Tumeurs orbitaires de l’enfant
France | 27 septembre 2022
Par Anne-Claire N.
Nous vous proposons de découvrir un extrait de l'ouvrage Imagerie de l'orbite, du labyrinthe membraneux et de la base du crâne S’ouvre dans une nouvelle fenêtre
Tumeurs orbitaires de l’enfant
Monique Elmaleh, service d’imagerie pédiatrique, hôpital Robert Debré, Paris.
Les tumeurs orbitaires de l’enfant ont des étiologies qui diffèrent de celles de l’adulte mais également en fonction de l’âge de l’enfant. Chez le nouveau-né et le nourrisson, les processus occupants d’origine malformative et d’origine vasculaire prédominent ; chez l’enfant plus grand, les tumeurs malignes (rhabdomyosarcome) sont plus fréquentes et doivent systématiquement être évoquées devant une lésion rapidement évolutive. L’imagerie a un rôle majeur, notamment le couple échodoppler couleur (EDC) et IRM, dans le diagnostic et la prise en charge.
Techniques d’imagerie
Échodoppler couleur
Idéale chez l’enfant, non irradiante et, pour l’orbite, ne nécessitant le plus souvent pas de sédation, l’échographie est utilisée en premier dans les lésions superficielles et est souvent suffisante. Elle permet de différencier les lésions solides des lésions kystiques, d’analyser leur vascularisation et leur éventuel retentissement sur les vaisseaux intra-orbitaires. Elle utilise des sondes de haute fréquence de 10 à 20 MHz.
Tomodensitométrie
Elle ne nécessite pas de sédation après 3-4 ans, elle est disponible plus facilement et de réalisation rapide. Elle permet l’analyse des parois osseuses et la recherche de calcifications, d’air ou de graisse, intralésionnels, mais en pratique, son rôle tend à diminuer, l’IRM permettant une bonne discrimination tissulaire, de déceler des infiltrations osseuses avant la TDM et l’échographie permettant la détection des calcifications. Lorsque la TDM est indiquée, les constantes doivent être adaptées pour une irradiation minimale. Des reconstructions multiplanaires axiales, coronales et sagittales dans l’axe de l’orbite aident à la localisation des processus occupants.
Imagerie par résonance magnétique
Elle nécessite toujours une sédation avant l’âge de 5 ans. Ses avantages sont la meilleure discrimination tissulaire, une évaluation plus précise de l’atteinte orbitaire (nerf optique en particulier), des atteintes intracrâniennes éventuelles (méningées, parenchymateuses, vasculaires). Les antennes « crâne » multicanaux permettent une résolution spatiale suffisante pour l’étude orbitaire. Les séquences avec suppression de graisse (ou bien les séquences Dixon) avant et après injection sont indispensables. L’analyse des parois orbitaires doit tenir compte du signal de la moelle osseuse des structures osseuses du massif facial, qui varie au cours de la croissance du fait de la transformation de la moelle osseuse hématopoïétique en moelle graisseuse. Une atteinte osseuse perméative peut être détectée beaucoup plus précocement en IRM qu’en TDM.
Tumeurs orbitaires
Ce chapitre détaille les principales tumeurs du contenu et des parois orbitaires à l’exclusion des tumeurs de l’œil, traitées au chapitre 2.
Lésions congénitales
Kystes dermoïdes et épidermoïdes
Les kystes dermoïdes et épidermoïdes sont des choristomes situés le plus souvent au contact d’une suture. Leur localisation la plus fréquente est le canthus supéroexterne, réalisant l’aspect caractéristique de « kyste de la queue du sourcil ». Dans cette localisation, leur diagnostic clinique est rapidement évoqué. L’imagerie a pour but de confirmer le caractère avasculaire de lésion, de la délimiter et d’apprécier son retentissement sur l’os adjacent. Pour les lésions superficielles, l’échographie est le plus souvent suffisante. L’échostructure est variable, pouvant correspondre à une lésion homogène, échogène, hyperéchogène ou hypoéchogène par rapport à la graisse environnante, ou bien à une lésion discrètement hétérogène avec des zones kystiques intralésionnelles, ou encore à une lésion entièrement anéchogène (fig. 8.1). Une déformation osseuse sous-jacente peut être présente, si l’os reste continu, aucune imagerie n’est nécessaire. Si la lésion apparaît mal limitée (fig. 8.2) et/ou avec une interruption de l’os sous-jacent, alors une imagerie en coupes doit être proposée, de préférence l’IRM pour rechercher une extension intra-orbitaire ou intracrânienne. De même, si la localisation des lésions est inhabituelle, dans le canthus supéro-interne, quand le diagnostic avec une méningocèle ou méningoencéphalocèle se pose, une IRM complémentaire est indiquée. En IRM, ces lésions apparaissent hypo-intenses en T1, hyperintenses en T2, en diffusion, elles présentent un coefficient de diffusion (ADC) variable en fonction de la proportion des différents composants (kératine, cholestérol, follicules pileux, glandes sébacées) et ne se rehaussent pas après injection. Certains kystes sont entièrement intra-orbitaires, responsables d’une exophtalmie et d’une déformation pariétale lentement évolutive.
