022 Clinical Practice Guidelines on the Manage-ment of Chronic Venous Disease of the Lower Limbs. Eur J Vasc Endovasc Surg 2022 ;63(2):184–267.