Kystes colobomateux
Ce sont des kystes malformatifs correspondant à un défaut de fermeture de la vésicule optique pendant l’embryogenèse. Ils s’accompagnent d’une microphtalmie, et sont situés le plus souvent dans l’angle inféro-interne de l’orbite du fait de leur origine ; ce caractère est difficile à apprécier pour les kystes très volumineux (fig. 8.3). L’échographie fait le diagnostic devant un kyste rétrobulbaire associé à une microphtalmie, l’IRM permet de rechercher également des anomalies intracrâniennes associées, notamment de la ligne médiane. Ces kystes sont le plus souvent laissés en place, contribuant à la croissance harmonieuse du massif facial, malgré la microphtalmie.
Tératomes
Ce sont des tumeurs germinales congénitales le plus souvent volumineuses dès la naissance, dont le diagnostic est parfois fait en anténatal (fig. 8.4). L’IRM montre la présence de graisse et de calcifications dans cette lésion qui se rehausse de façon hétérogène, variable après injection.
Lésions vasculaires
L’hémangiome capillaire et le lymphangiome sont les deux lésions vasculaires orbitaires les plus fréquentes chez l’enfant.
Hémangiomes capillaires
L’hémangiome capillaire est une tumeur vasculaire bénigne, selon la classification de l’ISSVA, et la tumeur orbitaire bénigne la plus fréquente chez l’enfant ; dans un tiers des cas, elle est présente à la naissance, mais elle se manifeste le plus souvent quelques semaines après la naissance. Son évolution est bien connue : elle croît pendant la 1re année de vie avant de spontanément régresser, l’involution étant généralement complète entre 5 et 7 ans. Quand elle se manifeste par une tuméfaction superficielle du pourtour orbitaire et/ou de la paupière, l’échographie est le premier examen réalisé. Celle-ci montre une lésion échogène, hypervascularisée avec, en doppler, un index de résistance bas (fig. 8.5A et 8.5B) [1]. L’examen recherche une extension lésionnelle intra-orbitaire rétrobulbaire et l’EDC étudie le retentissement sur les vaisseaux intra-orbitaires : artère ophtalmique et veine ophtalmique supérieure. Quand la lésion est superficielle, bien délimitée par l’échographie, cet examen et suffisant. En cas d’extension intra-orbitaire, l’IRM est nécessaire, montrant une lésion intra et ou extra-conique, isoéchogène au muscle en T1, hyperéchogène en T2 présentant de nombreuses structures « vides de signal » correspondant aux vaisseaux à flux rapide, et qui prend fortement le contraste (fig. 8.5C et 8.5D). Les lésions rétrobulbaires peuvent s’accompagner d’un agrandissement de l’orbite. L’IRM recherche également des lésions intracrâniennes, pouvant témoigner d’un syndrome PHACE (hémangiome facial, anomalies de la fosse postérieure et anomalies des artères cérébrales). Cette tumeur régresse spontanément, ne nécessitant pas de traitement. Cependant, le risque lié à l’augmentation du volume tumoral, pendant la phase de croissance de l’hémangiome, est la survenue d’une amblyopie due soit à l’occlusion palpébrale, soit à une déviation oculaire, soit encore à un étirement du nerf optique par évolution rapide d’une exophtalmie. Le traitement repose alors sur le propranolol, instauré en milieu hospitalier.
Lymphangiomes
Ce sont des malformations vasculaires, dont le diagnostic peut également avoir été fait en anténatal. Cette tumeur vasculaire n’a pas de tendance à la régression et peut présenter des poussées inflammatoires et des saignements intrakystiques. Ceci peut être responsable d’une exophtalmie brutale, avec un risque d’étirement du nerf optique (fig. 8.6). L’IRM est l’examen de choix montrant une lésion plurikystique pouvant présenter des niveaux liquide/liquide en rapport avec des saignements intrakystiques, s’accompagnant d’un agrandissement de l’orbite et pouvant s’étendre à la fosse infratemporale ou en intracrânien. L’injection de produit de contraste montre un rehaussement des parois kystiques et d’une éventuelle composante veineuse. L’IRM recherche également la présence d’une anomalie veineuse de développement intracrânienne qui peut être associée à ces lésions, souvent située dans la fosse postérieure.
Imagerie de l'orbite, du labyrinthe membraneux et de la base du crâne S’ouvre dans une nouvelle fenêtre © 2022, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
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Les auteurs de cet ouvrage
Francis Veillon Professeur des universités, praticien hospitalier, service d’imagerie médicale 2, hôpital de Hautepierre, CHRU de Strasbourg Augustin Lecler Maître de conférences des universités, praticien hospitalier, service de radiodiagnostic et imagerie médicale, hôpital Fondation Adolphe de Rothschild, Paris Arnaud Attyé Praticien hospitalier, service de neuro-imagerie et d’IRM, hôpital Michallon, CHU Grenoble Alpes, laboratoire GeodAIsics, Grenoble Anne-Laure Gaultier Praticien hospitalier, service d’imagerie, hôpital européen Georges Pompidou, Paris
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